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13/06/2018 | LUXEMBOURG | N°41223

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 juin 2018, 41223


Tribunal administratif Numéro 41223 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 juin 2018 1re chambre Audience publique du 13 juin 2018 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 41223 du rôle et déposée le 4 juin 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Philippe Stroesser, avocat à la Cour, in

scrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à …(Ni...

Tribunal administratif Numéro 41223 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 juin 2018 1re chambre Audience publique du 13 juin 2018 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 41223 du rôle et déposée le 4 juin 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Philippe Stroesser, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à …(Nigéria), de nationalité nigériane, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 16 mai 2018 ayant ordonné son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 8 juin 2018 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Denise Parisi, en remplacement de Maître Philippe Stroesser, et Madame le délégué du gouvernement Claudine Konsbruck en leurs plaidoiries à l’audience publique du 13 juin 2018.

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Par arrêt de la Cour d’appel de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, du 7 novembre 2017, Monsieur … fut condamné à une peine d’emprisonnement de 36 mois, assortie d’un sursis simple de dix-huit mois et à une amende de 1.500.- euros du chef d’infractions à la loi sur les stupéfiants.

A sa libération du Centre pénitentiaire du 17 mai 2018, Monsieur… se vit notifier un arrêté pris par le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », le 16 mai 2018 par le biais duquel celui-ci constata son séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois et lui ordonna de le quitter sans délai soit à destination du pays dont il a la nationalité, soit à destination du pays qui lui aura délivré un document de voyage en cours de validité, soit à destination d’un autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner, tout en lui interdisant l’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de cinq ans à partir de sa sortie de l’espace Schengen.

Par arrêté séparé du 16 mai 2018, notifié également le 17 mai 2018, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de ladite décision.

Ladite décision est basée sur les motifs et considérations suivants :

« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu les antécédents judiciaires de l’intéressé ;

Vu ma décision de retour et ma décision d’interdiction d’entrée sur le territoire du 16 mai 2018 ;

Attendu qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu que l’intéressé évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé ont été engagées ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 juin 2018, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 16 mai 2018.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, Monsieur … fait plaider que le placement en rétention devrait être considéré comme un ultime remède, alors qu’il porterait atteinte à sa liberté de mouvement, de sorte qu’il ne constituerait qu’une simple faculté pour le ministre, faculté qui ne serait cependant pas discrétionnaire, mais qui devrait être motivée à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

Monsieur … fait ensuite valoir que les démarches entreprises par le ministre en vue de son éloignement ne progresseraient pas, alors que, depuis son placement en rétention, aucune demande d’identification et de réadmission n’aurait été envoyée aux autorités italiennes et ce, alors même qu’il disposerait d’une carte d’identité italienne expirant le 3 janvier 2024, ainsi que d’un passeport nigérian délivré par les autorités italiennes.

Il en conclut qu’il n’existerait à l’heure actuelle aucune chance raisonnable de croire que son éloignement puisse être mené à bien.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne tout d’abord le reproche du demandeur que la décision déférée ne serait pas suffisamment motivée, le tribunal est amené à conclure que s’il est vrai qu’en vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux et les catégories de décisions y énumérées doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, le cas d’espèce sous examen ne tombe cependant dans aucune des hypothèses énumérées à l’alinéa 2 de l’article 6 précité, de sorte que l’obligation inscrite à l’article 6, alinéa 2, du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité, d’ailleurs non invoqué par le demandeur, ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce. Comme il n’existe, en outre, aucun autre texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une mesure de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision déférée, de sorte que le moyen fondé sur un défaut d’indication des motifs doit être rejeté pour ne pas être fondé.

Quant au fond, l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire.

».

L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, même si un étranger dispose de documents d’identité valables, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères plus particulièrement en vue de l’obtention d’un accord de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Il y a tout d’abord lieu de relever que par décision du 16 mai 2018, qui ne fait pas l’objet de la présente instance contentieuse, le ministre a constaté le séjour irrégulier de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois au motif notamment qu’il ne justifie pas l’objet et les conditions du séjour envisagé, qu’il ne justifie pas de ressources personnelles suffisantes, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays d’origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel son admission est garantie et qu’il n’est ni en possession d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail.

Au vu de cette décision ministérielle et en application de l’article 111, paragraphe (3), point c), de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel le risque de fuite est présumé plus particulièrement si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi ou encore s’il n’est pas en possession d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, voire si, comme en l’espèce, il n’a pas déclaré le lieu de sa résidence effective, le ministre pouvait dès lors a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement. Il aurait, par conséquent, appartenu à Monsieur … de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption, en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite.

Or, le demandeur n’a fourni aucun élément permettant de renverser la présomption du risque de fuite dans son chef.

En qui concerne ensuite les démarches concrètement entreprises en l’espèce par le ministre pour organiser l’éloignement du demandeur, il se dégage des éléments du dossier, ainsi que des explications complémentaires fournies par la partie étatique qu’en date du 28 mai 2018, une demande de réadmission du demandeur a été adressée aux autorités italiennes, en application de l’article 6, paragraphe (2) de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays-tiers en séjour irrégulier, et ce, sur base du constat que le demandeur est en possession d’un passeport nigérian établi à Rome le 7 décembre 2013, valable jusqu’au 6 décembre 2018, de même que d’un permis de séjour établi par l’Italie et périmé depuis le 8 juillet 2017, ainsi que d’une carte d’identité italienne valide jusqu’au 3 janvier 2024. Il ressort encore du dossier administratif que les autorités italiennes ont été relancées par le ministre en date du 8 juin 2018.

Au vu des diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise depuis le placement du demandeur au Centre de rétention, le tribunal conclut qu’à l’heure actuelle, les démarches entreprises sont à considérer comme suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter.

A cela s’ajoute que, contrairement à ce que suggère le demandeur, le tribunal n’entrevoit à l’heure actuelle pas d’éléments s’opposant à son éloignement vers l’Italie, le seul fait que les autorités italiennes n’aient pas encore donné de suite à la demande de réadmission leur adressée par les autorités luxembourgeoises le 28 mai 2018 et réitérée le 8 juin 2018 n’étant pas suffisant pour en tirer une telle conclusion.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est, en l’absence d’autres moyens, à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation :

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 13 juin 2018 par :

Annick Braun, vice-président, Alexandra Castegnaro, premier juge, Alexandra Bochet, attaché de justice, en présence du greffier Michèle Hoffmann.

Michèle Hoffmann Annick Braun 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 41223
Date de la décision : 13/06/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2018-06-13;41223 ?

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