Tribunal administratif N° 39109 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 février 2017 1re chambre Audience publique du 16 mai 2018 Recours formé par Monsieur …, …, contre des actes du bourgmestre de la Ville d’Echternach en matière de permis de construire
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 39109 du rôle et déposée le 16 février 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges Krieger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-… tendant à l’annulation de « 1) La décision du bourgmestre d’Echternach du 15 juillet 2015 concernant la demande d’aménagement d’emplacements de parkings introduite par le requérant en date du 28 juin 2015 ; 2) La décision implicite de refus se dégageant du silence gardé pendant plus de trois mois par le bourgmestre de l’administration communale d’Echternach à la suite de l’introduction par le requérant, d’une demande d’autorisation d’emplacements privés de stationnement de voiture sur sa propriété sise à L-… en date du 7 octobre 2016 ; 3) La condition n°7 de l’autorisation de construire n°2139.12.16 de l’administration communale d’Echternach.» ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Alex Mertzig, demeurant à Diekirch, du 24 février 2017, portant signification de ladite requête à la Ville d’Echternach, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, ayant sa maison communale à L-6401 Echternach, 2, Place du Marché ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour de Maître Trixi Lanners, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom et pour compte de la Ville d’Echternach ;
Vu le mémoire en réponse, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 24 mai 2017 par Maître Trixi Lanners, au nom de la Ville d’Echternach ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 22 juin 2017 par Maître Georges Krieger au nom de Monsieur …, préqualifié ;
Vu le mémoire en duplique, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 septembre 2017 par Maître Trixi Lanners, au nom de la Ville d’Echternach ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les actes attaqués ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Inès Goeminne, en remplacement de Maître Georges Krieger, et Maître Lisa Wagner, en remplacement de Maître Trixi Lanners, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 28 mars 2018.
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En date du 28 juin 2015, Monsieur … a introduit une demande en vue de se voir autoriser à aménager entre 6 et 8 emplacements de stationnement pour voitures au fond du terrain lui appartenant, sis à L-…, tout en précisant qu’il existerait déjà un accès privé par voiture à sa propriété du côté latéral, longeant le terrain communal et qu’il envisagerait d’utiliser ce même accès pour les emplacements de stationnement projetés.
Par courrier du 15 juillet 2015, le bourgmestre de la Ville d’Echternach prit position par rapport à cette demande comme suit :
« En réponse à votre courrier du 28 juin 2015, je vous informe que l’aménagement d’emplacements de parkings à l’arrière de votre propriété ne pourra être accordé sous réserve des remarques ci-après.
La commune étant en train d’élaborer le nouveau PAG de la Ville, la parcelle adjacente à votre propriété, actuellement classé[e] en zone d’aménagement public pourrait être reclassée dans le futur en une autre zone. L’accès à votre propriété par le parking ne sera donc plus possible. Dans ce cas l’accès à votre propriété devrait se faire par la route de Luxembourg et devra être aménagé de façon à respecter les prescriptions de l’article 5.2 de notre règlement des bâtisses en vigueur.
Cependant une autorisation d’aménager les emplacements sur votre terrain est envisageable et dans ce cas l’accès vers votre terrain du parking public serait à considérer comme temporaire sous respect des conditions suivantes :
- Une convention avec la Ville d’Echternach sera établie déterminant les conditions et modalités de cet aménagement d’accès temporaire.
- Les emplacements de stationnement devront être aménagés en matériel drainant, ne doivent pas faire l’objet d’une imperméabilisation supplémentaire (recommandation de l’utilisation de briques du type « Rasengitterstein » et l’écoulement des eaux doit être garanti.
- De faire à vos frais en cas de modifications à la voie publique les travaux nécessaires pour mettre l’ouvrage en concordance avec le nouvel état de la voirie et si ce n’est pas possible de renoncer à toute indemnité, l’autorisation n’étant qu’une tolérance et non une servitude à charge de la commune.
- De renoncer en cas de retrait total ou partiel de l’autorisation temporaire à toute indemnité de la part de la commune de quelque nature qu’elle soit. […] ».
Par courrier du 22 juillet 2015, Monsieur… répondit au courrier du bourgmestre dans les termes suivants :
« […] Tout en ayant pris note respectueuse de votre réponse, je vous signale que l’accès unique par voiture à la partie postérieur[e] de ma propriété se situe au fond de celle-
ci, et que ce droit d’accès est déjà documenté et inscrit dans un acte notari[a]l datant du 09 avril 1956 sous forme d’un droit de passage sur la rue des remparts à partir d’une parcelle d’une contenance de quatorze ares dix centiares, enregistrée sous le numéro ….
2 Vous évoquez dans votre réponse écrite un éventuel reclassement futur de la parcelle communale adjacente à ma propriété, actuellement classée en zone d’aménagement public et vous notez que dans ce cas l’accès à ma propriété par le parking ne sera donc plus possible ! Je vous prie de bien vouloir me donner des précisions sur ce dernier constat et de m’informer sur vos éventuelles intentions et droits de me priver de ce droit d’accès unique par voiture à l’entièreté [de] ma propriété, droit auquel je n’ai pas l’intention de renoncer et dont j’ai déjà informé le bourgmestre et les échevins dans une lettre antérieure datant du 21 octobre 2015, qui devrait figurer dans les archives de la Commune.
Dans ma compréhension des choses il n’est pas concevable de me voir dérobé arbitrairement par les autorités publiques du droit d’accès par voiture à la partie postérieure de ma propriété.
Ainsi je ne peux pas accepter votre proposition de convention avec la ville d’Echternach datant du 15 juillet 2015, qui vise à décharger La Commune dans ses réflexions et intentions de reclassement de terrain communal de tout engagement et responsabilité future quant à mes droits relatifs à ma propriété respectivement à la sauvegarde de sa valeur.
Je vous demande de respecter scrupuleusement dans vos réflexions de reclassement mes droits privés concernant ma propriété, et je réitère ma demande intransigeante de sauvegarder dans vos réflexions d’aménagement de la voie publique l’accès unique par voiture à la partie postérieure de mon terrain, droit, tel qu’il est statué dans l’acte notari[a]l précité.
Aussi voudrais-je vous signaler que l’aménagement d’emplacements de parking privés sur mon terrain ne changerait rien quant à la situation d’accès actuel, utilisé déjà à des besoins privés et un octroi arbitraire d’aménagement d’un nouvel accès sur initiation des autorités communales serait indépendant de ma volonté, violerait mes droits statués et ne pourrait donc être à mes frais, et ceci indépendamment d’aménagements d’emplacements de parking privés ou non.
A ce propos je demande une entrevue avec les autorités communales et je vous prie de bien vouloir me proposer l’une ou l’autre date à cette fin.
Tout en attendant pouvoir lire vos réflexions, votre prise de position et votre réponse écrite à mes suggestions, veuillez agréer, Mr le Bourgmestre, l’expression de mes salutations distinguées. […] ».
Par courrier du 10 mars 2016, Monsieur… s’adressa à la Ville d’Echternach afin de réitérer sa « demande d’autorisation d’aménagement d’environ 6 emplacements de parking privé sur sa propriété, sise à L-…, datant du 28 juin 2015 » et « de revenir à [l’]entrevue en date du 09.11.2015 à la maison communale d’Echternach », tout en déplorant de ne pas encore avoir reçu « l’information sollicitée et accordée de [la part de la Ville] concernant le contenu de l’acte notarial, établi entre la Commune d’Echternach et Mr. …, ayant habité à la même adresse précitée en tant que propriétaire ancien de la propriété susmentionnée jusqu’en 1984. » 3 En date du 6 octobre 2016, Monsieur… fit déposer par le biais du cabinet d’architecte …SA, un formulaire de demande d’autorisation de construire en vue de se voir autoriser un « changement d’affectation et confection d’un parking avec droit d’entrée du côté parking acquis par votre lettre du 21 sept. 1971 (copie ci-jointe) », sur sa propriété sise à L-….
Par courrier du 25 novembre 2016, Monsieur… s’adressa de nouveau au collège des bourgmestre et échevins de la Ville d’Echternach en relation avec sa « demande de changement d’affectation de l’immeuble situé à L-…et d’aménagement d’emplacements de stationnement de voiture sur le terrain de la même propriété », ledit courrier ayant la teneur suivante :
« En date du 07 octobre 2016 la demande précitée avec plans récents et détaillés, demandés préalablement par l’autorité communale et établis, suite à cette demande, par les soins du bureau d’architecture …à …, a été remise au secrétariat de la Commune d’Echternach.
Depuis lors je n’ai reçu aucune réponse de la part communale, et serait-ce qu’un accusé de réception de la demande en question ! Je tiens à vous signaler que je n’ai pas tardé à donner satisfaction à votre demande de présentation préalable de plans architecturaux détaillés de mon immeuble situé à l’adresse susmentionné, dont je veux donner l’ancienne bâtisse en location commerciale.
Aussi voudrais-je me référer à mes lettres explicatives précédentes, adressées par envoi recommandé au Collège des Bourgmestre et Echevins de la Commune d’Echternach en date du 11.03.2016 et du 31.03.2016, ainsi qu’à la copie de la lettre, datant du 21 septembre 1971, de l’ancien bourgmestre de la ville d’Echternach, M. …, au propriétaire antérieur de mon immeuble, M. …, remise en vos mains en date du 22.04.2016 lors de ma convocation à la Commune en rapport avec la liste des immeubles éventuellement soumis au reclassement, et confirmant le droit acquis d’entrée sur mon terrain du côté parking ! Malheureusement et déplorablement jusqu’à l’heure actuelle je n’ai pas eu de réponse ni de prise de position de votre part à ma demande et mes lettres antérieures ! Ainsi je vous prie, Messieurs le Bourgmestre et Echevins, de prendre en considération ma demande et de me faire part de vos réflexions. […] ».
Le 6 décembre 2016, le bourgmestre de la Ville d’Echternach accorda à Monsieur… l’autorisation « concernant le changement d’affectation d’un immeuble de commerce et d’habitation aux abords de la … à … en immeuble à deux unités de commerce suivant les indications des plans annexés », le tout notamment sous les conditions spéciales et générales faisant partie intégrante de ladite autorisation dont il est expressément spécifié qu’elles sont à communiquer obligatoirement à l’entreprise chargée des travaux.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 février 2017, inscrite sous le numéro 39109 du rôle, Monsieur… a fait introduire un recours devant le tribunal administratif tendant à l’annulation de « 1) La décision du bourgmestre d’Echternach du 15 juillet 2015 concernant la demande d’aménagement d’emplacements de parkings introduite par le requérant en date du 28 juin 2015 ; 2) La décision implicite de refus se dégageant du silence gardé pendant plus de trois mois par le bourgmestre de l’administration communale 4 d’Echternach à la suite de l’introduction par le requérant, d’une demande d’autorisation d’emplacements privés de stationnement de voiture sur sa propriété sise à L-… en date du 7 octobre 2016 ; 3) La condition n°7 de l’autorisation de construire n°2139.12.16 de l’administration communale d’Echternach.».
Quant à l’admissibilité du mémoire en réplique A titre liminaire, il échet de prendre position par rapport au reproche fait par la Ville d’Echternach à l’encontre de Monsieur… pour avoir indiqué un numéro de rôle erroné -
38773 au lieu de 39109 - sur son mémoire en réplique, la Ville d’Echternach estimant que de ce fait ledit mémoire ne pourrait pas être pris en considération par le tribunal.
Force est toutefois de constater que cette erreur manifestement purement matérielle ne porte pas à conséquence, étant donné qu’il ressort sans équivoque du mémoire déposé au greffe du tribunal administratif par Monsieur… le 22 juin 2017 qu’il intervient en réplique au mémoire en réponse déposé le 24 mai 2017 par la Ville d’Echternach dans le cadre du recours introduit à l’encontre des actes déférés et que la Ville d’Echternach a utilement pu prendre position par rapport aux arguments développés par Monsieur… dans son mémoire en réplique, sans que ses droits de la défense n’aient été affectés par l’indication erronée du numéro de rôle. D’ailleurs, ni la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, désignée ci-après par « la loi du 21 juin 1999 », ni aucune autre disposition normative n’imposent une indication du numéro de rôle sur le mémoire en réponse.
Le moyen afférent doit dès lors être rejeté.
Quant à la recevabilité du recours La Ville d’Echternach, en se fondant sur l’article 2, paragraphe (1), de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », soulève tout d’abord l’irrecevabilité du recours sous analyse en ce qu’il est dirigé contre le courrier du bourgmestre du 15 juillet 2015 au motif qu’il ne s’agirait pas d’une décision administrative susceptible d’un recours contentieux.
Elle met plus particulièrement en avant qu’il s’agirait d’un simple courrier adressé à Monsieur… pour lui fournir, suite à une demande afférente du 28 juin 2015, certaines informations, la Ville d’Echternach en voulant pour preuve que par le biais dudit courrier, il serait signalé à Monsieur… qu’une autorisation « est envisageable », « sous réserve des remarques ci-après ».
Face aux contestations de la Ville d’Echternach tenant au caractère décisionnel de l’acte attaqué, Monsieur… soutient que la Ville s’abstiendrait de citer les passages du courrier en question qui auraient un caractère plus décisionnel, le bourgmestre ayant, en effet, énoncé que « l’aménagement d’emplacements de parkings à l’arrière de [la] propriété ne pourra être accordé sous réserves des remarques ci-après », de même qu’il aurait souligné que « cependant une autorisation d’aménager les emplacements sur votre terrain est envisageable et dans ce cas l’accès vers votre terrain du parking public serait à considérer comme temporaire sous respect des conditions suivantes : […] ».
5 Monsieur… est dès lors d’avis que le courrier litigieux ne pourrait être considéré comme ayant un caractère purement informatif, mais qu’à travers celui-ci, le bourgmestre aurait porté à sa connaissance les éléments exigés en vue de l’acceptation de sa demande.
Ledit courrier porterait dès lors clairement refus de sa demande d’autorisation, ce d’autant plus que le bourgmestre mentionnerait que, pour le surplus, il pourrait néanmoins faire droit à sa demande moyennant certaines conditions.
Monsieur… insiste encore sur le fait que le courrier litigieux aurait rencontré une demande précise, de sorte que l’administration aurait pu asseoir une véritable décision répondant aux éléments concrets de sa demande.
Il appartient au tribunal d’analyser, avant tout autre progrès en cause, si le recours introduit par Monsieur…, en ce qu’il vise le courrier du bourgmestre du 15 juillet 2015, est recevable pour avoir été dirigé contre un acte administratif susceptible de recours, le tribunal étant ainsi amené à examiner le caractère décisionnel de l’acte attaqué, cette question ayant non seulement été librement discutée par les parties dans le cadre de la procédure contentieuse, mais relevant, par ailleurs, de l’ordre public.
En effet, aux termes de l’article 2, paragraphe (1), de la loi du 7 novembre 1996, un recours est ouvert « contre toutes les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible ». Cet article limite ainsi l’ouverture d’un recours devant les juridictions administratives notamment aux conditions cumulatives que l’acte litigieux doit constituer une décision administrative, c’est-à-dire émaner d’une autorité administrative légalement habilitée à prendre des décisions unilatérales obligatoires pour les administrés et qu’il doit s’agir d’une véritable décision, affectant les droits et intérêts de la personne qui la conteste1.
L’acte émanant d’une autorité administrative, pour être sujet à un recours contentieux, doit constituer, dans l’intention de l’autorité qui l’émet, une véritable décision, à qualifier d’acte de nature à faire grief, c’est-à-dire un acte de nature à produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de celui qui réclame2. Plus particulièrement n’ont pas cette qualité de décision faisant grief, comme n’étant pas destinées à produire, par elles-mêmes, des effets juridiques, les informations données par l’administration, tout comme les déclarations d’intention ou les actes préparatoires d’une décision3. Plus précisément, une lettre par laquelle une autorité se borne à exprimer une intention ou à s’expliquer sur une intention qu’elle révèle ne constitue pas un acte administratif de nature à faire grief, qu’elle soit adressée à un administré ou à une autre autorité4.
Il est encore admis que lorsque l’administration se borne à exprimer ses prétentions, essentiellement lorsque, à propos d’un litige, elle indique les droits qui lui paraissent être les siens ou dénie ceux dont se prévaut son adversaire, un tel acte ne constitue qu’une prise de 1 F. Schockweiler, Le contentieux administratif et la procédure administrative non contentieuse en droit luxembourgeois, n° 46, p. 28.
2 Trib. adm., 18 juin 1998, n° 10617 et 10618, Pas. adm. 2017, V° Actes administratifs, n° 36, et les autres références y citées.
3 Trib. adm., 23 juillet 1997, n° 9658, confirmé sur ce point par arrêt du 19 février 1998, n° 10263C, Pas. adm.
2017, V° Actes administratifs, n° 58, et les autres références y citées.
4 J.Falys, La recevabilité des recours en annulation des actes administratifs, Bruylant, 1975, n° 30, p.41.
6 position qui ne lie ni le juge ni les intéressés et qui ne saurait dès lors donner lieu à un recours5.
Dans le même ordre d’idée, une lettre qui ne porte aucune décision et qui n’est que l’expression d’une opinion destinée à éclairer le requérant sur les droits qu’il peut faire valoir ou plus généralement sur sa situation juridique6 n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux. C’est ainsi notamment qu’il a été retenu que l’acte par lequel l’autorité compétente, répondant à une demande de renseignements d’un particulier, lui fait savoir qu’aucune construction ne peut être érigée sur son terrain, ne constitue pas un refus d’autorisation de construire et n’est pas susceptible de faire grief7.
Le tribunal relève tout d’abord qu’à travers son courrier du 28 juin 2015, Monsieur… a, d’une part, sollicité l’autorisation pour aménager 6 à 8 emplacements privés de stationnement pour voitures au fond du terrain de sa propriété, tout en signalant, d’autre part, qu’il existerait déjà un accès privé par voiture à sa propriété du côté latéral, longeant le terrain communal, et en informant le bourgmestre qu’il envisagerait d’utiliser ce même accès pour les emplacements de voiture projetés.
Certes, il est admis que la nature décisionnelle d’un acte ne dépend pas uniquement de son libellé et de sa teneur, mais également de la demande qu’il entend rencontrer8, et qu’en l’espèce, une demande d’autorisation a été adressée au bourgmestre.
Or, à la lecture du courrier du bourgmestre du 15 juillet 2015, il apparaît que le bourgmestre n’a ni avisé favorablement la demande ainsi formulée, ni opposé un refus à cette demande.
Le bourgmestre n’a, en effet, pas exclu la possibilité d’accorder une autorisation pour l’aménagement de places de stationnement à l’arrière de la maison de Monsieur…, mais il a uniquement cherché à éclairer celui-ci, préalablement à une prise de décision quant à l’aménagement de places de stationnement, sur la situation juridique de la parcelle adjacente au terrain de Monsieur… et plus particulièrement sur l’incidence que pourrait avoir, selon le bourgmestre, un reclassement futur éventuel de ladite parcelle sur le projet de Monsieur… et ce, eu égard à la déclaration de celui-ci qu’il envisagerait d’accéder aux nouveaux emplacements sur son terrain à partir du parking public adjacent à son terrain. Le bourgmestre rend, en effet, Monsieur… attentif au fait qu’un nouveau plan d’aménagement général (PAG) serait en train d’être élaboré avec comme conséquence, d’une part, que la parcelle adjacente à sa propriété, actuellement classée en zone d’aménagement public, pourrait être reclassée en une autre zone, et, d’autre part, que si un tel reclassement devait avoir lieu, l’accès à la propriété de Monsieur… par le parking public ne serait plus possible et devrait se faire par la route de Luxembourg, auquel cas, un tel accès devrait être aménagé de manière à respecter les prescriptions de l’article 5.2. du règlement sur les bâtisses, étant relevé qu’il s’agit de prescriptions relatives aux espaces libres, ledit article fixant notamment les conditions dans lesquelles l’accès aux constructions, cours et terrasses, doit être aménagé dans les espaces libres constitués par les reculs latéraux, avant et postérieur.
5 J. Auby et R. Drago, Traité de contentieux administratif, 1962, T. II, n° 1014, p. 463 ; voir aussi trib. adm. 6 octobre 2004, n° 16533, Pas. adm. 2017, V° Actes administratifs, n° 72.
6 J. Falys, op.cit., n° 34, p.45.
7 CdE belge, 13 mars 1959, n° 6960.
8 Trib. adm. 11 mai 2009, n°24871 du rôle, Pas. adm. 2017, V° Actes administratifs, n°38 et les autres références y citées.
7 Si le bourgmestre rend, par ailleurs, Monsieur… attentif aux conditions dans lesquelles son projet d’emplacements de parking serait envisageable avec un accès à partir du parking public, tel que cela semblait être préconisé par Monsieur…, c’est également dans l’optique d’engager une discussion afin de trouver une solution et ce, toujours sur la toile de fond d’un éventuel futur reclassement de la parcelle adjacente au terrain de Monsieur… impliquant, selon le bourgmestre, que l’accès à partir du parking public ne pourrait être que temporaire.
Le tribunal constate dès lors que, par le biais de son courrier du 15 juillet 2015, le bourgmestre cherche avant toute chose à clarifier dans un premier temps la question de l’actuel accès sur la propriété de Monsieur… à partir du parking public, étant relevé que, dans sa demande, Monsieur… a uniquement déclaré envisager, à ce stade, d’utiliser ledit accès, de sorte à avoir lui-même laissé la porte ouverte à des discussions à ce sujet. Le bourgmestre ne s’est toutefois pas prononcé, concrètement, sur l’aménagement de places de stationnement en tant que telles, étant d’ailleurs relevé qu’à défaut de s’être vu soumettre à la base de la demande d’autorisation du 28 juin 2015 le moindre plan ou descriptif, ni un nombre déterminé de places envisagées, il a de toute façon été impossible au bourgmestre de se prononcer, à ce stade, sur la conformité du projet par rapport à la réglementation urbanistique en vigueur.
Force est encore de constater que Monsieur… lui-même n’a pas considéré que par le biais du courrier du 15 juillet 2015 sa demande d’autorisation avait été définitivement tranchée, mais il a bien compris l’intention du bourgmestre de clarifier avant tout autre progrès en cause la question de l’accès actuel à son terrain. En effet, dans son courrier du 22 juillet 2015, il prend, d’une part, position par rapport aux réflexions du bourgmestre en lui demandant, en ce qui concerne l’éventuel reclassement futur de la parcelle communale adjacente à la sienne, de lui « donner des précisions sur ce dernier constat et de [l]’informer sur [ses] éventuelles intentions et droits de [le] priver de ce droit d’accès unique par voiture à l’entièreté [de sa] propriété », et en informant le bourgmestre de ce qu’il ne pourrait pas accepter la proposition de convention avec la Ville d’Echternach telle qu’issue du courrier du bourgmestre du 15 juillet 2015, en invoquant l’existence dans son chef d’un droit acquis à pouvoir utiliser l’accès à son terrain à partir du terrain adjacent, tout en insistant sur le fait que, selon lui, « l’aménagement d’emplacements de parking privés sur [son] terrain ne changerait rien quant à la situation d’accès actuel, utilisé déjà à des besoins privés et [qu’]un octroi arbitraire d’aménagement d’un nouvel accès sur initiation des autorités communales serait indépendant de [sa] volonté, violerait [ses] droits statués et ne pourrait donc être mis à [ses] frais, et ceci indépendamment d’aménagements d’emplacements de parking privés ou non. ». Monsieur… conclut son courrier en sollicitant « une entrevue avec les autorités communales » et en précisant qu’il attend « pouvoir lire [les] réflexions [du bourgmestre], [sa] prise de position et [sa] réponse écrite à [ses] suggestions. ».
Le tribunal relève ensuite qu’il se dégage du courrier de Monsieur… du 10 mars 2016, adressé au collège échevinal qu’une entrevue entre les parties a eu lieu le 9 novembre 2015 à la maison communale et que lors de cette entrevue, il a notamment été convenu que l’autorité communale prenne position par rapport au contenu de l’acte notarial établi le 9 avril 1957 entre la Ville d’Echternach et Monsieur …, l’ancien propriétaire de sa parcelle, acte notarial dont Monsieur… entend tirer un droit acquis d’accéder vers son terrain à partir du parking public. Dans ce même courrier, et toujours dans le cadre des discussions ayant trait à l’accès à sa propriété, Monsieur… informe d’ailleurs la Ville qu’il ne serait pas opposé à discuter sur une réduction du nombre d’emplacements de stationnement.
8 A cela s’ajoute qu’à l’issu de divers échanges ayant eu lieu entre Monsieur… et la Ville d’Echternach, celui-ci a finalement fait introduire, en date du 6 octobre 2016, par son cabinet d’architectes une demande visant à la fois un changement d’affectation de son immeuble et l’aménagement d’emplacements de stationnement sur le fond du terrain lui appartenant, tout en annexant, cette fois-ci et sur demande expresse de la Ville des plans récents et détaillés à l’appui de son projet.
Au vu des considérations qui précèdent, il y a dès lors lieu de conclure que le courrier du bourgmestre du 15 juillet 2015 ne comporte pas d’élément décisionnel par rapport à la demande de Monsieur… du 28 juin 2015, de sorte à ne pas pouvoir être qualifié d’acte administratif individuel de nature à faire grief. Le recours en annulation en ce qu’il est dirigé contre ledit courrier est dès lors à déclarer irrecevable faute d’objet.
Pour ce qui est ensuite du recours en annulation dirigé contre une décision implicite de refus qui se dégagerait du silence gardé pendant plus de trois mois par le bourgmestre à la suite de l’introduction, en date du 6 octobre 2016, d’une demande d’autorisation d’aménagement d’emplacements privés de stationnement, la Ville d’Echternach soulève également son irrecevabilité au motif qu’il n’existerait pas de décision de refus implicite, le bourgmestre ayant, au contraire, expressément refusé, le 6 décembre 2016, de délivrer une autorisation d’aménager les 10 emplacements de stationnement sollicités.
Dans son mémoire en réplique, Monsieur… n’a pas pris position par rapport à ce moyen d’irrecevabilité.
Le tribunal est tout d’abord amené à relever qu’en date du 6 octobre 2016, Monsieur… a fait introduire par le biais de son cabinet d’architectes une demande tendant à se voir autoriser « un changement d’affectation et confection d’un parking avec droit d’entrée du côté parking acquis par votre lettre du 21 septembre 1971 (copie ci-jointe). », tout en joignant à cette demande les plans relatifs aux travaux projetés.
Suite à cette demande comportant deux volets, le bourgmestre a délivré, le 6 décembre 2016, à Monsieur… l’autorisation « concernant le changement d’affectation d’un immeuble de commerce et d’habitation aux abords de la … à … en immeuble à deux unités de commerce suivant les indications des plans annexés. », étant relevé que, pour ce qui est des emplacements de parking indiqués sur les plans soumis à l’appui de la demande d’autorisation et faisant partie intégrante de l’autorisation délivrée, ceux-ci ont été biffés par le bourgmestre.
S’il est vrai qu’aux termes de l’article 4 (1) de la loi du 7 novembre 1996 : « dans les affaires contentieuses qui ne peuvent être introduites devant le tribunal administratif que sous forme de recours contre une décision administrative, lorsqu’un délai de trois mois s’est écoulé sans qu’il soit intervenu aucune décision, les parties intéressées peuvent considérer leur demande comme rejetée et se pourvoir devant le tribunal administratif », il n’en demeure pas moins que la fiction juridique d’une décision implicite de refus pouvant être attaquée en justice est limitée par l’article 4, paragraphe (1) de la loi du 7 novembre 1996 au cas où le silence des administrations perdure plus de 3 mois suite à une demande déposée par un administré.
9 Or, en l’espèce, en accordant le 6 décembre 2016, en réponse à la demande de Monsieur… du 6 octobre 2016, uniquement l’autorisation pour l’un des volets lui soumis, à savoir pour le changement d’affectation sollicité, tout en biffant sur les plans soumis à l’appui des deux volets de la demande les emplacements prévus aux fins de stationnement, le bourgmestre doit être considéré comme ayant expressément refusé par la même l’autorisation sollicitée pour les emplacements de stationnement de parking, encore que ce refus n’ait pas été motivé.
Il s’ensuit que le recours sous analyse en ce qu’il est dirigé contre une décision implicite de refus qui se dégagerait du silence gardé pendant plus de trois mois par le bourgmestre à la suite de l’introduction de la demande visant l’aménagement de places de stationnement est également à déclarer irrecevable faute d’objet.
Finalement, Monsieur… a encore dirigé son recours en annulation contre « la condition n°7 de l’autorisation de construire n°2139.12.16 » émise par le bourgmestre le 6 décembre 2016, qui soumet l’autorisation concernant le changement d’affectation sollicité à la condition « de faire à [ses] frais, en cas de modifications de l’accès, les travaux nécessaires pour mettre l’ouvrage en concordance avec le nouvel état de la voirie et si ce n’est pas possible, de renoncer à toute indemnité, l’autorisation n’étant qu’une tolérance et non une servitude de la commune », Monsieur… estimant, en effet, que, par l’insertion de cette condition, le bourgmestre méconnaîtrait le droit acquis qui lui permettrait un accès à sa propriété.
La Ville d’Echternach soulève, quant à elle, l’irrecevabilité du recours en ce qu’il tend à obtenir l’annulation partielle de l’autorisation du 6 décembre 2016 au motif que les conditions pour admettre une telle annulation partielle d’une décision administrative, à savoir l’absence de lien de dépendance entre divers chefs de la décision, ainsi que l’existence d’éléments aisément dissociables, ne seraient pas remplies en l’espèce.
Elle explique, à cet égard, que, contrairement à ce que semblerait croire Monsieur…, les conditions générales annexées à l’autorisation accordée pour le changement d’affectation sollicité, y incluse la condition n°7, seraient annexées à toute autorisation de construire délivrée par le bourgmestre, de sorte qu’il serait faux de prétendre que la condition n°7 aurait été spécialement conçue pour « chicaner » Monsieur….
Ensuite, la Ville d’Echternach fait valoir que ce serait également à tort que Monsieur… part du principe que la condition générale n°7 concerne les emplacements de stationnement qu’il souhaite aménager. Elle explique, en effet, que cette condition concernerait en réalité l’accès au domaine public à partir de la propriété de Monsieur… et qu’elle imposerait à celui-ci de prendre en charge les travaux nécessaires pour garantir l’accès à la route, pour le cas où, du fait du changement d’affectation autorisé de sa maison, l’accès à la voie publique soit modifié.
La Ville d’Echternach précise encore, en ce qui concerne le but de cette condition, que lorsque l’administration communale ferait effectuer des modifications à la voie publique rendant plus difficile ou empêchant l’accès à une maison ou à un terrain, elle prendrait généralement en charge les travaux nécessaires afin que l’accès soit de nouveau garanti. En revanche, lorsqu’un propriétaire effectuerait des travaux qui auraient comme effet de modifier l’accès à la route, il lui incomberait de prendre en charge les travaux qui seraient nécessaires afin de préserver l’accès à la route à partir de sa maison ou de son terrain. Il 10 s’ensuivrait que la condition n°7 aurait uniquement comme but et effet de prémunir la Ville d’Echternach contre des recours dans les hypothèses où un propriétaire n’arriverait plus à accéder à sa maison à la suite de travaux qu’il a lui-même effectués.
Elle insiste encore sur le fait que la condition litigieuse n’aurait rien à voir avec des emplacements que Monsieur… voudrait aménager ni avec le courrier du 15 juillet 2015 concernant ces emplacements ni avec un droit d’accès, respectivement avec le portail situé à l’arrière de la propriété de Monsieur…, de sorte que les développements de celui-ci seraient dépourvus de toute pertinence.
Au vu des considérations qui précèdent, la Ville d’Echternach conclut que la condition générale n°7 constitue un tout indivisible avec l’autorisation toute entière qui ne pourrait pas être annulée que partiellement.
Dans son mémoire en réplique, Monsieur… n’a pas pris position par rapport à ce moyen d’irrecevabilité, tout en se contentant de prendre acte de l’affirmation de la Ville d’Echternach suivant laquelle la condition litigieuse n’avait pas été ajoutée à son autorisation, qu’il s’agit d’une condition générale insérée dans toute autorisation de construire et que, suivant les affirmations mêmes de la Ville d’Echternach, cette condition ne viserait ni à mettre en cause son droit d’accès à son terrain, ni à refuser les emplacements de stationnement qu’il souhaite ériger.
Quant à la recevabilité de ce troisième volet du recours sous analyse, le tribunal est amené à relever qu’un recours tendant à obtenir l’annulation partielle d’un acte administratif individuel n’est recevable que si l’acte querellé est lui-même divisible, c’est-à-dire s’il a statué sur différents chefs sans lien de dépendance entre eux.
En l’espèce, l’autorisation délivrée par le bourgmestre le 6 décembre 2016 vise, tel que relevé ci-avant, uniquement « le changement d’affectation d’un immeuble de commerce et d’habitation aux abords de la … à … en immeuble à deux unités de commerce suivant les indications des plans annexés » et elle a été accordée sous certaines conditions spéciales et générales, dont la condition n°7, de sorte que l’autorisation et les conditions tant spéciales que générales y fixées doivent être considérées comme formant un tout indivisible. Il se dégage, à cet égard, encore des explications non contestées de la Ville d’Echternach que tant les conditions spéciales que générales annexées à ladite autorisation sont des conditions standard faisant partie intégrante de toutes les autorisations de construire délivrées par elle et que plus particulièrement la condition n°7 des conditions générales vise uniquement à protéger l’administration communale contre des recours dans l’hypothèse où un propriétaire s’étant vu accorder une autorisation de construire n’arriverait plus à accéder à sa maison à la suite de travaux qu’il a lui-même effectués et ce, par opposition à la situation où l’administration communale fait effectuer des modifications à la voie publique qui rendraient plus difficile ou empêcheraient l’accès à une propriété, auquel cas, elle prendrait en charge les travaux nécessaires pour garantir de nouveau cet accès.
Au vu des considérations qui précèdent, et dans la mesure où il vient d’être retenu que l’autorisation de construire du 6 décembre 2016 forme un tout indivisible avec les conditions spéciales et générales y attachées, Monsieur… n’est pas recevable à solliciter l’annulation de la seule condition n°7 des conditions générales.
11 Le recours en annulation doit dès lors également être déclaré irrecevable en ce qu’il est dirigé contre la condition n°7 des conditions générales de l’autorisation délivrée le 6 décembre 2016.
Monsieur… sollicite encore l’allocation d’une indemnité de procédure de 3.000.- euros sur base de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, demande qui est toutefois à rejeter au vu de l’issue du litige.
La Ville d’Echternach, pour sa part, sollicite également une indemnité de procédure d’un montant de 2.500.- euros sur base du même article. Toutefois, les conditions d’application et notamment l’établissement du caractère d’iniquité résultant du fait de laisser les frais non répétibles à charge de la partie défenderesse n’ont pas été rapportés à suffisance comme étant remplies en l’espèce, il y a lieu de rejeter ladite demande.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
déclare le recours irrecevable dans son intégralité ;
rejette les demandes en allocation d’une indemnité de procédure telles que sollicitées de part et d’autre ;
condamne Monsieur … aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 16 mai 2018 par :
Annick Braun, vice-président, Alexandra Castegnaro, premier juge, Alexandra Bochet, attaché de justice, en présence du greffier Michèle Hoffmann.
s. Michèle Hoffmann s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 17/5/2018 Le Greffier du Tribunal administratif 12