Tribunal administratif N° 39877 et 40100 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits les 13 juillet 2017 1re chambre et 25 août 2017 Audience publique du 4 juillet 2018 Recours formé par Monsieur …et consort, Reckange/Mersch, contre des décisions du ministre de l’Environnement en matière de protection de la nature et permis de construire
JUGEMENT
I Vu la requête inscrite sous le numéro 39877 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 13 juillet 2017 par Maître Georges Krieger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …et de Monsieur …, agriculteurs, demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre de l’Environnement du 28 décembre 2016 leur refusant l’autorisation pour la reconstruction d’une grange et de la décision implicite de refus du même ministre du fait du silence gardé pendant plus de trois mois suite à un recours gracieux daté du 15 février 2017 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 7 décembre 2017;
Vu le mémoire en réplique de Maître Georges Krieger déposé au greffe du tribunal administratif le 8 janvier 2018 au nom de Messieurs … et …, préqualifiés ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 février 2018 ;
II Vu la requête inscrite sous le numéro 40100 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 25 août 2017 par Maître Georges Krieger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …et de Monsieur …, agriculteurs, demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre de l’Environnement du 28 décembre 2016 leur refusant l’autorisation pour la reconstruction d’une grange, de la décision implicite de refus du même ministre du fait du silence gardé pendant plus de trois mois suite à un recours gracieux daté du 15 février 2017 et de la décision du ministre du 23 août 2017, erronément qualifiée comme étant datée du 25 août 2017 prise sur recours gracieux ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 7 décembre 2017;
1 Vu le mémoire en réplique de Maître Georges Krieger déposé au greffe du tribunal administratif le 8 janvier 2018 au nom de Messieurs … et …, préqualifiés ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 février 2018 ;
I+II Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions ministérielles déférées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Sébastien Couvreur, en remplacement de Maître Georges Krieger, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-
Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 juin 2018.
En date du 13 septembre 2016, Monsieur …et Monsieur …, ci-après désignés par « les consorts…», sollicitèrent l’autorisation pour la reconstruction d’une grange sur un fonds inscrit au cadastre de la commune de Mersch, section …, sous le numéro …, au lieu-dit « … ».
Par une décision du 28 décembre 2016, le ministre de l’Environnement, ci-après désigné par « le ministre », refusa de faire droit à cette demande dans les termes suivants :
« En réponse à votre requête du 13 septembre 2016 par laquelle vous sollicitez l'autorisation pour la reconstruction d'une grange sur un fonds inscrit au cadastre de la commune de MERSCH: section … (…) sous le numéro …, j'ai le regret de vous informer qu'en vertu de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, je ne saurais réserver une suite favorable au dossier.
En effet, la construction ayant été victime d'une tempête en 2015 se trouve entre deux habitats de la Pie-grièche grise.
La Pie-grièche est une espèce intégralement protégée qui ne saurait être inquiétée selon l'article 20 de la loi modifiée du 19 janvier 2004 pré-mentionnée.
Dès lors une reconstruction à cet endroit est contraire aux objectifs énoncés à l'article 1er de la loi précitée.
Sachez toutefois que je ne m'opposerai pas à la reconstruction de la grange auprès de votre exploitation agricole existante. […] ».
En date du 15 février 2017, les consorts…introduisirent par l’intermédiaire de leur litismandataire un recours gracieux contre cette décision, recours qu’ils rappelèrent suivant lettre du 18 mai 2017.
A défaut de réponse, les consorts…ont fait introduire, par une requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 13 juillet 2017 et inscrite sous le numéro 39877 du rôle, un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision précitée du 2 ministre du 28 décembre 2016 et d’une décision implicite de refus du même ministre à la suite du recours gracieux introduit par eux.
En date du 23 août 2017, le ministre confirma sa décision du 28 décembre 2016 dans les termes suivants :
« En réponse à votre recours gracieux du 15 février 2017, rappelé par courrier le 18 mai 2017, dans le cadre de la reconstruction d'une grange sur un fonds inscrit au cadastre de la commune de MERSCH: section … (…) sous le numéro …, j'ai le regret de vous informer qu'en vertu de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, je maintiens ma décision antérieure.
En effet, votre demande ne comporte aucun nouvel élément justifiant une décision autre que celle prise le 28 décembre 2016.
Comme indiqué par les représentants de l'Administration de la nature et des forêts lors de la visite des lieux du 23 novembre 2016 et dans la décision du 28 décembre 2016, je suis toujours disposé à vous autoriser une construction nécessaire à votre exploitation agricole sur des fonds vous appartenant attenants à votre étable sise sur la parcelle n° 1651 inscrite au cadastre de la commune de Mersch, section ….
Cette construction devra cependant être destinée à stocker du matériel servant actuellement à votre exploitation agricole, à l'exception de tout stockage de matériel historique ou autre hors usage à l'image de celui qui était stocké dans la grange détruite (voir photos en annexe de votre recours gracieux).
A cette fin, je vous saurais gré de bien vouloir me faire parvenir des plans détaillés ainsi qu'une liste du matériel à stocker dans la construction agricole. […] ».
Par une requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 25 août 2017 et inscrite sous le numéro 40100 du rôle, les consorts…ont fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision précitée du ministre du 28 décembre 2016, d’une décision implicite de refus du même ministre suite au silence gardé pendant plus de trois mois à la suite du recours gracieux introduit le 15 février 2017 et de la décision du ministre du 23 août 2017 prise sur recours gracieux.
Dans la mesure où les décisions déférées ont trait à la même demande d’autorisation visant la reconstruction d’une grange, il y a lieu, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, de joindre les affaires inscrites sous le numéro 39877 et 40100 du rôle pour statuer sur leur mérite à travers un même jugement.
Conformément aux dispositions de l’article 58 de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, ci-après désignée par « la loi du 19 janvier 2004 », un recours au fond est prévu à l’encontre des décisions du ministre ayant l’environnement en ses attributions, statuant en vertu de ladite loi, de sorte que le tribunal est compétent pour connaître des recours principaux en réformation.
A l’audience des plaidoiries, le tribunal a soulevé d’office la question de la recevabilité des deux recours pour autant qu’ils sont dirigés contre une décision implicite de 3 refus du ministre à la suite du silence gardé pendant plus de trois mois face au recours gracieux introduit le 15 février 2017, et cela eu égard à la considération que, par décision du 23 août 2017, le ministre a pris une décision expresse sur recours gracieux.
A l’audience des plaidoiries, le tribunal a encore soulevé d’office la question de la recevabilité du recours inscrit, sous le numéro 40100, dans la mesure où il est dirigé contre la décision du ministre du 28 décembre 2016.
Le mandataire des consorts…s’est, en substance, rapporté à prudence de justice, tout en soulignant que le recours inscrit sous le numéro 39877 aurait été dirigé contre une décision implicite de refus dans la mesure où, au moment de l’introduction du recours, le ministre n’avait pas encore pris de décision expresse. De même, le recours inscrit sous le numéro 40100 aurait, par prudence, également été dirigé contre la décision du 28 décembre 2016 et contre une décision implicite de refus.
En disposant que « dans les affaires contentieuses qui ne peuvent être introduites devant le tribunal administratif que sous forme de recours contre une décision administrative, lorsqu’un délai de trois mois s’est écoulé sans qu’il soit intervenu aucune décision, les parties intéressées peuvent considérer leur demande comme rejetée et se pourvoir devant le tribunal administratif », l’article 4 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », pose la présomption légale d’une décision implicite de rejet qui naît ainsi du silence prolongé de l’autorité administrative sur une demande, sans qu’il n’y ait lieu de faire la distinction suivant que l’autorité administrative garde le silence par rapport à une demande initiale de l’administré ou par rapport à un recours gracieux formé à l’encontre d’une décision expresse de refus1.
Cependant, cette présomption est anéantie par l’émission, même après l’expiration du délai de trois mois suite au dépôt de la demande ou du recours gracieux, d’une décision expresse statuant sur la demande ou le recours gracieux en cause par l’autorité compétente, laquelle doit alors être considérée comme traduisant seule la position de l’autorité compétente sur la demande lui soumise.
Dans la mesure où, en l’espèce, le ministre a pris position à travers une décision expresse du 23 août 2017, les deux recours, en ce qu’il sont dirigés contre une décision implicite de refus du ministre du fait du silence gardé par celui-ci pendant plus de trois mois à la suite du recours gracieux sont à déclarer irrecevables comme étant sans objet, le recours introduit le 13 juillet 2017 ayant perdu son objet après son introduction et le recours introduit le 25 août 2017 étant sans objet ab initio.
S’agissant du recours inscrit sous le numéro 40100 pour autant qu’il est dirigé contre une décision du ministre du 28 décembre 2016, le tribunal constate que la même décision a d’ores et déjà fait l’objet du recours inscrit sous le numéro 39877.
Aux termes de l’article 13 de la loi du 21 juin 1999 « (1) Sauf dans les cas où les lois ou les règlements fixent un délai plus long ou plus court […], le recours au tribunal n’est plus recevable après trois mois du jour où la décision a été notifiée au requérant ou du jour 1 Cour adm. 28 avril 2016, numéro 37158C du rôle , disponible sous www.jurad.etat.lu 4 où le requérant a pu en prendre connaissance. (2) Toutefois, si la partie intéressée a adressé un recours gracieux à l’autorité compétente avant l’expiration du délai de recours fixé par la disposition qui précède ou d’autres dispositions législatives ou réglementaires, le délai du recours contentieux est suspendu et un nouveau délai commence à courir à partir de la notification de la nouvelle décision qui intervient à la suite du recours gracieux. (3) Si un délai de plus de trois mois s’est écoulé depuis la présentation du recours gracieux sans qu’une nouvelle décision ne soit intervenue, le délai du recours contentieux commence à courir à partir de l’expiration du troisième mois. […] ».
Il s’ensuit que le délai de recours de trois mois pour introduire un recours contre la décision du 28 décembre 2016 a certes été interrompu à la suite du recours gracieux du 15 février 2017, mais il a recommencé à courir à l’expiration du troisième mois, soit le 15 mai 2017, de sorte que le recours inscrit sous le numéro 40100 et déposé le 25 août 2017, est à déclarer irrecevable ratione temporis pour autant qu’il est dirigé contre cette décision, et cela indépendamment de l’incidence de la circonstance que cette même décision a déjà fait l’objet du recours inscrit sous le numéro 39877 du rôle.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours principal en réformation, inscrit sous le numéro 39877, est à déclarer recevable pour autant qu’il est dirigé contre la décision du ministre du 28 décembre 2016 et que le recours principal en réformation, inscrit sous le numéro 40100, est à déclarer recevable pour autant qu’il est dirigé contre la décision du ministre du 23 août 2017, les deux recours étant à déclarer irrecevables pour le surplus.
Il n’y a pas lieu de statuer sur les recours subsidiaire en annulation.
A l’appui des deux recours, les demandeurs invoquent les mêmes moyens, à savoir (i) un moyen fondé sur une violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, auquel ils ont déclaré renoncer dans leur réplique, de sorte qu’il y a lieu de leur en donner acte, (ii) un moyen fondé sur une erreur manifeste d’appréciation, (iii) un moyen fondé sur une violation des articles 10bis, 11 (6) et 16 de la Constitution et (iv) un moyen fondé sur une violation de l’article 14 c) du règlement grand-ducal du 4 janvier 2016 modifiant le règlement grand-ducal du 30 novembre 2012 portant désignation des zones de protection spéciale, ci-
après désigné par « le règlement grand-ducal du 4 janvier 2016 ».
Il convient de prime abord d’examiner le moyen fondé sur une erreur manifeste d’appréciation.
A l’appui de ce moyen, les demandeurs font valoir que la grange aurait existé depuis près de 60 ans à l’endroit litigieux et qu’elle aurait toujours servi à l’entreposage de matériel agricole. De même, les murs de la grange préexistante n’auraient pas été démolis, mais seuls les éléments en bois et tôle auraient été détruits par la tempête. Enfin, ils soulignent que la situation projetée reviendrait seulement à rétablir ce qui aurait existé depuis 60 ans.
Dans sa réponse et quant aux faits, la partie étatique expose à titre liminaire que dans la grange litigieuse, les demandeurs auraient stocké des anciennes machines agricoles dont ils ne se serviraient plus, la grange ayant été détruite par une tempête le 16 septembre 2015.
5 Une année plus tard, soit le 13 septembre 2016, les demandeurs auraient sollicité l’autorisation pour la reconstruction d’une grange. Lors d’une visite des lieux le 23 novembre 2016, les représentants de l’administration de la Nature et des Forêts auraient indiqué que la reconstruction de la grange à l’endroit choisi serait susceptible de constituer une perturbation pour la pie-grièche grise (lanius excubitor), une espèce intégralement protégée. Dans un souci de réduire l’impact sur cette espèce, il aurait été proposé d’installer la nouvelle construction sur des fonds appartenant aux demandeurs attenant à leur étable, et sis sur une parcelle inscrite sous le numéro 1651 du cadastre de la commune de Mersch, section …, permettant ainsi un regroupement des diverses constructions agricoles sur un seul site en zone verte, de limiter l’impact paysager et la perturbation de la pie-grièche grise et de rendre plus efficace le travail des demandeurs en réduisant substantiellement les distances à parcourir.
Ce serait dans ce contexte que le ministre aurait pris la décision de refus litigieuse, tout en indiquant ne pas s’opposer à ce que la reconstruction de la grange se fasse auprès de l’exploitation agricole existante.
En droit, et à titre de remarque préliminaire, la partie étatique insiste sur le principe de non-constructibilité en zone verte, tout en précisant que l’Etat ne contesterait pas que les demandeurs sont des exploitants agricoles. Tout en admettant que la construction envisagée serait ainsi en principe autorisable selon l’article 5 de la loi du 19 janvier 2004, le délégué du gouvernement fait valoir que celle-ci devrait toutefois répondre à une nécessité concrète dans le cadre de l’exploitation envisagée et que les dimensions devraient être en rapport avec cette nécessité. Or, le stockage de matériel agricole suranné et hors usage ne pourrait être qualifié comme liée à une activité agricole au sens de la loi, alors que seul le stockage de matériel activement et régulièrement utilisé dans le cadre de l’exploitation agricole tomberait dans le champ d’application de la loi.
Le délégué du gouvernement ajoute qu’après vérification de la conformité du projet à l’affectation de la zone verte, le ministre devrait encore procéder à l’examen de l’impact environnemental éventuel d’un projet conformément à l’article 56 de la loi du 19 janvier 2004, le délégué du gouvernement soulignant qu’en l’espèce, le ministre aurait refusé l’autorisation au motif que la construction se trouverait entre deux habitats de la pie-grièche grise, l’un des territoires de cette espèce étant situé à 56 m et l’autre à 202,41 m. Or, conformément à l’article 20 de la loi du 19 janvier 2004, il serait interdit d’inquiéter les espèces intégralement protégées, le délégué du gouvernement soulignant que selon l’article 1er, point 2 du règlement grand-ducal du 9 janvier 2009 concernant la protection intégrale et partielle de certaines espèces animales de la faune sauvage, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 9 janvier 2009 », tous les oiseaux, à l’exception des oiseaux classés comme gibier et du pigeon domestique retourné à l’état sauvage, seraient des espèces d’animaux intégralement protégées. Or, toute construction impliquant une activité humaine régulière, même si elle n’est qu’occasionnelle, constituerait en fait une perturbation pour la pie-grièche qui éviterait toute activité humaine dans un rayon de 300 m.
Le délégué du gouvernement ajoute que le Plan d’Action Pie-grièche grise pour la protection de la pie-grièche préconiserait le refus d’autorisation pour les constructions.
En l’espèce, les perturbations causées par la construction et la fréquentation par la suite du hangar, impliquant une activité accrue par rapport à la situation actuelle, risquerait de causer des impacts significatifs sur les espèces farouches et notamment sur les pies-grièches 6 et leur succès de reproduction. La perturbation sur un ou plusieurs territoires de cette espèce correspondrait à un impact significatif sur la population régionale.
De plus, la parcelle litigieuse se trouverait dans une zone Natura 2000, la zone de protection spéciale « vallée de l’Attert, de la Pall, de la Schwébech, de l’Aeschbech et de la Wëllerbach(LU0002014)», dont le troisième objectif serait le maintien dans un état de conservation favorable et la restauration des populations de la pie-grièche écorcheur et la pie-
grièche grise, le maintien et la restauration des zones de nidification et de chasse, notamment des structures paysagères, tels que buissons, broussailles, haies et arbres solitaires dans les pâturages et prairies, de même que la préservation de la quiétude dans les territoires, notamment de la pie-grièche grise.
S’agissant plus spécifiquement du moyen fondé sur une erreur manifeste d’appréciation, le délégué du gouvernement souligne que l’affirmation des demandeurs suivant lesquels les murs de la grange n’auraient pas été démolis et que seuls les éléments en bois et en tôle auraient été détruits par la tempête serait contredite par les éléments du dossier et plus particulièrement par les termes employés par eux-mêmes dans leur demande d’autorisation, de même que par les photos versées à l’appui du recours gracieux et par la photo aérienne prise en 2016. Ce serait seulement le socle de la construction qui aurait subsisté en partie. S’y ajouterait que la construction nouvelle dépasserait les dimensions de la construction préexistante.
Il s’ensuivrait qu’il s’agirait clairement d’une reconstruction ou nouvelle construction plutôt que d’une simple réparation d’une construction existante.
Sans contester que la grange existait depuis très longtemps, le délégué du gouvernement fait valoir qu’il ressortirait des photos versées à l’appui du recours que des anciennes machines agricoles et des modèles désuets, qui ne seraient plus utilisés, y auraient été entreposés. Cette conclusion serait confortée par le fait que les demandeurs auraient attendu pratiquement une année avant de demander l’autorisation pour la reconstruction de la grange. Les machines entreposées seraient dès lors plutôt à qualifier de « déchets » que de matériel agricole, de sorte qu’il conviendrait de s’interroger sur l’affectation de l’ancienne grange et de la conformité de celle-ci avec l’article 5 de la loi du 19 janvier 2004.
Il s’ensuivrait que les demandeurs ne seraient pas fondés à invoquer des droits acquis pour la construction du hangar agricole au même endroit.
Le délégué du gouvernement insiste encore sur la considération que le ministre serait disposé à autoriser un hangar agricole, cet hangar ne pouvant toutefois pas servir à stocker le même matériel, hors usage, que celui entreposé avant la destruction de la grange, alors que le stockage de ce matériel serait sans lien fonctionnel direct avec l’exploitation agricole des demandeurs et ne correspondrait pas à une nécessité concrète dans le cadre de l’exportation agricole. En tout cas, l’utilisation d’un hangar pour stocker du matériel désuet serait contraire à l’affectation de la zone verte.
Le délégué du gouvernement ajoute que la construction d’un nouveau hangar à des fins agricoles impliquerait une plus grande fréquentation du site et risquerait de perturber la pie-grièche grise. Un regroupement des constructions sur un seul site en zone verte 7 diminuerait la perturbation de cette espèce aussi bien que la fragmentation du paysage et rendrait, par ailleurs, le travail des demandeurs plus efficace.
Le délégué du gouvernement souligne que l’argument avancé suivant lequel le site, par son envergure, ne se prêterait pas pour l’installation de cultures ne justifierait pas une nouvelle construction agricole sur ces lieux, puisque toute construction en zone verte constituerait une atteinte à l’environnement.
Dans leur réplique, tout en admettant que la nouvelle grange dépasse partiellement les dimensions de l’ancienne, les demandeurs font valoir qu’un agrandissement serait autorisable en application des articles 5 et 10 de la loi du 19 janvier 2004.
Ils contestent, par ailleurs, que la grange n’aurait servi qu’aux besoins de stockage de matériel désuet, en affirmant que l’affectation de la grange serait sans aucun doute agricole, tout en faisant valoir que l’Etat n’indiquerait pas quelle autre affectation en serait faite par eux.
En tout cas, il appartiendrait au ministre de vérifier la légalité de l’affectation projetée suivant la demande d’autorisation et non pas de vérifier, en fait, l’affectation antérieure de la grange même si elle avait été irrégulière dans le passé.
Les demandeurs argumentent que l’unique motif de refus avancé par la partie étatique serait la volonté de proposer un autre site d’implantation pour la grange afin d’éviter une gêne pour la pie-grièche. Or, cette affirmation péremptoire ne serait nullement étayée et supposerait l’existence d’habitats de cette espèce à proximité de leur terrain, cette proximité étant toutefois purement théorique.
De même, à admettre l’argumentation de la partie étatique suivant laquelle cette espèce éviterait toute activité humaine dans un rayon de 300 m, les demandeurs font valoir qu’il conviendrait de déduire que l’espèce en question aurait alors gardé une distance d’au moins 300 m par rapport à la grange existante durant des décennies, de sorte qu’il serait surprenant que la partie étatique affirme que cette espèce serait actuellement présente à 86 m respectivement à 202 m de leur terrain.
Il conviendrait d’en déduire que soit la pie-grièche, présente à moins de 300 m de la grange, ne serait en réalité pas dérangée par cette construction, soit que les données relatives à la présence de la pie-grièche seraient erronées. Or, dans les deux hypothèses, leur projet ne poserait pas de problème pour cette espèce.
Enfin, les demandeurs font valoir que leur demande aurait été rejetée sur des bases purement théoriques, alors que conformément à l’article 12 de la loi du 19 janvier 2004, le ministre aurait dû, avant de statuer, solliciter une étude environnementale pour déterminer si leur projet était susceptible d’affecter la zone protégée. En n’exigeant pas pareille étude, le ministre aurait implicitement admis que le projet n’était pas susceptible d’affecter la zone protégée.
Dans sa duplique, l’Etat donne à considérer que les demandeurs n’établiraient pas quel matériel ils comptent stocker dans la construction planifiée.
8 S’agissant de la présence de la pie-grièche à proximité du site, l’Etat renvoie à des observations faites par la centrale ornithologique, dont il ressortirait que la pie-grièche grise, de même que la pie-grièche écorcheur auraient été recensées près de l’endroit litigieux. Il donne encore à considérer que cette espèce figurerait à l’annexe 3 de la loi du 19 janvier 2004 et tomberait non seulement sous l’article 20, mais également sous l’article 17, alinéa 1er de la loi du 19 janvier 2004. Les deux espèces de pie-grièche seraient extrêmement farouches et figureraient toutes les deux sur la liste rouge des oiseaux nicheurs au Luxembourg.
A cet égard, le délégué du gouvernement souligne que l’Etat aurait, en vertu de l’article 2 de la directive 2009/147/CE concernant la conservation des oiseaux sauvages, ci-
après désignée par « la directive Oiseaux », l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour maintenir ou adapter la population de ces espèces. L’Etat aurait rapporté la preuve que le voisinage immédiat des parcelles concernées abriterait, respectivement accueillerait effectivement des exemplaires de la pie-grièche grise et de la pie-grièche écorcheur, de sorte que les demandeurs argumenteraient à tort que le refus reposerait sur des bases purement théoriques.
En expliquant que le règlement grand-ducal du 4 janvier 2016, ayant désigné la zone de protection litigieuse, a été annulé par le tribunal administratif par deux jugements du 16 novembre 2017, numéros 37738 et 37748 du rôle, le délégué du gouvernement expose que se poserait la question du statut actuel de cette zone de protection spéciale.
Il précise que le règlement grand-ducal en question s’inscrirait dans le cadre de la transposition de la directive Oiseaux, en désignant des zones de protection spéciale supplémentaires. La directive Oiseaux imposerait, en effet, aux Etats membres de classer en zone de protection spéciale supplémentaire les terrains les plus appropriés en nombre et en surface. Dans ce contexte, en 2011, et à la suite de la demande du Lëtzebuerger Natur- a Vulleschutzliga, ensemble avec son homologue international Birdlife International, de classer six zones supplémentaires, la Commission européenne aurait fait appel aux autorités compétentes luxembourgeoises pour lui communiquer les résultats d’une évaluation du réseau national des zones de protection spéciale et de l’informer de l’intention éventuelle du gouvernement de procéder à la désignation de telles zones supplémentaires.
Ce serait à ce moment-là que les zones de protection spéciale auraient acquis le statut de zone IBA. Le délégué du gouvernement rappelle que dans les zones IBA, l’article 6, paragraphes 2 à 4, de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage, ci-après désignée par « la directive Habitat », ne s’appliquerait pas aux zones qui n’ont pas été désignées, alors qu’elles auraient dû l’être, supprimant ainsi toute possibilité des autorités nationales de recourir à une procédure permettant d’adopter, pour des raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale et économique, et sous certaines conditions, un plan ou un projet portant atteinte à une telle zone. La jurisprudence constante de la CJUE retiendrait que l’article 4, point 4, première phrase de la directive Oiseaux s’imposerait même lorsque les zones concernées n’ont pas été classées, alors qu’elles devraient l’être, le régime instauré par cette disposition ayant un effet direct. Le délégué du gouvernement se réfère encore à un jugement du tribunal administratif du 30 septembre 2015, numéro 34571 du rôle, pour souligner que ce ne serait pas parce qu’un Etat a omis de désigner un site approprié que ce site ne ferait pas l’objet d’une protection en vertu du droit communautaire.
9 L’annulation du règlement grand-ducal du 4 janvier 2016 emporterait le statut de zone de protection spéciale pour les zones de protection spéciale y désignées et engendrerait pour elles partant un retour au statut de zone IBA, dans lesquelles, pour autant qu’il s’agisse d’un effet significatif, toute détérioration des habitats, ainsi que les perturbations touchant les oiseaux sont interdites.
Le délégué du gouvernement rappelle encore que la loi du 19 janvier 2004 ne procèderait pas seulement à la définition des zones protégées conformément aux directives, mais formulerait, en outre, une série de mesures de protection s’appliquant sur le territoire entier, parmi lesquels figurerait l’interdiction inscrite à l’article 17 de la loi 19 janvier 2004 de détruire ou de détériorer des habitats tels que définis à l’annexe 1 de la loi ou encore des habitats d’espèces des annexes 2 et 3, de même que l’interdiction d’inquiéter, de tuer, de chasser, de capturer, de détenir ou de naturaliser des animaux intégralement protégés, dont notamment, conformément au règlement grand-ducal du 9 janvier 2009, tous les oiseaux vivant à l’état sauvage en Europe à l’exception de certains oiseaux classés comme gibier et du pigeon domestique retourné à l’état sauvage.
Indépendamment de la transposition totale et correcte de la directive, le ministre disposerait d’un cadre contraignant, tant pour lui-même que pour les administrés, destiné à assurer une protection particulière d’espèces animales ou végétales déterminées, de sorte que même à défaut de finalisation définitive de la procédure de classement des zones de protection spéciale, le ministre pourrait se baser notamment sur l’article 17 de la loi du 19 janvier 2004 pour refuser d’autoriser tout projet ou toute intervention risquant de compromettre sérieusement la caractéristique écologique d’un site proposé, le délégué du gouvernement se référant, à cet égard, au jugement du tribunal administratif du 30 septembre 2015, précité.
En l’espèce, un tel risque existerait justement dans la mesure où la pie-grièche grise éviterait toute activité humaine dans un rayon de 300 m, et que toute construction impliquant une activité humaine régulière constituerait une perturbation pour cette espèce.
L’érection du nouveau hangar sur un site actuellement vierge de construction et surtout l’activité humaine accrue y liée à proximité d’aires occupées sinon fréquentées par les espèces litigieuses, serait de nature à perturber celles-ci et notamment d’empêcher toute nidification telle que préconisée par le Plan d’Action Pie-grièche.
S’agissant des deux rues invoquées par les demandeurs, l’Etat souligne qu’il s’agirait de culs-de-sac et que le trafic y passant serait limité aux riverains. Le délégué du gouvernement fait valoir que face à la preuve de l’existence des deux espèces litigieuses à proximité de la construction litigieuse, il n’appartiendrait pas à l’Etat de rapporter la preuve d’une perturbation significative, mais, au contraire, au promoteur du projet, suivant l’adage actori incubit probatio, d’établir l’absence de doute raisonnable quant à un risque de perturbation significative, le cas échéant, par le biais d’une évaluation des incidences.
En l’espèce, les demandeurs, hormis le fait de nier tout risque de perturbation, respectivement de se référer à d’autres sources de perturbation, resteraient en défaut d’énerver le risque de perturbation des pies-grièches.
10 Le délégué du gouvernement ajoute qu’outre le fait de risquer de perturber les pies-
grièches, la construction litigieuse impliquerait un impact paysager et une fragmentation du paysage et serait, de ce fait, également contraire à l’objectif de la protection et de restauration des paysages conformément à l’article 1er de la loi du 19 janvier 2004.
Ce souci serait d’autant plus vrai que les demandeurs disposeraient d’un site plus approprié, respectivement d’une alternative moins problématique d’un point de vue de la protection des espèces et de la protection des paysages, en installant le hangar sur leur site accueillant leur exploitation agricole au lieu-dit « Béisener Wisen ». Vu le taux de fragmentation et du mitage du paysage au Luxembourg, il serait essentiel de regrouper les constructions en zone verte autant que possible, le délégué du gouvernement soulignant que le rôle du département de l’Environnement ne se limiterait pas seulement à trouver des emplacements pour des constructions convenant aux agriculteurs, mais serait aussi celui de trouver un équilibre entre les revendications de ceux-ci et le bien-être et la qualité de vie de la population en général. Or, la sauvegarde de la nature du paysage du patrimoine naturel serait un des piliers pour garantir ce bien-être.
Ce serait dans cette optique que le département de l’Environnement favoriserait en général le développement des exploitations agricoles sur un seul site en zone verte et encouragerait les exploitants à sélectionner des sites d’une taille minimale de 2 ha pour la création de nouveaux sites d’exploitation en zone verte afin de pouvoir accueillir des constructions supplémentaires dans le futur.
Telle aurait été l’approche lors de la première implantation de l’exploitation des consorts…en zone verte, le site d’exploitation ayant été choisi, sur proposition des demandeurs, dans un souci de réduire au maximum les trajets, le site « Béisener Wisen » se trouvant, en effet, au centre d’une surface d’au moins 35 ha d’un seul tenant exploitée par les demandeurs. Dès lors, il serait acquis que les demandeurs disposeraient de la place nécessaire sur le site d’exploitation actuel pour accueillir une ou même plusieurs constructions supplémentaires sans provoquer un impact paysager, voire une réduction d’habitats supplémentaires. Tel ne serait en revanche pas le cas du site proposé par les demandeurs et actuellement litigieux, qui serait pour le moment vierge de toute construction et qui aurait une contenance totale de seulement de 17,80 ares et ne permettrait aucun agrandissement de l’exploitation. Un regroupement sur l’exploitation agricole existante permettrait, en outre, une rationalisation et optimisation de l’organisation du travail.
Force est au tribunal de constater que le refus ministériel est fondé sur les considérations suivantes :
(i) Mise en question du lien fonctionnel de la grange avec l’exploitation agricole des demandeurs, le ministre faisant état de stockage d’anciennes machines non utilisées, (ii) Impact de la construction sur la nature et le paysage, le ministre invoquant (a) la présence de la Pie-grièche, de sorte que la construction serait non seulement contraire aux articles 17 et 20 de la loi du 19 janvier 2004, mais encore contraire au droit communautaire, l’Etat invoquant la situation du terrain dans une zone de protection spéciale et (b) le risque de mitage du paysage, le ministre faisant état de la possibilité d’ériger un hangar supplémentaire sur le site d’exploitation principal ayant un impact moindre sur la nature.
11 Il convient de prime abord d’examiner la construction litigieuse quant à sa compatibilité avec la loi du 19 janvier 2004.
Cette loi poursuit, tel qu’indiqué en son article 1er, les objectifs suivants : « la sauvegarde du caractère, de la diversité et de l’intégrité de l’environnement naturel, la protection et la restauration des paysages et des espaces naturels, la protection de la flore et de la faune et de leurs biotopes, le maintien et l’amélioration des équilibres et de la diversité biologiques, la protection des ressources naturelles contre toutes les dégradations et l’amélioration des structures de l’environnement naturel ».
Pour assurer le respect de ces objectifs, le législateur, à travers l’article 5 de la loi, a limitativement énuméré les constructions pouvant être érigées dans la zone verte en prévoyant explicitement la possibilité d’implanter en zone verte les seules constructions « servant à l’exploitation agricole, jardinière, maraîchère, sylvicole, viticole, piscicole, apicole ou cynégétique ou à un but d’utilité publique ».
Il y a, à cet égard, encore lieu de relever que pour ce qui est d’une éventuelle atteinte à la beauté du paysage, telle que mise en avant par la partie étatique, l’examen de l’impact environnemental éventuel d’un projet, opéré sur base de l’article 56 de la loi du 19 janvier 2004, notamment par rapport aux critères inscrits à l’article 1er de la même loi, n’intervient qu’après la vérification de la conformité du projet à l’affectation de la zone verte, mais n’est pas d’application lorsqu’un projet, de par sa nature, n’est pas compatible avec cette même zone, le ministre n’ayant dans cette hypothèse pas d’autre option que de refuser purement et simplement l’autorisation sollicitée2.
En l’espèce, les parties demanderesses entendent ériger un hangar qu’ils déclarent vouloir utiliser à des fins agricoles.
En règle générale, sont à considérer comme étant conformes à l’affectation d’une zone agricole, les constructions et installations qui sont nécessaires à l’exploitation agricole, c'est-
à-dire qui sont utilisées pour la production de denrées se prêtant à la consommation et à la transformation et provenant de la culture de végétaux et de la garde d’animaux de rente. De plus, ces constructions et installations doivent avoir un lien fonctionnel direct avec l’exploitation agricole, les bâtiments agricoles devant en effet correspondre à une nécessité concrète dans le cadre de l’exploitation envisagée et les dimensions devant être en rapport avec cette nécessité.3 Le tribunal relève encore qu’il découle du libellé même de l’article 5, précité, sous analyse que dans la mesure où seules les constructions y visées sont autorisables en zone verte par le ministre compétent, le texte légal consacre le principe de non-constructibilité pour ladite zone et rejoint ainsi les objectifs de la loi consistant notamment dans la sauvegarde du caractère, de la diversité et de l’intégrité de l’environnement naturel.
2 Trib. adm. 11 juillet 2011, n° 27312, Pas. adm. 2017, V° Environnement, n° 29 et les autres références y citées.
3 Trib. adm. 23 mai 2012, n°27001 du rôle, Pas. adm. 2017, V° Environnement, n°97.
12 Or, le principe même de la non-constructibilité applicable pour la zone verte appelle comme corollaire une interprétation stricte des exceptions légalement prévues. Ainsi, une construction ne saurait être autorisée que dans la mesure où il est vérifié dans son chef qu’elle sert à suffisance de droit à l’exploitation agricole à l’endroit en question.
La loi offre ainsi la possibilité d’ériger en zone verte les constructions et installations nécessaires à l’exploitation agricole ; elle ne détermine pas un droit de construction dans ces zones. Cette notion de nécessité, que le demandeur de permis de construire doit justifier, correspond pour l’essentiel au caractère indispensable de certaines installations ou constructions du point de vue du fonctionnement et des activités de l’exploitation agricole.
En l’espèce, si la réalité de l’exploitation agricole des demandeurs n’est pas remise en cause par le ministre et si, par ailleurs, la nécessité d’un abri pour entreposer des machines utilisées dans le cadre de l’exploitation agricole des demandeurs n’est par principe pas non plus contestée par la partie étatique, le ministre étant d’ailleurs disposé à accorder une autorisation pour la construction d’un hangar, mais à un endroit différent, c’est le lien fonctionnel direct entre le hangar projeté particulièrement à l’endroit litigieux et l’exploitation agricole des demandeurs qui est litigieuse, le ministre argumentant que seules des machines anciennes, non utilisées y seraient entreposées.
Le tribunal relève de prime abord que les demandeurs ne sont pas fondés à invoquer un droit acquis par rapport à une construction existante sur le site litigieux, dans la mesure où la construction préexistante a été quasi entièrement détruite, tel que cela se dégage des photos figurant parmi les pièces du dossier.
Ensuite, dans la mesure où les demandeurs affirment vouloir entreposer dans la grange projetée du matériel effectivement utilisé à leur exploitation agricole, tel que leur mandataire l’a confirmé à l’audience des plaidoiries sur question afférente du tribunal, le ministre n’est pas fondé à refuser l’autorisation sur base de la seule supposition que les demandeur vont, le cas échéant, utiliser la grange à d’autres fins que celles déclarées, cette supposition reposant sur la seule considération que, dans le passé, ils y auraient stocké du matériel non utilisé. Si tel était le cas, se poserait tout au plus un problème de non-respect de l’autorisation, qui nécessairement ne pourra être accordée que pour une affectation conforme à l’article 5, précité, en l’occurrence pour une affectation en relation avec l’exploitation agricole des demandeurs.
Dans ces conditions, le hangar litigieux est a priori autorisable en zone verte pour être conforme aux affectations énumérées à l’article 5 de la loi du 19 janvier 2004.
Quant à un éventuel impact environnemental du projet de construction litigieux tel qu’invoqué par la partie étatique, il y a lieu de relever qu’en ce qui concerne l’incidence in concreto de l’implantation litigieuse sur le site, les pouvoirs du ministre ayant l’environnement dans ses compétences sont circonscrits par l’article 56 de la loi du 19 janvier 2004, aux termes duquel « les autorisations requises en vertu de la présente loi sont refusées lorsque les projets du requérant sont de nature à porter préjudice à la beauté et au caractère du paysage ou s’ils constituent un danger pour la conservation du sol, du sous-sol, des eaux, de l’atmosphère, de la flore, de la faune ou du milieu naturel en général ou lorsqu’ils sont contraires à l’objectif général de la présente loi tel qu’il est défini à l’article 1er ».
13 Il s’ensuit que le ministre, statuant dans le cadre des compétences lui attribuées à travers la loi du 19 janvier 2004, est tenu d’opérer son contrôle par rapport aux dispositions des articles 1er et 56 de cette loi concernant ses objectifs, d’un côté, et la compatibilité du projet avec la beauté et le caractère du paysage, ainsi que son risque par rapport à l’environnement naturel y défini, de l’autre, ces critères devant être appliqués au cas par cas, en fonction des caractéristiques propres de chaque projet et de son environnement.
En ce qui concerne plus particulièrement la compatibilité du projet litigieux avec la beauté et le caractère du paysage concerné, respectivement l’environnement naturel, il convient de rappeler que le législateur n’a pas entendu préserver, au travers de l’article 56 de la loi du 19 janvier 2004, le paysage de toute atteinte quelconque, étant entendu que toute construction nouvelle constitue objectivement une atteinte à un paysage existant, respectivement à l’environnement naturel. En effet, les dispositions de la loi du 19 janvier 2004 ne doivent évidemment pas être appliquées comme interdisant ipso facto tout projet qui serait de nature à affecter à court terme l’environnement existant, sous peine de paralyser toute activité humaine, mais doivent être appliquées au cas par cas, en fonction des caractéristiques propres de chaque projet ainsi que des mesures et obligations imposées à l’exploitant afin de préserver en définitive les objectifs poursuivis par la loi4.
Le tribunal est amené à retenir que, indépendamment des considérations tenant à la présence de la pie-grièche à l’endroit litigieux, le ministre avance, à juste titre, que le hangar tel que projeté à l’endroit litigieux implique un mitige du paysage qui est incompatible avec les objectifs de la loi du 19 janvier 2004.
Il convient, à cet égard, de souligner qu’une extension dite « en mitage », c’est-à-dire l’extension désordonnée extérieure à la localité, a pour conséquence non seulement un gaspillage foncier, un développement d’un tissu urbain peu structuré et problématique en matière de réseaux comme de services, une incohérence de la gestion des espaces naturels et agricoles en frange de l’urbanisation, la stérilisation des terres agricoles, mais entraîne encore et surtout la dégradation des sites et paysages, préjudice qu’il appartient au ministre d’éviter, respectivement d’endiguer en exécution de l’article 56 de la loi du 19 janvier 2004, ladite disposition imposant en effet au ministre compétent d’analyser l’impact environnemental éventuel d’un projet, notamment par rapport aux critères inscrits à l’article 1er de la même loi, lequel prévoit en particulier « la sauvegarde du caractère, de la diversité et de l'intégrité de l'environnement naturel » ainsi que « la protection et la restauration des paysages et des espaces naturels »5.
En l’espèce, il se dégage des explications fournies par la partie étatique ainsi que des pièces à la disposition du tribunal, et plus particulièrement des photos versées aux débats, de même que des informations librement consultables sur le site geoportail6, que le hangar est projeté dans un paysage vierge de tout immeuble entre les localités de Reckange et de Boevange-sur-Attert - à l’exception du site de l’exploitation agricole appartenant aux demandeurs et d’une autre exploitation agricole à laquelle se sont référés les demandeurs -, alors qu’il n’est pas contesté qu’à l’endroit de l’exploitation agricole des demandeurs située 4 Trib. adm. 14 mai 2007, n° 22197, Pas. adm. 2017, V° Environnement, n° 45, et les autres références y citées.
5 Cf. Trib. adm. 19 mars 2014, n° 30551, disponible sous www.jurad.etat.lu.
6 http://map.geoportail.lu 14 sur un terrain inscrit au cadastre sous le numéro 1651 de la commune de Mersch, section Reckange, des terrains suffisants sont, d’après les explications non contestées de la partie étatique, disponibles pour accueillir le hangar actuellement litigieux. Au regard de l’aspect du site et de l’absence de toute construction à l’heure actuelle, l’ancien hangar étant complètement détruit, le tribunal est amené à retenir qu’il se dégage à suffisance des éléments à sa disposition, sans qu’il ne soit d’ailleurs nécessaire de procéder à une visite des lieux, que la construction du hangar à l’endroit projeté, compte tenu aussi de la disponibilité de terrains sur le site de l’exploitation agricole des demandeurs, impliquerait une atteinte à la beauté et au caractère du paysage non compatible avec les objectifs de la loi du 19 janvier 2004, de sorte que c’est à juste titre que le ministre a retenu un risque de mitage du paysage en l’espèce. Cette conclusion n’est pas infirmée par le fait que le terrain sur lequel est projeté le hangar litigieux est assez proche de la localité de Reckange et que, par ailleurs, une autre exploitation agricole est située à une distance rapprochée. En effet, en raison de l’impact incontestable d’une nouvelle construction supplémentaire sur un paysage somme toute vierge, et compte tenu de la disponibilité de terrains près de l’exploitation existante des demandeurs, le tribunal est amené à retenir que le refus du ministre, en ce qu’il est fondé sur le constat d’un mitage du paysage, est parfaitement justifié, étant souligné que le rôle du ministre est de veiller, en application de la loi du 19 janvier 2004, à réduire dans la mesure du possible - lorsque leur élimination totale s’avère impossible – l’impact sur le paysage.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le refus du ministre d’autoriser le hangar à l’endroit litigieux est a priori justifié, sans qu’il n’y ait lieu d’examiner plus en avant les autres motifs de refus invoqués, cet examen devenant surabondant de même que les contestations soulevées par les demandeurs à cet égard.
Il convient toutefois encore d’examiner le moyen fondé sur une violation des articles 10bis, 11 (6) et 16 de la Constitution, tel qu’invoqué par les demandeurs. A cet égard, ceux-ci font valoir qu’en 2013, le ministre aurait autorisé la construction d’une exploitation agricole sur une parcelle numéro …au lieu-dit « …», située à 300 m de leur propre grange.
Les demandeurs relèvent que les terrains accueillant cette exploitation seraient « curieusement » situés en dehors de la zone Natura 2000, contrairement au terrain sur lequel est située leur propre grange, et font état de ce que cette différence s’expliquerait «probablement» par une différence de traitement opérée au stade de l’élaboration de la carte de la zone « Vallée de l’Attert, de la Prall, de la Schwébesch, de l’Eschbech et de la Wëllerbach ».
Dans la mesure où la grange aurait existé depuis près de 60 ans à l’endroit litigieux et aurait toujours servi à l’entreposage de matériel agricole, les demandeurs estiment encore que l’exercice de leur travail agricole garanti par l’article 11, paragraphe 6 de la Constitution serait restreint sans motif légal valable.
Par ailleurs, ils citent l’article 16 de la Constitution et font valoir qu’en l’espèce, rien ne justifierait une atteinte à leur droit de propriété.
Dans sa réponse, le délégué du gouvernement argumente que la zone de protection spéciale litigieuse aurait été désignée par le règlement grand-ducal du 4 janvier 2016 au moment de l’élaboration duquel une étable pour bétail à engrais aurait existé sur le lieu « …», tandis que la grange des demandeurs aurait été détruite à ce moment-là. Il s’ensuivrait que les 15 demandeurs ne pourraient pas se prévaloir d’une violation de l’article 10bis de la Constitution.
Ils ne seraient pas non plus fondés à se prévaloir de l’article 11 (6) la Constitution, alors que le matériel stocké dans la grange n’aurait plus été utilisé dans le cadre de leur exploitation agricole.
S’agissant de l’article 16 de la Constitution, le délégué du gouvernement fait valoir que les demandeurs resteraient en défaut de préciser en quoi la décision déférée aboutirait à une expropriation dans leur chef, tout en faisant valoir qu’en zone verte, dans laquelle prévaudrait le principe de non-constructibilité, le droit de propriété serait limité et ne saurait s’exercer que dans le respect des dispositions de la loi du 19 janvier 2004. Les limitations au droit de propriété prévues par la loi du 19 janvier 2004 seraient dictées par l’intérêt général et notamment par la préservation de la nature et des ressources naturelles. Les exigences d’intérêt général découlant de l’article 1er de la loi du 19 janvier 2004 feraient en sorte que les considérations d’intérêt particulier sont appelées à céder le pas, le délégué du gouvernement se référant, à cet égard, à un jugement du tribunal administratif du 16 juillet 2008, numéro 23692 du rôle.
Dans leur réplique, les demandeurs critiquent que le caractère construit ou non des terrains concernés aurait eu une influence sur le contour de la zone de protection spéciale, alors que cette désignation devrait s’opérer suivant les critères fixés à l’article 34 de la loi du 19 janvier 2004.
Par ailleurs, même si les constructions invoquées par eux et situées à 300 m de leur propre terrain ne sont pas situées en zone Natura 2000, elles seraient pourtant encerclées par cette zone, l’Etat plaidant, par ailleurs, la présence de la pie-grièche qui serait dérangée par toute activité humaine dans un rayon de 300 m.
De même, ce projet de construction de l’étable pour bétail aurait nécessairement dû être analysé au regard des articles 1er, 17, 20 et 56 de la loi du 19 janvier 2004, indépendamment de la situation de la parcelle en zone Natura 2000. A l’époque, il aurait été reconnu que le projet n’était pas de nature à porter préjudice à la beauté et au caractère du paysage et ne constituait pas un danger pour la conservation du sol, du sous-sol, des eaux, de l’atmosphère, de la flore, de la faune ou du milieu naturel en général. Le projet n’aurait, par ailleurs, pas été jugé comme contraire à l’objectif général tel que défini à l’article 1er de la loi du 19 janvier 2004. De même, il aurait été jugé que le projet n’avait pas pour effet d’inquiéter les espèces intégralement protégées telle que la pie-grièche. Or, aucun élément objectif et établi ne permettrait de retenir que la situation de leur propre grange est différente.
S’y ajouterait que leur terrain est situé à l’angle de deux rues. Or, si la pie-grièche évite l’activité humaine elle éviterait également les voitures transitant par ces deux axes.
Les demandeurs ajoutent que le traitement inégal avancé par eux entre leur propre situation et le terrain inscrit au cadastre sous le numéro …ne serait pas justifié par des disparités objectives, rationnellement justifiées et proportionnées au but poursuivi.
Par ailleurs, le refus d’autorisation litigieux les priverait d’une part substantielle de leur droit de propriété puisqu’ils ne pourraient plus faire qu’un usage extrêmement limité de 16 leur terrain qui ne pourrait, en raison du refus, plus accueillir aucune construction. Cette atteinte à leur droit de propriété ne pourrait être justifiée qu’en raison de motifs d’utilité publique, qui ne seraient, par ailleurs, pas établis puisque la présence d’espèces protégées ne serait que purement théorique.
Enfin, le refus porterait atteinte au principe de liberté du travail agricole qui ne pourrait pas être battu en brèche par la seule affirmation non étayée qu’eux-mêmes ne feraient pas un usage agricole de la grange projetée.
Le tribunal constate que l’argumentation des demandeurs tirée d’une violation de l’article 10bis de la Constitution est essentiellement fondée sur un traitement différent au moment de l’adoption du règlement grand-ducal du 4 janvier 2016 entre leur propre parcelle et la parcelle numéro 1438/2060, située à 300 m.
Or, dans la mesure où le tribunal vient de retenir que le refus ministériel est justifié par la seule considération que l’implantation d’une grange à l’endroit litigieux implique un mitage du paysage contraire aux objectifs de la loi du 19 janvier 2004, et cela indépendamment de la situation du terrain en zone de protection spéciale, respectivement de la présence de la pie-grièche, le tribunal est amené à conclure que le moyen fondé sur une violation de l’article 10bis de la Constitution, tel qu’il est présenté par les demandeurs et fondé sur une prétendue discrimination au moment de la délimitation de la zone de protection spéciale, n’est pas pertinent par rapport au motif de refus que le tribunal vient de retenir comme étant justifié.
S’agissant ensuite de l’argumentation des demandeurs fondée sur un traitement inégalitaire en ce qui concerne l’appréciation du ministre par rapport aux articles 1er, 17, 20 et 56 de la loi du 19 janvier 2004, en ce qu’elle est fondée sur les incidences de la construction litigieuse sur la pie-grièche, le même constat s’impose, dans la mesure où le tribunal vient de retenir que le refus du ministre se justifie à suffisance par le constat d’un mitage du paysage, indépendamment des incidences de la construction sur une espèce protégée.
Quant à l’appréciation faite par le ministre de la question de savoir si la construction implique un mitage du paysage, le tribunal relève que le principe d’égalité de traitement, consacré à l’article 10bis de la Constitution, interdit de traiter de manière différente des situations similaires, à moins que la différenciation ne soit objectivement justifiée. Il appartient par conséquent aux pouvoirs publics de traiter de la même façon tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit. Par ailleurs, lesdits pouvoirs publics peuvent, sans violer le principe de l’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents, à condition que les différences instituées procèdent de disparités objectives, qu’elles soient rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but7.
Or, il n’est pas établi en l’espèce que les demandeurs, d’un côté, et les propriétaires de la parcelle numéro 1438/2060, de l’autre côté, se trouvent dans une même situation de fait et de droit. A cet égard, il convient plus particulièrement de relever qu’en l’espèce, il n’est pas contesté que les demandeurs ont la possibilité d’ériger la grange projetée sur un autre terrain, près de leur exploitation agricole, cet élément ayant eu une influence sur la décision du 7 cf. trib. adm. 6 décembre 2000, n° 10019 du rôle, Pas. adm. 2017, V° Lois et règlements, n° 6 et autres références y citées 17 ministre, dans la mesure où la construction d’un hangar sur un site accueillant d’ores et déjà des immeubles servant à l’exercice d’une exploitation agricole permet de limiter l’impact paysager tout en préservant dans le chef des demandeurs les moyens de réaliser leur exploitation agricole, alors qu’il n’est pas établi que les propriétaires de l’autre parcelle, auxquels les demandeurs entendent se comparer, se trouvaient dans la même situation.
Il s’ensuit que le moyen fondé sur une violation de l’article 10bis de la Constitution est rejeté comme étant non fondé.
S’agissant du moyen fondé sur une violation de l’article 11 (6) de la Constitution, cette disposition garantit la liberté du commerce et de l’industrie, « sauf les restrictions à établir par la loi ». Au-delà du constat qu’il n’est pas justifié en quoi les décisions litigieuses restreindraient l’exercice de l’exploitation agricole des demandeurs, le ministre ayant annoncé être disposé à autoriser la construction du hangar litigieux sur un autre site, impliquant un impact moindre sur l’environnement et le paysage, le tribunal est amené à retenir qu’en toute hypothèse, la Constitution permet les restrictions à la liberté de commerce et de l’industrie prévues par la loi, alors que le refus litigieux en l’espèce découle directement de l’application par le ministre de la loi du 19 janvier 2004, application que le tribunal vient de juger comme étant conforme à la loi du 19 janvier 2004.
Le moyen fondé sur une violation de l’article 11 (6) de la Constitution est partant également rejeté.
Quant à l’article 16 de la Constitution, en vertu duquel « Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et moyennant juste indemnité, dans les cas et de la manière établis par la loi », le tribunal relève que la Cour constitutionnelle a eu l’occasion de retenir que les dispositions de la loi du 19 janvier 2004 « se bornent, d’une part, à déterminer les constructions qui sont permises en zone verte et, d’autre part, à prohiber les modifications extérieures, agrandissements ou reconstructions de constructions existantes en zone verte si elles ne répondent pas au critère de l’article 5 alinéa 3 de la loi modifiée du 19 janvier 2004 ; partant loin de constituer une expropriation ou d’y équivaloir, les dispositions en question ne font qu’aménager voire alléger les interdictions qui résultent du classement d’un terrain en zone verte ; il s’ensuit que l’application des dispositions des articles 5, alinéa 3 et 10, alinéa 3 combinés de la loi modifiée du 19 janvier 2004 n’aboutit pas à une expropriation des propriétaires qu’elles visent et ne sont ainsi pas contraires à la Constitution »8.
Dès lors, si le ministre refuse d’accorder à un propriétaire une autorisation de bâtir en zone verte, il ne contrevient pas à l’article 16 de la Constitution, puisque, ce faisant, il ne prive pas le propriétaire de sa propriété, mais réglemente seulement l’usage du droit de propriété en y apportant certaines restrictions dans le respect des dispositions de la loi du 19 janvier 2004, d’autant plus que les limitations de cette loi sont dictées par l’intérêt général, et notamment par la préservation de la nature et des ressources naturelles.
Il s’ensuit que le moyen afférent est rejeté.
8 Cour constitutionnelle, arrêt n° 46/08 du 26 septembre 2008, Mémorial A-n°154 du 15 octobre, p. 2196.
18 S’agissant, enfin, du moyen fondé sur une violation de l’article 14 c) du règlement grand-ducal du 4 janvier 2016, les demandeurs argumentent qu’une zone de protection spéciale ne signifierait en aucun cas que les terrains y inclus soient devenus complètement inconstructibles, mais cela signifierait que les constructions projetées doivent être compatibles avec les exigences de protection des espèces d’animaux, en l’espèce notamment la pie-grièche, les demandeurs citant encore une jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), suivant laquelle une autorisation de construire pourrait être accordée si l’opération projetée est dépourvue d’effets préjudiciables sur les espèces d’animaux sous la protection de la directive.
Or, tel serait inévitablement le cas en l’espèce, puisque la grange aurait toujours existé et que la parcelle n’accueillerait pas d’habitats d’espèces, de sorte que la reconstruction de la grange n’aurait pas pour effet la destruction d’un habitat de la pie-grièche grise, les demandeurs se référant, à cet égard, encore à un arrêt de la Cour administrative du 3 mars 2016, numéro 37151C du rôle.
Le moyen afférent est toutefois à rejeter comme étant inopérant par rapport au motif de refus fondé sur un mitage du paysage, motif que le tribunal vient de retenir comme justifiant à lui seul les refus d’autorisation litigieux.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que les recours sont à rejeter comme n’étant fondés en aucun de leurs moyens.
Eu égard à l’issue du litige, les demandes en paiement d’une indemnité de procédure de 5.000 € formulées par les demandeurs dans les deux rôles sur base de l’article 33 de la loi du modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives sont à rejeter.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
joint les recours inscrits sous les numéros 39877 et 40100 du rôle ;
se déclare compétent pour connaître des recours principaux en réformation ;
déclare irrecevable le recours inscrit sous le numéro 39877 du rôle pour autant qu’il est dirigé contre une décision implicite de refus sur recours gracieux ;
déclare irrecevable le recours inscrit sous le numéro 40100 du rôle pour autant qu’il est dirigé contre la décision du 28 décembre 2016 et contre une décision implicite de refus sur recours gracieux ;
pour le surplus, reçoit les recours principaux en réformation en la pure forme ;
au fond les déclare non justifiés, partant les rejette ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les recours subsidiaires en annulation ;
19 rejette les demandes en paiement d’une indemnité de procédure telles que formulées par les demandeurs dans les deux rôles ;
condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 4 juillet 2018 par :
Annick Braun, vice-président, Alexandra Castegnaro, premier juge, Alexandra Bochet, attaché de justice, en présence du greffier Michèle Hoffmann.
s. Michèle Hoffmann s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 5/7/2018 Le Greffier du Tribunal administratif 20