La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/07/2018 | LUXEMBOURG | N°41344

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 juillet 2018, 41344


Tribunal administratif N° 41344 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 juin 2018 chambre de vacation Audience publique de vacation du 25 juillet 2018 Recours formé par Monsieur …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (3), L.18.12.2015)

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 41344 du rôle et déposée le 26 juin 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Nour E. Hellal, avocat

à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur...

Tribunal administratif N° 41344 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 juin 2018 chambre de vacation Audience publique de vacation du 25 juillet 2018 Recours formé par Monsieur …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (3), L.18.12.2015)

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 41344 du rôle et déposée le 26 juin 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Nour E. Hellal, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Afghanistan), et être de nationalité afghane, ayant demeuré à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg (SHUK), sise à L-1734 Luxembourg, 11, rue Carlo Hemmer, élisant domicile en l’étude de Maître Nour E. Hellal, préqualifié, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 7 juin 2018 de le transférer vers l’Allemagne, l’Etat membre responsable de l’examen de sa demande de protection internationale ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 juillet 2018 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Danitza Greffrath en sa plaidoirie à l’audience publique de vacation du 25 juillet 2018.

___________________________________________________________________________

Le 22 mai 2018, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, il fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut également entendu le 22 mai 2018 par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ».

Par arrêté du ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », du 22 mai 2018, Monsieur … fut, par ailleurs, assigné à résidence à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg.

Le 30 mai 2018, les autorités luxembourgeoises contactèrent les autorités allemandes en vue de la prise, respectivement de la reprise en charge de Monsieur … sur base du résultat d’une recherche effectuée dans la base de données EURODAC.

Le 7 juin 2018, les autorités allemandes acceptèrent la reprise en charge de Monsieur … sur base de l’article 18, paragraphe (1), point d) du règlement Dublin III.

Par décision du 7 juin 2018, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé expédié le lendemain, le ministre informa Monsieur … de sa décision de le transférer dans les meilleurs délais vers l’Allemagne, sur base des dispositions de l’article 28, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 et de celles de l’article 18, paragraphe 1 d), du règlement Dublin III. Ladite décision est libellée comme suit :

« […] J’accuse réception de votre demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire que vous avez présentée le 22 mai 2018.

Il résulte des informations dont nous avons connaissance que vous avez précédemment introduit une demande de protection internationale en Allemagne en date des 21 octobre 2009 et 22 août 2011.

L’Allemagne a accepté en date du 7 juin 2018 de prendre/reprendre en charge l’examen de votre demande de protection internationale.

Au vu de ce qui précède, je tiens à vous informer qu’en vertu des dispositions de l’article 28(1) de la loi précitée et des dispositions de l’article 18§1d du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013, le Grand-Duché de Luxembourg a pris la décision de vous transférer dans les meilleurs délais vers l’Allemagne, qui est l’Etat membre responsable pour examiner votre demande de protection internationale. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 26 juin 2018, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle du 7 juin 2018, précitée.

Dans la mesure où aucune disposition légale ne prévoit de recours au fond en la matière, l’article 35, paragraphe (3), de la loi du 18 décembre 2015 prévoyant expressément un recours en annulation contre la décision de transfert visée à l’article 28, paragraphe (1), de la même loi, seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision ministérielle précitée du 7 juin 2018 de transférer Monsieur … vers l’Allemagne. Le recours en annulation est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours et en fait, le demandeur expose avoir introduit une demande de protection internationale en Allemagne « depuis 2011 » et qu’il serait venu au Luxembourg parce qu’il se trouverait actuellement « dans une certaine détresse morale alors qu’il prétend ne pas avoir trouvé d’avocat pour défendre sa cause » en Allemagne, et ce, alors même qu’il se serait adressé à plus d’une huitaine d’avocats.

Il ajoute que, « contre toute attente », sa demande de protection internationale aurait été rejetée en Allemagne alors même qu’il serait le père d’un enfant de nationalité allemande, né le 28 août 2014.

En droit, le demandeur reproche tout d’abord au ministre d’avoir violé l’article 4 du règlement Dublin III, étant donné qu’il ne se serait pas vu remettre dans une langue qu’il comprend et par écrit des brochures l’informant de la mise en œuvre du règlement Dublin III.

Ensuite, il invoque une « violation par ricochet de l’article 3 de la Convention Européenne des droits de l’Homme », alors que son renvoi en Allemagne n’aurait que pour seule finalité d’organiser son retour vers son pays d’origine, l’Afghanistan. Il cite, à cet égard, l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH», tout en s’appuyant sur des jurisprudences de la Cour européenne des droits de l’Homme (CourEDH) dans lesquelles il a été retenu que l’article 3 de la CEDH s’appliquait par ricochet aux personnes faisant l’objet de remises vers d’autres Etats membres lorsqu’il existait un risque d’expulsion de cet autre Etat membre vers un pays dans lequel la personne risque des traitements inhumains et dégradants, voire la mort.

Le demandeur précise que l’année 2018 aurait été particulièrement violente en Afghanistan et verse un article de presse intitulé « En Afghanistan, la guerre fait rage même en plein hiver », publié le 11 février 2018 sur le site internet « ladepeche.fr ».

Finalement, le demandeur invoque une violation par la décision attaquée de l’article 8 de la CEDH. Il estime, en effet, que son transfert en Allemagne serait constitutif d’une ingérence dans sa vie privée et familiale, alors qu’il risquerait d’être séparé de sa fille pendant plusieurs années.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Le tribunal relève que l’article 28, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 dispose que : « Si, en application du règlement (UE) n°604/2013, le ministre estime qu’un autre Etat membre est responsable de l’examen de la demande, il sursoit à statuer sur la demande jusqu’à la décision du pays responsable sur la requête de prise ou de reprise en charge.

Lorsque l’Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge du demandeur, le ministre notifie à la personne concernée la décision de la transférer vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner sa demande de protection internationale.».

L’article 18, paragraphe (1), point d), du règlement Dublin III, sur lequel le ministre s’est basé pour conclure à la responsabilité des autorités allemandes de prendre, respectivement de reprendre en charge le demandeur, prévoit que « L’Etat membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : […] d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d’un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre Etat membre. ».

Il s’ensuit que si le ministre estime qu’en application du règlement Dublin III un autre pays est responsable de l’examen de la demande de protection internationale et si ce pays accepte la reprise en charge de l’intéressé, le ministre décide de transférer la personne concernée vers l’Etat membre responsable sans examiner la demande de protection internationale introduite au Luxembourg.

Le tribunal constate de prime abord qu’en l’espèce, la décision ministérielle déférée est motivée, d’une part, par le fait, non contesté, que le demandeur a déposé les 21 octobre 2009 et 22 août 2011 une demande de protection internationale en Allemagne et, d’autre part, et par renvoi expresse à l’article 18, paragraphe (1), d) du règlement Dublin III, par le fait que les autorités allemandes ont accepté de reprendre en charge Monsieur …, de sorte que c’est a priori à bon droit que le ministre a décidé de le transférer vers l’Allemagne et de ne pas examiner sa demande de protection internationale.

Le tribunal constate ensuite que le demandeur ne conteste pas la compétence de principe de l’Etat allemand, respectivement l’incompétence de principe de l’Etat luxembourgeois, mais il soutient en premier lieu qu’il n’aurait pas reçu dans une langue qu’il comprend, la brochure, l’informant de la mise en œuvre du règlement Dublin III visée à l’article 4 du règlement Dublin III.

L’article 4 du règlement Dublin III prévoit ce qui suit: « 1. Dès qu’une demande de protection internationale est introduite au sens de l’article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l’application du présent règlement, et notamment:

a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d’une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d’un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l’État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée;

b) des critères de détermination de l’État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu’une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n’est pas fondée sur ces critères;

c) de l’entretien individuel en vertu de l’article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations;

d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert;

e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d’exécuter leurs obligations découlant du présent règlement;

f) de l’existence du droit d’accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l’objet d’un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l’article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel.

2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu’il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. […] 3. La Commission rédige, au moyen d’actes d’exécution, une brochure commune ainsi qu’une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l’application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. Ces actes d’exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d’examen visée à l’article 44, paragraphe 2, du présent règlement.».

Il se dégage dudit article 4 du règlement Dublin III que les informations en question sont transmises au demandeur de protection internationale par écrit par le biais d’une brochure commune à tous les Etats membres, et peuvent encore être précisées oralement dans le cadre de l’entretien individuel.

En l’espèce, le tribunal constate, d’une part, qu’il ressort du dossier administratif, et plus particulièrement d’un certificat du 22 mai 2018, signé par le demandeur, qu’à cette même date, l’intéressé « […] a reçu en mains propres et a pris connaissance [d’une] […] Brochure d’informations pour demandeurs de protection internationale en langue perse […]» et, d’autre part, que Monsieur … n’a ni allégué ni a fortiori établi que le contenu de cette brochure ne serait pas conforme aux exigences inscrites à l’article 4 du règlement Dublin III ni qu’il ne maîtriserait pas la langue perse.

Il y a dès lors lieu de conclure que le demandeur avait connaissance, notamment, de l’application dudit règlement et de ses objectifs, ainsi que des critères de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen de sa demande de protection internationale, en ce compris celui prévu à l’article 18 paragraphe (1) du susdit règlement, sur lequel la décision déférée est fondée.

Il s’ensuit que le moyen tiré d’une violation de l’article 4 du règlement Dublin III est à rejeter pour ne pas être fondé.

Le demandeur invoque, en second lieu, une violation par la décision attaquée de l’article 3 de la CEDH en soutenant que son renvoi vers l’Allemagne aurait comme seule finalité d’organiser son retour vers l’Afghanistan où sa vie serait en danger.

Force est, à cet égard, au tribunal de rappeler que le système européen commun d’asile a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l’ensemble des Etats y participant qu’ils soient Etats membres ou Etats tiers, respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève et le protocole de 1967, ainsi que dans la CEDH, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard1. C’est précisément en raison de ce principe de confiance mutuelle que le législateur de l’Union européenne a adopté le règlement Dublin III en vue de rationaliser le traitement des demandes d’asile et d’éviter l’engorgement du système par l’obligation, pour les autorités des Etats membres, de traiter des demandes multiples introduites par un même demandeur, d’accroître la sécurité juridique en ce qui concerne la détermination de l’Etat responsable du traitement de la demande d’asile et ainsi d’éviter le « forum shopping », l’ensemble ayant pour objectif principal d’accélérer le traitement des demandes tant dans l’intérêt des demandeurs d’asile que des Etats participants23.

Il échet de constater que le demandeur a bien vu sa demande de protection internationale examinée en Allemagne, puisque les autorités allemandes ont explicitement accepté de le reprendre en charge sur base de l’article 18, paragraphe 1 d), du règlement Dublin III, disposition qui vise le cas d’un demandeur de protection internationale « dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d’un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre État membre».

En ce qui concerne le risque allégué d’une expulsion en cascade, s’il est vrai qu’il ressort, notamment, de la jurisprudence de la CourEDH, que dans certains cas, il ne peut être exclu que l’application des règles prescrites par le règlement Dublin III puisse entraîner un risque de violation de l’article 3 CEDH, la présomption selon laquelle les Etats participants respectent les droits fondamentaux prévus par la CEDH n’étant en effet pas irréfragable4, il n’en reste pas moins, qu’un tel risque n’est actuellement pas concrètement étayé.

En effet, le demandeur affirme simplement que le but de son transfert vers l’Allemagne serait d’organiser son retour en Afghanistan, sans établir que tout demandeur de protection internationale afghan définitivement débouté de sa demande de protection internationale par les autorités allemandes soit automatiquement, sans possibilité de recours, éloigné de force vers son pays d’origine.

Le demandeur est, par ailleurs, resté en défaut de communiquer au tribunal un quelconque élément permettant de retenir qu’il existerait en Allemagne des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 CEDH : en effet, ce pays est signataire de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de la CEDH, de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés - comprenant le principe de non-refoulement y inscrit à l’article 33 - ainsi que du Protocole additionnel du 31 janvier 1967 relatif aux réfugiés et, à ce titre, est obligée d’en appliquer les dispositions.

Le demandeur n’a pas non plus apporté la preuve que personnellement et concrètement ses droits n’auraient pas été respectés en ne critiquant à aucun moment la procédure ayant abouti en Allemagne au rejet de sa demande de protection internationale.

1 CJUE, 21 décembre 2011, N.S. e.a., C-411/10 et C-493/10, point 78.

2 Ibidem, point. 79.

3 trib. adm 26 février2014, n° 33956 du rôle, Pas adm. 2017, V° Etrangers, n° 907 et les autres références y citées.

4 CEDH, grande chambre, 4 novembre 2014, Tarakhel c. Suisse, n° 29217/12; CEDH, grande chambre, 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, n° 30696/09.

Le demandeur n’allègue pas non plus que les droits des demandeurs de protection internationale déboutés en Allemagne ne seraient automatiquement et systématiquement pas respectés, ou encore que les demandeurs de protection internationale déboutés n’auraient en Allemagne aucun droit ou aucune possibilité de les faire valoir.

Le tribunal constate, à cet égard, plus particulièrement que l’affirmation du demandeur suivant laquelle, depuis 2011, il n’aurait réussi à trouver en Allemagne aucun avocat prêt à défendre sa cause reste non seulement à l’état de pure allégation, mais est, par ailleurs, contredite par les pièces qu’il a versées lui-même à l’appui du recours sous analyse et plus particulièrement par le courrier qui a été adressé le 11 mai 2018 par le « Hessisches Ministerium des Innern und für Sport » à l’avocat allemand de Monsieur … pour lui faire part des suites réservées à la demande adressée pour compte de son mandant, en date du 28 avril 2016, au « Hessischer Landtag ».

Enfin, si les autorités allemandes devaient néanmoins décider de rapatrier le demandeur en Afghanistan en violation de l’article 3 de la CEDH, il lui appartiendrait de faire valoir ses droits directement auprès des autorités allemandes en usant des voies de droit adéquates ; sinon celui-ci pourrait, tous recours épuisés, encore saisir la Cour européenne des droits de l’Homme et lui demander, sur base de l’article 39 de son règlement intérieur, de prier les autorités allemandes de surseoir à l’exécution du rapatriement jusqu’à l’issue de la procédure devant cet organe.

Le moyen tenant à une violation par la décision attaquée de l’article 3 CEDH doit dès lors également être rejeté pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne finalement la violation alléguée par la décision attaquée de l’article 8 de la CEDH, le tribunal est tout d’abord amené à rappeler que la décision actuellement litigieuse n’implique pas un retour vers le pays d’origine du demandeur, mais désigne uniquement l’Etat membre responsable pour le traitement de sa demande de protection internationale, respectivement de ses suites, de sorte que le ministre n’avait en tout état de cause pas à prendre en compte les conséquences d’un éventuel retour en Afghanistan sur une prétendue vie privée et familiale du demandeur en Allemagne. A cela s’ajoute que, tel que le relève à juste titre la partie étatique, dans la mesure où le demandeur ne se prévaut pas d’une vie privée et familiale qui existerait sur le territoire luxembourgeois et dont il appartiendrait, le cas échéant, au ministre d’assurer le respect, il ne saurait de toute façon être reproché au ministre d’avoir violé l’article 8 de la CEDH en prenant la décision de transfert actuellement attaquée.

Le moyen tiré d’une violation de l’article 8 de la CEDH doit dès lors également être rejeté pour ne pas être fondé.

Au vu des considérations qui précèdent, et à défaut d’autres moyens, le recours est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de vacation du 25 juillet 2018 par :

Annick Braun, vice-président, Alexandra Castegnaro, premier juge, Daniel Weber, juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.

Arny Schmit Annick Braun 8


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 41344
Date de la décision : 25/07/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2018-07-25;41344 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award