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16/04/2018 | LUXEMBOURG | N°39773

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 avril 2018, 39773


Tribunal administratif N° 39773 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 juin 2017 2e chambre Audience publique du 16 avril 2018 Recours formé par Monsieur ….., ….., contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 39773 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 21 juin 2017 par Maître Frank Wies, avocat à la C

our, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ….., né l...

Tribunal administratif N° 39773 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 juin 2017 2e chambre Audience publique du 16 avril 2018 Recours formé par Monsieur ….., ….., contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 39773 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 21 juin 2017 par Maître Frank Wies, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ….., né le ….. à …. (Irak), de nationalité irakienne, demeurant actuellement à L-….., tendant d’une part, à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 22 mai 2017 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, et, d’autre part, à la réformation de la décision du même ministre du même jour portant ordre de quitter le territoire contenue dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 10 août 2017 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Noémie Sadler, en remplacement de Maître Frank Wies, et Madame le délégué du gouvernement Stéphanie Linster entendues en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 11 décembre 2017.

Le 14 octobre 2015, Monsieur ….. introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, entretemps abrogée par la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur ….. fut entendu par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 9 décembre 2015, Monsieur ….. fut entendu par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dit « règlement Dublin III ».

Le 16 novembre 2016, Monsieur ….. fut encore entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 22 mai 2017, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée expédiée le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, dénommé ci-après « le ministre », informa Monsieur ….. qu’il avait rejeté sa demande de protection internationale comme étant non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Ladite décision est libellée de la façon suivante :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez déposée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et européennes en date du 14 octobre 2015.

I . Quant à vos déclarations auprès du Service de Police Judiciaire En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 14 octobre 2015.

Il ressort dudit rapport que vous avez présenté une photo d'un Visa que vous auriez obtenu auprès de l'ambassade de Chypre à Amman en Jordanie. Selon cette photo, le Visa en question serait établi en date du 27 août 2015 et aurait été valable du 27 août 2015 jusqu'au 25 novembre 2015.

Vous avancez que vous vous seriez rendu en avion à Chypre à partir de Bagdad en passant par le Liban. Ensuite, vous seriez allé en Jordanie et puis à Istanbul en Turquie. De là, vous auriez pris le bus afin de vous rendre à Izmir et vous y auriez rencontré un passeur, un dénommé …..ou ….., qui vous aurait conduit à la plage moyennant une somme de ….

dollars. Vous auriez ensuite pris le bateau afin d'aller à Athènes. Par la suite vous auriez continué votre périple en passant par la Macédoine, la Serbie, la Croatie, la Hongrie, l'Autriche, l'Allemagne et la Belgique.

Vous énoncez que vous auriez quitté l'Irak, parce que vous seriez sunnite et que vous auriez été menacé par des milices chiites. Vous concluez en évoquant que vous n'auriez jamais exercé une activité au sein d'un parti ou d'autres groupements et que vous n'auriez pas effectué de service militaire.

Vous ne présentez aucune pièce d'identité et vous alléguez que vous auriez perdu votre passeport en Serbie.

II. Quant à vos déclarations auprès du Service des Réfugiés En mains le rapport d'entretien Dublin III du 9 décembre 2015 et le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 16 novembre 2016 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi les documents versés à l’appui de votre demande de protection internationale.

Monsieur, il résulte de vos déclarations que vous auriez quitté votre pays d’origine pour trois raisons bien précises, à savoir :

 La situation générale en Irak:

Monsieur, vous énoncez que vous auriez quitté l'Irak, parce que vous seriez menacé de mort et aussi à cause de la situation ethnique désastreuse » (p.4/9 du rapport d'entretien du 16 novembre 2016).

Vous poursuivez votre récit en énonçant qu'après la chute du régime de Saddam Hussein, les milices chiites auraient commencé à avoir une certaine autorité et de l'influence sur votre région à Bagdad. Vous évoquez des assassinats, des attentats et des déplacements par lesdites milices. Vous précisez qu’« après 2005 à peu près, la situation ethnique a commencé à apparaitre en Irak » (p.4/9).

En 2007, vous vous seriez rendu à Damas en Syrie et vous y seriez resté pendant un an jusqu'à ce que « la situation se calme ». Vous précisez que vous seriez retourné en Irak « quand les Américains avaient fait des opérations contre les milices et la situation était devenue plus calme » (p.5/9). Mais dès le départ des forces américaines la situation aurait de nouveau empiré.

 Des provocations et une présumée « fouille » subies par une milice:

Monsieur, vous invoquez qu’« ils ont commencé à provoquer » (p.4/9).

Ensuite vous mentionnez qu'en août 2015, des personnes affiliées à une milice, dénommée ….., se seraient rendues à votre domicile pour fouiller votre maison et contrôler vos papiers d'identité (p.4/9).

 Votre état de santé :

Pour conclure vous soulignez que vous auriez eu des « problèmes de santé » et que vous auriez consulté des médecins qui auraient diagnostiqué « le stress » (p.4/9).

Par conséquent vous auriez décidé de quitter votre pays d'origine, ce que vous auriez fait en date du 11 septembre 2015.

Enfin, il ressort du rapport d'entretien du 16 novembre 2016 qu'il n'y a plus d'autres faits à invoquer au sujet de votre demande de protection internationale et aux déclarations faites dans ce contexte.

III. Analyse ministérielle en matière de Protection internationale En application de la loi précitée du 18 décembre 2015, votre demande de protection internationale est évaluée par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et de celles d'obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.

Soulignons dans ce contexte que l'examen et l’évaluation de votre situation personnelle ne se limitent pas à la pertinence des faits allégués, mais qu'il s'agit également d'apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité de vos déclarations.

1. Quant à la Convention de Genève Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des Réfugiés.

Rappelons à cet égard que l'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 a) de la loi 18 décembre 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42(1) de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Selon l'article 1A paragraphe 2 de ladite Convention, le terme de réfugié s'applique à toute personne qui craint avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, qui se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels évènements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner.

* En l'espèce, il ressort à suffisance de votre dossier administratif que les raisons qui vous ont amené à quitter votre pays d'origine n'ont pas été motivées par l'un des critères de fond défini par lesdites Convention et loi.

Rappelons tout d'abord que la Directive 2004/83/CE confirme le concept de refugié comme étant une personne qui a de bonnes raisons de craindre d'être poursuivie sur la base d'une ou plus des raisons suivantes: la race, la religion, la nationalité, l'appartenance à un groupe social ou à une mouvance politique. La crainte doit être telle qu'elle ôte au demandeur l'envie ou le/la rend incapable de se prévaloir de la protection du pays dont il/elle a la nationalité.

a) Quant à la situation générale en Irak:

Monsieur, vous avancez : « J’ai quitté l’Irak à cause de la situation ethnique désastreuse. J’étais menacé de mort. C'est la raison principale. » et vous ajoutez « En plus, il y avait une mosquée sunnite tout près, qui a subi un assaut de la part des Chiites. Ils ont tué les personnes qui faisaient la prière. Depuis, nous sommes menacés de mort à tout moment. » (p.4/9).

Il importe en premier lieu de souligner que des faits non personnels mais vécus par d'autres personnes ne sont susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève que si le demandeur d'asile établit dans son chef un risque réel d'être victime d'actes similaires en raison de circonstances particulières. Or, vous restez en défaut d'étayer un lien entre ces incidents invoqués de votre part et des éléments liés à votre personne vous exposant à des actes similaires.

En effet, le simple fait de mentionner un soi-disant attentat sur une mosquée sunnite exercé par des individus de confession chiite ne saurait justifier que vous seriez ipso facto victime ou en proie d'être victime de persécutions au sens des prédits textes.

De plus, il n'est pas établi que tous les sunnites en Irak, voire à Bagdad, font l'objet de soucis avec les Chiites. Ainsi selon le « Grand Soir », « même s'il y a sûrement eu des abus, il est inexact de prétendre que les Sunnites sont persécutés tous azimuth en Irak ; la réalité est beaucoup plus complexe. Certains Sunnites sont en effet persécutés, notamment quand on les juge coupables par association (ce que le gouvernement syrien fait aussi). Ainsi, un homme de ….., de ….., ou d'une autre ville perçue comme ayant hébergé Al-Qaïda et l'Etat islamique peut être persécuté - mais pas tous les Sunnites. Les Sunnites de Bagdad ne sont pas pris pour cible, par exemple ».

Pour ce qui est de vos allégations : « Il y a eu des assassinats et des tueries, etc… » (p.5/9). Il convient de relever que ces faits sont certes condamnables et que de tels incidents pu être traumatisants pour vous, or il ressort clairement de votre récit que vous décrivez des faits non personnels sans aucun lien de causalité, vécus par d'autres personnes.

Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer qu'un sentiment latent de tensions et de malaise a certainement pu exister dans votre chef, mais qu'il convient de parler dans votre cas bien précis tout au plus d'un sentiment d'insécurité que vous éprouveriez actuellement du fait de l'existence des incidents susmentionnés dans votre pays d'origine. Toutefois, ces évènements qui n'ont aucun lien avec votre personne ne répondent cependant pas aux exigences demandées par la Convention de Genève quant à la gravité pour pouvoir faire valoir comme actes de persécution donnant accès au statut de réfugié.

b) Quant aux provocations et à la présumée « fouille » subies par une milice En ce qui concerne l'incident que vous auriez vécu en août 2015 avec une soi-disant milice, vous énoncez : « Ils ont fouillé la maison. Ils ont vérifié nos documents d'identité et aussi de résidence. Ensuite, ils sont partis. Il était tard, il était minuit. » (p.4/9). Il convient d'abord de souligner qu'un tel incident ne constitue pas une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des Réfugiés et la loi du 18 décembre 2015.

Dans ce contexte, force est donc de constater que vos présomptions : « Ils ne voulaient plus de Sunnites dans la région. C'était pour nous provoquer et nous pousser à partir. » (p.5/9) ne sont que des ouï-dire et des suppositions purement hypothétiques de votre part.

En effet, vous confirmez cette constatation par vos propres affirmations : «Ils ont juste demandé si on était des Sunnites venant d'ailleurs. Nous leur avons dit que non et que nous sommes de la région. » et « Ensuite ils sont partis. » (p.5/9). Il ressort donc clairement de votre récit qu'à aucun moment ces individus auraient sollicité que vous quittiez votre région dû à votre confession sunnite.

Il échet de préciser que vous ne faites état que d'incidents qui ne revêtent pas un degré de gravité tel qu'ils puissent être assimilés à un acte de persécution au sens des prédits textes.

Il en va de même pour vos déclarations : « Plusieurs fois on m'a arrêté sur la route et on m'a fouillé. C'était dans les régions où ils ont de l'emprise. Par exemple, j'allais faire la prière dans la mosquée …..et après ils ont interdit aux gens d'aller prier là-bas. » (p.6/9).

De ce fait, indépendamment de l'absence d'un quelconque élément de preuve de vos déclarations, les craintes que vous exprimez s'analysent en l'expression d'un simple sentiment général d'insécurité face à des individus non identifiés. Par contre, de simples craintes hypothétiques, comme votre présomption que vous seriez menacé de mort, qui ne sont basées sur aucun fait réel ou probable ne sauraient cependant constituer des motifs visés par la Convention de Genève.

Votre motif traduit plutôt un sentiment général d'insécurité qu'une crainte de persécution. Or, un sentiment général d'insécurité ne constitue pas une crainte fondée de persécution au sens de la prédite Convention.

De plus, il importe de souligner qu'il ressort clairement de votre rapport d'entretien que vous n'auriez jamais porté plainte, voire demandé une protection auprès d'une autorité de votre pays d'origine contre les individus qui se seraient rendus à votre domicile. Par conséquent, vous restez en défaut de démontrer concrètement que l'Etat ou d'autres organisations étatiques présentes sur le territoire de votre pays ne peuvent ou ne veulent pas vous accorder une protection.

c) Quant à votre état de santé :

Pour ce qui est de vos déclarations : « Ça c'est à part mes problèmes de santé. J'ai été voir plusieurs médecins. Ça fait un an que ça dure, le diagnostic était le stress. C'est ça la raison qui m'a poussé à quitter l’Irak et de partir. » (p.4/9). Il échet de souligner que des motifs d'ordre médical ne sauraient fonder une demande de protection internationale, parce qu'ils ne tombent pas dans le champ d'application de la Convention de Genève et de la loi du 18 décembre 2015.

Il s'agit là de motifs sans aucun lien avec l'un des critères définis dans la Convention de Genève, qui garantit une protection internationale à toute personne qui craint avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa nationalité, de sa religion, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. Vos soucis médicaux ne sauraient être pris en compte dans le cadre de votre demande de protection internationale.

En ce qui concerne votre présomption : « A cause de la situation le stress était très fort. J’ai eu un ulcère de l'estomac à cause du stress, je souffre encore de ça jusqu'à maintenant. » (p.7/9). Monsieur, vous ne fait état d'aucun élément concret permettant d'établir un lien de causalité entre vos soucis de santé et votre soi-disant vécu dans votre pays d'origine.

Il y a lieu de mentionner que des raisons médicales ne sauraient davantage justifier une demande d'asile politique, mais de plus elles constituent un recours abusif aux procédures en matière d'asile politique.

Au vu de ce qui précède, force est de constater que vous n'êtes pas victime ou en proie d'être victime de persécutions au sens de la Convention et des lois précitées dans votre pays d'origine. Par conséquent, les évènements invoqués ne permettent pas de vous octroyer le statut de réfugié.

* Relevons qu'en vertu de l'article 41 (1) de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, le ministre peut estimer qu'un demandeur n'a pas besoin de protection internationale lorsque, dans une partie du pays d'origine, il n'y a aucune raison de craindre d'être persécuté ni aucun risque réel de subir des atteintes graves et qu'il est raisonnable d'estimer que le demandeur peut rester dans cette partie du pays.

Ainsi, la conséquence d'une fuite interne présume que le demandeur puisse mener, dans une autre partie de son pays d'origine, une existence conforme à la dignité humaine.

Selon les lignes directrices de l'UNHCR, l'alternative de la fuite interne s'applique lorsque la zone de réinstallation est accessible sur le plan pratique, sur le plan juridique, ainsi qu'en termes de sécurité.

Compte tenu des constatations qui précèdent, il n'est pas établi en l'espèce que vous n'auriez pas pu recourir vous-même à une réinstallation dans une autre région de votre pays d'origine. En effet, il résulte des considérations développées ci-avant que vous n'êtes pas victime ou en proie d'être victime de persécutions au sens de la Convention et des lois précitées dans votre pays d'origine.

Si néanmoins vous estimez ne plus pouvoir ou vouloir vivre dans votre quartier d'origine, il vous aurait été parfaitement possible en tant que musulman sunnite de résider ailleurs à Bagdad, la capitale de l'Irak qui compte plus de 7 millions d'habitants et qui est divisée en plusieurs quartiers dans lesquels vivent de manière séparée chiites et sunnites ainsi que d'autres quartiers qui connaissent des populations issues de tous horizons. Vous auriez pu recourir à une réinstallation notamment dans un des quartiers situés non loin des districts comme …. et …. ou plus précisément dans des endroits majoritairement peuplés par des musulmans sunnites comme les quartiers ……., ainsi que …. et …..

Quant à vos allégations : « Dans le pays c'est la même situation. Dans ma région ou dans une autre, c'est la même chose. » (p.7/9). Monsieur, vous n'avancez aucun élément concret permettant d'établir la véracité de vos dires de sorte qu'on ne saurait conclure dans votre chef une impossibilité d'une réinstallation et d'un retour volontaire.

Ceci confirme la possibilité d'une fuite interne, ainsi que d'un retour volontaire dans votre pays d'origine.

Compte tenu des constatations qui précèdent concernant les conditions générales dans cette partie du pays et votre situation personnelle, force est de retenir que les critères du paragraphe 2 de l'article 41 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire sont clairement remplis.

* En conclusion, les faits que vous alléguez ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 42 et 43 de la loi précitée du 18 décembre 2015.

Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.

2. Quant à la protection subsidiaire L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d'application de l'article 48 de la loi précitée du 18 décembre 2015, à savoir qu'ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 48 de ladite loi, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

En l'espèce, il ressort de votre dossier administratif que vous basez votre demande de protection subsidiaire sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de votre demande de reconnaissance du statut du réfugié, à savoir la situation générale en Irak et une présumée « fouille » (p.4/9), que vous auriez subie à votre domicile par une prétendue milice.

Pour ce qui est de Bagdad, il appert que la ville n'est pas en état de conflit permanent et il ne s'agit pas d'une zone de conflit dans laquelle toute personne originaire de la capitale ferait l'objet de violences aveugles. La ville n'est pas assiégée par l'Etat Islamique, la vie publique à Bagdad continue de fonctionner et se trouve sous le contrôle des autorités irakiennes. Ces constatations sont confirmées par le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (C.G.R.A.) et acceptées par le Conseil du contentieux des étrangers (C.C.E.) du Royaume de Belgique.

Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire. En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit arme interne ou international.

De tout ce qui précède, les conditions permettant la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire ne sont pas remplies.

* Votre demande de protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination de l’Irak, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 21 juin 2017, Monsieur ….. a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du ministre du 22 mai 2017 portant rejet de sa demande de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

1) Quant au recours tendant à la réformation de la décision ministérielle du 22 mai 2017 portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 35 (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 22 mai 2017, telle que déférée.

Ledit recours est encore à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur explique être de confession sunnite et avoir vécu à Bagdad. Il indique avoir quitté une première fois l’Irak et s’être réfugié en Syrie en 2007. Il y aurait attendu que les tensions interethniques dans sa ville d’origine s’apaisent pour y retourner, ce qu’il aurait pu faire en 2008. En août 2015, la situation se serait de nouveau aggravée. Il aurait alors fait l’objet d’une fouille domiciliaire : deux membres d’une milice se seraient rendus chez lui et auraient inspecté le domicile familial tard dans la nuit. Ils auraient également vérifié son identité et auraient fini par quitter les lieux. Il précise que ce dernier évènement, ainsi que le fait qu’il aurait été contrôlé dans la rue et qu’il aurait été interdit d’accès à la mosquée située près de son domicile - transformée en quartier général d’une milice chiite - l’auraient poussé à quitter l’Irak. Il se serait en effet estimé en danger de mort et il aurait, de ce fait, développé un ulcère.

a) Quant au statut de réfugié En droit, Monsieur ….. estime que le ministre aurait fait une interprétation erronée des faits relatés et qu’il n’aurait pas examiné la situation générale de son pays d’origine, où il risquerait d’être persécuté en tant que membre de la communauté arabe sunnite. Les faits relatés seraient suffisamment graves et la fouille domiciliaire, ainsi que les arrestations dans la rue, devraient être considérées comme des actes de persécutions, notamment en raison de l’admission par le ministre des Affaires étrangères, également ministre de l’Immigration et de l’Asile, dans l’article du « Luxemburger Wort » du 19 décembre 2016, du fait qu’il existerait un sentiment général d’insécurité en Irak, sentiment qui serait dans son chef aggravé par les faits qu’il aurait d’ores et déjà subis.

En ce qui concerne la protection disponible dans son pays d’origine, Monsieur …..

précise que le gouvernement serait à majorité chiite et qu’une plainte venant d’un sunnite serait, dans le meilleur des cas, classée sans suites, et, dans le pire des cas, pourrait conduire à des représailles. Il cite à cet effet un extrait d’un rapport du Service d’immigration finlandais, intitulé « Security situation in Baghdad – the Shia militias », du 29 avril 2015, qui expliquerait les raisons pour lesquelles les sunnites ne pourraient pas s’adresser à la police irakienne, à savoir que les policiers seraient corrompus, qu’ils seraient en lien avec les miliciens et qu’ils ne seraient pas aptes ou ne voudraient pas les aider.

Il ajoute, concernant son état de santé, qu’il aurait conscience que celui-ci ne suffirait pas, à lui seul, à justifier l’octroi d’une protection internationale, mais soutient que le ministre n’aurait pas réalisé que son ulcère à l’estomac serait une conséquence d’un quotidien passé à craindre de subir des persécutions.

Monsieur ….. relève encore que, le ministre n’ayant pas démontré qu’il pourrait fuir et être en sécurité dans les zones qu’il a nommées dans la décision litigieuse, l’alternative de la fuite interne ne pourrait pas lui être appliquée. Il précise que Bagdad serait majoritairement chiite depuis 2012 et que les violences et l’insécurité dans ladite ville ne lui permettraient pas de s’y établir. Il cite à cet effet le prédit rapport du Service d’immigration finlandais, ainsi que la position officielle du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés du 12 avril 2017, dans laquelle il aurait été constaté que, dans une grande majorité des cas, les critères permettant de retenir la possibilité d’une fuite interne au sein de l’Irak ne seraient pas remplis, et que l’accès aux zones sûres serait accordé de manière discriminatoire, les sunnites étant soupçonnés par les chiites de soutenir le groupe terroriste dénommé « l’Etat islamique ».

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours. Il soutient que le lien des deux personnes ayant réalisé une fouille au domicile de Monsieur ….. avec une milice ne serait pas prouvé. Il relève qu’en tout état de cause, même en retenant qu’il s’agirait de miliciens, aucun élément ne permettrait de retenir que le demandeur serait pris pour cible en raison de son appartenance à un groupe social. De ce fait, les évènements dont il a fait état devraient être considérés comme infractions de droit commun et les prédits individus seraient donc à considérer comme des personnes privées.

La partie étatique précise à ce propos que Monsieur ….. n’aurait pas requis de protection contre lesdits agissements et qu’il n’aurait dès lors pas démontré que les autorités irakiennes ne pourraient ou ne voudraient pas lui accorder une protection.

Elle conclut que ce serait à bon droit que le ministre lui aurait refusé la protection internationale.

Aux termes de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Par ailleurs, aux termes de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015 : « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). (…) ».

Finalement, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 : « Les acteurs des persécutions ou atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. », et l’article 40 de la même loi dispose que : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière ».

Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37 (4) de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

Concernant, en premier lieu, les persécutions en raison de son appartenance au groupe social des Arabes sunnites dont le demandeur affirme avoir été et craint d’être victime en cas de retour dans son pays d’origine, il invoque le fait que les Arabes sunnites seraient systématiquement victimes de persécution de la part des milices chiites, et cite à cet effet l’attaque dans une mosquée de sa région en 2005 ou 2006, le décès du fils de ses voisins sunnites, ainsi que celui d’un sunnite non autrement identifié de sa région.

Force est, tout d’abord, au tribunal de relever que l’attaque de la mosquée en 2005 ou 2006 doit être considérée comme étant trop éloignée dans le temps pour pouvoir fonder actuellement une demande de protection internationale dans la mesure où la situation générale et politique a changé depuis l’époque ce qui est d’ailleurs confirmé par les explications du demandeur selon lesquelles, après son départ d’Irak en 2007, il est revenu s’y installer en 2008 et a pu y vivre sans problèmes majeurs jusqu’en août 2015, c’est-à-dire pendant sept ans, sans être autrement inquiété. Il a également précisé avoir pu se rendre pendant tout ce temps à la mosquée sans encombre, jusqu’à ce que celle se trouvant près de son domicile soit réquisitionnée par des miliciens.

Force est, encore, au tribunal de relever, en ce qui concerne les décès du fils du voisin et d’un autre sunnite non autrement identifié, que des faits non personnels mais vécus par d’autres individus ne sont susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève que si le demandeur établit dans son chef un risque réel d’être victime d’actes similaires en raison de circonstances particulières. Or, dans la mesure où le demandeur ne fournit aucune précision quant aux circonstances des décès des prédites personnes, ni quant aux motivations des auteurs de ces actes, Monsieur ….. reste en défaut de démontrer que ces actes aient un quelconque lien d’une part avec sa situation personnelle et, d’autre part, avec la race, la religion ou l’appartenance à un certain groupe social des victimes, la seule précision que celles-ci auraient été sunnites n’étant pas suffisante.

En deuxième lieu, il échet de constater qu’il ressort des déclarations du demandeur, telles qu’actées dans son rapport d’audition, que les autres faits qui l’ont amené à quitter son pays d’origine, à savoir la fouille de son domicile, les arrestations et l’interdiction d’accéder à la mosquée située près de son lieu d’habitation n’entrent pas non plus dans le champ d’application de la Convention de Genève.

En effet, même en considérant que les individus ayant réalisé la fouille domiciliaire appartiendraient à une milice chiite, aucun élément ne permet cependant de retenir que cette fouille, si elle peut éventuellement être considérée comme étant abusive au vu de l’heure à laquelle elle a été faite, ait été entreprise en raison de la race, de la religion, de l’appartenance à un certain groupe social, de la nationalité ou des opinions politiques du demandeur. Il ressort en réalité des explications du demandeur que les prédits individus lui ont demandé si les personnes accueillies étaient des sunnites originaires d’une autre région et qu’ils ont quitté son domicile lorsqu’il répondit par la négative, laissant penser qu’ils étaient à la recherche d’étrangers. Le fait que les membres de sa famille continuent à résider dans ledit domicile confirme également cette analyse.

De même, aucun élément ne permet de retenir que les arrestations dans la rue aient été réalisées sur base d’un des critères de la Convention de Genève, le demandeur ne donnant aucune précision sur les circonstances, ni sur les auteurs de ces arrestations, ni sur les raisons pour lesquels il estime qu’il aurait été arrêté du fait de son appartenance au groupe social des Arabes sunnites.

La même analyse doit être, par ailleurs, retenue quant à l’interdiction de l’accès à la mosquée située près de son domicile, dans la mesure où le demandeur ne démontre pas que la mainmise sur ladite mosquée par des miliciens soit liée à un critère religieux. Le fait que l’école en face de la mosquée ait également été réquisitionnée contredit d’ailleurs cette approche et laisse penser que le but des miliciens n’était pas d’empêcher les sunnites de prier à la mosquée mais de trouver des lieux vastes où s’établir. Par ailleurs, il ne ressort pas des déclarations de Monsieur ….. que l’accès à toutes les mosquées aurait été interdit aux sunnites, ni qu’il n’aurait pas pu aller prier dans une autre mosquée aux alentours, de sorte que le motif religieux n’est pas fondé.

Dès lors, et dans la mesure où il ne ressort d’aucun élément du dossier que la situation en Irak serait telle que tout Arabe sunnite courrait un risque réel de subir des actes de persécution, les craintes de persécution du demandeur s’analysent plutôt comme un sentiment général d’insécurité ne rentrant pas dans le champ d'application de la Convention de Genève.

Si la pression psychologique exercée sur le demandeur par ce sentiment a pu engendrer dans son chef un ulcère à l’estomac, il n’en demeure pas moins que les motifs médicaux ne rentrent pas non plus dans le prédit champ, de sorte qu’ils doivent être rejetés pour être non fondés.

Dans ces conditions, le recours pour autant qu'il est dirigé contre le refus du ministre d’accorder au demandeur le statut de réfugié est à déclarer comme étant non fondé, sans qu’il n’y ait lieu de vérifier les autres conditions cumulatives.

b) Quant au statut conféré par la protection subsidiaire Quant au volet de la décision litigieuse portant refus d’accorder à Monsieur ….. le bénéfice du statut conféré par la protection subsidiaire, le demandeur estime qu’au vu des déclarations qu’il a faites lors de son audition, les conditions pour pouvoir bénéficier de ladite protection seraient remplies dans son chef. Il ajoute que les attaques de l’Etat islamique démontreraient l’existence d’un conflit interne dans son pays d’origine. Il cite ensuite l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) du 17 février 2009, « Elgafaji c. Pays-

Bas », numéro C-465/07, pour affirmer que les affrontements qui auraient actuellement lieu en Irak entre les forces irakiennes et les différentes milices, outre la présence de l’Etat islamique, présenteraient un degré de violence tel que décrit dans cet arrêt, de sorte qu’il devrait bénéficier d’une protection subsidiaire en application de l’article 48 c) de la loi du 18 décembre 2015.

Il précise encore qu’en tant que sunnite, il serait plus exposé à la violence dans son pays. Il donne également à considérer que les forces gouvernementales seraient à la recherche permanente de jeunes hommes en tant que recrues dans les conflits qui auraient lieu dans le pays.

Le délégué du gouvernement fait valoir que la situation existant actuellement en Irak ne saurait être qualifiée de conflit armé interne présentant des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle. Il cite, à ce propos, plusieurs jugements de tribunaux européens, notamment un jugement du « Bundesverwaltungsgericht » autrichien du 2 juin 2017 et un arrêt du Conseil du contentieux des étrangers belge du 27 avril 2017, pour conclure que le fait d’être originaire d’Irak ne justifierait pas automatiquement l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire.

Il ajoute, plus particulièrement quant à la situation sécuritaire de Bagdad, ville d’origine du demandeur, qu’il n’y aurait pas de violences aveugles et qu’une vie civile y serait tout à fait possible. Il cite à cet égard l’analyse du Conseil du contentieux des étrangers belge dans laquelle il aurait été retenu que la vie publique ne s’y serait pas arrêtée malgré les risques sécuritaires. Le délégué du gouvernement ajoute encore que dans le quartier …. à Bagdad, où aurait vécu le demandeur, différents commerces, centre commercial et établissements d’enseignement seraient toujours ouverts. Il précise que la situation dans son quartier d’origine ne serait pas telle que dépeinte par le demandeur, étant donné qu’il y serait volontairement retourné après avoir fui dans un premier temps l’Irak en 2007 et qu’il y serait resté jusqu’en 2015 sans qu’un quelconque incident se soit produit, ce qui démontrerait que la situation sécuritaire y serait stable. En outre, le fait que le frère du demandeur se soit réinstallé dans une autre partie de Bagdad et que les autres membres de sa famille se soient maintenus dans le domicile familial à ….. prouverait que Monsieur ….. ne risquerait pas de subir des atteintes graves en cas de réinstallation ou de retour à Bagdad.

La partie étatique estime également que Monsieur ….. ne ferait ni état d’une condamnation à la peine de mort ou d’une exécution découlant d’une telle condamnation, ni d’atteintes graves équivalentes à un traitement inhumain et dégradant, telles que définies par la Cour européenne des droits de l’homme, ci-après désignée par « la CourEDH », découlant de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », dans les arrêts du 18 janvier 1978 « Irlande contre Royaume-Uni » et du 25 avril 1978 « Tyrer contre Royaume-Uni ». Elle en conclut que ce serait à bon droit que la protection subsidiaire aurait été refusée à Monsieur …… Il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir des atteintes graves et que cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 48 de la même loi dispose que les atteintes graves doivent être définies comme suit : « a) la peine de mort ou l’exécution ;

b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ;

c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48 précité de la loi du 18 décembre 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, l’article 2 g), précité, définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37 (4) de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que les atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque réel de subir des atteintes graves qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

Le tribunal constate qu’à l’appui de sa demande de protection subsidiaire, le demandeur invoque en substance les mêmes motifs que ceux à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié.

i. Quant au risque de subir les atteintes graves définies à l’article 48 a) de la loi du 18 décembre 2015 en cas de retour en Irak Etant donné qu’il ne ressort pas des auditions du demandeur qu’il aurait été ou pourrait être condamné à la peine de mort, ou être exécuté en cas de retour dans son pays d’origine, et qu’il n’a pas pris spécifiquement position sur ce point dans sa requête introductive d’instance, le tribunal est amené à retenir que Monsieur ….. est resté en défaut d’établir à suffisance de droit qu’il court un risque réel et avéré de subir les prédits actes, de sorte qu’il y a lieu de conclure que c’est à juste titre que le ministre a retenu que les conditions d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire prévues à l’article 48 a) de la loi du 18 décembre 2015 ne sont pas remplies.

ii. Quant au risque de subir les atteintes graves définies à l’article 48 b) de la loi du 18 décembre 2015 en cas de retour en Irak Concernant les faits relatés par le demandeur lors de ses auditions, notamment la fouille domiciliaire, les arrestations dans la rue et l’interdiction de l’accès à la mosquée située non loin de son habitation, il y a lieu de souligner, comme retenu ci-avant, que pour pouvoir être qualifiées de craintes de subir des atteintes graves, les faits invoqués par un demandeur de protection internationale doivent être d’une gravité suffisante pour pouvoir être considérés comme étant des tortures ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants.

Tel n’est cependant pas le cas en l’espèce, étant donné que la fouille domiciliaire, certes condamnable pour avoir été réalisée en pleine nuit, ne présente toutefois pas le degré de gravité pour être qualifiée de torture ou de traitement ou sanction inhumain ou dégradant.

Cette même conclusion s’impose pour les arrestations dans la rue en vue de contrôler son identité, et également au fait qu’il n’ait plus eu accès à la mosquée près de son domicile, même en prenant les prédits actes dans leur globalité.

Le tribunal est partant amené à retenir que Monsieur ….. est resté en défaut d’établir à suffisance de droit qu’il court un risque réel et avéré, en cas de retour en Irak, de subir la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, de sorte que les conditions prévues à l’article 48 b), précité, ne sont pas remplies.

iii. Quant au risque de subir les atteintes graves découlant de l’article 48 c) de la loi du 18 décembre 2015 en cas de retour en Irak Quant au risque de subir des atteintes graves en application de l’article 48 c) de la loi du 18 décembre 2015, il y a lieu de rappeler que le demandeur doit établir qu’il existe dans son pays d’origine « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Force est, d’abord, de relever que la Cour administrative a retenu dans des arrêts récents, au vu des éléments d’espèce, que « (…) la situation de sécurité était et reste dangereuse et précaire dans différentes parties de l'Irak, dont en particulier la ville de Bagdad, étant donné que les incidents violents continuent d’être nombreux et largement répandus. Si les derniers chiffres dont la Cour dispose témoignent indubitablement de nombreuses victimes dans la ville de Bagdad où les époux (…) ont vécu avant son départ, à savoir 86 civils tués dans des attentats au mois de mai 2017, 22 au courant du mois de juin 2017 et 38 au courant du mois de juillet 2017, et si le sort de chacune de ces victimes est en soi une tragédie épouvantable, il n’en reste pas moins que ces chiffres doivent être mis en relation avec le nombre total de la population vivant à Bagdad, à savoir environ 8 millions d’habitants. Or, sur base de la mise en relation du nombre des victimes d’incidents violents avec la population totale, il n’appert pas que la simple présence d’un individu à Bagdad, l’expose ipso facto, avec un degré de probabilité certain, à des menaces individuelles graves.

Ainsi, le seul fait d'être originaire d'Irak et, plus particulièrement, de Bagdad n’est pas un élément justifiant à lui seul et automatiquement l'octroi du statut conféré par la protection subsidiaire. (…) »1.

La Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a précisé dans ce contexte, dans l’arrêt du 17 février 2009, « Elgafaji c. Pays-Bas », numéro C-465/07, que « (…) l’article 15, sous c), de la directive, lu en combinaison avec l’article 2, sous e), de la même directive, doit être interprété en ce sens que:

- l’existence de menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne du demandeur de la protection subsidiaire n’est pas subordonnée à la condition que ce dernier rapporte la preuve qu’il est visé spécifiquement en raison d’éléments propres à sa situation personnelle;

- l’existence de telles menaces peut exceptionnellement être considérée comme établie lorsque le degré de violence aveugle caractérisant le conflit armé en cours, apprécié par les autorités nationales compétentes saisies d’une demande de protection subsidiaire ou par les juridictions d’un État membre auxquelles une décision de rejet d’une telle demande est 1 Cour administrative, arrêts du 7 décembre 2017 inscrits sous les numéros de rôle 39444C, 39992C, 40005C et 39944C, disponibles sur www.jurad.etat.lu.

déférée, atteint un niveau si élevé qu’il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’un civil renvoyé dans le pays concerné ou, le cas échéant, dans la région concernée courrait, du seul fait de sa présence sur le territoire de ceux-ci, un risque réel de subir lesdites menaces. ».

Elle a également retenu, en son considérant 39, que « (…) plus le demandeur est éventuellement apte à démontrer qu’il est affecté spécifiquement en raison d’éléments propres à sa situation personnelle, moins sera élevé le degré de violence aveugle requis pour qu’il puisse bénéficier de la protection subsidiaire ».

Elle a, par ailleurs, défini les violences aveugles, notamment dans les considérants 34 et 35, comme étant des violences qui s’étendent à des civils sans considération de leur situation personnelle ou de leur identité.

Ainsi, il convient d’ores et déjà de relever que, contrairement à l’analyse préconisée par la partie étatique, le tribunal ne doit pas, dans le cadre de l’article 48 c) de la loi du 18 décembre 2015, rechercher au cas par cas si la situation personnelle et individuelle du demandeur est telle qu’il se trouverait exposé à des atteintes graves en cas de retour dans son pays d’origine.

En effet, il ressort de l’arrêt « Elgafaji c. Pays-Bas » précité que, (i) dans un premier temps, le demandeur doit démontrer que la situation est telle que tout civil, quels que soient son identité, son vécu, ses caractéristiques personnelles – d’où le terme « aveugle » suivant le mot « violence » – est exposé à des violences par le simple fait de se trouver sur le territoire où celles-ci sont exercées, (ii) si le demandeur prouve que ces violences existent mais n’atteignent pas un degré exceptionnel, il doit démontrer que des éléments propres à sa situation personnelle aggravent dans son chef le risque de subir ces violences, par exemple dans le cas d’une personne particulièrement vulnérable.

Le conflit armé interne a été, par la suite, défini par la CJUE dans son arrêt du 30 janvier 2014, « Diakité c. Belgique », numéro C-285/12, et plus particulièrement en son considérant 35, de la manière suivante : « (…) lorsque les forces régulières d’un État affrontent un ou plusieurs groupes armés ou lorsque deux ou plusieurs groupes armés s’affrontent, sans qu’il soit nécessaire que ce conflit puisse être qualifié de conflit armé ne présentant pas un caractère international au sens du droit international humanitaire et sans que l’intensité des affrontements armés, le niveau d’organisation des forces armées en présence ou la durée du conflit fasse l’objet d’une appréciation distincte de celle du degré de violence régnant sur le territoire concerné. ».

En d’autres termes, une protection subsidiaire sera accordée en vertu de l’article 48 c) précité, (i) si le demandeur de protection internationale démontre l’existence d’un conflit armé interne, à savoir de graves affrontements entre l’Etat et un ou des groupes armés ou entre différents groupes armés sur le territoire de son pays d’origine, sa région d’origine ou celle où il s’est établi avant sa fuite, et (ii) si le demandeur reste en défaut d’apporter des éléments propres à sa situation personnelle qui aggraveraient dans son chef le risque de subir des atteintes graves, il doit alors soumettre la preuve que les violences découlant du prédit conflit touchent les civils sans aucune considération personnelle et ont un niveau si élevé que le simple fait d’être sur l’ensemble dudit territoire, ou dans la région dont il est originaire ou qu’il a fui, l’exposerait à un risque réel de subir les prédites atteintes graves.

Concernant la situation générale à Bagdad, le demandeur verse une copie des pages 236 et 237 d’un rapport 2016-2017 de l’organisation « Amnesty International ». L’extrait révèle que l’Etat islamique aurait principalement pris pour cible des lieux situés à l’intérieur de ladite ville. Il verse également un extrait du rapport du Service de l’immigration finlandais, intitulé « Security situation in Baghdad – the Shia militias » du 29 avril 2015, dépeignant les difficultés auxquelles les sunnites feraient face pour obtenir une protection contre les actes illégaux que la milice chiite ….. commettrait à Bagdad, ainsi qu’un autre extrait relatant la situation des différents quartiers de la prédite ville.

Toujours sur la situation sécuritaire à Bagdad, le demandeur renvoie à un article du Commissariat général aux réfugiés et apatrides belge du 29 avril 2016 dans lequel il est expliqué que la capitale irakienne serait aux mains du gouvernement et des milices chiites.

L’Etat islamique, bien que toujours présent, ne l’assiégerait plus, mais y commettrait cependant régulièrement des attentats, qui auraient tué 300 personnes et blessé 700 personnes par mois en moyenne pour l’année 2015. Il y est également précisé que les milices chiites, qui participeraient au maintien de l’ordre commettraient des exactions à l’égard de la population.

La violence ambiante affecterait celle-ci lors des déplacements – les contrôles étant nombreux – mais également au niveau économique, ce qui amèneraient les citoyens irakiens à manifester contre l’austérité découlant de la désorganisation du pays. Malgré ces difficultés, la ville de Bagdad continuerait à fonctionner, les axes routiers seraient ouverts à la circulation, les écoles et les soins seraient encore disponibles. Dans l’article du journal « Luxemburger Wort » précité du 19 décembre 2016, rédigé suite à la visite du ministre des affaires étrangères et européennes, également ministre de l’Immigration et de l’Asile, à Bagdad, ce dernier aurait affirmé que l’inquiétude des Bagdadiens serait de « se lever le matin avec une chance raisonnable de se recoucher le soir ». Il aurait également remarqué que la peur y serait palpable, et que l’absence de moyens économiques y serait flagrante, ainsi que la forte militarisation de la ville, entraînant ainsi des contrôles d’identité très fréquents. Monsieur …..

renvoie encore à un article du journal « The Guardian » du 30 mai 2017, relatant le décès de 31 personnes suite à des attentats à la bombe à Bagdad, revendiqués par l’Etat islamique.

Enfin, il s’appuie sur un extrait du rapport de l’« United Nations High Commissioner for Refugees », ci-après désigné par « l’UNHCR », du 12 avril 2017, intitulé « Iraq : relevant COI for Assesments on the Availability of an Internal flight or relocation Alternative (IFA/IRA) », dans lequel les difficultés pour s’établir à l’intérieur de Bagdad sont exposées.

En ce qui concerne, tout d’abord, l’existence du conflit armé interne, si le tribunal suit la partie étatique sur le fait qu’il est nécessaire de distinguer les différentes régions lors de l’appréciation de la qualification des conflits dans lesdites zones du pays d’origine d’un demandeur, il constate néanmoins qu’elle-même ne procède pas à ces vérifications en ce qui concerne Bagdad, de sorte qu’il y a lieu de retenir qu’elle ne conteste pas qu’il existe un conflit armé interne dans ladite ville. En tout état de cause, au vu des éléments à la disposition du tribunal, il est indéniable que l’Etat irakien, appuyé par les milices chiites, lutte contre le groupe terroriste Etat islamique, sur une grande partie du territoire irakien, et particulièrement à Bagdad, ville qui avait été assiégée par le prédit groupe qui y est toujours présent, de sorte que la condition de conflit armé interne, tel que défini par la CJUE dans l’arrêt « Diakité c.

Belgique », est remplie.

En ce qui concerne ensuite, l’existence de violences aveugles, tant le demandeur que la partie étatique soutiennent que l’Etat islamique – contre lequel les forces gouvernementales irakiennes et les milices chiites combattent conjointement – n’assiège plus Bagdad, signifiant ainsi que les autorités irakiennes ont, avec l’aide des miliciens, réussi à reprendre le contrôle de la ville et d’en chasser les membres de la prédite organisation terroriste. Malgré ce fait, le demandeur démontre que celle-ci continue d’y commettre des attentats visant principalement des civils.

Toutefois, le demandeur verse des documents ne permettant pas d’apprécier l’ampleur des violences commises dans la capitale irakienne, qui pourraient éventuellement amener à retenir que des violences aveugles y sont commises et ont un degré tel que tout Bagdadien risque d’être tué ou de subir des atteintes graves, le simple fait de renvoyer à un seul article relatant la mort de 37 personnes lors d’attaques ayant eu lieu le 30 mai 2017 - bien qu’étant sévèrement condamnables - et à un autre, expliquant que la violence en Irak est latente, est en effet insuffisant pour renverser l’argumentation de la partie étatique selon laquelle le quartier de ….., où Monsieur ….. aurait toujours vécu et dans lequel il est malgré tout retourné en 2008 après l’avoir fui une première fois, ne serait pas particulièrement touché.

Par ailleurs, le fait que les membres de sa famille, hormis son frère, continueraient à vivre dans la maison familiale située dans ledit quartier, et ce, a priori, jusqu’au jour où le tribunal se prononce - cette information n’ayant, à aucun moment, été contredite par le demandeur - confirme cette analyse, étant donné que dans l’hypothèse où il existerait des menaces graves et individuelles contre leur vie ou leur personne en raison d’une violence aveugle découlant d’un conflit armé, ils n’auraient pas continué à se maintenir dans un tel lieu. La même conclusion s’impose au vu de la fuite du frère du demandeur du domicile familial pour s’établir dans une autre partie de Bagdad, installation qui semble avoir été réussie, le demandeur n’ayant pas, depuis son entretien devant un agent du ministère, fourni d’autres informations à ce propos. Dès lors, dans son cas particulier, le demandeur ne peut affirmer qu’il serait en danger à Bagdad et qu’il risquerait d’y subir des atteintes graves prévues à l’article 48 c) de la loi du 18 décembre 2015.

En outre, le demandeur ne produit pas d’éléments propres à sa situation personnelle qui aggraveraient dans son chef le risque de subir des violences aveugles. Si, tel que le demandeur le fait valoir, les violences étaient délibérément commises à l’égard de la minorité sunnite, il ne s’agirait plus dès lors de « violences aveugles » mais de persécutions entrant dans le champ d’application de la Convention de Genève. Or, le tribunal a précédemment retenu que le demandeur n’apportait pas la preuve que des persécutions auraient ou pourraient être commises à son encontre.

Partant, le tribunal est amené à retenir, au vu des éléments d’espèce, que si la situation sécuritaire et humanitaire à Bagdad est loin de permettre à ses habitants d’y vivre sereinement et décemment, le demandeur reste cependant en défaut de démontrer qu’à Bagdad, des violences aveugles seraient commises dans le cadre du conflit armé interne s’y déroulant, dont le degré serait tel que tout civil serait exposé à des atteintes graves par le simple fait de se trouver dans la prédite ville ou qu’il existerait des éléments propres à sa situation personnelle qui aggraveraient dans son chef le risque de subir des violences aveugles.

Il se dégage partant de tout ce qui précède et en l’absence d’autres éléments, que c’est également à juste titre que le ministre a refusé l’octroi d’une protection subsidiaire au sens de l’article 48 c) de la loi du 18 décembre 2015.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle portant refus d’octroi d’un statut de protection internationale est à rejeter.

2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision ministérielle du 22 mai 2017 portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 35 (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre l’ordre de quitter le territoire, un recours sollicitant la réformation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en réformation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, est recevable.

Le demandeur invoque l’article 129 de la loi du 29 août 2008, qui dispose que « L'étranger ne peut être éloigné ou expulsé à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont gravement menacées ou s'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ou à des traitements au sens des articles 1er et 3 de la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. ».

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours contre l’ordre de quitter le territoire qui découlerait du rejet de la demande de protection internationale sous examen en faisant valoir que le demandeur serait resté en défaut d’établir qu’un retour en Irak entraînerait pour lui le risque de faire l’objet de traitements contraires à la CEDH, respectivement violerait le principe de non refoulement.

Aux termes de l’article 34 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34 (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Etant donné que le tribunal vient de rejeter le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle de refus d’octroi d’un statut de protection internationale, c’est a priori à bon droit que le ministre a assorti cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

Quant au moyen tiré de la violation de l’article 129 de la loi du 29 août 2008, qui renvoie à l’article 3 de la CEDH, force est de relever que la CJUE a précisé à cet égard, dans l’arrêt précité du 17 février 2009, « Elgafaji c. Pays-Bas », et plus précisément en son considérant 28, que « si le droit fondamental garanti par l’article 3 de la CEDH fait partie des principes généraux du droit communautaire dont la Cour assure le respect et si la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme est prise en considération pour l’interprétation de la portée de ce droit dans l’ordre juridique communautaire, c’est cependant l’article 15, sous b), de la directive [2004/83/CE, transposé en droit national sous l’article 48 b) de la loi du 18 décembre 2015] qui correspond, en substance, audit article 3. ».

La CourEDH a également indiqué dans son arrêt du 23 août 2016 « J.K. et autres c.

Suède », numéro 59166/12, dans l’hypothèse d’un renvoi vers l’Irak, que « Dès lors que la situation générale en matière de sécurité en Irak n’empêche pas en soi l’éloignement des requérants, la Cour doit rechercher si leur situation personnelle est telle qu’ils se trouveraient exposés à un risque réel de subir des traitements contraires à l’article 3 s’ils étaient expulsés vers l’Irak » (considérant 111).

Etant donné que le tribunal a retenu précédemment que le demandeur restait en défaut de démontrer qu’il serait exposé à des violences aveugles dans le cadre d’un conflit armé interne en cas de retour dans son pays d’origine, et qu’ainsi la situation générale en Irak n’empêche pas en soi l’éloignement de Monsieur ….., il convient dès lors d’analyser la situation personnelle du demandeur pour évaluer si ce dernier serait exposé à un risque réel de subir des traitements contraires à l’article 3 de la CEDH, et donc également contraires à l’article 48 b) de la loi du 18 décembre 2015, en application de la jurisprudence de la CJUE « Elgafaji c. Pays-Bas » précitée.

Or, en ce qui concerne les risques prétendument encourus en cas de retour en Irak et qui restent les mêmes que ceux invoqués par Monsieur ….. dans le cadre de sa demande d’octroi du statut de réfugié, le tribunal administratif a conclu ci-avant à l’absence dans le chef du demandeur de tout risque réel et actuel de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 b) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, de sorte que le tribunal ne saurait se départir de cette conclusion, à ce niveau-ci de son analyse.

Au vu de ce qui précède, le tribunal n’estime pas qu’il existe un risque suffisamment réel pour que le renvoi du demandeur en Irak soit, dans ces circonstances, incompatible avec le principe de non-refoulement et l’article 3 de la CEDH.

Il s’ensuit que le moyen afférent est à rejeter, de sorte que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est également à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 22 mai 2017 rejetant la demande de protection internationale de Monsieur ….. ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 22 mai 2017 ordonnant à Monsieur ….. de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

donne acte au demandeur qu’il déclare bénéficier de l’assistance judiciaire ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, vice-président, Daniel Weber, juge, Michèle Stoffel, juge, et lu à l’audience publique du 16 avril 2018 par le vice-président, en présence du greffier assumé Vanessa Soares.

s. Vanessa Soares s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 16.4.2018 Le greffier du tribunal administratif 22


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 39773
Date de la décision : 16/04/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2018-04-16;39773 ?

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