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25/07/2018 | LUXEMBOURG | N°41462

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 juillet 2018, 41462


Tribunal administratif Numéro 41462 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 juillet 2018 chambre de vacation Audience publique de vacation du 25 juillet 2018 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 41462 du rôle et déposée le 19 juillet 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky S

toffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au n...

Tribunal administratif Numéro 41462 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 juillet 2018 chambre de vacation Audience publique de vacation du 25 juillet 2018 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 41462 du rôle et déposée le 19 juillet 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Serbie), de nationalité serbe, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 16 juillet 2018 ayant ordonné son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 20 juillet 2018 ;

Vu le mémoire en réplique de Maître Nicky Stoffel déposé au greffe du tribunal administratif en date du 23 juillet 2018 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Catherine Leidner, en remplacement de Maître Nicky Stoffel, et Madame le délégué du gouvernement Danitza Greffrath en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de vacation du 25 juillet 2018.

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En date du 22 avril 2015, Monsieur …, faisant état de son mariage avec Madame … célébré en date du 18 avril 2015, introduisit une demande de carte de séjour de membre de famille d’un citoyen de l’Union Européenne, Madame …, de nationalité serbe et hongroise, ayant à son tour introduit une déclaration d’enregistrement d’un citoyen de l’Union en date du 20 avril 2015.

En date du 9 juin 2015, Monsieur … se fit délivrer une carte de séjour de membre de famille d’un citoyen de l’Union Européenne valable jusqu’au 21 avril 2020.

Par un courrier du 5 janvier 2018, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur … de son intention de lui retirer le droit de séjour en tant que membre de famille d’un citoyen de l’Union au motif qu’après vérification, il se serait avéré qu’il ne remplissait plus les conditions prévues par l’article 17, paragraphe (2) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », alors que son épouse, Madame …, n’avait plus d’adresse valable au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 29 novembre 2017.

Par un courrier du 16 janvier 2018, le litismandataire de l’époque de Monsieur … informa le ministre du divorce de son mandant avec Madame …, tout en demandant le maintien du droit de séjour en faisant état d’un contrat de travail à durée indéterminée conclu avec la société à responsabilité limitée … SARL.

En date du 27 février 2018, le ministre informa Monsieur … qu’il n’a plus droit à une carte de séjour de membre de famille d’un citoyen de l’Union Européenne et que, par ailleurs, sa demande en obtention d’une autorisation de séjour en qualité de travailleur salarié est irrecevable en vertu de l’article 39 de la loi du 29 août 2008. Il constata en outre que Monsieur … se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg en application de l’article 100, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi du 29 août 2008 et que, par conséquent, il a l’obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours à partir de la notification de ladite décision, intervenue le 7 mars 2018.

En date du 22 mars 2018, Monsieur … fit introduire un recours gracieux contre la décision ministérielle du 27 février 2018 et en date du 13 avril 2018, il fit encore introduire un recours contentieux contre la même décision devant le tribunal administratif, ledit recours ayant été introduit sous le numéro 41014 du rôle.

En date du 16 juillet 2018, le ministre prononça à l’encontre de Monsieur … une interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de trois ans sur le fondement de l’article 124 (2) de la loi du 29 août 2008, cette décision étant fondée sur le constat que l’intéressé s’est maintenu sur le territoire luxembourgeois malgré la décision de retrait définitif de la carte de séjour de membre de famille d’un citoyen de l’Union européenne en date du 27 février 2018 et de la décision de retour du même jour. Ledit arrêté fut rapporté le 18 juillet 2018. En date du même jour, le ministre prit un nouvel arrêté d’interdiction du territoire pour la même durée, ledit arrêté étant fondé sur les mêmes considérations que l’arrêté du 16 juillet 2018, précité.

En date du 16 juillet 2018, le ministre ordonna encore le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de l’arrêté de placement intervenue le même jour.

Ladite décision est fondée sur les motifs et considération suivants :

« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration.

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport no 2018/26256/255/PG du 16 juillet 2018 établi par la Police grand-

ducale ;

Vu ma décision de retrait définitif de la carte de séjour membre de famille UE du 27 février 2018 ;

Vu ma décision de retour du 27 février 2018 ;

Vu ma décision d’interdiction d’entrée sur le territoire du 16 juillet 2018 ;

Attendu que l’intéressé n’a jusqu’à présent pas fait les démarches nécessaires pour un retour volontaire dans son pays d’origine ;

Attendu que l’intéressé évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les meilleurs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 19 juillet 2018, Monsieur … a fait introduire un recours tendant, suivant le dispositif de la requête introductive auquel le tribunal est en principe seul tenu, à la réformation, de l’arrêté de placement en rétention, précité, du 16 juillet 2018.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’audience des plaidoiries, le délégué du gouvernement a conclu au rejet du mémoire en réplique de Maître Stoffel déposé le 23 juillet 2018 à 17.14 heures.

Il y a lieu de rappeler que dans la présente matière, aux termes de l’article 123 de la loi du 29 août 2008, le tribunal doit statuer dans les dix jours de la requête introductive d’instance, ce qui conduit le tribunal, pour des raisons de bonne administration de la justice, et plus particulièrement afin de concilier les droits de la défense avec son obligation légale de statuer dans les dix jours de la requête, à fixer des délais d’instruction plus courts, par dérogation aux délais ordinaires. Une fois un calendrier pour la fourniture des mémoires ainsi fixé, ce sont ces délais spécifiques qui s’imposent par rapport aux délais ordinaires et leur non-respect est sanctionné par analogie à la sanction de la forclusion prévue à l’article 4, paragraphe (6) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives en cas de non-respect des délais ordinaires.

Dans la mesure où le mémoire en réplique a, en l’espèce, été déposé le 23 juillet 2018 à 17.14 heures, alors que suivant l’échéancier du 19 juillet 2018 le délai pour répliquer a été fixé au 23 juillet 2018 à 12.00 heures, ledit mémoire en réplique n’est pas admissible et doit être écarté pour être tardif.

A l’appui de son recours, le demandeur invoque de prime abord un motif fondé sur un défaut de motivation de la décision litigieuse en s’appuyant sur l’article 6 du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », au motif que la décision litigieuse ne contiendrait pas les motifs légitimes permettant son placement en rétention, en reprochant au ministre de ne pas avoir détaillé les raisons de son placement et d’avoir indiqué uniquement qu’il n’aurait pas fait le nécessaire pour retourner volontairement dans son pays d’origine et que des mesures moins coercitives ne pourraient pas être appliquées.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen.

Il est vrai qu’en vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux et que les catégories de décisions y énumérées doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base. Or, le cas d’espèce ne tombe dans aucune des hypothèses énumérées à l’alinéa 2 de l’article 6 précité, imposant l’indication d’une motivation expresse, de sorte que l’obligation inscrite dans cette disposition ne trouve pas application en l’espèce. Comme il n’existe en outre aucun autre texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision litigieuse, de sorte que le moyen fondé sur un défaut d’indication des motifs doit être rejeté pour ne pas être fondé.

Le demandeur se prévaut ensuite d’un défaut de diligences de la part du ministre en affirmant qu’aucune démarche n’aurait été entreprise par le ministre depuis son placement en rétention. Par ailleurs, aucune démarche n’aurait été entreprise pour empêcher son « enfermement ».

Le ministre indiquerait, en outre, uniquement que les démarches seraient engagées, sans toutefois préciser la teneur de ces démarches ni les raisons pour lesquelles ces démarches ne pourraient pas être engagées avant de procéder à un placement en rétention, mesure impliquant une privation de liberté. Son maintien au Centre de rétention serait ainsi disproportionné et partant non-conforme à la loi du 29 août 2008.

Le demandeur souligne encore que le placement en rétention constituerait une faculté et ne pourrait pas être appliqué systématiquement. Il faudrait, par conséquent, prendre en compte sa situation concrète, qui ne justifierait pas une telle mesure, tout en affirmant qu’une telle mesure serait conditionnée par une « extrême nécessité absolue », qui ne se dégagerait pas du dossier.

D’autre part, le demandeur conteste le risque de fuite dans son chef et affirme qu’il n’aurait pas l’intention de quitter le Grand-Duché de Luxembourg puisqu’il s’y serait rendu pour s’y installer et mener une vie de famille stable. Le risque de fuite ne serait pas prouvé par la partie étatique qui se bornerait à constater qu’il n’aurait pas entrepris les démarches pour un retour volontaire. Or, il n’aurait absolument pas l’intention de se soustraire à l’autorité ministérielle, d’autant plus qu’il aurait de la famille au Luxembourg. En effet, il y aurait un frère et des cousins et oncles au Grand-Duché de Luxembourg, qui y seraient installés et y travailleraient. Il déclare vouloir rester auprès de sa famille qui représenterait son point d’attache au Luxembourg.

Le demandeur affirme ensuite que les conditions d’une assignation à résidence seraient remplies dans son chef puisque son éloignement ne serait pas envisageable à l’état actuel de la procédure compte tenu de sa situation personnelle au Luxembourg. A cet égard, il réitère qu’il aurait de la famille résidant au Luxembourg, à savoir un frère, Monsieur… résidant à …, qui pourrait le prendre en charge matériellement et financièrement. Le demandeur déclare accepter toutes les conditions liées à une mesure d’assignation à résidence et garantir de ne pas quitter le pays et de ne pas se soustraire aux conditions ou exigences des autorités luxembourgeoises, tout en faisant valoir qu’un placement dans un « Centre pénitentiaire » devrait constituer une mesure d’exception qui serait à éviter si l’intéressé ne constituait pas un danger pour la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics.

Les conditions de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 seraient partant remplies puisqu’il disposerait d’une adresse valable au Luxembourg auprès d’un membre de sa famille, à savoir son frère.

Enfin, le demandeur propose le dépôt d’une garantie financière d’un montant de 5000 € par le biais de son frère ou de tout autre membre de sa famille, à savoir ses cousins ou oncles.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de l’ensemble de ces moyens. Plus particulièrement quant aux autres mesures moins coercitives proposées par le demandeur, le délégué du gouvernement donne à considérer que le demandeur rechercherait par tous les moyens possibles, avec le soutien des membres de sa famille résidant au Luxembourg, d’obtenir un droit de séjour et de se maintenir par la suite sur le territoire luxembourgeois et cela malgré une décision de retour comportant un ordre de quitter le territoire. L’existence d’un risque de fuite serait confirmée par l’affirmation du demandeur dans la requête introductive d’instance suivant laquelle il voudrait absolument rester au Luxembourg avec sa famille.

S’agissant de l’existence de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite, le délégué du gouvernement estime qu’il conviendrait de prendre en considération l’ensemble des éléments du dossier administratif dont il faudrait déduire que la famille du demandeur le soutiendrait dans ses démarches qualifiées par le délégué du gouvernement comme étant « pour le moins inorthodoxes ». A cet égard, le délégué du gouvernement se réfère à un contrat d’emploi signé, à la suite du départ de son épouse, avec la société …, dont le gérant serait un membre de la famille du demandeur. En raison de cette « connivence avec le requérant », une assignation à résidence auprès d’un des membres de sa famille n’offrirait pas une garantie de représentation suffisante propre à prévenir le risque de fuite. Il en serait de même de l’offre d’une garantie financière proposée par le demandeur.

Aux termes de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire.

».

L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

En l’espèce, le demandeur estime, en substance, que, compte tenu de sa situation particulière, un placement en rétention ne serait pas justifié dans son chef, ce d’autant plus qu’il ne présenterait pas de risque de fuite.

Il est constant que le demandeur a fait l’objet d’une décision de retour le 27 février 2018, après s’être vu retirer son titre de séjour en tant que membre de famille d’un citoyen de l’Union européenne et après que sa demande en obtention d’un titre de séjour en qualité de travailleur salarié a été déclarée irrecevable, décision qui ne fait pas l’objet du présent recours et qui, malgré le recours contentieux séparé introduit par le demandeur, est exécutoire. Il est encore constant qu’il a de même fait l’objet d’une interdiction du territoire le 18 juillet 2018, à défaut d’avoir obtempéré à l’ordre de quitter le territoire, précité, qui ne fait pas non plus l’objet du présent recours. Dans la mesure où en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c) de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel le risque de fuite est présumé plus particulièrement si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi et s’il se trouve donc en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois, le risque de fuite est présumé dans le chef du demandeur, le ministre a a priori valablement pu placer le demandeur au Centre de rétention sur base de l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, en vue d’organiser son éloignement.

Dans la mesure où le risque de fuite est présumé dans le chef du demandeur, il aurait appartenu à celui-ci de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption, en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite, ce qu’il est toutefois resté en défaut de faire. En effet, si certes il se dégage du rapport n° 2018/26256/255/PG du 16 juillet 2018 de la police grand-ducale que le demandeur a déclaré être disposé à quitter volontairement le Luxembourg en cas de décision du ministre l’invitant à ce faire, il n’en reste pas moins que cette affirmation est contredite par son comportement antérieur dans la mesure où malgré la décision de retour précitée du 27 février 2018, le demandeur n’a justement pas quitté le Luxembourg endéans le délai lui imparti. Par ailleurs, il convient de relever qu’aux termes de la requête introductive d’instance, de même que de sa réplique, il est formel pour dire qu’il entend rester au Luxembourg pour justifier ses contestations quant à l’existence d’un risque de fuite. Or, le fait pour le demandeur d’affirmer ne vouloir en aucun cas quitter le territoire luxembourgeois puisqu’il s’y serait rendu « pour mener une vie de famille stable » et qu’il voudrait rester auprès de sa famille se trouvant au Luxembourg, loin d’appuyer sa thèse suivant laquelle il n’existerait pas de risque de fuite dans son chef, est, au contraire, de nature à conforter le risque qu’il puisse se soustraire à son éloignement, le risque de fuite au sens des dispositions qui précèdent ne se limitant, en effet, pas au fait que l’intéressé puisse vouloir fuir le territoire luxembourgeois mais visant surtout le fait que l’intéressé puisse tenter de se soustraire à son éloignement.

Il s’ensuit que les contestations du demandeur tenant à une absence de risque de fuite dans son chef sont à rejeter pour ne pas être fondées.

Quant à sa demande de bénéficier de mesures moins coercitives qu’un placement en rétention, à savoir une assignation à résidence ou encore le dépôt d’une garantie financière, il échet de relever qu’aux termes de l’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 :

«Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) [de la loi du 29 août 2008] (…).

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1), sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125, paragraphe (1) pour pouvoir considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité, que si aucune des autres mesures moins coercitives n’entre en compte au vu des circonstances du cas particulier.

L’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, les trois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3), de la même loi.

Or, le tribunal est amené à retenir que le demandeur ne présente pas des garanties de représentation suffisantes telles qu’exigées par les dispositions précitées. En effet, tel que cela a été retenu ci-avant, le demandeur n’a fourni aucun élément de nature à prévenir le risque de fuite qui est présumé dans son chef, son affirmation formelle à l’appui de son recours qu’il n’entend pas quitter le territoire luxembourgeois confortant, au contraire, le risque qu’il entend se soustraire à l’exécution de son éloignement.

Plus particulièrement s’agissant de la demande d’être assigné à résidence auprès de son frère, Monsieur … au …, le tribunal relève qu’il se dégage des éléments du dossier administratif que le demandeur a, au moment de la notification de la mesure de placement, été trouvé au …, qui, suivant les déclarations telles qu’elles se dégagent du prédit rapport de la police du 16 juillet 2018, est l’adresse de son cousin, … . Par ailleurs, il ne se dégage pas des éléments du dossier que le demandeur ait habité auparavant chez son frère à l’adresse indiquée à …, de sorte à faire admettre une adresse stable. Au-delà de ces constats, le tribunal retient encore que l’engagement de prise en charge produit par le demandeur sur le fondement de l’article 4 de la loi du 29 août 2008 ne vise que la prise en charge des frais de séjour et de retour, mais ne permet pas, à défaut d’autres pièces, d’établir que son frère est d’accord à héberger le demandeur chez lui dans le cadre d’une assignation à résidence. Dès lors, face à l’affirmation du demandeur de ne pas vouloir quitter le Luxembourg, impliquant que nécessairement il entend se soustraire à son éloignement, et à défaut d’éléments permettant de retenir que le demandeur est susceptible d’être trouvé à l’adresse de son frère, le tribunal est amené à retenir qu’une assignation à résidence n’est pas envisageable en l’espèce.

S’agissant, enfin, de la proposition du demandeur de fournir, par le biais de divers membres de famille, une garantie financière de 5.000 euros conformément à l’article 125, paragraphe (1), c) de la loi du 29 août 2008, appuyée par des déclarations écrites de divers membres de famille, le tribunal est amené à retenir, au regard des considérations relevées ci-

avant, que le demandeur n’a pas non plus fourni suffisamment d’éléments permettant de retenir l’existence de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite à cet égard, de sorte que la décision de ministre de ne pas appliquer la mesure moins coercitive prévue à l’article 125, paragraphe (1), c), précité, n’encourt pas de critique.

En qui concerne, enfin, les démarches concrètement entreprises, en l’espèce, par le ministre pour organiser l’éloignement du demandeur, le tribunal relève qu’il se dégage des éléments du dossier, ainsi que des explications complémentaires fournies par la partie étatique qu’en date du 18 juillet 2018, soit le surlendemain du placement en rétention, les services de la police judiciaire, section des étrangers et des jeux, ont été chargés de l’organisation de l’éloignement du demandeur.

Au vu des diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise depuis le placement du demandeur au Centre de rétention, le tribunal conclut qu’à l’heure actuelle, et compte tenu de la durée somme toute courte du placement en rétention au moment du prononcé du présent jugement, les démarches entreprises sont à considérer comme suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter, étant rappelé, tel que retenu ci-avant, que le ministre n’avait pas à indiquer dans l’arrêté de placement en rétention les démarches qu’il entend entreprendre.

Dans ce même ordre d’idées, le tribunal ne saurait suivre l’affirmation du demandeur suivant laquelle le « maintien » de son placement serait disproportionné, le tribunal venant de retenir que les conditions légales d’un placement en rétention sont remplies et que le ministre a entrepris les mesure suffisantes afin d’organiser l’éloignement du demandeur vers son pays d’origine.

Par ailleurs, le constat de l’existence d’un risque de fuite dans le chef du demandeur étant suffisant, les contestations du demandeur suivant lesquelles le placement en rétention ne constituerait qu’une faculté et ne pourrait être ordonné qu’en cas d’« extrême nécessité absolue » telle que soulevées à l’appui du moyen fondé sur un défaut de diligences entreprises par le ministre pour écourter le placement en rétention, sont encore à rejeter.

Au vu des développements qui précèdent, en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée. Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation ;

rejette le mémoire en réplique, déposé au greffe du tribunal administratif le 23 juillet 2018 à 17.14 heures ;

au fond, déclare le recours en réformation non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de vacation du 25 juillet 2018 par :

Annick Braun, vice-président, Alexandra Castegnaro, premier juge, Daniel Weber, juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.

Arny Schmit Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 25.7.2018 Le greffier du tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 41462
Date de la décision : 25/07/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2018-07-25;41462 ?

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