Tribunal administratif Numéro 40035 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 août 2017 4ième chambre Audience publique du 22 juin 2018 Recours formé par Madame …, … contre une décision de la Commission des pensions du secteur étatique en matière de travail à temps partiel
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 40035 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 14 août 2017 par Maître Nicolas Decker, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, conducteur d’autobus dirigeant auprès de la Société nationale des Chemins de Fer Luxembourgeois, demeurant à L…, tendant à la réformation de la décision de la Commission des pensions instituée auprès du ministère de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 24 mai 2017 par laquelle il a été décidé de maintenir la décision antérieure de la Commission des pensions du 30 novembre 2016 par laquelle elle avait été déclarée hors d’état de continuer son service à temps plein, mais reste capable de reprendre le service sur base d’un service à temps partiel pour raisons de santé à raison de 50% d’une tâche complète sur son poste actuel en tant que conducteur d’autobus, à prester quotidiennement ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Luc Konsbruck, agissant en remplacement de l’huissier de justice Pierre Biel, les deux demeurant à Luxembourg, du 14 août 2017, portant signification de la requête à la Société nationale des Chemins de Fer Luxembourgeois, société de droit luxembourgeois, créée selon la loi du 28 mars 1997, établie et ayant son siège social à L-1616 Luxembourg, 9, place de la Gare, représentée par son conseil d’administration sinon par son directeur général actuellement en fonction, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 59025 ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 décembre 2017 par Maître Albert Rodesch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, ledit mémoire en réponse ayant été notifié par acte d’avocat à avocat du même jour au litismandataire de Madame … ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 janvier 2018 par Maître Nicolas Decker, pour compte de Madame …, ledit mémoire en réplique ayant été notifié par acte d’avocat à avocat du 11 janvier 2018 au litismandataire de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 février 2018 par Maître Albert Rodesch pour compte de l’Etat du Grand-Duché deLuxembourg, ledit mémoire en duplique ayant été notifié par acte d’avocat à avocat du même jour au litismandataire de Madame … ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Antoine d’Huart, en remplacement de Maître Nicolas Decker, et Maître Betty Rodesch, en remplacement de Maître Albert Rodesch, en leurs plaidoiries respectives.
Par courrier du 11 mars 2016, la Société nationale des Chemins de Fer Luxembourgeois, dénommée ci-après la « SNCFL », transmit au ministère de la Fonction publique et de la Réforme administrative, aux mains de la Commission des pensions, notamment le « cas » de Madame … renseignée dans un tableau joint audit courrier comme conducteur d’autobus dirigeant ayant subi « plusieurs périodes de maladie » et étant soumise à des « restrictions dans la conduite d’autobus : uniquement lundi-vendredi et seulement les matins », avec prière de l’informer de la décision de la Commission des pensions « au sujet de [la situation de l’agent …] concernant l’octroi ou le maintien d’un service à temps partiel pour raisons de santé ».
En complément au courrier précité du 11 mars 2016, la SNCFL fit parvenir à la Commission des pensions, par courrier du 24 août 2016, le dossier relatif à Madame … dont il ressort que celle-ci « a bénéficié d’un service à temps partiel pour des raisons de santé avec un taux d’occupation de 75% à partir du … jusqu’au mois de … », avec les précisions suivant lesquelles « depuis le mois d’ …, l’agent bénéficie d’un service à temps partiel pour des raisons de santé avec un taux d’occupation de 50% », qu’elle « souffre de problèmes psychosomatiques de nature chronique » et qu’elle « a déjà bénéficié d’un service à temps partiel pour des raisons de santé avec un taux d’occupation de 75% pendant la période du … au … suite à des problèmes de boulimie ».
Il ressort d’un rapport médical du médecin de contrôle de la Commission des pensions du 23 septembre 2016, que « suite à un trouble psychique lié au stress, une anorexie mentale et un trouble panique, Madame … n’était plus capable d’exercer ses fonctions à temps plein », avec l’indication suivant laquelle « l’intéressée bénéficie d’un temps partiel pour motif thérapeutique à 50%. Elle continue à prester 8 heures par jour pendant une semaine suivie d’une semaine de repos », l’agent restant capable « d’exercer ses fonctions dans le cadre d’un service à temps partiel pour raisons de santé ».
Par sa décision du 30 novembre 2016, la Commission des pensions déclara Madame … « hors d’état de continuer son service à temps plein, mais [retient qu’elle] reste capable de reprendre le service sur base d’un service à temps partiel pour raisons de santé à raison de 50% d’une tâche complète sur son poste actuel en tant que conducteur d’autobus, à prester quotidiennement tel que prévu par l’article 73 de la loi modifiée du 3 août 1998 précitée », tout en ordonnant « le réexamen de l’affaire par le médecin du travail des CFL en novembre 2019 sur base de l’article 73 la loi modifiée du 3 août 1998 précitée ».
Par courrier du 21 mars 2017, la SNCFL informa la Commission des pensions, en faisant référence à la décision précitée de la Commission des pensions du 30 novembre 2016, du fait que le médecin du travail de la SNCFL « a conclu en date du 25 janvier 2017 que Mme … ne peut prester son service à temps partiel pour raisons de santé de 50% d’une tâche 2 complète qu’en travaillant à temps plein une semaine sur deux », de sorte qu’au vu de la décision précitée de la Commission des pensions du 30 novembre 2016, par laquelle il a été retenu que Madame … devait prester un service à temps partiel pour des raisons de santé à raison de 50% d’une tâche complète sur base de prestations quotidiennes, le service d’attache de Madame … ne pouvait plus l’occuper « utilement », de sorte qu’afin d’éviter que l’intéressée ne puisse plus exercer ses fonctions comme conductrice d’autobus, il y aurait lieu d’informer Madame … qu’elle pourrait être occupée suivant les recommandations précitées du médecin du travail de la SNCFL.
Par courrier du 29 mars 2017, Madame … soumit à la Commission des pensions une demande en vue de la révision de la décision précitée du 30 novembre 2016, en l’informant que le fait de prester son service de manière quotidienne ne serait pas de nature à améliorer son état de santé, l’intéressée se référant dans ce contexte au certificat médical établi par le médecin du travail de la SNCFL.
Par décision du 24 mai 2017, et sur base de la considération qu’il n’y aurait pas d’élément nouveau de nature à justifier un changement par rapport à la décision précitée du 30 novembre 2016, la Commission des pensions décida de maintenir ladite décision.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 14 août 2017, Madame … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du 24 mai 2017.
Le recours en réformation étant expressément prévu par l’article 75, deuxième alinéa de la loi modifiée du 3 août 1998 instituant des régimes de pension spéciaux pour les fonctionnaires de l’Etat et des communes ainsi que pour les agents de la Société nationale des Chemins de Fer luxembourgeois, dénommée ci-après « la loi du 3 août 1998 », le tribunal administratif est compétent pour en connaître.
La partie défenderesse conteste l’existence d’un intérêt à agir dans le chef de la demanderesse, en soutenant qu’elle n’expliquerait pas à suffisance pour quelle raison la décision sous examen de la Commission des pensions lui porterait préjudice et qu’elle ne préciserait pas non plus quelle serait la satisfaction personnelle qu’elle pourrait tirer, le cas échéant, d’une décision contraire. En effet, la partie gouvernementale estime que l’intérêt à agir de la demanderesse serait « plus que douteux », alors qu’elle aurait obtenu une diminution du temps de travail sollicitée par elle et ce, sur base des certificats médicaux de ses médecins traitants qui ne contre-indiqueraient pas « du moins sur la plupart des attestations versées au dossier » l’exercice journalier de sa tâche. Dans ce contexte, le représentant du gouvernement estime être confronté à une action en justice basée sur des certificats médicaux « contestables et critiquables », en ce que son médecin traitant aurait changé de position après chaque nouvel examen. La partie défenderesse constate dans ce contexte que l’action actuelle de la demanderesse aurait pour seul objectif un aménagement différent de son temps de travail, qui irait toutefois à l’encontre des indications des médecins traitants qui lui auraient imposé un travail journalier ne dépassant pas les quatre heures.
Dans son mémoire en réplique, la demanderesse conteste l’argumentation de la partie adverse en soutenant qu’elle aurait manifestement un intérêt à agir contre la décision litigieuse, étant donné que son état de santé se serait continuellement détérioré au cours des derniers mois en raison de l’absence de périodes de repos. Ainsi, l’aménagement de son horaire de travail lui permettant de se reposer une semaine sur deux, tel que cela seraitpréconisé par son médecin traitant, le docteur A.F., aurait très certainement des répercussions favorables sur son état de santé. Elle soutient encore, dans ce contexte, qu’elle serait continuellement en proie à des nausées dues au fait qu’elle serait obligée de travailler quotidiennement, sans avoir la possibilité de se reposer de manière prolongée. Cela serait d’ailleurs démontré par les nombreux congés de maladie qu’elle aurait dû prendre dans le passé. Elle soulève enfin le fait qu’un travail une semaine sur deux aurait non seulement été préconisé par son médecin traitant, mais également par le médecin du travail.
Pour justifier d’un intérêt à agir, il faut pouvoir se prévaloir de la lésion d’un intérêt personnel dans le sens que la réformation de l’acte attaqué confère au demandeur une satisfaction certaine et personnelle1.
En l’espèce, il est indéniable que la demanderesse a un intérêt à agir contre la décision sous examen de la Commission des pensions du 24 mai 2017, en ce que celle-ci n’a pas fait droit à sa demande tendant à se voir accorder un travail à 50 % de sa tâche normale à prester une semaine sur deux, chaque fois à plein temps. Les considérations exposées par la partie défenderesse quant aux éventuelles incohérences et contradictions figurant dans les certificats médicaux produits par la demanderesse ont trait, non pas à la recevabilité du présent recours, mais au fond de l’affaire et ces arguments seront partant traités ci-après.
Il suit partant des développements qui précèdent que le moyen d’irrecevabilité soulevé par le gouvernement est à écarter pour ne pas être fondé.
Aucun autre moyen d’irrecevabilité n’ayant été soulevé en cause, le recours en réformation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.
A l’appui de son recours, et en fait, la demanderesse soutient être entrée en service auprès des SNCFL au cours de l’année 2000, et avoir été par la suite sujette à des troubles psychiques l’obligeant à se faire suivre de manière régulière par un psychiatre depuis l’année 2007, ces troubles ayant entraîné un séjour dans une clinique psychosomatique à l’étranger du 9 octobre au 13 novembre 2012. C’est dans ce contexte que ses médecins traitants auraient préconisé une réduction de son temps de travail régulier avec des périodes de repos suffisamment longues. Ainsi le docteur A.F., médecin psychiatre, aurait indiqué, dans un rapport médical du 13 janvier 2016, qu’elle devrait faire l’objet d’une réduction de son service à hauteur de 50% avec la remarque selon laquelle elle ne pourrait prester son travail journalier que jusqu’à 13 heures de l’après-midi. Comme par la suite cette répartition du temps de travail n’aurait plus été adaptée à son état de santé, le même médecin traitant aurait préconisé, dans un rapport médical du 20 septembre 2016, qu’elle preste son travail partiel une semaine sur deux, c’est-à-dire une semaine à hauteur de 100 % de sa tâche, suivi d’une semaine de repos. Elle soutient que suivant l’avis de ce médecin, un tel rythme de travail serait la seule possibilité de nature à lui garantir son aptitude au travail. En effet, elle aurait dû se rendre compte que sa prestation quotidienne de son travail à hauteur de 50% aurait aggravé ses problèmes de santé, de sorte que par le fait de travailler tous les jours, elle n’aurait pas eu la possibilité de se reposer une semaine sur deux. Cette situation l’aurait contrainte à devoir prendre des congés de maladie « à plusieurs reprises ». Ainsi, son médecin généraliste aurait diagnostiqué au cours de cette période un affaiblissement de son système immunitaire. En raison desdits problèmes de santé, elle se serait rendue auprès du 1 trib. adm. 22 octobre 2007, n° 22489 du rôle, Pas. adm. 2017, V° Procédure contentieuse, n° 9 et autres références y citées.médecin du travail en date du 27 janvier 2017, qui aurait recommandé un service à temps partiel pour raisons de santé à hauteur de 50% d’une tâche complète à prester une semaine sur deux. Au vu de ces conclusions médicales, son employeur, à savoir la SNCFL, aurait saisi le 21 mars 2017 la Commission des pensions en vue d’obtenir une révision de la décision précitée du 30 novembre 2016, révision qui aurait toutefois été refusée par la décision sous examen du 24 mai 2017 par laquelle la Commission des pensions a déclaré maintenir sa décision antérieure.
La demanderesse se réfère encore à un certificat médical du docteur A.F. du 14 juin 2017, qui conseillerait également qu’elle puisse bénéficier d’un temps partiel à raison de 50% d’une tâche complète à prester à hauteur d’une semaine sur deux, en soulignant que ledit médecin traitant serait en effet d’avis qu’un tel rythme de travail serait impérativement nécessaire afin de préserver sa capacité de travail.
En conclusion à ses développements, la demanderesse soutient que les médecins consultés par elle seraient d’un avis convergent suivant lequel il y aurait lieu de faire droit à sa demande tendant à une prestation de son travail à hauteur de 50% d’une tâche complète à prester une semaine sur deux, de sorte que la décision sous examen devrait être réformée en ce sens.
En droit, la demanderesse soutient que l’article 73 de la loi du 3 août 1998 prévoirait expressément la possibilité de prester un travail à un rythme autre que quotidien au cas où il existerait des raisons médicales valables. Elle estime que tel serait le cas en l’espèce, en se référant aux certificats médicaux ci-avant cités par elle qui feraient tous état d’une contre-
indication médicale attestant qu’il y aurait lieu de lui réserver une prestation de son travail autre que quotidienne. Elle reproche partant à la Commission des pensions d’avoir commis une erreur d’appréciation des faits lui soumis, en ignorant les recommandations et, préconisations du docteur A.F., ainsi que celles du médecin du travail.
En ordre subsidiaire, la demanderesse souhaite voir nommer un expert avec la mission de déterminer si elle est en droit de prester son travail à temps partiel pour raisons de santé à raison de 50 % d’une tâche complète, une semaine sur deux.
La partie gouvernementale soutient que la nouvelle demande présentée par la demanderesse devant la Commission des pensions ne serait utile et légitime qu’à partir du moment où son état de santé aurait évolué depuis la décision antérieure de la Commission des pensions du 30 novembre 2016 qui aurait été définitive au moment de la nouvelle décision, actuellement sous examen. Or, il y aurait lieu de constater qu’aucun élément nouveau n’aurait été soulevé par la demanderesse par rapport à la situation factuelle qu’elle aurait soumis à la Commission des pensions à la base de la décision de celle-ci du 30 novembre 2016, de sorte que la Commission des pensions aurait valablement pu confirmer et maintenir cette décision par la décision nouvellement prise en date du 24 mai 2017. D’ailleurs, lors de l’audience de la Commission des pensions du 10 mai 2017, tant la demanderesse que la SNCFL auraient été unanimes pour conclure que l’état de santé et la situation professionnelle de la demanderesse n’auraient pas évolué depuis la décision précédente de la Commission des pensions du 30 novembre 2016. Au vu de cette situation factuelle, la partie défenderesse conclut au rejet du recours sous examen pour être non fondé.
Pour le surplus, et quant aux certificats médicaux établis par le docteur A.F., la partie défenderesse soutient que ledit médecin traitant de la demanderesse ne se serait pas basé surdes considérations médicales pour établir ces différents certificats médicaux, mais qu’il se serait contenté « de modifier ses conclusions à la guise des souhaits de sa patiente ». II y aurait partant lieu d’examiner et d’apprécier les certificats médicaux établis par ledit médecin traitant « avec la plus grande circonspection ». Ainsi, plus particulièrement, la partie gouvernementale retient que dans certains certificats médicaux, ledit médecin traitant aurait retenu une impossibilité dans le chef de la demanderesse de travailler des journées entières, soit huit heures par jour, de sorte à suggérer un travail à mi-temps, alors que d’autres certificats médicaux du même médecin traitant recommanderaient un travail à plein temps une semaine sur deux, le représentant de la partie défenderesse s’étonnant du fait que la demanderesse semble avoir retrouvé les capacités nécessaires pour travailler huit heures par jour et ceci cinq jours de suite.
En ce qui concerne le dernier certificat médical du docteur A.F. du 14 juin 2017, le représentant de la partie défenderesse conclut à le voir écarté des débats du fait qu’il aurait été établi postérieurement à la décision sous examen de la Commission des pensions du 24 mai 2017. En outre, par rapport à l’application de l’article 73 de la loi du 3 août 1998, la partie défenderesse soutient qu’en l’espèce la Commission des pensions, dans laquelle siégeraient comme membre notamment le médecin du travail de la Fonction publique et, comme observateur, le médecin de contrôle, n’aurait relevé aucune contre-indication médicale qui imposerait une adaptation de la répartition des horaires de travail, en évitant un exercice quotidien dudit travail.
A titre subsidiaire, et pour le cas où le tribunal déciderait de recourir à l’avis d’un expert, le gouvernement propose comme psychiatre le docteur P.R..
Dans son mémoire en réplique, la demanderesse conteste formellement et énergiquement l’affirmation de la partie adverse suivant laquelle les certificats médicaux établis par le docteur A.F. seraient fallacieux, en soutenant que la partie adverse chercherait manifestement à discréditer le médecin en question aux yeux du tribunal. Dans ce contexte, la demanderesse soutient que l’avis de son médecin traitant, le docteur A.F., serait d’ailleurs corroboré par l’avis du médecin du travail de la SNCFL, à l’examen duquel elle aurait dû se soumettre en vue de la prise de la décision sous examen de la Commission des pensions. Or, il ne saurait être retenu que le médecin du travail pourrait être suspecté de connivence avec elle, et ce, du fait qu’elle se serait soumise à un examen médical requis par ledit médecin du travail.
Il y aurait ainsi lieu de constater que deux médecins différents, indépendants l’un de l’autre, préconiseraient un service à temps partiel à prester une semaine sur deux, de sorte que la partie adverse serait malvenue de contester l’avis et les recommandations des deux médecins en question qui seraient d’une « réputation irréprochable ».
Elle soutient encore que le médecin du travail aurait émis son avis bien avant que la Commission des pensions ne rende sa décision en date du 24 mai 2017, de sorte qu’elle aurait manifestement invoqué un élément nouveau après la première décision de la Commission des pensions du 30 novembre 2016.
Dans son mémoire en duplique, la partie défenderesse maintient son argumentation antérieure, suivant laquelle aucun élément nouveau quant à l’état de santé de la demanderesse n’aurait été invoqué depuis la première décision de la Commission des pensions du 30 novembre 2016. Pour le surplus, le représentant de la partie gouvernementalerevient sur les incohérences manifestes relevées par lui dans les différents certificats médicaux émis par le docteur A.F. dans la présente affaire.
Il échet tout d’abord de rappeler qu’en la présente matière, le tribunal administratif est compétent pour statuer en tant que juge du fond, de sorte qu’il dispose à cet effet de l’attribution légale accordée ainsi au juge administratif de la compétence spéciale de statuer à nouveau, en lieu et place de l’administration, sur tous les aspects d’une décision administrative querellée. Le jugement se substitue à la décision litigieuse en ce qu’il la confirme ou qu’il la réforme. Cette attribution formelle de compétence par le législateur appelle le juge de la réformation à ne pas seulement contrôler la légalité de la décision que l’administration a prise sur base d’une situation de droit ou de fait telle qu’elle s’est présentée à elle au moment où elle a été appelée à statuer, voire à refaire - indépendamment de la légalité - l’appréciation de l’administration, mais elle l’appelle encore à tenir compte des changements en fait et en droit intervenus depuis la date de la prise de la décision litigieuse et, se plaçant au jour où lui-même est appelé à statuer, à apprécier la situation juridique et à fixer les droits et obligations respectifs de l’administration et des administrés concernés2.
Il s’ensuit qu’en l’espèce il est indifférent de savoir si la demanderesse, sinon la SNCFL ont soumis un élément nouveau à la Commission des pensions à la suite de la décision de celle-ci du 30 novembre 2016, étant donné que le tribunal administratif, dans le cadre de son pouvoir de réformation, doit également prendre en compte les éléments produits postérieurement à la décision sous examen.
Il échet en outre de relever que toute maladie d’une manière générale, et plus particulièrement celle dont fait état la demanderesse, est nécessairement évolutive, de sorte que l’état de santé de la demanderesse, ayant pu justifier à un certain moment l’émission d’un certificat médical précis, comportant des recommandations ponctuelles quant à l’aménagement de sa tâche de travail, peut justifier à une date postérieure l’émission d’un certificat médical d’une teneur différente, au cas où l’état de santé a changé. Il s’ensuit qu’à défaut de plus amples développements pertinents à ce sujet, il y a lieu d’écarter les reproches évoqués par le représentant du gouvernement ayant trait à la prétendue incohérence, voire aux contradictions dans les différents certificats médicaux produits par la demanderesse.
Au-delà de ces considérations, et tout en retenant que le type même de la maladie de la demanderesse n’est pas litigieux en l’espèce, il échet de vérifier, sur base des pièces et éléments du dossier administratif, quelles sont les aptitudes de la demanderesse au travail, afin de déterminer la manière dont le travail à mi-temps qui, quant à son principe, n’est pas non plus contesté par les parties à l’instance, doit s’effectuer. A cet effet, il y a lieu de se référer à l’article 73 de la loi du 3 août 1998.
En vertu de l’article 73, alinéa 7 de la loi du 3 août 1998 « Le service à temps partiel pour raisons de santé est à prester quotidiennement, à moins qu’en raison d’une contre-
indication médicale, une autre répartition ne soit retenue ».
Il se dégage partant de la disposition légale précitée qu’en principe le travail à mi-
temps doit s’exercer sur une base quotidienne, à l’exception des cas où il existe une contre-
indication médicale prescrivant un autre rythme de travail. Il échet partant en l’espèce de 2 Cour adm. 6 mai 2008, n° 23341C du rôle, Pas. adm. 2017, V° Recours en réformation, n° 11 et autres références y citées.vérifier si le tribunal dispose d’assez d’éléments pour conclure qu’il y a lieu de faire application de l’exception légale ainsi prévue dans le cas d’espèce.
A cet égard, il échet de se référer à un certificat médical du docteur A.F. du 20 septembre 2016, suivant lequel la demanderesse serait apte à prester son travail à raison de 50% à condition qu’elle travaille une semaine sur deux. Ce certificat est confirmé par un certificat postérieur du même médecin du 25 novembre 2016, par un certificat du médecin du travail de la SNCFL du 27 janvier 2017, ainsi que par un certificat du médecin traitant A.F.
du 14 juin 2017 dont il ressort encore que la demanderesse n’arrive pas à gérer son travail à prester à raison de 50% sur une base quotidienne. Ainsi, ledit médecin traitant a retenu ce qui suit : « Frau -… gibt jetzt aber an mit der bestehenden Arbeitszeitregelung garnicht zurecht zu kommen. Da sie jetzt jeden Tag arbeiten muss ohne intermittierende frei Wochen dazwischen, hat sie jetzt mehrfach krankheitshalber fehlen müssen. Die Ruhepausen, die sie vorher hatte, fehlen ihr sehr, so dass sie keine Kraft mehr hat und oft unter Uebelkeit leidet.
Auch körperlich sieht man es der Patientin an, dass sie mehr an Gewicht verloren hat und geschwächt aussieht. Ihr Hausarzt hat diesbezüglich ein gewächtes Immunsystem festgestellt.
Aus fachmedizinischer Sicht ist eine Arbeitsbelastung von 50% mit einem Rythmus von 1 Woche Schicht mit 1 Woche frei unbedingt erforderlich, um eine Arbeitsfähigkeit zu erhalten ».
Au vu de ces conclusions médicales claires et précises, et en l’absence d’un quelconque élément allant en sens contraire, le gouvernement n’ayant soumis au tribunal le moindre certificat médical de nature à contredire les conclusions auxquelles ont abouti tant le médecin traitant de la demanderesse, le docteur A.F., médecin psychiatre, que le médecin du travail de la SNCFL, il échet de réformer la décision sous examen de la Commission des pensions du 24 mai 2017, en décidant d’autoriser la demanderesse à prester son travail en raison de 50% de sa tâche normale et ce, une semaine sur deux.
En considération de la conclusion qui précède, il n’y a pas lieu d’examiner plus en avant la demande subsidiaire formulée par la demanderesse, à laquelle s’est ralliée la partie défenderesse, tendant à la nomination d’un médecin expert, une telle expertise n’étant pas pertinente en l’espèce.
Il s’ensuit encore qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande formulée par la défenderesse tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure de l’ordre de 1.500.- € .
Enfin, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure de 2.500.- € formulée par la demanderesse, étant donné que les conditions légales ne sont pas remplies en l’espèce.
Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours en réformation en la forme ;
au fond, le déclare justifié, partant, réforme la décision de la Commission des pensions du 24 mai 2017 et décide que Madame … doit prester son travail à raison de 50% de sa tâche normale à raison d’une semaine sur deux ;
rejette les demandes tendant à l’allocation d’indemnités de procédure formulées tant par la partie demanderesse que par la partie défenderesse ;
condamne l’Etat aux frais.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Anne Gosset, premier juge, Stéphanie Lommel, attaché de justice délégué, et lu à l’audience publique du 22 juin 2018 par le premier vice-président, en présence du greffier Marc Warken.
s. Marc Warken s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22 juin 2018 Le greffier du tribunal administratif 9