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12/10/2018 | LUXEMBOURG | N°41773

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 octobre 2018, 41773


Tribunal administratif N° 41773 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 octobre 2018 1re chambre Audience publique extraordinaire du 12 octobre 2018 Recours formé par Monsieur …, alias …, alias …, alias …, alias …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120. L.29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 41773 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 4 octobre 2018 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tabl

eau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, alias …, alias …, alias …,...

Tribunal administratif N° 41773 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 octobre 2018 1re chambre Audience publique extraordinaire du 12 octobre 2018 Recours formé par Monsieur …, alias …, alias …, alias …, alias …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120. L.29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 41773 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 4 octobre 2018 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, alias …, alias …, alias …, alias …, déclarant être né le … à … (Irak), et être de nationalité irakienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 25 septembre 2018 décidant son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de sa notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 8 octobre 2018 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan Fatholahzadeh et Monsieur le délégué du gouvernement Luc Reding en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 octobre 2018.

Il ressort d’un procès-verbal de la police grand-ducale référencé sous le numéro SPJ/CO/2018/70649/1/GURO du 25 septembre 2018, qu’à cette date, Monsieur …, alias …, alias …, alias …, alias …, fut interpellé par les forces de l’ordre à …, …, …, alors qu’il se trouvait, ensemble avec 10 autres personnes, à l’arrière d’un poids lourd immatriculé en Hongrie. Il s’avéra lors de ce contrôle policier que Monsieur …ne put présenter de documents d’identité en cours de validité.

Par arrêté du 25 septembre 2018, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre de l'Immigration et de l'Asile, ci-après désigné par « le ministre », constata le séjour irrégulier de Monsieur …sur le territoire luxembourgeois, lui ordonna de quitter le territoire sans délai à destination du pays dont il a la nationalité qui resterait à déterminer, ou à destination du pays qui lui aura délivré un document de voyage en cours de validité, ou à destination d’un autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner.

1 Par arrêté séparé du même jour, lui notifié également en mains propres le même jour, Monsieur …fit l'objet d'une mesure de placement au Centre de rétention pour la durée d'un mois à compter de sa notification. Cet arrêté est fondé sur les motifs et considérations suivants :

« (…) Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu les rapports no 2018/34657/5282/SE et no SPJ/CO/2018/70649/1/GURO du 25 septembre 2018 établi[s] par la police grand-ducale ;

Vu ma décision de retour du 25 septembre 2018 ;

Attendu que l'intéressé est démuni de tout document d'identité et de voyage valable ;

Attendu que l'intéressé s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ;

Attendu que l'intéressé n'est pas disposé à retourner volontairement dans son pays d'origine ;

Attendu qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse au Grand -Duché de Luxembourg ;

Attendu que l'intéressé a précédemment introduit une demande de protection internationale en Suède en date du 4 novembre 2015 ;

Attendu que l'intéressé évite et empêche la préparation du retour et la procédure d'éloignement ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».

Suite à une recherche effectuée dans la base de données EURODAC confirmant que l’intéressé avait déjà déposé auparavant une demande de protection internationale en Suède en date du 4 novembre 2015, les autorités luxembourgeoises sollicitèrent le 26 septembre 2018 de la part des autorités suédoises la prise, voire la reprise en charge de Monsieur …sur base des articles 20, paragraphe (5), 24, paragraphe (1) et 28, paragraphe (3), du règlement (UE) 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après le « règlement Dublin III », laquelle demande fut acceptée par les autorités suédoises en date du 28 septembre 2018 sur base de l’article 18, paragraphe (1), point d), du règlement Dublin III.

Par arrêté du 3 octobre 2018, et au vu de l’acceptation de reprise en charge par les autorités suédoises, le ministre décida de transférer Monsieur …dans les meilleurs délais vers la Suède.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 4 octobre 2018, Monsieur …a fait introduire un recours tendant à la réformation de l’arrêté ministériel, précité, du 25 septembre 2018 ayant ordonné son placement en rétention pour une durée d’un mois à partir de sa notification.

2 Etant donné que l’article 123, paragraphe (1), de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit en l’espèce, qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours et après avoir exposé les faits et rétroactes gisant à la base de l’arrêté ministériel déféré, le demandeur invoque de prime abord une violation du principe de proportionnalité en ce que la mesure de placement et les moyens utilisés pour y parvenir seraient disproportionnés par rapport au but poursuivi. Il précise, ensuite, que le fait d’être retenu au Centre de rétention depuis le 25 septembre 2018 serait largement démesuré au vu l’acceptation de reprise en charge des autorités suédoises du 28 septembre 2018.

Le demandeur reproche, enfin, à l’autorité ministérielle de ne pas avoir satisfait à l’exigence prévue par la loi d’entreprendre « toutes les démarches nécessaires en vue d’assurer que la mesure d’éloignement puisse être exécutée sans retard, dans les délais les plus brefs », de sorte que les conditions légales pour son maintien au Centre de rétention ne seraient pas remplies en l’espèce, ce d’autant plus que les autorités suédoises auraient marqué leur accord de le reprendre en charge.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé.

En vertu de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 ou d’une demande de transit par voie aérienne en vertu de l’article 127 ou lorsque le maintien en zone d’attente dépasse la durée de quarante-huit heures prévue à l’article 119, l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) » et de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « (…) La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées 3auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise ou de réadmission de l’intéressé. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour la durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Il n’est pas contesté en l’espèce que le demandeur ne dispose ni d’un passeport ou d’un document de voyage valable, ni d’un visa, ni d’une autorisation de séjour ou de travail en cours de validité, de sorte qu’il se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg. De ce fait, il a fait l’objet d’une décision de retour en date du 25 septembre 2018, décision qui ne fait pas l’objet du présent recours. En vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c) de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel le risque de fuite est présumé plus particulièrement si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi, respectivement s’il ne peut pas justifier de la possession de documents d’identité ou de voyage et s’il se trouve donc en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois, le risque de fuite est dès lors présumé dans le chef du demandeur sans qu’il ne se dégage du dossier soumis au tribunal des éléments permettant de renverser la présomption du risque de fuite dans son chef. Le fait que le demandeur ne dispose ni d’une adresse fixe ni de quelconques attaches au Luxembourg est, au contraire, de nature à renforcer cette présomption dans son chef, qui ne saurait pas non plus être renversée par l’affirmation du demandeur, dans un courrier du 4 octobre 2018, qu’il souhaite retourner en Suède dans les meilleurs délais.

Il s’ensuit que le ministre a valablement, sur base de l’article 120 (1), précité, de la loi du 29 août 2008, pu placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement et que le moyen du demandeur tiré du caractère prétendument disproportionné de la mesure de placement litigieuse est à rejeter pour ne pas être fondé.

S’agissant ensuite des contestations du demandeur relatives aux diligences accomplies par le ministre en vue de l’organisation de son éloignement, ainsi que de son argumentation ayant trait à la durée excessive de son placement en rétention, le tribunal constate qu’en date du 26 septembre 2018, soit le lendemain de son placement en rétention, les autorités luxembourgeoises ont, au vu de l’introduction de sa demande de protection internationale en Suède le 4 novembre 2015, adressé aux autorités suédoises une demande de reprise en charge du demandeur, demande qui a été acceptée par les autorités compétentes le 28 septembre 2018.

Dès le 3 octobre 2018, soit le jour même de la décision du ministre de transférer le demandeur à destination de la Suède, la direction de l’Immigration a adressé au service de la Police judicaire, section criminalité organisée – police des étrangers, une demande de procéder à l’organisation du transfert du demandeur, tout en les informant que ledit transfert ne pourra avoir lieu avant le 22 octobre 2018 en application de l’article 27, paragraphe (2), du règlement Dublin III accordant à la personne concernée un délai raisonnable pour exercer son droit à un recours contre une décision de transfert.

Dans ces circonstances et compte tenu des démarches ainsi accomplies par l’autorité ministérielle, le tribunal retient que l’organisation de l’éloignement est en cours et est exécutée avec toute la diligence requise afin de transférer le demandeur dans les meilleurs délais en Suède, de sorte qu’aucun reproche tenant à un défaut d’accomplissement des démarches 4nécessaires pour écourter au maximum sa privation de liberté ne saurait être adressé aux autorités luxembourgeoises, la décision ministérielle litigieuse devant dès lors également être considérée de ce point de vue comme ayant été proportionnelle par rapport au but recherché.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée. Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 12 octobre 2018, à 10.00 heures, par :

Annick Braun, vice-président, Alexandra Castegnaro, premier juge, Alexandra Bochet, juge, en présence du greffier Michèle Hoffmann.

s. Michèle Hoffmann s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 12/10/2018 Le Greffier du Tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 41773
Date de la décision : 12/10/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2018-10-12;41773 ?

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