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08/08/2018 | LUXEMBOURG | N°39363

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 août 2018, 39363


Tribunal administratif N° 39363 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 avril 2017 2e chambre Audience publique de vacation du 8 août 2018 Recours formé par La société à responsabilité limitée ….., Wickrange contre une décision du ministre de l’Intérieur, en présence de l’administration communale de la Vallée de l’Ernz, en matière de plan d’aménagement général

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 39363 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 avril 2017 par Maître Marc Feyereisen, avocat à la Cour, inscrit

au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée ...

Tribunal administratif N° 39363 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 avril 2017 2e chambre Audience publique de vacation du 8 août 2018 Recours formé par La société à responsabilité limitée ….., Wickrange contre une décision du ministre de l’Intérieur, en présence de l’administration communale de la Vallée de l’Ernz, en matière de plan d’aménagement général

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 39363 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 avril 2017 par Maître Marc Feyereisen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée ….., inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro ….., ayant son siège social à L-…., tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Intérieur du 10 janvier 2017 ayant approuvé les délibérations du conseil communal de la Vallée de l’Ernz du 13 novembre 2015 et du 7 juin 2016 portant adoption du projet d’aménagement général ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Gilbert Rukavina, demeurant à Diekirch, du 8 mai 2017, portant signification de ce recours à l’administration communale de la Vallée de l’Ernz, établie à L-7660 Medernach, 26, rue de Savelborn, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 24 mai 2017 par Maître Steve Helminger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Vallée de l’Ernz, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 juillet 2017 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 9 octobre 2017 par Maître Steve Helminger, au nom l’administration communale de la Vallée de l’Ernz ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 8 novembre 2017 par Maître Marc Feyereisen, pour le compte de la société demanderesse ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 7 décembre 2017 par Maître Steve Helminger, au nom de l’administration communale de la Vallée de l’Ernz ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marc Feyereisen, Maître Steve 1 Helminger et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 mai 2018.

Lors de sa séance publique du 13 novembre 2015, le conseil communal de la Vallée de l’Ernz, ci-après désigné par le « conseil communal », fut saisi par le collège des bourgmestre et échevins de la commune de la Vallée de l’Ernz, ci-après désigné par « le collège des bourgmestre et échevins », en vertu de l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, désignée ci-après par « la loi du 19 juillet 2004 », d’un projet d’aménagement général pour la commune de la Vallée de l’Ernz, à l’égard duquel il décida d’émettre un vote positif, de sorte que le collège des bourgmestre et échevins a pu procéder aux consultations prévues aux articles 11 et 12 de la loi du 19 juillet 2004.

Par courrier du 15 décembre 2015, la société à responsabilité limitée ….., ci-après désignée par « …..», soumit au collège des bourgmestre et échevins des objections à l’encontre dudit projet d’aménagement général.

Lors de sa séance publique du 7 juin 2016, le conseil communal décida d’approuver à l’unanimité :

« - Le volet réglementaire (partie écrite et partie graphique) ;

- Le projet de refonte complète du Plan d’Aménagement général (PAG) de la commune de la Vallée de l’Ernz en tenant partiellement compte - de l’avis du 14 mars 2016 émis par la Commission d’aménagement auprès du Ministère de l’Intérieur, référence : 103C/002/2015 Vallée de l’Ernz ;

- des avis du 18 février 2016 émis par le Ministère du Développement durable et des Infrastructures, Département de l’environnement, référence 78.295/CL, conformément à la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles et conformément à la loi modifiée du 22 mai 2008 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement (article 7.2) ;

et en tenant compte -

des réclamations avisées favorablement par le conseil communal. » et plus particulièrement quant à l’objection de …..que « L’étude « SUP » et le « FFH Screening » font défaut respectivement n’ont pas été réalisés pour le fonds. Le classement constitue une extension des surfaces constructibles à proximité du ruisseau et de la Route Nationale ».

Par courrier du 28 juin 2016, …..introduisit auprès du ministre de l’Intérieur, ci-après désigné par « le ministre », une réclamation à l’encontre de la susdite délibération du conseil communal du 7 juin 2016.

2 Par décision du 10 janvier 2017, notifiée à …..par courrier daté au 12 janvier 2017, le ministre approuva partiellement les délibérations du conseil communal des 13 novembre 2015 et 7 juin 2016 portant adoption du plan d’aménagement général et déclara recevables mais non fondées une partie des réclamations introduites à l’encontre de ladite délibération du 7 juin 2016, dont celle de ….., tandis que les autres réclamations furent déclarées recevables et partiellement fondées. Ladite décision ministérielle est libellée comme suit :

« (…) Vu la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain ;

Vu la délibération du 13 novembre 2015 du conseil communal de la commune de la Vallée de l’Ernz portant adoption du projet d'aménagement général, parties écrite et graphique ;

Vu la délibération du 7 juin 2016 du conseil communal de la commune de la Vallée de l’Ernz portant adoption du projet d’aménagement général, parties écrite et graphique ;

Vu l'article 18 de la loi précitée, en vertu duquel le Ministre ayant l'aménagement communal et le développement urbain dans ses attributions statue sur les réclamations lui soumises, en même temps qu'il décide de l'approbation du projet d'aménagement général ;

Vu les réclamations introduites par Monsieur …., par Monsieur …., par Monsieur …., par Maître Georges Krieger au nom et pour le compte des consorts …., par Monsieur …., par Monsieur et Madame …… et ….., par Monsieur ….. au nom et pour le compte de ….., ainsi que par Monsieur …. ;

Considérant qu'avant de statuer, le Ministre vérifie la conformité du projet d'aménagement général avec les dispositions de la loi précitée et notamment les objectifs énoncés à l'article 2, ainsi qu'avec les plans et programmes déclarés obligatoires en vertu de la loi du 30 juillet 2013 concernant l'aménagement du territoire ou se trouvant à l'état de projet soumis aux communes ;

(…) Considérant que la réclamation émanant de ….., tendant à classer en zone destinée à être urbanisée l’intégralité de la parcelle cadastrale n°….., sise à Stegen, au lieu-dit « …..», est non fondée ; qu’en effet, le potentiel de développement, tel que prévu par les autorités communales, est largement suffisant pour la localité de Stegen ; qu’aucun argument d’intérêt général ne justifierait actuellement une extension de la zone destinée à être urbanisée ; que toute extension supplémentaire contribuerait sensiblement au développement tentaculaire et désordonné de la localité de Stegen, ce qu’il importe d’éviter ; qu’en outre la localité de Stegen ne constitue pas un espace prioritaire d’urbanisation pour l’habitat et devrait par conséquent connaître un développement urbain modéré ; (…) Arrête :

3 Art.1 : Les délibérations des 13 novembre 2015 et 7 juin 2016 du conseil communal de la commune de la Vallée de l’Ernz portant adoption du projet d’aménagement général, parties graphique et écrite, sont approuvées.

Art.2 : La disposition « SP4a- Parc Natura 2000 » de l’article 20 de la partie écrite du projet d’aménagement général, n’est pas approuvée.

Art.3 : Les réclamations introduites par ….., par Monsieur …., par Monsieur …., par Maître Georges Krieger au nom et pour le compte des consorts ….., par Monsieur ….., par Monsieur et Madame …. et …., par Monsieur …. au nom et pour le compte de ….., ainsi que par Monsieur …., sont recevables en la forme et non fondées quant au fond.

Art.4 : La réclamation émanant de Monsieur …. est recevable en la forme et partiellement fondée.

Art.5 : Le deuxième alinéa de la partie « volumes et alignements à respecter » de l’article 22 est complété par la phrase suivante : « En l’occurrence, pour des raisons de salubrité et qualité de vie, le bourgmestre peut, en cas de transformation d’extension ou de reconstruction d’un bâtiment désigné comme « volume et alignement à respecter », autoriser les hauteurs à la corniche et au faîte qui dépassent celles de la construction existante ».

Art.6 : Les autorités communales sont tenues de modifier les documents en conséquence et de me les faire parvenir pour signature. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 6 avril 2017, …..a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision du ministre 10 janvier 2017 ayant approuvé les délibérations du conseil communal de la commune de la Vallée de l’Ernz des 13 novembre 2015 et du 7 juin 2016.

- Quant à la compétence Les décisions sur les projets d’aménagement, lesquelles ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des terrains qu’ils concernent et le régime des constructions à y ériger, ont un caractère réglementaire. La décision d’approbation du ministre, intervenue après réclamation de particuliers, comme c’est le cas en l’espèce, participe au caractère réglementaire de l’acte approuvé1, étant entendu que le caractère réglementaire ainsi retenu s’étend également au volet de la décision litigieuse ayant statué sur les réclamations introduites par le demandeur, intervenue dans le processus général de l’élaboration de l’acte approuvé.

Conformément à l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », seul un recours en annulation est susceptible d’être introduit contre un acte administratif à caractère réglementaire.

1 Cour adm., 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 2017, V° Actes réglementaires, n° 48 et les autres références y citées.

4 Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en annulation introduit en l’espèce.

- Quant à la loi applicable Le tribunal précise que la procédure d’adoption d’un plan d’aménagement général est prévue par la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après désignée par « la loi du 19 juillet 2004 ». Or, celle-ci a été modifiée à plusieurs reprises et dernièrement (i) par une loi du 28 juillet 2011 entrée en vigueur, en application de son article 45, en date du 1er août 2011, (ii) par la loi du 30 juillet 2013 concernant l’aménagement du territoire, publiée au Mémorial A, n° 160 du 6 septembre 2013, (iii) par la loi du 14 juin 2015 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, publiée au Mémorial A, n° 113 du 17 juin 2015, (iv) par loi du 3 mars 2017 dite « Omnibus », entrée en vigueur, en application de son article 76, le 1er avril 2017 et (v) par la loi du 17 avril 2018 concernant l’aménagement du territoire.

Etant donné, d’une part, que le tribunal vient de retenir que seul un recours en annulation a pu être introduit à l’encontre des actes déférés et, d’autre part, que dans le cadre d’un tel recours, le juge administratif est amené à apprécier la légalité de la décision déférée en considération de la situation de droit et de fait ayant prévalu au jour où elle a été prise2, les modifications apportées à la loi du 19 juillet 2004 par ladite loi « Omnibus » et la loi du 17 avril 2018 adoptées et entrées en vigueur postérieurement à la prise de la décision litigieuse, ne sont pas à prendre en considération en l’espèce.

Selon les dispositions transitoires figurant à l’article 108ter de la loi du 19 juillet 2004, tel que modifié en dernier lieu par la loi précitée du 1er août 2011, « (1) La procédure d’adoption des projets d’aménagement général, dont la refonte complète a été entamée par la saisine de la commission d’aménagement avant le 1er août 2011, peut être continuée et achevée conformément aux dispositions du Titre 3 de la présente loi qui était en vigueur avant le 1er août 2011. ». En l’espèce, il est constant que la décision déférée a trait à l’adoption du plan d’aménagement général de la commune de la Vallée de l’Ernz. Il est encore constant en cause que le conseil communal a émis son vote positif, au sens de l’article 10 de la loi du 19 juillet 2004, en date du 13 novembre 2015, de sorte que la saisine de la commission d’aménagement en application de l’article 11 de la même loi s’est a fortiori opérée après la date butoir du 1er août 2011, fixée par l’article 108ter de la loi du 19 juillet 2004. Il s’ensuit que la version de la loi du 19 juillet 2004 applicable au présent litige est celle résultant des modifications opérées par les lois des 28 juillet 2011, 30 juillet 2013 et 14 juin 2015.

- Quant à la recevabilité Le délégué du gouvernement se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité du recours.

2 trib. adm., 27 janvier 1997, n° 9724 du rôle, Pas. adm. 2017, V° Recours en annulation, n° 19 et les autres références y citées.

5 L’administration communale de la Vallée de l’Ernz se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours en la pure forme, quant aux délais « et autres formalités » et quant à l’intérêt à agir et soutient que le recours serait en tout état de cause à déclarer irrecevable en ce qu’il est dirigé contre la délibération du conseil communal du 13 novembre 2015, alors qu’il ne s’agirait en l’occurrence pas d’une décision administrative faisant grief.

Force est en premier lieu au tribunal de constater que la société demanderesse a introduit son recours en annulation à l’encontre de la seule décision ministérielle, de sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer sur son intérêt à agir à l’encontre de la délibération du conseil communal du 13 novembre du 2015 à l’encontre de laquelle elle n’a pas introduit de recours.

Quant au délai pour agir contre la décision du ministre, le tribunal est amené à préciser que l’article 16 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives prévoit qu’en matière d’acte réglementaire, « Le délai d’introduction [du recours] est de trois mois à partir de la publication de l’acte attaqué ou, à défaut de publication, de la notification ou du jour où le requérant en a eu connaissance. ».

Il échet de constater que la décision sous analyse a été notifiée par un courrier du 12 janvier 2017 et que …..affirme, sans que cela ait fait l’objet d’une contestation de la part des parties défenderesse et tierce intéressée, avoir reçu notification en date du 13 janvier 2017. Il s’ensuit que le recours introduit en date du 6 avril 2017 a été introduit endéans le délai de trois mois précité.

S’agissant de la contestation de l’administration communale de la Vallée de l’Ernz quant à l’intérêt à agir de ….., force est au tribunal de rappeler que dans la mesure où cette dernière a successivement parcouru les deux échelons requis par la loi, à savoir celui de l’objection et celui de la réclamation, elle a revêtu un intérêt à agir suffisant au regard des exigences de la loi du 19 juillet 2004, ensemble celles de l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996 pour voir analyser la légalité de la décision ministérielle rejetant sa réclamation et approuvant pour le surplus le plan d’aménagement général3.

Il suit de tout ce qui précède que le recours est recevable pour avoir été introduit selon les formes et délai prévus par la loi - Quant au fond A l’appui de son recours, ….., en sa qualité de propriétaire de la parcelle cadastrale n° …..

sise à Stegen, invoque en premier lieu une violation des formes destinées à protéger les intérêts privés, dans la mesure où la décision attaquée ne comporterait pas « la moindre mention ou référence prouvant que les exigences légales obligatoires [auraient] été respectées. ». Elle précise à cet égard que la décision sous analyse ne comporterait aucune indication si la commission d’aménagement a été saisie pour avis, si cette dernière a émis un avis ou si le conseil des bourgmestre et échevins est passé au vote sans cet avis, s’il y avait lieu de saisir le ministre de l’Environnement, s’il y a eu des modifications proposées par la commission d’aménagement et quel a été le sort réservé à ces propositions, respectivement si la procédure prévue à l’article 17 de 3 Cour adm. 12 mai 2015, n° 35730C du rôle, Pas. adm. 2017, V° Urbanisme, n° 215.

6 la loi du 19 juillet 2004 a été respectée. La décision attaquée ne détaillerait pas non plus si toutes les conditions liées à l’article 10 de la loi du 19 juillet 2004 ont été respectées.

La société demanderesse soutient à cet égard qu’il s’agirait de formalités substantielles dont la méconnaissance entacherait d’illégalité la décision ministérielle qui devrait contenir son fondement procédural en mentionnant l’accomplissement des formalités requises. Elle se réfère à plusieurs jugements et arrêts des juridictions administratives desquels il découlerait que toute décision administrative devrait indiquer dans ses visa qu’un avis aurait été demandé et reçu, « indépendamment de la question [de savoir] si cet avis [devrait] obligatoirement figurer parmi les éléments de réponse fournis par la suite ». Elle rappelle qu’elle serait dans l’ignorance totale si les obligations légales ont été remplies, si un avis a été demandé et quel en aurait été l’aboutissement. Cette « lacune irréparable » serait d’autant plus incompréhensible dans la mesure où elle disposerait de trois avis de la commission d’aménagement de 1987, de 1991 et de 1993 ayant tous les trois marqué leur accord avec une extension du périmètre d’agglomération.

En ordre subsidiaire, ….. reproche au ministre d’avoir commis une violation de la loi, sinon une erreur manifeste d’appréciation, sinon un excès de pouvoir pour non-respect du principe de proportionnalité en ce qu’il n’aurait pas répondu aux arguments développés dans sa réclamation du 28 juin 2016 à travers laquelle elle critiquait la délibération du conseil communal du 7 juin 2016 ayant retenu qu’un classement en zone d’habitation 1 constituerait une extension et non une « Baulücke » et que l’étude SUP et le « FFH Screening » feraient défaut, respectivement n’auraient pas été réalisés pour le fonds, étant donné que les terrains n’auraient pas fait partie de l’avant-

projet du plan d’aménagement général. Elle conteste l’affirmation du ministre que l’intégration de sa parcelle en zone constructible provoquerait un développement tentaculaire en faisant valoir qu’au contraire une telle intégration aurait comme conséquence de fermer des espaces vides (Baulücken), ce qui rendrait les zones constructibles cohérentes dans leur ensemble. Elle soutient que les lieux-dits « ….. », « …..» et « …..» auraient tous été reconnus constructibles sur une profondeur d’une centaine de mètres, tandis que son terrain qui ne constituerait qu’une continuation logique de la ligne tracée en direction de la ….. n’aurait pas été pris en considération.

L’intégration de son terrain en zone constructible n’aurait pas comme conséquence que le village de Stegen se développerait dans toutes les directions, mais au contraire provoquerait une ligne de construction harmonieuse d’une profondeur identique entre d’un côté l’église et l’autre côté le restaurant « …..», qui constitueraient les seuls vrais lieux de rencontre du village. Elle fait encore valoir que la parcelle concernée, qui aurait été considérée depuis des décennies comme susceptible d’être constructible dans l’attente de la construction d’une station d’épuration qui aurait finalement vu le jour, ne perturberait pas le potentiel de développement dans un contexte national qui accuserait toujours un déficit énorme de terrains constructibles. La construction de 5 habitations supplémentaires serait à considérer dans ce contexte comme susceptible de contribuer, bien que très modestement, à l’intérêt général et ne heurterait pas l’approche d’un développement urbain modéré. Elle insiste encore sur le fait que le village de Stegen, se situant à une distance de 5 kilomètres de la Nordstad, qui connaîtrait actuellement une forte demande en terrains constructibles et qui deviendrait à terme le troisième pôle d’activités économiques après la Ville de Luxembourg et Esch-Belval, serait à considérer comme un faubourg de ladite Nordstad. Elle se base à cet effet sur le discours du premier ministre lors de l’état de la nation du 2 mai 2016 ainsi que sur un avis de l’Observatoire de l’Habitat présenté le 28 mars 2017 sur la situation actuelle du marché immobilier.

7 En dernier ordre de subsidiarité, …..demande l’annulation de la décision ministérielle pour excès de pouvoir pour non-respect du principe de proportionnalité.

Le délégué du gouvernement fait valoir que les formalités prévues en droit de l’environnement et de l’urbanisme, consistant en des consultations préalables à la prise de décision, auraient comme but de faire participer l’administré à la prise de décision le concernant en lui permettant de faire valoir ses observations ou ses moyens de défense. Le fait que l’avis de la commission d’aménagement ne serait pas référencé dans la décision attaquée ne saurait être considéré comme vice de procédure impliquant la consultation du public, dans la mesure où ledit avis ne serait pas destiné au public, mais aux autorités communales et ministérielle. Il précise encore que la société demanderesse ne rapporterait pas la preuve d’un quelconque préjudice par le prétendu vice de procédure.

Le délégué du gouvernement complète les motifs figurant dans la décision ministérielle en précisant que la parcelle de …..serait significativement éloignée du noyau central de la localité de Stegen et qu’un reclassement en zone constructible s’opposerait aux exigences formulées par le programme directeur de l’aménagement du territoire qui disposerait notamment dans son objectif politique n° 3 qu’il y aurait lieu de définir une politique d’urbanisation prioritairement orientée vers la densification et le renouvellement urbain à l’intérieur des villes et des villages existants et non sur une consommation supplémentaire d’espaces vierges en périphérie. Il précise encore que la parcelle litigieuse jouxterait une route nationale de contournement ce qui rendrait l’accès à cette voirie rapide difficilement réalisable et entraînerait des complications au niveau de la viabilisation.

Ainsi, une viabilisation devrait nécessairement se faire en passant par un interstice situé sur la route de …, ce qui entraînerait pour les maisons d’habitation actuellement implantées de nombreuses nuisances.

L’administration communale de la Vallée de l’Ernz fait valoir que l’avis de la commission d’aménagement aurait figuré au dossier administratif à la disposition du public suite à la décision d’approbation du conseil communal du 7 juin 2016 et reproche à la société demanderesse d’avoir introduit une réclamation auprès du ministre ainsi qu’un recours devant le tribunal administratif sans avoir consulté le dossier administratif. Elle soutient encore à cet égard qu’aucune disposition légale ou réglementaire imposerait sous peine de nullité au ministre de reprendre dans le corps même de sa décision un récapitulatif de la procédure parcourue. Une telle formalité n’aurait de toute façon aucune utilité en matière d’adoption de plan d’aménagement général, étant donné que l’intégralité du dossier administratif serait à la disposition du public afin de lui permettre de vérifier si les différents avis requis auraient été pris. Elle relève encore à cet égard que l’approbation ministérielle ne saurait être comparée au formalisme requis pour un règlement grand-ducal.

S’agissant du classement de la parcelle opéré, l’administration communale de la Vallée de l’Ernz soutient que ce serait un choix politique motivé par un urbanisme cohérent et qu’il suffirait d’analyser le plan du village de Stegen pour constater que le terrain de la société demanderesse se trouverait à l’extrémité du village. La zone classée constructible sur cette partie de la ….. épouserait la profondeur du parcellaire existant pour ainsi permettre la construction de tous les terrains ayant directement accès et longeant cette voie publique. Il s’avérerait encore que quasiment l’intégralité de ces terrains seraient actuellement construits, de sorte qu’il ne saurait être question de combler 8 une « Baulücke ». Le but de la partie demanderesse serait de réaliser un lotissement en deuxième position par rapport à la …… Ce lotissement serait délimité d’un côté par la ….. et de l’autre côté par les jardins des maisons donnant sur la ….. et d’un autre côté par les terrains classés en zone verte, de sorte à ce qu’il s’agirait d’une extension tentaculaire du village de Stegen.

Quant au moyen tiré d’une violation des formes destinées à protéger les intérêts privés La société demanderesse reproche d’un côté au ministre de ne pas avoir répondu aux arguments développés dans sa réclamation et d’un autre côté que la décision ministérielle ne citerait pas l’avis de la commission d’aménagement.

Aux termes de l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004 dans sa version applicable au présent litige : « Le ministre statue sur les réclamations dans les trois mois qui suivent le délai prévu à l’article 16 alinéa 1, respectivement dans les trois mois suivant la réception des avis de la commission d’aménagement et du conseil communal prévus à l’article qui précède, en même temps qu’il décide de l’approbation définitive du projet d’aménagement général, qui prend dès lors la désignation de plan d’aménagement général.

Avant de statuer, le ministre vérifie la conformité et la compatibilité du projet de plan d’aménagement général avec les dispositions de la loi, et notamment les objectifs énoncés à l’article 2, ses règlements d’exécution ainsi qu’avec les plans et programmes déclarés obligatoires en vertu de la loi précitée du 30 juillet 2013 ou se trouvant à l’état de projet soumis à l’avis des communes. » A titre liminaire, le tribunal est amené à rappeler, que, tel que retenu ci-avant, la décision du ministre s’inscrivant dans le cadre de l’article 18 précité de la loi du 19 juillet 2004 portant approbation d’un plan d'aménagement général et statuant sur les réclamations introduites à son encontre, s’analyse en un acte administratif à caractère réglementaire.

S’il est certes vrai qu’aucune disposition légale ou réglementaire spécifique n’exige l’indication formelle de la motivation gisant à la base d’un acte administratif à caractère réglementaire, il n’en demeure pas moins que ces derniers doivent reposer sur de justes motifs légaux devant avoir existé au moment où ils ont été respectivement pris, motifs dont le juge administratif est appelé à vérifier tant l'existence que la légalité. Ces motifs doivent être rétraçables, à la fois par la juridiction saisie et par les administrés intéressés, afin de permettre l'exercice effectif du contrôle juridictionnel de légalité prévu par la loi4.

S’agissant plus particulièrement de l’adoption d’un plan d'aménagement général qui s’effectue à travers une procédure d’aplanissement des difficultés, la Cour administrative a retenu que l’absence de prise de position du ministre est certes radicalement contraire à l’esprit de la loi et méconnaît fondamentalement le mécanisme de participation et de collaboration y contenu, ouvert à tous les intéressés, mais la Cour a néanmoins admis la fourniture de motifs pour la 4 Cour adm. 23 février 2006, n° 20173C du rôle, Pas. adm. 2017, V° Actes réglementaires, n° 28 et les autres références y citées.

9 première fois en phase contentieuse, pourvu que les éléments afférents aient existé au moment de la décision critiquée5.

En l’espèce, le ministre a motivé la décision attaquée par le fait que le potentiel de développement de la localité de Stegen serait largement suffisant et qu’aucun argument d’intérêt général ne justifierait une extension de la zone destinée à être urbanisée, respectivement par le fait qu’une extension supplémentaire contribuerait au développement tentaculaire et désordonné de ladite localité qui ne constituerait pas un espace prioritaire d’urbanisation pour l’habitat. Le délégué du gouvernement a précisé en phase contentieuse que la parcelle litigieuse serait significativement éloignée du noyau central de la localité de Stegen et qu’une viabilisation de la parcelle ne se ferait qu’en créant des nuisances pour les maisons d’habitation implantées le long de la …… La motivation ainsi fournie étant suffisante pour permettre à la partie demanderesse de défendre ses intérêts en connaissance de cause dans le cadre du présent recours en annulation et, corrélativement, pour permettre au tribunal d’exercer son contrôle de légalité, le moyen tiré d’une insuffisance de motivation de la décision déférée encourt le rejet.

S’agissant de la non-indication de l’avis de la commission d’aménagement au préambule de la décision ministérielle, force est au tribunal de relever qu’aux termes de l’article 10 de la loi du 19 juillet 2004 : « Le projet d'aménagement général ensemble avec l’étude préparatoire, le rapport de présentation ainsi que le cas échéant le rapport sur les incidences environnementales (…) est soumis au conseil communal (…) ».

L’article 11 de la même loi poursuit que « Le collège des bourgmestre et échevins transmet dans les quinze jours qui suivent l’accord du conseil communal le projet d'aménagement général ensemble avec toutes les pièces mentionnées à l’article 10, pour avis à la commission d’aménagement (…).

La commission d’aménagement communique son avis au collège des bourgmestre et échevins par lettre recommandée ou par porteur avec avis de réception. (…) ».

Enfin, l’article 12 de la même loi ajoute que dans les quinze jours suivant l’accord du conseil communal le projet d'aménagement général est déposé, « ensemble avec toutes les pièces mentionnées à l’article 10, pendant trente jours à la maison communale où le public peut en prendre connaissance. ».

Il échet de relever que la demanderesse, à part le fait de relever d’une manière générale et abstraite l’absence d’une mention de l’avis de la commission d’aménagement dans la décision ministérielle, sans contester que ledit avis a été émis en date du 14 mars 2016, reste en défaut d’indiquer en quoi l’absence d’une telle indication dans la décision serait de nature à avoir une influence non seulement sur la validité de l’avis précité de la commission d’aménagement, mais également sur la légalité de la décision ministérielle sous analyse. En effet, même si l’avis de la commission d’aménagement a le caractère d’un acte préparatoire et intérimaire à l’approbation du ministre de tutelle, la seule absence de la mention dudit avis dans la décision attaquée ne saurait à 5 Cour adm. 20 mars 2014, n° 33588C du rôle, disponible sur : www.ja.etat.lu 10 elle seule être de nature à vicier ni ladite décision ni l’avis, d’autant plus que la communication au public de l’avis de la commission d’aménagement au cours de la phase d’élaboration d’un plan d'aménagement général ne constitue pas une condition de légalité des décisions communale et ministérielle ultérieures portant approbation du plan d'aménagement général6. En outre, en l’espèce, la partie demanderesse n’apporte pas, au-delà de développements généraux quant au défaut de la mention de l’avis de la commission d’aménagement dans la décision ministérielle, le moindre élément permettant de conclure qu’elle aurait subi un préjudice, respectivement que ses droits de la défense auraient été violés par l’oubli du ministre de citer l’avis de la commission d’aménagement parmi les antécédents de la procédure d’approbation tutélaire, étant relevé que la société demanderesse aurait à tout moment pu consulter le dossier litigieux à la maison communale afin de s’assurer si l’avis de la commission d’aménagement a été pris, de sorte qu’il y a lieu de constater que le moyen d’annulation tiré de manière abstraite d’une omission de mentionner l’avis de la commission d’aménagement parmi les antécédents de la procédure d’adoption du plan d’aménagement général est à rejeter pour ne pas être fondé.

Quant aux moyens tirés d’une violation de la loi, d’une erreur d’appréciation, respectivement d’un excès de pouvoir pour non-respect du principe de proportionnalité A titre liminaire, le tribunal est amené à préciser qu’il se dégage de la partie graphique du plan d'aménagement général sous examen que la parcelle appartenant à ….. a été classée pour une petite partie en zone d’habitation 1 et pour la plus large partie en zone agricole.

Il convient d’abord de préciser que la mission du juge de la légalité conférée au tribunal à travers l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996 exclut le contrôle des considérations d’opportunité et notamment d’ordre politique, à la base de l’acte administratif attaqué et inclut la vérification, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, de ce que les faits et considérations sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute.

Dans cette démarche de vérification des faits et des motifs à la base de l’acte déféré, le tribunal est encore amené à analyser si la mesure prise est proportionnelle par rapport aux faits dont l’existence est vérifiée, une erreur d’appréciation étant susceptible d’être sanctionnée dans la mesure où elle est manifeste, au cas notamment où une flagrante disproportion des moyens laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par l’autorité qui a pris la décision, voire un détournement du même pouvoir par cette autorité7.

Ainsi, les autorités communales lorsqu’elles initient des modifications de leurs plans d’aménagement doivent être mues par des considérations légales d’ordre urbanistique ayant trait à l’aménagement des agglomérations et d’ordre politique tirées de l’organisation de la vie en commun sur le territoire donné, tendant les unes et les autres à une finalité d’intérêt général.

A cet égard, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004 « Les communes ont pour mission de garantir le respect de l’intérêt général en assurant à la 6 trib. adm. 9 juin 2016, n° 35751 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.

7 cf. trib. adm. 27 décembre 2007, n° 22243 du rôle, confirmé par Cour adm. 23 juillet 2008, n° 24055C du rôle, Pas.adm. 2017, V° Urbanisme, n°182 et les autres références y citées.

11 population de la commune des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de toutes les parties du territoire communal par:

(a) une utilisation rationnelle du sol et de l’espace tant urbain que rural en garantissant la complémentarité entre les objectifs économiques, écologiques et sociaux ;

(b) un développement harmonieux des structures urbaines et rurales, y compris les réseaux de communication et d’approvisionnement compte tenu des spécificités respectives de ces structures, et en exécution des objectifs de l’aménagement général du territoire ;

(c) une utilisation rationnelle de l’énergie, des économies d’énergie et une utilisation des énergies renouvelables ;

(d) le développement, dans le cadre des structures urbaines et rurales, d’une mixité et d’une densification permettant d’améliorer à la fois la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique des localités ;

(e) le respect du patrimoine culturel et un niveau élevé de protection de l’environnement naturel et du paysage lors de la poursuite des objectifs définis ci-dessus ;

(f) la garantie de la sécurité, la salubrité et l’hygiène publiques. » L’article 6 de la loi du 19 juillet 2004 prévoit quant à lui que « Le plan d’aménagement général a pour objectif la répartition et l’implantation judicieuse des activités humaines dans les diverses zones qu’il arrête aux fins de garantir le développement durable de la commune sur base des objectifs définis par l’article 2 de la loi. ».

Concrètement, en l’espèce, en ce qui concerne le classement de la parcelle de la demanderesse en zone d’habitation 1 pour la partie réduite longeant la ….. et en zone agricole pour le restant, il échet de constater que la décision ministérielle est motivée par le fait que le potentiel de développement de la localité de Stegen est largement suffisant et qu’aucun argument d’intérêt général ne justifierait une extension de la zone destinée à être urbanisée, respectivement par le fait qu’une extension supplémentaire contribuerait au développement tentaculaire et désordonné de ladite localité qui ne constituerait pas un espace prioritaire d’urbanisation pour l’habitat.

L’accent mis sur un développement concentrique d’une agglomération par exclusion, dans la mesure du possible, de toute excroissance d’ordre tentaculaire ou désordonnée répond à des considérations légales d’ordre urbanistique ayant trait à l’aménagement des agglomérations de nature à tendre à confluer de manière utile avec l’organisation de la vie en commun sur le territoire donné et est de nature à tendre à une finalité d’intérêt général8.

Il ressort des pièces versées en cause et notamment de la partie graphique du plan d’aménagement général, telle qu’approuvée à travers la décision ministérielle déférée, que la parcelle dont la partie demanderesse sollicite actuellement l’inclusion intégrale dans le périmètre d’agglomération se trouve localisée à l’extrémité de la localité de Stegen le long de la route nationale ….. à l’Est et que seule une partie réduite de la parcelle longe la …… Or, force est au tribunal de constater qu’une extension de la zone d’habitation au niveau de la parcelle litigieuse contribuerait à rendre plus difficile un développement cohérent et concentrique, tel que souhaité par les autorités communale et étatique dans un but d’intérêt général, étant donné que pareille extension aurait non seulement pour effet d’augmenter le développement urbain à la limite du 8 trib. adm. 4 décembre 2002, n° 14923 du rôle, confirmé par Cour adm. 1er juillet 2003, n°15879C du rôle, Pas.

adm. 2017, V° Urbanisme, n° 140 et les autres références y citées.

12 périmètre d’agglomération vers la route nationale, à laquelle un accès ne saurait être réalisé que difficilement, mais encore, en raison du fait que ladite parcelle devrait être viabilisée en passant par un interstice se trouvant à la ….., impliquant la création de nuisances aux résidents habitant les maisons d’habitation longeant ladite rue.

Partant, l’inclusion de la parcelle litigieuse dans le périmètre d’agglomération ne serait pas conforme à une urbanisation cohérente et rationnelle de la localité de Stegen et le choix fait par les autorités communale et de tutelle n’est nullement arbitraire, mais se justifie par des arguments vérifiés quant à leur matérialité et tirés d’une saine urbanisation et tend à une finalité d’intérêt général, à savoir un développement harmonieux et une utilisation rationnelle du sol et de l’espace urbain de la localité de Stegen.

La société demanderesse se prévaut encore de trois avis de la commission d’aménagement de 1987, 1991 et 1993 ayant émis à trois reprises un avis favorable au sujet d’un projet d’extension du périmètre d’agglomération vers sa parcelle.

Force est d’abord au tribunal de constater qu’il ressort dudit avis de 1987 que la commission d’aménagement avait marqué son accord sur l’extension projetée du périmètre d’agglomération sous condition que l’accès au terrain soit aménagé à partir de la chaussée de Stegen et qu’aucun accès sur la route nationale ne serait prévu.

Il échet de relever que le choix urbanistique valablement effectué par les instances publiques consistant à classer seulement une petite partie longeant la ….. de la parcelle de la société demanderesse en zone d’habitation 1 ne se trouve pas énervé par des initiatives antérieures de responsables communaux, voire par l’existence de trois avis dans le cadre de projets urbanistiques antérieurs de la commission d’aménagement ayant été favorables à une extension du périmètre d’agglomération, d’autant plus que les visions urbanistiques communales y envisagées ne sont jamais entrées en vigueur.

Par ailleurs, une telle démarche se heurte, du moins en l’état actuel, aux considérations d’un urbanisme rationnel, dans la mesure où la parcelle de la société demanderesse, se situant en deuxième ligne par rapport aux constructions érigées le long de la ….., devrait être viabilisée en passant par un interstice situé dans la même rue. De même, des incohérences éventuellement commises par le passé ne sont pas de nature à pouvoir infléchir utilement le choix urbanistique ci-

avant retenu comme étant conforme à la législation pertinente applicable en la matière au moment de la prise de la décision ministérielle critiquée par la demanderesse. Au-delà des considérations qui précèdent, il y a lieu d’ajouter que compte tenu de la mutabilité intrinsèque des situations générales, découlant de changements de circonstances de fait et de droit, les actes réglementaires ne créent, en principe, que des droits précaires et maintiennent dans le chef de l'autorité administrative le pouvoir soit de changer soit d'abroger un acte réglementaire, en faisant usage des pouvoirs qui lui sont conférés dans l'exercice de sa mission9. Il s’ensuit que la demanderesse n’a pas un droit acquis au maintien d’une réglementation communale d’urbanisme donnée. A fortiori, elle n’a, dès lors, aucun droit au maintien, voire, plutôt, à l’adoption, de visions urbanistiques 9 trib. adm. 9 juin 2004, n° 11415a du rôle, Pas. adm. 2017, V° Urbanisme, n° 178 et les autres références en ce sens y inscrites.

13 communales matérialisées par trois avis de la commission d’aménagement datant de plus d’une trentaine d’années, qui ne se sont jamais concrétisées.

Pour autant que la société demanderesse a entendu faire valoir une violation du principe constitutionnel d’égalité devant la loi en comparant sa situation avec celle des site « ….. », « …..» et « …..», qui ont également été classés en partie en zone d’habitation 1, mais avec une profondeur plus importante que la parcelle de la société demanderesse, il y a d’abord lieu de préciser que le principe constitutionnel de l’égalité devant la loi, tel qu’inscrit à l’article 10bis de la Constitution, suivant lequel tous les Luxembourgeois sont égaux devant la loi, applicable à tout individu touché par la loi luxembourgeoise si les droits de la personnalité, et par extension les droits extrapatrimoniaux sont concernés, ne s’entend pas dans un sens absolu, mais requiert que tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit soient traités de la même façon. Le principe d’égalité de traitement est compris comme interdisant le traitement de manière différente de situations similaires, à moins que la différenciation soit objectivement justifiée. Il appartient par conséquent, aux pouvoirs publics, tant au niveau national qu’au niveau communal, de traiter de la même façon tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit. Par ailleurs, lesdits pouvoirs publics peuvent, sans violer le principe de l’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents, à condition que les différences instituées procèdent de disparités objectives, qu’elles soient rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but10.

Force est en l’espèce au tribunal de constater que la société demanderesse reste en défaut de soumettre des éléments suffisants de nature à faire admettre qu’elle se trouve dans une situation comparable à celle des propriétaires des sites précités. En effet, lesdites parcelles sont plus rapprochées du centre de la localité de Stegen et sont facilement accessibles par la …… Par ailleurs, le site « …..» se trouve actuellement superposé d’une zone d’aménagement différé, de sorte à ne pas pouvoir être urbanisé dans l’immédiat.

Force est au tribunal de constater que sur base des pièces et éléments lui soumis et des affirmations vagues et non étayées de la société demanderesse relatives à la similitude de situations des différentes parcelles énumérées, la situation de …..et celle des propriétaires des parcelles précitées ne sont pas suffisamment comparables pour que le principe de l’égalité constitutionnelle puisse trouver vocation à s’appliquer en l’espèce.

Etant donné qu’il suit des considérations qui précèdent que le classement de la seule partie du terrain de la demanderesse longeant la ….. en zone d’habitation 1 se justifie par des considérations urbanistiques tendant à une finalité d’intérêt général, à savoir un développement harmonieux de la localité de Stegen et une utilisation rationnelle du sol et de l’espace urbain, le tribunal retient que les contestations de la société demanderesse quant au bien-fondé dudit classement sont à rejeter dans leur ensemble.

En guise de conclusion, le tribunal constate que le recours en annulation est à rejeter pour n’être fondé dans aucun de ses moyens.

10 trib. adm. 6 décembre 2000, n° 10019 du rôle, Pas. adm. 2017, V° Lois et règlements, n° 6 et les autres références y citées.

14 Quant à la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure Enfin, la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.500.-

euros telle que formulée par ….. est à rejeter au vu de l’issue du litige.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

rejette la demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 2.500 euros, telle que formulée par la société à responsabilité limitée ….. ;

condamne la société à responsabilité limitée ….. aux frais.

Ainsi jugé par:

Françoise Eberhard, vice-président, Daniel Weber, juge, Michèle Stoffel, juge, et lu à l’audience publique de vacation du 8 août 2018 par le vice-président, en présence du greffier Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 8 août 2018 Le greffier du tribunal administratif 15


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 39363
Date de la décision : 08/08/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2018-08-08;39363 ?

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