Tribunal administratif N° 39848 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 juillet 2017 4e chambre Audience publique du 19 juin 2018 Recours formé par Monsieur …, …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art.35 (1), L.18.12.2015)
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 39848 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 7 juillet 2017 par Maître Arnaud Ranzenberger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Nigéria), de nationalité nigériane, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 9 juin 2017 refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, ainsi que de la décision portant ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 7 septembre 2017 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;
Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Alev Acer, en remplacement de Maître Arnaud Ranzenberger, et Madame le délégué du gouvernement Stéphanie Linster, en leurs plaidoiries respectives.
Le 24 septembre 2015, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, entretemps abrogée par la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la Police grand-ducale, service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, dans un rapport du même jour.
Les 5 janvier et 14 février 2017, Monsieur … fut encore entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 9 juin 2017, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée du 14 juin 2017, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, dénommé ci-après « le ministre », informa Monsieur … qu’il avait rejeté sa demande de protection internationale comme étant non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Ladite décision est libellée de la façon suivante :
« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez déposée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et européennes en date du 1er septembre 2015.
Quant à vos déclarations auprès du Service de Police Judiciaire En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 24 septembre 2015 duquel il ressort que vous êtes entré illégalement dans l'Union européenne.
D'après les informations issues de la base de données EURODAC, vous avez été contrôlé par la police le 12 juin 2015 en Grèce et vous avez déposé une demande de protection internationale en date du 30 juin 2015 en Hongrie.
Vous ne présentez aucun document d'identité.
Quant à vos déclarations auprès du Service des Réfugiés En mains le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 5 janvier et du 14 février 2017 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que les documents versés à l'appui de votre demande de protection internationale.
Monsieur, il résulte de vos déclarations que vous auriez prétendument vécu dans l'Etat d'Enugu au Nigéria avec votre mère. Vous évoquez que vous auriez assisté en 2010 au meurtre de votre père, prétendument membre du parti politique « The Movement for the Actualization of the Sovereign State of Biafra » (MASSOB), suite à une altercation avec la police lors d'une réunion. Vous indiquez que vous auriez par la suite adhéré à l'âge de douze ans au parti « Indigenous People of Biafra » (IPOB).
Dans ce contexte vous expliquez que vous auriez prétendument organisé une manifestation non déclarée et non autorisée le 18 janvier 2013, dans le village d'Ammansi au bord de la rivière Ezu. Suite à une intervention des forces de l'ordre nigérianes, vous auriez été arrêté et emmené à un pont où les policiers auraient commencé à fusiller vos camarades. Dans ce contexte, vous expliquez que vous auriez été mis à l'écart par le même policier qui aurait tué votre père et qui vous aurait menacé de vous tuer de la même façon que votre père. Vous indiquez que vous auriez profité du chaos général pour prendre la fuite, ensemble avec des camarades qui étaient en attente de leur exécution.
Quant à votre départ de votre pays d'origine vous expliquez que vous auriez pris un bateau du Nigéria jusqu'en Turquie en janvier 2013. Après un séjour de six à sept mois en Turquie vous auriez poursuivi votre chemin vers la Grèce où vous seriez resté un mois. Vous indiquez y avoir rencontré une personne non autrement identifiée qui vous aurait proposé de vous prostituer pour lui en Hongrie. Vous auriez accepté cette offre et exercé cette occupation pendant trois mois. Après différentes escales notamment en Allemagne vous seriez finalement arrivé au Luxembourg en septembre 2015.
Pour étayer vos dires vous avez déposé :
2 - un document intitulé « The killing of Baifrans Youth by Nigerian Security Forces », - une photo montrant les dépouilles des prétendus manifestants tués près de la rivière Ezu.
Enfin, il ressort du rapport d’entretien du 5 janvier et du 14 février 2017 qu’il n’y a plus d’autres faits à invoquer au sujet de votre demande de protection internationale et aux déclarations faites dans ce contexte.
Analyse ministérielle en matière de Protection internationale En application de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, votre demande de protection internationale est évaluée par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et de celles d'obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.
Soulignons dans ce contexte que l’examen et l’évaluation de votre situation personnelle ne se limitent pas à la pertinence des faits allégués, mais qu’il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité de vos déclarations.
Or, en l’occurrence l’autorité ministérielle a été amenée à émettre des doutes quant à la crédibilité de votre récit, alors qu’il résulte de l’examen des rapports d’entretien que vos déclarations présentent de nombreuses incohérences.
1. Quant à la Convention de Genève Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des Réfugiés.
Rappelons à cet égard que l'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 f) de la loi 18 décembre 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42(1) de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.
Selon l'article 1A paragraphe 2 de ladite Convention, le terme de réfugié s'applique à toute personne qui craint avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, qui se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels évènements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner.
* En l’espèce, il ressort à suffisance de votre dossier administratif que les raisons qui vous ont amené à quitter votre pays d'origine n'ont pas été motivées par un des critères de fond définis par lesdites Convention et loi.
En effet, à la base de votre demande de protection internationale, vous déclarez craindre, en cas de retour dans votre pays, d'être tué par la police nigériane en raison de votre prétendue appartenance au parti politique IPOB. Toutefois, le ministère estime que vos propos ne sont pas de nature à emporter sa conviction alors qu'une série de contradictions et invraisemblances, portant sur des points centraux, entachent la crédibilité de votre récit.
Monsieur, avant tout autre développement le ministère se permet de vous rappeler que la détermination de l'éligibilité à la protection internationale est menée en appliquant une approche en deux étapes. La première étape consiste à collecter les informations pertinentes, identifier les faits pertinents de la demande, et déterminer, le cas échéant, quelles déclarations du demandeur et quels autres éléments peuvent être acceptés. L'évaluation de la crédibilité fait donc partie intégrante de cette première étape. Les faits pertinents acceptés viennent appuyer l'examen qui sera effectué à la deuxième étape, qui consiste à déterminer le caractère fondé de la crainte de persécution de la part du demandeur, ou du risque de subir des atteintes graves.
L'évaluation de la crédibilité consiste donc à déterminer quels faits pertinents peuvent être acceptés, en prenant dûment en compte les indices de crédibilité au regard des circonstances individuelles et contextuelles du demandeur, ainsi que les facteurs pouvant affecter son interprétation des informations au cours de l'évaluation de la crédibilité de chaque fait pertinent. Ces faits acceptés seront alors pris en compte dans l'analyse du caractère fondé de la crainte de persécution et du risque réel d'atteintes graves.
Tout d'abord, il convient de constater que vous auriez dès votre arrivée tenté d'induire en erreur les autorités. En effet vous n'étiez, au moment du dépôt de votre demande, manifestement pas mineur d'âge comme vous l'avez prétendu. Il ressort du rapport médical daté du 5 novembre 2015 que votre âge était estimé à 22 ans en date du 20 octobre 2015. Il convient de constater que vous avez délibérément menti quant à votre âge pour probablement obtenir le traitement réservé à un mineur non accompagné afin d'augmenter vos chances d'obtenir un avis favorable. Un constat qui est corroboré par le fait que vous admettez avoir été en possession d'une carte électeur. Or une telle carte n'est délivrée qu'aux personnes majeures.
Ensuite il convient de soulever que les recherches effectuées par l'autorité ministérielle ont permis de constater que le cliché que vous avez déposée lors de votre entretien provient en réalité d'un article publié sur le site igberetvnews.com. Cet article mentionne en effet la découverte de plusieurs cadavres dans la rivière d'Ezu en janvier 2013. La Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada écrit à ce sujet : « Selon un article paru dans un site Internet de nouvelles au Nigéria, 247 Nigeria News Update, en 2013, lorsque de nombreux cadavres sont apparus dans la rivière Ezu dans l'État d'Anambra, le MASSOB a soutenu que leurs membres avaient été tués par les forces de sécurité du Nigéria, qui s'étaient débarrassées de leur corps.» Or, la même source fait observer que « dans son rapport, le comité du Sénat qui a examiné l'affaire n'avait pas pu établir l'identité des 19 victimes ni celle des auteurs des crimes ». Il convient dès lors de conclure que contrairement à ce que vous avez déclaré pendant l'entretien, c'est le MASSOB qui revendique les victimes de ce prétendu massacre et pas l'IPOB. A ceci s'ajoute que l'article duquel vous avez emprunté la photo précise que « (…) most, if not all of those found floating on Ezu River of Death on 19th January, 2013, died from suffocation. », ce qui est en contradiction avec votre affirmation que les individus auraient été fusillés.
Pour étayer davantage vos dires vous avez déposé un article issu du blog https://akukoogene.000webhostapp.com/the-killing-of-baifrans-youth-by-nigerian-security-
forces/ : « The killing of Baifrans Youth by Nigerian Security Forces ». Force est cependant de 4 constater qu'il s'agit d'un article douteux dont l'image de couverture provient d'une photo trouvé sur internet qui a été utilisée dans un nombre considérable d'articles et apparaissant une première fois le 16 novembre 2015 sur le site « Whirlwind News ». Aucun crédit ne saurait dès lors être accordé à vos prétendues preuves.
A cela s'ajoute le fait que toutes vos déclarations au cours de l'entretien sont assez vagues et que de toute évidence vous êtes incapable de citer des détails de votre prétendu engagement politique. Par conséquent, il convient de souligner que votre demande de protection internationale repose sur des faux éléments respectivement sur des faits établis que vous avez « emprunté » pour en faire votre récit. Ceci démontre une volonté de votre part d'induire les autorités en erreur en présentant de faux documents, afin d'influencer l'issue de votre demande de protection internationale.
De tout ce qui précède il convient de constater que votre récit n'emporte pas la conviction de l'autorité ministérielle. Au vu de ce qui précède il est établi que cette manifestation n'a jamais eu lieu, de sorte il convient de noter que vous n'avez dès lors pas pu y participer et a fortiori que vous n'y avez jamais pu être menacé par ce prétendu policier.
Ceci étant dit rappelons que, si les activités dans un parti d'opposition peuvent justifier des craintes de persécution, il n'en résulte pas automatiquement que tout membre d'un parti d'opposition risque des persécutions de la part du pouvoir en place. Force est de constater que vous restez en défaut de produire le moindre élément de preuve objectif concernant votre rôle et vos activités au sein du parti IPOB. Vous déclarez qu'à l'âge de 15 ans, vous auriez été « in the new leadership of IPOB » (entretien, p.5/17). Or, vous ne possédez aucune information sur le leader du parti IPOB : Nnamdi Kanu. Vous précisez uniquement que « he is the leader and talking about Biafra, l don't know more about him » (entretien p. 7/13). Vous restez très vague et êtes dans l'incapacité d'entrer dans le détail quant à votre prétendu implication dans le parti IPOB, rendant le fait que vous auriez été un membre haut-placé de ce parti très improbable.
Une persécution en raison de votre opinion politique n'est donc pas établie dans votre chef.
Ensuite vous indiquez que votre père aurait été membre du parti politique MASSOB et qu'il aurait été tué lors d'une altercation avec la police nigériane. Il convient de retenir qu'il s'agit là d'un fait non personnel. Or, des faits non personnels ne sont en effet susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, que si le demandeur de protection internationale établit dans son chef un risque réel d'être victime d'actes similaires en raison de circonstances particulières. En l'espèce on ignore les causes du décès de votre père, vue le manque de preuves. Quand bien même s'il s'agirait d'un acte politiquement motivé, il serait exclu que vous soyez également victime d'actes similaires alors que vous n'auriez été membre de l'IPOB et que vous avez délibérément choisi d'intégrer ce parti. Par conséquent, vous n'établissez aucun risque réel d'être victime d'actes similaires prétendument arrivés à votre père.
* En conclusion, les faits que vous alléguez ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 42 et 43 de la loi précitée du 18 décembre 2015.
5 Les conditions permettant l’octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.
2. Quant à la Protection subsidiaire L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d'application de l'article 48 de la loi précitée du 18 décembre 2015, à savoir qu'ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 48 de ladite loi, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.
En l'espèce, il ressort de votre dossier administratif que vous basez votre demande de protection subsidiaire sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de votre demande de reconnaissance du statut du réfugié. En effet, vous indiquez que la police nigériane aurait voulu vous fusiller suite à votre participation à une manifestation de l'IPOB.
Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire. En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
De tout ce qui précède, les conditions permettant la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire ne sont pas remplies.
* Votre demande de protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.
Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination du Nigéria, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 7 juillet 2017, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du ministre du 9 juin 2017 portant rejet de sa demande de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
1) Quant au recours tendant à la réformation de la décision ministérielle du 9 juin 2017 portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 9 juin 2017, telle que déférée.
Ledit recours est encore à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours et en fait, Monsieur … explique qu’il serait originaire du Biafra.
Son père aurait été membre du parti politique « The Movement for the Actualization of the Sovereign State of Biafra », dénommé ci-après « MASSOB ». Il affirme qu’il aurait été présent lors de l’assassinat de son père par un policier en 2010. Il relate encore avoir adhéré, à son tour, au parti politique « Indigenous People of Biafra », dénommé ci-après « IPOB », pour suivre les traces de son père et continuer la lutte pour l’indépendance du Biafra. En date du 18 janvier 2013, alors qu’il aurait participé à une manifestation qu’il aurait organisée avec d’autres membres du parti IPOB, celle-ci aurait été interrompue par les forces de l’ordre qui auraient tiré sur les manifestants et les auraient jetés dans la rivière. Le demandeur explique qu’il aurait été retiré de la foule et arrêté par le même policier ayant tué son père, lequel aurait voulu lui faire subir le même sort que celui qui aurait été réservé à son père. Il aurait cependant été en mesure de s’échapper avec d’autres manifestants au moment où ledit policier se serait mis à la poursuite d’autres manifestants qui auraient tenté de s’échapper. Ce serait suite à cet évènement, l’opposant aux forces de l’ordre, qu’il aurait décidé de quitter son pays d’origine où il ne se serait plus senti en sécurité.
Aux termes de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
a) Quant au statut de réfugié En droit, le demandeur conclut à la réformation de la décision déférée pour violation de la loi, sinon pour erreur manifeste d’appréciation des faits.
En ce qui concerne le refus ministériel de lui octroyer le statut de réfugié, il estime que ce serait à tort que le ministre aurait rejeté sa demande au motif que les faits invoqués ne seraient pas motivés par l’un des critères de fond définis par la Convention de Genève et la loi du 18 décembre 2015.
Concernant les motifs de persécutions, Monsieur … fait valoir qu’il craindrait être victime de persécutions au Nigéria en relation avec sa race et ses opinions politiques quant à l’indépendance du Biafra, d’autant plus qu’il aurait, d’ores et déjà, subi des actes de persécutions à ce titre avant son départ du Nigéria.
Quant à la crédibilité de son récit, le demandeur fait plaider que ce serait à tort que l’autorité administrative a soulevé le manque de crédibilité dans son récit. Ainsi, il estime qu’il ne pourrait lui être reproché d’avoir induit en erreur les autorités luxembourgeoises sur son âge, alors que l’information dont il aurait disposé quant à sa date de naissance lui aurait été communiquée par sa mère.
S’agissant de sa participation à la manifestation du 18 janvier 2013 et de son rôle dans l’IPOB, le demandeur déclare que la manifestation aurait été pro-Biafra, et qu’en tant quevictime de persécutions, d’actes de tortures et de violences, fuyant ses persécuteurs, il lui aurait été difficile de rassembler des preuves pour tous ces faits, alors que sa priorité aurait été d’assurer sa survie. Il aurait toujours vécu dans une atmosphère de protestation et de révolte contre le gouvernement nigérian et ce, puisque son père l’y aurait initié dès son jeune âge. Il aurait continué à manifester pour l’indépendance du Biafra en intégrant le parti politique IPOB et l’agent du ministère aurait pu constater qu’il serait très engagé dans la lutte pour l’indépendance de son peuple.
Il fait valoir qu’il aurait appartenu à l’autorité administrative de le rappeler pour une audition complémentaire, si elle estimait qu’il avait été vague sur certains points, tel que cela serait souvent le cas, afin de clarifier les points d’ombre et ainsi dissiper tout doute quant à son récit.
A ce sujet, il soulève finalement que son rôle dans la manifestation aurait été de faire de la propagande autour de lui et de rendre le peuple du Biafra attentif au fait qu’il serait temps de proclamer son indépendance. L’argumentaire du ministre selon lequel il aurait été incapable de citer des détails de son engagement politique, et que seuls des membres appartenant au parti MASSOB auraient participé à la manifestation, serait dès lors à rejeter, sachant qu’il y aurait participé en qualité de membre du parti IPOB.
Quant à la situation du peuple du Biafra au Nigéria, le demandeur verse un article publié par l’organisation « Amnesty International » en date du 24 novembre 2016 et intitulé « Nigéria.
La répression a fait au moins 150 morts parmi les militants pacifiques pro-Biafra »1. Il ressortirait de cet article, traitant des manifestations pro-Biafra, que l’armée aurait tiré à balles réelles pour disperser les foules et que ces méthodes auraient causé la mort d’au moins 150 personnes. Au cours de la journée la plus meurtrière, des membres et partisans de l’IPOB auraient été touchés, la veille d’un rassemblement à Onitsha en hommage aux victimes du Biafra, alors que les forces de l’ordre auraient effectué des descentes dans une église et dans des logements où des membres de l’IPOB auraient logé. Selon le demandeur, la situation des personnes s’engageant pour le Biafra au Nigéria serait plus que préoccupante, étant donné qu’ils feraient l’objet de persécutions de la part des forces de sécurité nigérianes. Cet article étayerait son récit quant aux réelles craintes de persécutions qu’il risquerait de subir en cas de retour dans son pays d’origine.
Le demandeur fait encore plaider que, contrairement aux arguments du ministre, il serait membre du parti IPOB et qu’il aurait été persécuté par les forces nigérianes du fait de son implication et son engagement politique dans la lutte pour l’indépendance du Biafra. Il verse à cet effet un article publié par « Amnesty international » le 30 mai 2017 intitulé « Nigéria. Les forces de sécurité ne doivent pas réprimer les manifestations pro-Biafra » duquel il ressort qu’aucun membre des forces de sécurité nigérianes n’aurait été inquiété malgré les tirs à balles réelles et pratiquement sans sommation pour disperser les rassemblements pro-Biafra. Il cite, en outre, un passage d’un article publié par la prédite organisation en date du 10 juin 2016 intitulé « Nigéria. Une enquête doit être ouverte d’urgence sur l’homicide de sympathisants non armés du mouvement pro-Biafra commis par des militaires ». Le demandeur conclut que les forces de sécurité nigérianes ne protègeraient nullement les manifestants pro-Biafra et qu’il ne saurait lui être reproché de ne pas s’être tourné vers les autorités de son pays. Au vu de ce qui précède, ses agresseurs seraient à qualifier d’agents de persécutions au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 et il devrait être retenu que l’Etat nigérian serait incapable de protéger ses ressortissants.
1 Pièce N°2 versée par Monsieur ….
8 Il ajoute que les faits invoqués devraient être considérés comme suffisamment graves afin de lui octroyer le bénéfice du statut de réfugié sinon le statut conféré par la protection subsidiaire.
Le demandeur conteste encore toute possibilité de fuite interne au Nigéria, en argumentant qu’au vu de la situation dans son pays d’origine, aucune fuite interne ne serait envisageable. Il existerait dès lors une impossibilité matérielle sinon morale de procéder à son retour contraint et forcé vers son pays d’origine, de sorte que la décision entreprise serait à réformer afin de lui octroyer un statut de réfugié, sinon le statut conféré par la protection subsidiaire.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement fait valoir pour sa part que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et estime que ce serait à bon droit que le ministre a remis en cause la crédibilité de celui-ci et lui a refusé le statut de réfugié.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».
Par ailleurs, aux termes de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 :
« Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a) (…) ».
Finalement, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 : « Les acteurs des persécutions ou atteintes graves peuvent être :
a) l’Etat ;
b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves », et aux termes de l’article 40 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :
a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.
(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière ».
Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.
Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.
Le tribunal, statuant en tant que juge du fond en matière de demandes de protection internationale, doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur de protection internationale, tout en prenant en considération la situation générale, telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance. Cet examen ne se limite pas à lapertinence des faits allégués, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.
En ce qui concerne l’analyse au fond, force est au tribunal de constater que tant le délégué du gouvernement que le ministre contestent la crédibilité générale du récit du demandeur. Le délégué du gouvernement souligne dans ce contexte que le ministre aurait à bon droit estimé que les déclarations du demandeur ne seraient pas de nature à emporter sa conviction et refusé sa demande de protection internationale, alors qu’une série de contradictions et d’invraisemblances, portant sur des points centraux du récit, entacheraient la crédibilité du demandeur, de sorte qu’il appartient au tribunal d’examiner tout d’abord cette question.
Force est au tribunal de constater que, malgré le fait pour le ministre d’avoir mis en cause la crédibilité du récit du demandeur, la requête introductive d’instance ne fournit aucune explication de nature à pouvoir éventuellement lever les différentes contradictions et incohérences relevées dans la décision déférée. Le demandeur s’est contenté d’indiquer que le ministre aurait dû procéder à une audition complémentaire afin de dissiper les doutes subsistant dans son récit, sans pour autant fournir d’autres explications qui auraient permis à ce stade-ci de clarifier certains points. Le simple fait de verser de la documentation sur la situation générale des partisans d’un Biafra indépendant, ne fournissant aucune information concrète sur la situation personnelle du demandeur, n’est pas suffisant.
Ainsi, concernant l’âge du demandeur, il y a lieu de relever qu’au moment de l’introduction de sa demande de protection internationale, il a affirmé n’avoir que 17 ans. Il ressort néanmoins d’un rapport médical que son âge a été estimé à 22 ans au moment de l’introduction de sa demande de protection internationale. Par ailleurs, le demandeur a lui-
même déclaré au cours de ses auditions qu’il avait été en possession d’une carte d’électeur nigériane dès avant son départ du Nigéria. Dès lors, même à considérer que le demandeur ne connaîtrait pas son âge exact, il a nécessairement dû savoir qu’il était majeur au moment du dépôt de sa demande de protection internationale, alors qu’il n’est pas contesté que l’âge minimum pour voter au Nigéria est de 18 ans. Ce constat n’est pas non plus énervé par l’argument du demandeur selon lequel l’information qu’il aurait sur sa date de naissance lui aurait été communiquée par sa mère.
Quant au cliché que le demandeur a déposé à la direction de l’Immigration, montrant les dépouilles de prétendus manifestants du parti IPOB tués près de la rivière Ezu en janvier 2013, le tribunal constate que le demandeur reste en défaut d’apporter des éléments cohérents relatifs aux développements du ministre et du délégué du gouvernement selon lesquels les victimes seraient en réalité des membres du parti MASSOB qui revendique avoir été victime de ce massacre. Monsieur … se borne à affirmer que les partis IPOB et MASSOB seraient étroitement liés et qu’il serait dès lors justifié que MASSOB revendique lui aussi avoir subi de nombreuses pertes de vies humaines dans ce massacre. Or, il ne s’agit là que d’une simple supposition du demandeur qui n’apporte aucune justification plausible à l’appui de cette allégation, d’autant plus qu’il ne se prononce aucunement sur le fait que la suffocation aurait été la cause principale du décès des victimes, contredisant son affirmation selon laquelle les manifestants auraient été fusillés.
Force est encore au tribunal de constater que le demandeur a répondu de manière vague et évasive aux questions lui posées au cours de son entretien. Par exemple, concernant son engagement politique au sein du parti IPOB, il est étonnant que le demandeur ait affirmé « I 11 was in the new leadership of IPOB »2 et ait indiqué avoir organisé une prétendue manifestation pro-Biafra le 18 janvier 2013, mais sans pouvoir pour autant donner plus d’informations ni sur l’organisation de la manifestation (« We organized in an open place we were not hiding»3), ni sur le parti IPOB dont il serait membre depuis 2011 (« New organization after Uwazirike. Kanu is the leader of IPOB. 2011, 2012, we started to believe in Kanu. They had a radio in London to tell everybody the truth »4), ni sur les objectifs dudit parti (« To restore Biafra. To tell people that they should stand for their rights and their freedom »5). Il est également peu plausible qu'à la question concernant le leader du mouvement indépendantiste, Nnamdi Kanu, dont il allègue avoir entendu parler depuis 2010 et dont il aurait écouté les émissions radio émises depuis Londres, le demandeur ne réponde aussi vaguement et évasivement que ce qui suit, à savoir « He is the leader and he is talking about Biafra, I don’t know more about him »6. Ce constat n’est pas non plus énervé par l’article à l’origine douteuse pour ne pas être retraçable, intitulé « The killing of Baifrans Youth by Nigerian Security Forces », versé par le demandeur.
Il ressort ainsi du récit du demandeur que ce dernier n’est informé que de manière superficielle sur le mouvement indépendantiste IPOB rendant le fait qu’il aurait été un membre haut-placé de ce parti très improbable. Il est incapable d’entrer dans les détails de son rôle et de ses activités au sein dudit parti et il se borne à rester très vague sur le sujet et à donner des informations générales et publiquement disponibles sans qu’il n’y apporte la moindre explication personnelle, de sorte qu’il y a lieu de conclure que si le demandeur était effectivement un membre actif du mouvement indépendantiste IPOB, il serait mieux informé sur le parti politique et sur les revendications de celui-ci quant au peuple du Biafra.
Dans ces circonstances, il y a lieu de relever que face à ces incohérences et contradictions invalidantes qui affectent le récit du demandeur, mettant en doute ses déclarations sur son appartenance au mouvement indépendantiste IPOB et des persécutions en résultant prétendument, le tribunal est amené à conclure que la crédibilité du récit du demandeur est irrémédiablement ébranlée. Le demandeur n’ayant fourni, à aucun stade de sa demande de protection internationale, aucun effort pour expliquer de manière convaincante les incohérences de son récit, il appartient au tribunal de conclure que c’est à bon droit que le ministre a mis en doute la véracité des faits invoqués.
Il se dégage dès lors des éléments qui précèdent que le récit incohérent et peu crédible du demandeur n’est pas de nature à établir l’existence d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef, de sorte qu’il y a lieu de rejeter le recours en réformation comme étant non fondé quant à ce volet.
b) Quant au statut conféré par la protection subsidiaire Quant au volet du recours ayant trait à la protection subsidiaire, le tribunal constate d’abord qu’à l’appui de sa demande de protection subsidiaire, le demandeur invoque en substance les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.
Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que les faits avancés par le demandeur pour se voir reconnaître la qualité de réfugié manquent de crédibilité, il n’aperçoit aucun 2 Rapport d’entretien de Monsieur .., p. 5.
3 Idem., p. 10.
4 Idem., p. 6.
5 Rapport d’entretien de Monsieur …, p. 9.
6 Idem., p. 7.
12 élément susceptible d’établir, sur base des mêmes événements, qu’il existerait un risque de subir des atteintes graves, telles que la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou des menaces graves et individuelles contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé ou international, au sens de la loi du 18 décembre 2015.
C’est dès lors également à bon droit que le ministre a refusé au demandeur le statut de la protection subsidiaire.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondée.
2) Quant au recours tendant à la réformation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre l’ordre de quitter le territoire, un tel recours a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle litigieuse, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Le demandeur expose que l’ordre de quitter le territoire devrait être réformé comme conséquence de la réformation du refus ministériel de lui octroyer un statut de protection internationale. Il fait encore plaider que son retour contraint et forcé aurait pour conséquence de le soumettre à un risque de traitement inhumain et dégradant.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours contre l’ordre de quitter le territoire.
Aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre, visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.
Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale du demandeur, il a valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.
En l’absence d’autres moyens, le tribunal ne saurait remettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de l’ordre de quitter le territoire, de sorte que le recours contre ce volet de la décision ministérielle est également à rejeter pour être non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 9 juin 2017 rejetant la demande de protection internationale de Monsieur … ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 9 juin 2017 ordonnant à Monsieur … de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Anne Gosset, premier juge, Olivier Poos, premier juge, et lu à l’audience publique du 19 juin 2018 par le premier vice-président, en présence du greffier Marc Warken.
s.Marc Warken s.Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 19 juin 2018 Le greffier du tribunal administratif 14