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25/07/2018 | LUXEMBOURG | N°33558a

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 juillet 2018, 33558a


Tribunal administratif N° 33558a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 octobre 2013 1re chambre Audience publique de vacation du 25 juillet 2018 Recours formé par la société anonyme … SA, …, contre des décisions du ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures en matière de quotas d’émission de gaz à effet de serre

JUGEMENT

Revu la requête inscrite sous le numéro 33558 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 31 octobre 2013 par Maître Guy Loesch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre

des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … SA, établie et ayant son siège ...

Tribunal administratif N° 33558a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 octobre 2013 1re chambre Audience publique de vacation du 25 juillet 2018 Recours formé par la société anonyme … SA, …, contre des décisions du ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures en matière de quotas d’émission de gaz à effet de serre

JUGEMENT

Revu la requête inscrite sous le numéro 33558 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 31 octobre 2013 par Maître Guy Loesch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … SA, établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le n° …, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de 1) l’arrêté rendu en date du 6 juin 2013 par le ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures modifiant le paragraphe 1er de l’article 6 de l’arrêté d’allocation de quotas d’émission de gaz à effet de serre n° … du 7 février 2008 et imposant à la société anonyme … SA la restitution de 80.922 quotas d’émission de gaz à effet de serre pour le 31 juillet 2013, décision ayant fait l’objet d’un recours gracieux en date du 8 juillet 2013, 2) de la décision préalable de proposition de restitution de quotas du 18 décembre 2012 du même ministre, ainsi qualifiée, et 3) de la décision de refus du 24 septembre 2013 du même ministre déclarant le recours gracieux introduit en date du 8 juillet 2013 contre la décision précitée du 6 juin 2013 non fondé ;

Vu le jugement du tribunal administratif du 17 décembre 2014 ;

Vu l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 19 juin 2015, n° 00119 du registre ;

Vu l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne du 8 mars 2017, portant le numéro C-321/15 ;

Vu l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 16 juin 2017, portant le numéro 00119 du registre ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour du 22 décembre 2017 de Maître Patrick Kinsch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de l’Etat ;

Vu l’ordonnance du vice-président de la première chambre du 3 janvier 2018 autorisant la production de mémoires additionnels ;

Vu le mémoire additionnel déposé le 5 février 2018 par Maître Guy Loesch au greffe du tribunal administratif pour le compte de la société demanderesse ;

Vu le mémoire additionnel déposé le 5 février 2018 par Maître Patrick Kinsch au greffe du tribunal administratif pour le compte de l’Etat ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment les décisions critiquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Guy Loesch et Maître Patrick Kinsch en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 juin 2018.

___________________________________________________________________________

Par un arrêté du 7 février 2008, référencé sous le n° …, le ministre de l’Environnement, agissant dans le cadre de la loi modifiée du 23 décembre 2004 établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre, ci-après désignée par « la loi du 23 décembre 2004 », et en exécution du plan national d’allocation de quotas d’émission de gaz à effet de serre, alloua à la société anonyme … SA, ci-après « … », une quantité totale de 405.365 tonnes de CO2 pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2012.

En date du 22 février 2012, l’administration de l’Environnement délivra à … 81.073 quotas pour l’année 2012 relatifs au site de … par inscription au crédit du registre du système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre (EU ETS).

En date du 23 avril 2012, … adressa à l’administration de l’Environnement un courrier de la teneur suivante :

« (…) Comme vous le savez, depuis l’année 2008 la mauvaise conjoncture a eu pour effet un ralentissement de la production sur nos sites sidérurgiques luxembourgeois. Depuis la fin de l’année dernière, l’aciérie ainsi que le TLM du site de … se trouvent en suspension d’activités et ceci pour une durée indéterminée. Le STFS tourne en marche réduite en raison d’une semaine par mois.

Dans ce contexte, nous vous saurions gré de bien revoir les conditions des arrêtés n°1/07/0266 et n°1/92/0868 concernant les contrôles réglementaires.

Il va de soi que les contrôles réglementaires périodiques (émissions atmosphériques, contrôle cuves, etc.) ne pourront pas être réalisés à l’aciérie de … ainsi qu’au TLM, tant que ceux-ci se trouvent à l’arrêt. Le même argument vaudra pour la rédaction des rapports annuels pour l’année 2012 en l’absence d’une reprise. Les contrôles pourraient être réalisés au STFS, mais au vue de la marche irrégulière du train, nous vous saurions gré de bien vouloir les mettre en suspens jusqu’à une reprise plus régulière. La rédaction des rapports restera évidemment maintenue, étant donné que le train aura produit encore cette année.

Dans ce cadre, nous souhaitons aborder plus spécifiquement le contrôle des rejets aqueux du site. A ce jour, nous sommes en train d’assainir l’étang de …. Selon nos prévisions, ce chantier durera encore plusieurs mois. Dans le cadre de l’arrêté n°1/08/0250, nous sommes tenus de réaliser des contrôles hebdomadaires des rejets aqueux vers l’Alzette.

Vu la faible activité du site de …, nous vous saurions gré de bien vouloir mettre les contrôles des rejets aqueux demandés dans l’arrêté n°1/92/0868 en suspens et de prendre en compte les rapports d’analyses fournis dans le cadre de l’arrêté n° 1/0B/0250, du moins pour le temps de la durée du chantier. (…) ».

Le 21 décembre 2012, le ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures, ci-après désigné par « le ministre délégué », adressa à … un courrier libellé comme suit :

« Vu la directive modifiée 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil ;

Vu la loi modifiée du 23 décembre 2004 1) établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre ; 2) créant un fonds de financement des mécanismes de Kyoto ; 3) modifiant l’article 13bis de la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés ; et notamment ses articles 8, paragraphe 3, 12, paragraphe 4 et 13, paragraphe 6 ;

Vu l’arrêté N° … du 7 février 2008 délivré à … S.A. représenté par son conseil d’administration actuellement en fonction pour son installation … - site de …, et notamment ses articles 2, paragraphe 4 et 6 paragraphes 1 et 4 ;

Vu le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes et notamment son article 9 ;

Vu le courrier du 23 avril 2012 adressé à l’Administration de l’environnement relatif à la cessation de l’exploitation de l’aciérie et du TLM du site de … à durée indéterminée et ce depuis la fin de l’année 2011 sans préjudice quant à la date exacte ;

Considérant que sur base de l’arrêté N° … du 7 février 2008 précité, … S.A. s’est vu allouer 405 365 quotas d’émission de gaz à effet de serre à titre gratuit pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2012 ;

Considérant que 81 073 quotas ont été alloués en date du 22 février 2012 pour l’année 2012 ;

se propose :

1) de modifier le paragraphe 1er de l’article 6 de l’arrêté N° … du 7 février 2008 précité comme suit :

« 1) Une quantité totale de 324 292 t de CO2 est allouée à l’exploitant pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2011 pour les activités et installations visées à l’article 1er. » 2) de solliciter au courant de l’année 2013, sans préjudice quant à une date exacte, la restitution de 81 073 quotas d’émission de gaz à effet de serre.

décide :

d’accorder à … S.A. précitée un délai d’un mois à compter de la réception de la présente, pour présenter ses observations. (…) ».

… ayant pris position y relativement par courrier du 14 février 2013 et ayant pu encore faire valoir ses observations lors d’une entrevue en date du 20 mars 2013, le ministre délégué prit en date du 6 juin 2013 un arrêté libellé comme suit :

« Vu la proposition de décision du 21 décembre 2012 annexée à la présente ;

Vu le courrier d’… SA (ci-après « … ») du 14 février 2013 ;

Considérant l’entrevue avec … du 20 mars 2013 ;

Vu le courrier d’… du 3 avril 2013 ;

Considérant la cessation de l’exploitation de l’installation …- site de … à durée indéterminée fin 2011 et la non reprise des activités au cours de 2012 ;

Considérant la restitution par … de 151 quotas d’émission de gaz à effet de serre en date du 29 avril 2013 ;

Considérant que les moyens invoqués par … lors de l’entrevue précitée et dans les courriers précités ne sont pas de nature à désavouer la modification de l’arrêté n° … du 7 février 2008 et la restitution des quotas d’émission de gaz à effet de serre ;

Arrête Art. 1er. Le paragraphe 1er de l’article 6 de l’arrêté n° … du 7 février 2008 est modifié comme suit :

« 1) Une quantité totale de 324 292 t de CO2 est allouée à l’exploitant pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2011 pour les activités et installations visées à l’article 1er » Art. 2. … doit transférer 80 922 quotas d’émission de gaz à effet de serre pour le 31 juillet 2013 au plus tard sur le compte EU-100-5020220-0-9 (AEV IN11 de I’Administration de l’environnement). (…) ».

Le 8 juillet 2013, … introduisit un recours gracieux à l’encontre de cet arrêté, recours gracieux qui fut toutefois rejeté par décision du ministre délégué du 24 septembre 2013.

Par requête inscrite sous le numéro 33558 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 31 octobre 2013, … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté du 6 juin 2013 du ministre délégué modifiant le paragraphe 1er de l’article 6 de l’arrêté d’allocation de quotas d’émission de gaz à effet de serre n° … du 7 février 2008 et lui imposant la restitution de 80.922 quotas d’émission de gaz à effet de serre pour le 31 juillet 2013, « pour autant que de besoin », de la décision préalable, ainsi qualifiée, de proposition de restitution de quotas du 18 décembre 2012 du même ministre, et finalement de la décision de refus du 24 septembre 2013 du même ministre déclarant le recours gracieux introduit en date du 8 juillet 2013 contre la décision précitée du 6 juin 2013 non fondé.

Dans son jugement du 17 décembre 2014, le tribunal se déclara incompétent pour connaître du recours principal en réformation tel que dirigé contre le courrier du 18 décembre 2012 du ministre délégué et, pour le surplus, reçut le recours principal en réformation en la forme.

Pour le surplus, le tribunal saisit la Cour constitutionnelle de la question suivante :

« L’article 13 (6) de la loi modifiée du 23 décembre 2004 établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre, dans la mesure où il permet au ministre compétent d’exiger la restitution sans indemnité totale ou partielle des quotas délivrés conformément à l’article 12 (2) et (4) de la même loi, mais non utilisés ; est-il conforme à l’article 16 de la Constitution consacrant le droit à la propriété privée ? ».

Par un arrêt du 19 juin 2015, la Cour constitutionnelle saisit à son tour la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) de la question préjudicielle suivante :

« L'article 13, paragraphe 6, de la loi modifiée du 23 décembre 2004 établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à et de serre, dans la mesure où il permet au ministre compétent d'exiger la restitution sans indemnité totale ou partielle des quotas délivrés conformément à l'article 12, paragraphes 2 et 4, de la même loi mais non utilisés, est-il conforme à la directive 2003/8[7]/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la communauté et modifiant la directive 96/6110E du Conseil, ce plus particulièrement à l'économie du système d'échange des quotas y prévu, cette question s'étendant à celle de l'existence effective, voire, dans l’affirmative, de la qualification de la restitution de quotas délivrés, mais non utilisés; de même qu'à celle de la qualification éventuelle de biens de pareils quotas ».

Par un arrêt du 8 mars 2017, portant le numéro C-321/15, la CJUE dit pour droit ce qui suit :

« La directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil, telle que modifiée par le règlement (CE) n° 219/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2009, doit être interprétée en ce sens qu'elle ne s'oppose pas à une législation nationale qui permet à l'autorité compétente d'exiger la restitution sans indemnité, totale ou partielle, de quotas non utilisés qui ont été indûment délivrés à l'exploitant, en conséquence de la violation par ce dernier de l'obligation d'informer en temps voulu l'autorité compétente de la cessation de l'exploitation d'une installation.

Les quotas délivrés après qu'un exploitant a cessé les activités exercées dans l'installation concernée par ces quotas, sans en avoir informé au préalable l'autorité compétente, ne peuvent être qualifiés de « quotas » d'émission, au sens de l'article 3, sous a), de la directive 2003/87, telle que modifiée par le règlement n° 219/2009.».

Par son arrêt du 16 juin 2017, n° 00119 du registre, la Cour constitutionnelle « dit que, par rapport à la question préjudicielle posée et à la prémisse posée dans l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 8 mars 2017, les dispositions de l'article 13, paragraphe 6, de la loi modifiée du 23 décembre 2004 ne sont pas contraires à l'article 16 de la Constitution ; ».

A la suite de ces arrêts, les parties à l’instance ont été autorisées, chacune, à produire un mémoire additionnel.

Dans son mémoire additionnel, la demanderesse rappelle les faits et rétroactes de l’affaire, en l’occurrence le jugement du tribunal administratif du 17 décembre 2014, suivi de l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 19 juin 2015 et de l’arrêt de la CJUE du 8 mars 2017, et fait valoir que la CJUE, dans son arrêt du 8 mars 2017, aurait répondu à la question préjudicielle posée par la Cour constitutionnelle au seul regard du droit de l’Union européenne et qu’aussi bien la CJUE que la Cour constitutionnelle se seraient cantonnées à l’unique prémisse d’une délivrance indue des quotas litigieux, alors qu’aucune des deux Cours n’aurait envisagé la prémisse d’une délivrance légitime et justifiée des quotas litigieux. En conséquence, il reviendrait au tribunal d’envisager toutes les hypothèses recouvertes par l’article 13, paragraphe 6 de la loi du 23 décembre 2004 afin d’en apprécier la conformité à l’article 16 de la Constitution.

La demanderesse insiste sur la considération que l’article 13, paragraphe 6 de la loi du 23 décembre 2004 ne serait pas conforme à l’article 16 de la Constitution, en renvoyant, à cet égard, à la requête introductive d’instance et à son mémoire en réplique.

Pour le surplus, elle fait valoir que si les quotas indûment délivrés n’auraient pas d’existence juridique propre et ne pourraient être qualifiés de biens au sens de l’article 16 de la Constitution, un quota valablement délivré serait un bien sur lequel s’exerce le droit de propriété, l’exploitant en devenant propriétaire au moment de sa délivrance par l’autorité compétente.

Elle estime ainsi que le fait de savoir si les quotas litigieux ont été délivrés par l’Etat de façon indue ou non serait l’élément-clé à la solution du litige.

Elle fait valoir que le tribunal aurait déjà tranché cette question dans son jugement du 17 décembre 2014, dans la mesure où il avait retenu qu’il ne résulterait d’aucun élément factuel fourni par l’Etat que l’arrêt des activités sur le site de … serait définitif respectivement que ses explications quant au caractère éminemment provisoire de la suspension des activités seraient erronées. Le tribunal aurait encore retenu que les quotas litigieux auraient effectivement été délivrés par inscription sur le compte de l’exploitant mais non utilisés par celui-ci.

Suivant la demanderesse, le tribunal aurait, dans son jugement du 7 décembre 2014, statué à titre définitif sur le moyen relatif à la cessation d’activité, de sorte que ce constat serait revêtu de l’autorité de chose jugée, la demanderesse soulignant que l’autorité de chose jugée s’attacherait à la fois au dispositif et aux motifs du jugement.

Les conséquences suivantes seraient à en déduire :

Le tribunal aurait constaté avec autorité de chose jugée que rien ne permettait à l’époque de la décision de l’autorité administrative de conclure à une fermeture définitive du site de … et qu’en conséquence, les quotas litigieux auraient été dûment délivrés par l’Etat.

La CJUE ainsi que la Cour constitutionnelle auraient décidé que seuls les quotas indûment délivrés à l’exploitant ne revêtiraient pas la qualité de biens et pourraient faire l’objet d’un retrait subséquent par l’autorité administrative sur le fondement de l’article 13, paragraphe 6, précité. A contrario, les quotas légitimement délivrés à l’exploitant revêtiraient la qualité de biens et ne pourraient plus, sauf procédure d’expropriation, faire l’objet d’un retrait par l’autorité administrative compétente sur le fondement de l’article 13, paragraphe 6 de la loi du 23 décembre 2004.

Le tribunal administratif devrait tirer les conséquences logiques de ces constats et réformer sinon annuler les décisions litigieuses ordonnant la restitution de quotas en conformité avec les demandes formulées dans l’acte introductif d’instance et du mémoire en réplique.

La partie étatique fait, à son tour, valoir dans son mémoire additionnel que suite aux arrêts de la CJUE et la Cour constitutionnelle en réponse aux questions préjudicielles posées, il reviendrait au tribunal administratif de vérifier si … a effectivement « cessé » ses activités en novembre 2011 et si cette suspension peut être qualifiée de cessation des activités au sens de l’article 13, paragraphe 6 de la loi du 23 décembre 2004.

A cet égard, l’Etat rappelle que la loi du 23 décembre 2004 transposerait en droit luxembourgeois la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003, ci-après désignée par « la directive 2003/87/CE ».

S’agissant de la notion de cessation d’activité, qui serait au centre du présent litige, l’Etat souligne que celle-ci aurait été définie de manière précise par une décision de la Commission du 27 avril 2011, définissant les règles transitoires pour l’ensemble de l’Union concernant l’allocation harmonisée de quotas d’émission à titre gratuit conformément à l’article 10bis de la directive 2003/87/CE du Parlement et du Conseil, ci-après désigné par « la décision de la Commission du 27 avril 2011 », et renvoie plus particulièrement à l’article 22 de cette décision de la Commission.

Il fait valoir que le critère de « preuve de la reprise de la production dans un délai précis et raisonnable », mentionné à l’article 11bis, paragraphe 12 de la loi du 23 décembre 2004 ne serait qu’un résumé du critère fixé de manière plus détaillée par l’article 22, paragraphe 1er, littera e) de la décision de la Commission du 27 avril 2011, précitée, à savoir la reprise dans un délai de six mois depuis la cessation, à moins que l’exploitant ait demandé et obtenu l’accord des autorités nationales à étendre ce délai à 18 mois maximum eu égard à des « circonstances exceptionnelles et imprévisibles ».

Il ressortirait de ces différents textes qu’une cessation d’activité devrait se comprendre non seulement comme une inactivité de l’installation dont il est manifeste qu’elle ne reprendra jamais (plus précisément si l’autorisation d’émissions est expirée ou a été retirée, ou au cas où la reprise de l’activité est techniquement impossible), mais également comme une inactivité de l’installation dont la durée ne pourrait être déterminée.

D’après l’Etat, dès lors qu’il est établi qu’à un certain moment, une installation a cessé de fonctionner alors qu’elle fonctionnait auparavant, ce serait à l’exploitant qu’incomberait la charge de la preuve de ce que l’exploitation reprendra dans les six mois suivant la cessation provisoire des activités. Ce ne serait, par conséquent, pas à l’administration de prouver que la cessation, déclarée comme temporaire par l’exploitant, est en réalité à considérer comme cessation définitive, mais il appartiendrait à l’exploitant d’établir que la cessation d’activité n’est que passagère et que l’activité reprendra dans les six mois. L’Etat ajoute que, par ailleurs, il faudrait que l’exploitant ait respecté son obligation de déclarer à l’administration cet événement capital constitué par une cessation, même temporaire, des activités sur un site.

Or, en l’espèce, la demanderesse se serait abstenue, en contravention à cette obligation légale, de déclarer quoi que ce soit à l’administration après que son assemblée générale ait décidée le 19 octobre 2011 d’arrêter l’exploitation du site à titre « prétendument» temporaire.

L’Etat souligne que s’il est certes vrai que la demanderesse avait affirmé que la cessation de ses activités n’aurait pas été définitive en 2011, elle aurait également affirmé à plusieurs reprises que la « suspension » de son activité était prévue « pour une durée indéterminée », tel que cela ressortirait d’une lettre à l’administration de l’Environnement du 23 avril 2012, et qu’il n’aurait à l’époque pas été possible de déterminer si l’activité allait reprendre ou non. Or, il s’agirait là d’une cessation au sens spécifique de l’article 13, paragraphe 6, précité.

L’Etat ajoute que même en 2013, la demanderesse prétendrait n’être pas encore en mesure de signifier un arrêt définitif et ne pouvoir exclure une reprise de l’activité, sans pour autant préciser une date de la reprise potentielle, l’Etat se référant, à cet égard, à un courrier adressé à l’administration de l’Environnement en date du 28 janvier 2013.

Il ressortirait encore des explications fournies dans le mémoire en réplique du 28 février 2014 que fin 2011, lorsque les activités des sites de … et de … avaient été temporairement arrêtées, la demanderesse n’aurait pas été en mesure d’établir que l’activité allait reprendre dans les six mois à venir ou même à une date ultérieure.

De même suivant le rapport du vérificateur LRQA du 17 janvier 2013 soumis à l’administration de l’Environnement, « les installations de l’aciérie sont à l’arrêt depuis le 28 octobre 2011 », que « l’aciérie n’a pas fonctionné de toute l’année 2012 », que « l’aciérie n’a pas fonctionné et la comptabilisation des matières présente de ce fait un risque nul en 2012 », que « compte tenu de l’absence de fonctionnement, la comptabilisation du gaz n’est pas fiable (compteurs non adaptés à la consommation) mais inexistante, ce qui explique le risque faible » et que « vu les faibles consommations de gaz, les compteurs ne sont pas adaptés, et les consommations ne peuvent être considérées comme fiables, bien que des chauffages aient pu fonctionner ». L’Etat conclut qu’il se serait agi déjà à l’époque d’une cessation d’activité au sens de l’article 13, paragraphe 6 de la loi du 23 décembre 2004 et de l’article 22 de la décision de la Commission, qui, de plus, aurait dû être déclarée au ministre.

La partie étatique donne à considérer qu’au vu des lettres envoyées par la demanderesse et surtout au vu du rapport du vérificateur, la demanderesse aurait effectivement suspendu les activités de son installation de … à partir du mois de novembre 2011, point de fait qu’il resterait à vérifier par le tribunal administratif au vu de l’arrêt de la CJUE du 8 mars 2017 et l’arrêt la Cour constitutionnelle du 16 juin 2017. Cette suspension devrait être qualifiée de cessation d’activité au sens de l’article 13, paragraphe 6 de la loi, étant donné qu’… ne prétendrait même pas être en mesure d’établir que l’exploitation reprendrait à brève échéance.

L’Etat insiste ensuite sur le défaut de déclaration de la cessation d’activité par la demanderesse, de sorte qu’il s’agirait d’une demande de restitution des quotas indûment alloués.

Il estime que le défaut de déclaration de la cessation d’activité en violation de la loi du 23 décembre 2004 aurait été prémédité puisque la demanderesse aurait attendu exactement l’écoulement du délai de 60 jours prévus à l’article 34bis du règlement (CE) 2216/2004 de la Commission du 21 décembre 20014 concernant un système de registre normalisé et sécurisé conformément à la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil et à la décision no 280/2004/CE du Parlement européen et du Conseil, tel que modifié par le règlement (UE) 920/2010 de la Commission du 7 octobre 2010 concernant un système de registres normalisé et sécurisé conformément à la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil et à la décision no 280/2004/CE du Parlement européen et du Conseil, ci-après désigné par « le règlement 2216/2004 », pour notifier à l’administration la suspension de ses activités.

En l’espèce, l’allocation des quotas aurait, en effet, eu lieu le 22 février 2012 et ce ne serait que par lettre du 23 avril 2012 adressée à l’administration de l’Environnement que la demanderesse l’aurait informé du fait que ses activités à … et à … étaient suspendues « depuis la fin de l’année dernière » c’est-à-dire depuis fin 2011. Cette lettre aurait été envoyée exactement 61 jours après l’allocation des quotas litigieux, empêchant ainsi toute demande d’annulation de l’allocation des quotas en cause en application de l’article 34bis du règlement 2216/2004. Or, si la demanderesse s’était manifestée dans les 60 jours, l’administration aurait facilement pu annuler la transaction. En attendant le 61ième jour, la demanderesse aurait visiblement espéré échapper à toute remise en question de la délivrance des quotas pour l’année 2012, croyant, à tort, comme le montrerait l’arrêt de la CJUE, qu’à partir de l’échéance de 60 jours, la délivrance des quotas serait irrévocable.

Enfin, l’Etat cite les considérants numéros 32 à 36 de l’arrêt du 8 mars 2017 de la CJUE, de même que les conclusions de l’avocat général en leur point 79 dans cette même affaire.

S’agissant de l’incidence de certains passages du jugement du tribunal administratif du 17 décembre 2014, la partie étatique expose que dans ce dernier, le tribunal aurait certes dû procéder à une interprétation provisoire du texte de la directive et de la loi avant d’avoir eu l’occasion d’interroger la CJUE. Or, sur trois points la motivation du jugement devrait être nuancée, et même redressée, ces passages de la motivation n’étant, en effet, d’après la partie étatique, pas couverts par l’autorité de chose jugée qui ne reviendrait qu’à une décision définitive, la seule décision définitive prise par le tribunal suivant le dispositif étant celle de se déclarer incompétent pour connaître du recours en réformation tel que dirigé contre le courrier du 18 décembre 2012.

Ainsi, premièrement, et contrairement à ce qui avait été retenu par le tribunal dans son jugement du 17 décembre 2014, la CJUE aurait expressément retenu que l’article 13, paragraphe 6 de la loi est une transposition de l’article 7 de la directive.

Deuxièmement, et contrairement à ce que le tribunal avait retenu dans son jugement du 17 décembre 2014, une cessation d’activité n’impliquerait pas nécessairement un élément définitif ou inéluctable, mais il suffirait que l’exploitant ne soit pas en mesure de prouver que l’exploitation, qu’il a temporairement suspendue, reprendra dans les six mois suivant la cessation des activités, tel que cela ressortirait de l’article 22, paragraphe 1er, littera e) de la décision de la Commission du 27 avril 2011.

A cet égard, l’Etat donne à considérer que le but poursuivi par l’obligation de déclarer à l’administration toute modification dans le mode d’exploitation des installations serait d’établir une comptabilité stricte des émissions et de veiller à l’exactitude des chiffres et les circonstances entourant les quotas, dans l’objectif final de la protection de l’environnement. Il s’agirait donc de tenir compte de la situation de fait réelle et non pas des déclarations des exploitants quant à leur intention.

Troisièmement, il n’existerait pas de « nécessaire interconnexion » entre la loi du 23 décembre 2004 et celle du 10 juin 1999 et cela contrairement à ce que le tribunal avait retenu dans son jugement du 17 décembre 2014. En effet, il ne conviendrait pas de confondre la déclaration de la cessation d’activité définitive prévue par la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, ci-après désignée par « la loi du 10 juin 1999 », avec la déclaration de cessation d’activité conformément à la loi du 23 décembre 2004.

Bien que la demanderesse n’ait pas procédé fin 2011 à une déclaration de cessation d’activité définitive au sens de la loi du 10 juin 1999, cette circonstance ne pourrait justifier la continuation de l’allocation de nouveaux quotas malgré l’arrêt de facto des activités du site. A cet égard, l’Etat souligne que ce ne serait que le 3 mai 2016 que la demanderesse aurait fait une déclaration de cessation d’activité au sens de la loi du 10 juin 1999. Pourtant, pour les années 2013, 2014, 2015 et 2016, elle n’aurait jamais réclamé l’allocation de quotas d’émission. Il serait dès lors clair que l’allocation de quotas ne dépendrait pas de l’absence de déclaration de cession d’activité de l’installation au sens de la loi du 10 juin 1999.

Les deux lois en question poursuivraient encore des objectifs différents dont il faudrait tenir compte dans leur interprétation, l’objectif poursuivi par la loi du 10 juin 1999 étant la prévention et la réduction des pollutions en provenance des établissements, de protéger la sécurité, la salubrité ou la commodité par rapport au public, au voisinage et au personnel des établissements, la santé et la sécurité des travailleurs au travail ainsi que l’environnement humain et naturel et de promouvoir un développement durable, tandis que l’objectif de la loi du 23 décembre 2004 serait d’établir un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre afin de favoriser la réduction de telles émissions dans des conditions économiquement efficaces et performantes.

Il ne pourrait dès lors pas être retenu que le critère pour l’allocation de quotas d’émission soit l’absence de déclaration de cessation d’activité définitive au sens de la loi du 10 juin 1999, une telle déclaration constituant, en effet, une mesure radicale impliquant d’importantes conséquences pour l’exploitant, alors qu’une déclaration de cessation d’activité au sens de la loi du 23 décembre 2004 n’aurait pour conséquence que la suspension de l’allocation de quotas pour l’année durant laquelle les quotas ne sont pas utilisés. Le critère décisif dans la question de savoir si les quotas doivent ou ne doivent pas être alloués à un exploitant tiendrait au fait qu’il y a eu ou non émission de CO2 pendant l’année en question et non à l’intention de l’exploitant de mettre un terme définitif à ses activités. En l’espèce, l’assemblée générale de la demanderesse aurait déjà décidé à la fin de l’année 2011, c’est-à-dire avant la délivrance des quotas litigieux, que son activité allait être arrêtée pour l’année 2012, sans en informer le ministre. La décision de réclamer la restitution des quotas serait partant justifiée.

Enfin, l’Etat donne à considérer qu’il n’aurait jamais soutenu que l’article 13, paragraphe 6 de la loi du 23 décembre 2004 conférerait au ministre un pouvoir discrétionnaire d’ordonner la restitution de quotas, même si ceux-ci ont été régulièrement et valablement délivrés à l’exploitant, pareil ordre de restitution violant, d’après l’Etat, le système de la directive 2003/87/CE, de sorte qu’une telle hypothèse de demande de restitution de quotas délivrés régulièrement ne serait pas en cause en l’espèce et que partant il serait inutile de se prononcer sur la question de la constitutionnalité de la loi du 23 décembre 2004 dans une telle hypothèse où il ne serait pas envisageable d’ordonner la restitution des quotas conformément à la loi et à la directive.

D’autre part, l’Etat souligne que la demanderesse ne démontrerait pas « ce qu’elle [devrait] démontrer conformément au point 31 de l’arrêt de la CJUE du 8 mars 2017 et à l’arrêt subséquent de la Cour constitutionnelle », mais se bornerait à invoquer l’autorité de chose jugée qui ne s'attacherait toutefois aux considérants de décisions qu'à condition que ces considérants aboutissent à une disposition du dispositif de la décision, ce qui ne serait toutefois pas le cas en l’espèce.

Force est d’abord au tribunal de rappeler que, tel que cela a été relevé dans son jugement du 17 décembre 2014, les moyens présentés par la demanderesse à l’appui de son recours peuvent être résumés comme suit :

-

défaut de motivation des décisions litigieuses, … considérant que le ministre se serait limité à invoquer un certain nombre de dispositions légales et de correspondances, sans pour autant expliquer en quoi ces éléments justifiaient concrètement à l’égard d’…, la demande de restitution de quotas, et en particulier sans justifier en quoi les quotas litigieux devaient être restitués pour le principe et pour le quantum ;

-

fausse application de l’article 13, paragraphe 6 de la loi du 23 décembre 2004, … contestant toute cessation d’activité sur le site de … ;

-

mauvaise application ou interprétation de l’article 13, paragraphe (6) de la loi modifiée du 23 décembre 2004, … estimant que ladite disposition ne pourrait s’appliquer qu’aux seuls quotas attribués, mais pas encore délivrés, alors que les exploitants exerceraient un droit de propriété sur les quotas qu’ils détiennent, de sorte que la demande de restitution porterait atteinte au droit de propriété d’… ;

-

violation de la confiance légitime qu’… pouvait avoir dans ses droits acquis ainsi que du principe de non-rétroactivité des actes administratifs.

Dans son jugement du 17 décembre 2014, le tribunal a d’ores et déjà examiné le premier moyen ainsi invoqué par la demanderesse et fondé sur un défaut de motivation des décisions litigieuses et a conclu au rejet du moyen, solution dont le tribunal n’entend pas se départir.

S’agissant du second moyen fondé sur le reproche tenant à une fausse application de l’article 13, paragraphe 6 de la loi du 23 décembre 2004, le tribunal a relevé dans son jugement, précité, que la cessation de l’exploitation d’une installation constitue un pré-requis pour pouvoir exiger la restitution totale ou partielle des quotas non utilisés en application de cette disposition, aux termes de laquelle « Toute cessation totale ou partielle de l’exploitation d’une installation doit immédiatement être notifiée au ministre. Le ministre statue sur la restitution totale ou partielle des quotas non utilisés. ».

Par rapport à la question de l’existence, en l’espèce, d’une cessation de l’exploitation au sens de cette disposition, le tribunal a retenu que le courrier du 23 avril 2012, invoqué par la partie étatique, et informant l’Etat d’une « suspension d’activités » sur le site de …, tout comme le courrier du 28 janvier 2013 adressé par la demanderesse à l’administration de l’Environnement, sont insuffisants pour établir une cessation de l’exploitation au sens de la loi du 23 décembre 2004 à la date des décisions querellées.

Dans ce contexte, le tribunal a encore dégagé des dispositions de l’article 11bis, paragraphe 12 de la loi du 23 décembre 2004, telle que modifié par la loi du 26 décembre 2012, aux termes duquel « […] Les installations dont l’autorisation d’émettre des gaz à effet de serre a expiré ou a été retirée et les installations dont l’activité ou la reprise d’activité est techniquement impossible sont considérées comme ayant cessé leurs activités », disposition en vigueur au moment où le ministre délégué a statué, qu’une cessation d’activité ou cessation de l’exploitation implique nécessairement un élément définitif ou inéluctable. A cet égard, le tribunal a relevé que même si l’article précité ne renferme qu’une énumération non exhaustive d’hypothèses de cessation d’activité et non pas une définition générale, ces précisions dans la disposition précitée permettent néanmoins de dégager le sens de la notion de cessation d’activité comme impliquant nécessairement un élément définitif ou inéluctable.

En conclusion, le tribunal a retenu qu’il ne résulte pas d’un quelconque élément factuel lui fourni par l’Etat que l’arrêt des activités sur le site de … serait définitif, respectivement que les explications d’… quant au caractère éminemment provisoire de la suspension des activités seraient erronées, le tribunal ayant encore constaté que l’Etat n’était, par ailleurs, pas intervenu pour exiger d’… le respect des dispositions impératives de l’article 13 (8) de la loi du 10 juin 1999, imposant le respect de formalités en cas d’une cessation d’activités définitive, et ce notamment lorsqu’une telle cessation est constatée par l’administration compétente, le tribunal ayant souligné, à cet égard, la nécessaire interconnexion entre la loi du 23 décembre 2004 et la loi du 10 juin 1999, la cessation d’activité étant une notion de fait, de sorte que lorsqu’une telle situation factuelle est dûment constatée, elle doit nécessairement avoir des implications au niveau des deux législations citées ci-dessus.

Encore que le tribunal aurait déjà pu déduire du constat qu’une cessation de l’exploitation au sens de l’article 13, paragraphe 6 de la loi du 23 décembre 2004 n’était pas établie en l’espèce, que le ministre délégué n’était pas fondé, sur base de cette disposition, de demander la restitution des quotas litigieux, il a néanmoins posé à la Cour constitutionnelle la question de la compatibilité de l’article 13, paragraphe 6, précité, avec l’article 16 de la Constitution et cela au regard des moyens d’… relatifs au caractère illégal de la demande de restitution, et aux conséquences de la restitution réclamée par rapport notamment au droit de propriété et à la légitime confiance.

Le tribunal constate de prime abord qu’actuellement, la partie étatique entend remettre en question l’analyse d’ores et déjà faite par le tribunal non seulement quant à l’appréciation factuelle de l’existence d’une cessation de l’exploitation, mais encore quant à l’interprétation de cette notion, la partie étatique argumentant que la notion de cessation de l’exploitation au sens de l’article 13, paragraphe 6 de la loi du 23 décembre 2004, permettant au ministre de solliciter la restitution des quotas d’ores et déjà attribués et délivrés, viserait non seulement une cessation définitive, mais encore une simple suspension des activités pour une durée qui n’est pas déterminée par l’exploitant.

Le tribunal relève ensuite qu’a priori et à défaut de distinction prévue dans cette disposition, - et cela indépendamment de la question de la conformité d’une demande de restitution de quotas non utilisés avec la directive 2003/87/CE, respectivement avec l’article 16 de la Constitution-, une telle demande pourrait s’entrevoir dans deux cas de figure, à savoir, premièrement, celui d’une attribution indue de quotas puisque l’exploitant avait omis d’informer l’Etat d’une cessation de l’exploitation, et, deuxièmement, celui où, à la suite de l’attribution légitime de quotas au début de l’année, une cessation de l’exploitation est constatée en cours de l’année.

Force est au tribunal de constater que suivant le dernier état de ses conclusions1, l’Etat fonde la décision de restitution des quotas non utilisés exclusivement sur la première hypothèse, à savoir sur le motif suivant lequel les quotas auraient ab initio été alloués de façon indue à …, étant donné que celle-ci aurait omis de l’informer, au plus tard au moment de l’attribution des quotas, d’une cessation de l’exploitation sur le fondement de l’article 13, paragraphe 6 de la loi du 23 décembre 2004, l’Etat affirmant dans son mémoire additionnel qu’une demande de restitution de quotas dans la deuxième hypothèse visée ci-dessus violerait d’ailleurs la directive 2003/87/CE.

Au regard de ces conclusions de l’Etat, celui-ci justifiant ainsi la décision litigieuse par la seule considération que les quotas auraient été indûment attribués et précisant expressément que l’hypothèse d’une cessation de l’exploitation à la suite de l’attribution justifiée de quotas n’est pas en cause en l’espèce et serait d’ailleurs contraire au droit européen, le tribunal limitera son analyse à la seule hypothèse d’une demande de restitution de quotas indûment attribués, l’examen de l’argumentation de la demanderesse fondée sur une illégalité d’une demande de restitution de quotas attribués de façon justifiée devenant ainsi surabondant.

C’est d’ailleurs également sur une telle prémisse d’attribution indue de quotas que l’analyse de la CJUE et de la Cour constitutionnelle a porté.

A cet égard, la CJUE a relevé dans son arrêt du 8 mars 2017 qu’il appartient au tribunal administratif, en tant que juridiction nationale compétente, de vérifier si « … a effectivement suspendu les activités de son installation de … à partir du mois de novembre 2011 et si cette suspension pouvait être qualifiée de « cessation des activités », au sens de l’article 13 paragraphe 6, de la loi du 23 décembre 2004 »2, la CJUE ayant conclu que si tel était le cas, la directive 2003/8/CE ne s’oppose pas à ce que l’autorité compétente adopte dans les circonstances telles que celles de l’espèce une décision ordonnant la restitution, sans indemnité, des quotas d’émission, puisque si une installation a cessé ses activités à une date antérieure à celle de l’allocation des quotas d’émission, ceux-ci ne pourraient pas être utilisés en vue de comptabiliser des émissions de gaz à effet de serre qui ne sont plus susceptibles d’être produites par celle-ci.

Il convient dès lors d’examiner, en continuation de l’analyse d’ores et déjà faite par le tribunal dans son jugement du 17 décembre 2014, si l’Etat est fondé à argumenter qu’en 1 Mémoire additionnel du 5 février 2018, page 10, sub 1.

2 Considérant n° 31.

l’espèce, les quotas ont été attribués de façon indue à la demanderesse, et plus particulièrement d’examiner s’il est fondé à argumenter que dès novembre 2011 et en tout cas au moment de l’attribution des quotas en février 2012, la suspension non contestée de l’aciérie du site de … à partir de novembre 2011 est à qualifier de cessation de l’exploitation au sens de l’article 13, paragraphe 6 de la loi du 23 décembre 2004.

Tel que cela a été relevé ci-avant, le tribunal a d’ores et déjà retenu que la notion de cessation de l’exploitation implique nécessairement un élément définitif et inéluctable.

En ce qui concerne l’autorité de chose jugée invoquée par la demanderesse, qui interdit de remettre en cause un jugement en dehors des voies de recours, et qui ne s’attache qu’au dispositif et aux motifs qui le sous-tendent directement3, même si le tribunal n’a pas tranché au dispositif de son jugement du 17 décembre 2014 le fond du litige, il n’entend pas se départir de l’analyse d’ores et déjà faite, cette analyse étant confortée par les dispositions applicables au présent litige.

A cet égard, le tribunal constate que la directive, de même que la loi du 23 décembre 2004, distinguent entre, d’une part, les règles applicables pour l’allocation des quotas, et, d’autre part, celles applicables en cas de demande de restitution de quotas inutilisés, une fois les quotas alloués, cela dans le contexte d’une cessation de l’exploitation.

Tel que cela a été relevé par l’avocat général dans ses conclusions dans l’affaire C-

321/154, en l’espèce, le tribunal n’a pas à examiner une décision de refus d’attribution de quotas qui serait motivée par le constat que l’attribution est demandée pour un site ayant cessé d’être exploité, mais il s’agit en l’occurrence d’une demande de restitution de quotas d’ores et déjà attribués et délivrés, au motif avancé que les quotas auraient dès le départ été indûment alloués puisqu’au moment de leur attribution, l’exploitant aurait déjà cessé son activité.

Parmi les dispositions régissant l’allocation des quotas, figurent plus particulièrement les dispositions de l’article 11bis, paragraphe 12, de la loi du 23 décembre 20045, transposant l’article 10bis, paragraphe 19 de la directive 2003/87/CE, dont l’article 11bis, paragraphe 12 a repris le libellé. Suivant cette disposition, aucun quota ne sera alloué à titre gratuit à une installation dont les activités ont cessé, à moins que l’exploitant apporte la preuve de la reprise de la production dans un délai précis et raisonnable. L’article 11bis, paragraphe 12, précité, donne deux exemples de cessation des activités, à savoir si l’autorisation d’émettre des gaz à effet de serre a expiré ou a été retirée et si l’activité ou la reprise d’activité est techniquement impossible. La notion de cessation d’activité, dans ce contexte de l’attribution de quotas, a, par la suite, été définie, à partir de l’année 2013, plus spécifiquement par la Commission dans sa décision du 27 avril 2011, qui en son article 22, paragraphe 1, point e) mentionne, outre les cas de figure prévus à l’article 11bis, paragraphe 12, précité, issus de l’article 10bis, paragraphe 19 de la directive 2003/87/CE, celui où l’installation n’est pas en 3 Trib. adm. 24 octobre 2001, numéro 13634 du rôle, Pas. adm. 2017, V° Procédure contentieuse, numéro 864 et les autres références y citées.

4 Point n° 73.

5 « Aucun quota n’est alloué à titre gratuit à une installation qui a cessé son activité, sauf si l’exploitant apporte au ministre, pour cette installation, la preuve de la reprise de la production dans un délai précis et raisonnable.

Les installations dont l’autorisation d’émettre des gaz à effet de serre a expiré ou a été retirée et les installations dont l’activité ou la reprise d’activité est techniquement impossible sont considérées comme ayant cessé leurs activités ».

activité, mais l’a été précédemment et l’exploitant n’est pas en mesure d’établir que l’exploitation reprendra dans les six mois suivant la cessation des activités. Les exemples de cessations d’activité cités au paragraphe 1 de l’article 22 de la décision de la Commission du 27 avril 2011 sont à lire ensemble avec les paragraphes 36 et 47 du même article, mentionnant les conséquences à tirer du constat d’une cessation d’activité au moment de l’attribution des quotas, à savoir la non-délivrance de quotas et cela à compter de l’année suivant la cessation d’activité, respectivement la possibilité pour les Etats membres de suspendre la délivrance de quotas d’émission aux installations visées au paragraphe 1, point e), tant qu’il n’est pas établi qu’elles vont reprendre leurs activités, ces dispositions s’inscrivant dans une logique de comptabilité stricte des émissions et d’exactitude des chiffres et des circonstances entourant les quotas, rappelées par la CJUE dans son arrêt du 8 mars 20178.

D’autre part, l’hypothèse de la demande de restitution des quotas une fois attribués mais non utilisés, qui est en cause en l’espèce, est réglée plus particulièrement par l’article 13 de la loi du 23 décembre 2004, intitulé « Transfert, restitution et annulation de quotas », qui, en son paragraphe 6, dispose que « Toute cessation totale ou partielle de l’exploitation d’une installation doit immédiatement être notifiée au ministre. Le ministre statue sur la restitution totale ou partielle des quotas non utilisés », et qui transpose9 l’article 7 de la directive 2003/87/CE10. Cette disposition implique, d’une part, une obligation d’information immédiate du ministre de toute cessation totale ou partielle de l’exploitation d’une installation, et permet, d’autre part, au ministre de demander la restitution totale ou partielle des quotas non utilisés. Cette disposition est, tel que cela a d’ailleurs été retenu par la CJUE dans son arrêt du 8 mars 201711 et relevé par l’avocat général dans ses conclusions précitées12, susceptible d’être appliquée plus particulièrement dans l’hypothèse telle que celle de l’espèce où l’Etat est d’avis que les quotas sont à restituer au motif qu’ils n’auraient jamais dû être attribués parce que l’exploitant aurait omis d’informer le ministre de la cessation de l’exploitation.

Si au niveau de l’attribution des quotas l’article 11bis, paragraphe 12 de la loi du 23 décembre 2004 envisage la possibilité pour l’exploitant de se faire attribuer des quotas à titre gratuit, s’il établit que l’activité, bien qu’ayant cessé, reprendra dans un délai précis et raisonnable, le constat s’impose qu’une simple suspension provisoire des activités n’implique aucune conséquence au niveau de l’attribution des quotas, de sorte que ces dispositions confortent la conclusion du tribunal ci-avant retenue qu’une cessation de l’activité requiert un élément définitif et inéluctable. Dans cette même logique, une simple suspension provisoire des activités ne saurait non plus être qualifiée de cessation de l’exploitation déclenchant une obligation de restitution de quotas une fois attribués, sur le fondement de l’article 13, paragraphe 6 de la loi du 23 décembre 2004, disposition qui 6 « Lorsqu’une installation a cessé ses activités, l’Etat membre concerné ne lui délivre plus de quotas d’émission à compter de l’année suivant la cessation d’activité ».

7 « Les Etats membres peuvent suspendre la délivrance de quotas d’émission aux installations visées au paragraphe 1, point e), tant qu’il n’est pas établi qu’elles vont reprendre leurs activités ».

8 Considérants n° 24, 25 et 30.

9 Tel que rappelé au considérant n° 30 de l’arrêt de la CJUE du 8 mars 2017, C-321/15.

10 « L’exploitant informe l’autorité compétente de tous changements prévus en ce qui concerne la nature, le fonctionnement de l’installation, ou toute extension ou réduction importante de sa capacité, susceptibles de nécessiter une actualisation de l’autorisation d’émettre des gaz à effet de serre. Le cas échéant, l’autorité compétente actualise l’autorisation. […] ».

11 Considérant n° 32.

12 Point n° 77.

mentionne exclusivement une cessation de l’exploitation et non pas une suspension provisoire des activités au cours de l’année.

Le tribunal est encore amené à retenir que la partie étatique n’est pas fondée à se prévaloir de la décision de la Commission, précitée, du 27 avril 2011 pour appuyer sa thèse quant à la définition de la notion de cessation d’activité au sens de l’article 13, paragraphe 6, reposant, en substance, sur l’affirmation qu’il appartiendrait à la demanderesse d’établir qu’au moment de la suspension de son exploitation elle avait l’intention de reprendre l’exploitation dans un proche avenir.

En effet, d’une part, la décision, précitée, de la Commission est, conformément à son article 1er, applicable uniquement à partir de l’année 201313, de sorte à être inapplicable ratione temporis au présent litige visant les quotas attribués au titre de l’année 2012, cette décision étant susceptible d’entrer en ligne de compte uniquement pour l’attribution des quotas à partir de l’année 2013, étant encore relevé que l’Etat, bien que se fondant actuellement sur la décision de la Commission du 27 avril 2011, avait, dans son mémoire en réponse14, conclu à l’inapplicabilité de ladite décision à l’année 2012.

D’autre part, et même à admettre l’applicabilité de ladite décision en l’espèce, force est de constater que les règles y inscrites visent l’allocation des quotas d’émission, la décision de la Commission du 27 avril 2011, définissant les règles pour l’allocation de quotas d’émission gratuits conformément à l’article 10bis de la directive 2003/87/CE, et les conséquences à en déduire, à savoir la non-délivrance de quotas, respectivement la suspension de la délivrance de quotas, de manière à ne pas être ipso facto transposables à une hypothèse, tel que cela est le cas en l’espèce, de demande de restitution de quotas d’ores et déjà attribués.

Ensuite, toujours à admettre que la décision, précitée, de la Commission soit applicable d’ores et déjà à l’année 2012, il convient de retenir que, par principe, une suspension des activités n’entraîne pas ipso facto la non-délivrance ou une suspension de la délivrance de quotas, mais il convient, suivant la décision de la Commission, d’examiner les perspectives de reprise dans un délai raisonnable. Dans cette logique, la notion de cessation d’activité implique, tel que le tribunal l’a retenu dans son jugement du 17 décembre 2014 et relevé ci-avant, nécessairement un élément définitif ou inéluctable, une simple suspension de l’activité décidée pour une durée déterminée avec une volonté de revoir la situation dans un proche avenir ne pouvant ainsi être qualifiée de cessation de l’exploitation.

S’agissant spécifiquement de la charge de la preuve à fournir en l’espèce, le tribunal relève que s’il peut être admis qu’il est de bon sens que l’attribution des quotas ne saurait dépendre des seules déclarations de l’exploitant et que celui-ci doit, dans le cadre d’une demande d’attribution gratuite de quotas, fournir la preuve de la volonté de reprendre l’exploitation dans un délai précis et raisonnable si son activité a cessé, il en est différemment si l’Etat prend l’initiative, après la délivrance des quotas, d’en demander la restitution au motif que ceux-ci auraient été attribués de façon indue. Dans cette hypothèse, il appartient, dans une première phase, à l’Etat d’exposer des motifs permettant de conclure à l’existence d’une cessation de l’exploitation.

13 Voir également considérant n° 13.

14 Page 2 du mémoire en réponse du délégué du gouvernement du 28 janvier 2014.

Il s’ensuit que l’argumentation de la partie étatique quant à la notion de cessation d’activité et à la charge de la preuve, fondée sur la décision de la Commission du 27 avril 2011 et sur la prémisse que l’exploitant devrait, en toute hypothèse, fournir la preuve de la reprise de la production dans un délai précis et raisonnable, et cela même en cas de demande de restitution de quotas d’ores et déjà alloués, est à rejeter.

S’agissant de la question de savoir si, en l’espèce, l’activité d’… a cessé l’exploitation conformément à l’article 13, paragraphe 6 de la loi du 23 décembre 2004, le tribunal retient qu’il ne se dégage d’aucun élément lui soumis que la demanderesse ait cessé son exploitation au moment de l’attribution des quotas en février 2012, sans perspective de reprise, justifiant une demande de restitution des quotas alloués au motif que les quotas auraient dès le départ été alloués indûment.

A cet égard, il convient de préciser qu’il se dégage de l’extrait du procès-verbal du conseil d’administration d’… du 19 octobre 2011, versé aux débats, qu’il a été décidé d’arrêter « temporairement » la production de l’aciérie du site de … en novembre et décembre 2011, à côté de la réduction de la production des trains A et C de …, le conseil d’administration ayant précisé expressément que ces actions ne seraient valables que pour la période allant au 31 décembre 2011. Il ressort ensuite d’un communiqué des ministres Frieden et Krecké du 14 décembre 2011, suite à la réunion du Comité de coordination tripartite « sidérurgie » du même jour, qu’… a confirmé le prolongement de « l’arrêt provisoire jusqu’en mars 2012 », de sorte qu’il convient d’en déduire qu’à ce moment, les participants à ladite réunion, y compris l’Etat, partaient du principe qu’il n’y avait pas cessation définitive de l’exploitation, mais seulement suspension provisoire avec une perspective de reprise dans un proche avenir, la situation devant être réexaminée en mars 2012. Si par la suite, suivant l’extrait du procès-verbal de la réunion du conseil d’administration d’… du 19 mars 2012, tenue après l’attribution des quotas, il a été retenu de prolonger la « suspension » d’activité du four électrique de … ainsi que de son aciérie, cette fois-ci pour une durée indéterminée, cette unité de production étant, d’après l’extrait, en arrêt depuis octobre 2011, l’Etat n’est pas fondé à déduire de cette décision qu’ab initio, la suspension n’aurait pas été provisoire, mais qu’en réalité il y aurait eu cessation définitive de l’exploitation.

Il s’ensuit que la partie étatique soutient à tort qu’en février 2012, les quotas auraient, de façon indue, été attribués à une exploitation qui, en réalité, aurait cessé son activité, dans la mesure où il ne se dégage pas des éléments à la disposition du tribunal qu’au moment de l’attribution des quotas, le site litigieux ait cessé son activité de façon définitive, mais où, au contraire, les éléments relevés ci-avant témoignent de ce que la suspension n’était décidée que pour des durées déterminées, l’intention exprimée par l’exploitant étant celle de réviser la situation dans des délais rapprochés. A cet égard, l’Etat est encore mal fondé à reprocher à la demanderesse de ne pas l’avoir informé d’une suspension des activités au moment de l’attribution des quotas, alors qu’il ressort du communiqué de presse précité des ministres Frieden et Krecké, que la situation était parfaitement connue par l’Etat.

Partant, le seul motif invoqué par l’Etat à l’appui de la demande de restitution des quotas ne permet pas de justifier les décisions déférées.

Dans la mesure où l’Etat n’avance pas d’autre motif à la base de sa décision, et admet, par ailleurs, qu’une demande de restitution pour des quotas attribués de façon légitime violerait de toute manière la directive 2003/87/CE, les décisions déférées sont, dans le cadre du recours en réformation, à annuler, cette conclusion s’imposant sans qu’il n’y ait lieu d’examiner, en l’espèce, si la suspension pour une durée indéterminée, telle que décidée en mars 2012, s’analyse en une cessation d’activité, la seule situation au moment de l’attribution des quotas étant pertinente pour l’examen du bien-fondé du motif à la base des décisions litigieuses, à savoir le constat d’une attribution indue de quotas du fait qu’à ce moment, l’exploitation aurait cessé.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et sans qu’il n’y ait lieu d’examiner plus en avant les autres moyens présentés par la demanderesse, que le recours est à déclarer fondé et l’arrêté du ministre délégué du 6 juin 2013, ensemble la décision confirmative du 24 septembre 2013 sur recours gracieux, est à annuler dans le cadre du recours en réformation, en ce qu’elle impose à tort à la demanderesse la restitution de 80.922 quotas d’émissions de gaz à effet de serre.

La demande en allocation d’une indemnité de procédure de 5.000 euros réclamée par la demanderesse est à déclarer non fondée, en ce qu’il n’est pas justifié en quoi il serait inéquitable de laisser à son unique charge les frais non compris dans les dépens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

vidant le jugement du 17 décembre 2014 ;

annule, dans le cadre du recours en réformation, l’arrêté du ministre délégué du 6 juin 2013 en ce qu’il impose à la demanderesse la restitution de 80.922 quotas d’émission de gaz à effet de serre pour le 31 juillet 2013, de même que la décision confirmative du 24 septembre 2013 du même ministre prise sur recours gracieux ;

rejette la demande en paiement d’une indemnité de procédure formulée par la demanderesse ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de vacation du 25 juillet 2018 par :

Annick Braun, vice-président, Olivier Poos, premier juge, Alexandra Bochet, attaché de justice, en présence du greffier en chef Arny Schmit.

Schmit Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 25/07/2018 Le greffier du tribunal administratif 18


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 33558a
Date de la décision : 25/07/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2018-07-25;33558a ?

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