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27/03/2018 | LUXEMBOURG | N°38604

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 mars 2018, 38604


Tribunal administratif N° 38604 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 octobre 2016 3e chambre Audience publique du 27 mars 2018 Recours formé par Monsieur …, … (Allemagne), contre une décision du Syndicat pour le transport intercommunal de personnes dans le canton d’Esch-sur-Alzette en matière de promotion

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 38604 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 21 octobre 2016 par Maître Jean-Marie BAULER, avoca

t à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieu...

Tribunal administratif N° 38604 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 octobre 2016 3e chambre Audience publique du 27 mars 2018 Recours formé par Monsieur …, … (Allemagne), contre une décision du Syndicat pour le transport intercommunal de personnes dans le canton d’Esch-sur-Alzette en matière de promotion

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 38604 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 21 octobre 2016 par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, … auprès du syndicat pour le transport intercommunal des personnes dans le canton d’Esch-sur-Alzette, demeurant à D-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du comité du syndicat pour le transport intercommunal des personnes dans le canton d’Esch-sur-Alzette du 26 avril 2016 prononçant à son encontre une suspension de promotion à partir du 1er mai 2016 jusqu’au 30 avril 2017 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Laura GEIGER, en remplacement de l’huissier de justice Carlos CALVO, demeurant à L-1461 Luxembourg, 65, rue d’Eich, du 10 novembre 2016, portant signification de ce recours au bureau du Syndicat pour le transport intercommunal de personnes dans le canton d’Esch-sur-Alzette, représenté par son président actuellement en fonction, sinon par son organe statutaire ou légal habilité, établi et ayant son siège social à L-4083 Esch-sur-Alzette, 290, boulevard Charles de Gaulle ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 17 novembre 2016 par Maître Jean TONNAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom du Syndicat pour le transport intercommunal de personnes dans le canton d’Esch-sur-Alzette ;

Vu le mémoire en réponse, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 7 février 2017 par Maître Jean TONNAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom du Syndicat pour le transport intercommunal de personnes dans le canton d’Esch-sur-Alzette ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 7 mars 2017 par Maître Jean-Marie BAULER au nom de Monsieur … ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 4 avril 2017 par Maître Jean TONNAR, au nom du Syndicat pour le transport intercommunal de personnes dans le canton d’Esch-sur-Alzette ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jonathan HOLLER, en remplacement de Maître Jean-Marie BAULER, et Maître Brahim SAHKI, en remplacement de Maître Jean TONNAR, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 22 octobre 2017.

Il ressort des pièces soumises à l’appréciation du tribunal ainsi que des déclarations de Monsieur … que celui-ci entra le 1er octobre 2003 au service du syndicat pour le transport intercommunal de personnes dans le canton d’Esch-sur-Alzette, ci-après désigné par « TICE », en tant qu’artisan et fut nommé définitivement, avec effet au 1er octobre 2005, en tant que fonctionnaire communal.

Lors de la séance du 2 octobre 2008 du bureau du TICE, ce dernier accorda à Monsieur … une promotion à la fonction de premier artisan avec effet au 1er octobre 2008 et un classement au grade 5. Par délibération du 10 novembre 2011, il fut classé, avec effet au 1er octobre 2011, au grade 6.

Par courrier du 22 février 2016, Monsieur … sollicita son avancement au grade 7 du cadre fermé de la carrière d’artisan, en raison d’une vacance de poste à partir du 1er mai 2016, demande à laquelle le bureau du TICE, sur avis négatif du chef de service du service technique du TICE du 26 février 2016, répondit, par courrier du 16 mars 2016, dans les termes suivants :

« […] Me référant à votre demande énoncée sous rubrique, je suis au regret de vous informer que le Bureau du TICE, considérant l’avis du chef de service du service technique, a décidé en sa séance du 15 mars 2016 qu’il ne peut pas émettre une recommandation au Comité pour réserver une suite favorable à votre demande.

En vertu de la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux, chapitre 3, promotions, article 7, il vous est loisible de nous faire connaître vos explications écrites quant à la présente. […] ».

Monsieur … sollicita du bureau du TICE, par courrier du 5 avril 2016, « […] les raisons et explications pour ce refus, (qualités professionnelles ou morales) […] ».

Le bureau du TICE lui transmit, en date du 14 avril 2016, le rapport circonstancié du chef de service du service technique du TICE du 12 avril 2016, suivant lequel l’avis négatif fut fondé sur les absences importantes de Monsieur … sur plusieurs années ne permettant pas d’établir les qualifications professionnelles de ce dernier pour postuler à une promotion dans le cadre fermé. Par le même courrier Monsieur … fut invité de faire tenir au Bureau du TICE ses observations quant à la suspension projetée de sa promotion au grade 7 du cadre fermé sur base de l’article 7 de la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux, ci-après désignée par « la loi du 24 décembre 1985 », demande à laquelle celui-ci répondit par courrier du 21 avril 2016 dans les termes suivants :

« […] Je soussigné, …, … dans les ateliers du TICE depuis 2003. Je ne suis pas d'accord pour la suspension de mon grade 7. J'ai toujours rempli mes tâches de travail. J'ai les qualifications professionnelles nécessaires et requises pour prétendre à ce poste. Depuis mon entrée aux Ateliers TICE mon incompétence et mon incapacité n'ont pas été portées à ma connaissance, je ne me souviens pas de remontrances à ce sujet.

En 2009 j'ai commencé a subir du harcèlement violent de la part de certain de mes collègues, ainsi que victime de publication raciste.( pièces jointes de 1-2 ). Ces faits intolérables ont été dénoncés à mes supérieurs ( E-mail, lettres ), la situation ne s'est pas calmée pour autant, ce qui implique mes nombreux arrêts maladie à partir de cette date.

(pièces jointes de 3-28) Ne me sentant pas soutenu par ma hiérarchie, je me suis vu dans l'obligation de consulter un Psychiatre. J'avais besoin de comprendre pourquoi je devais vivre ces harcèlements et, surtout me soigner, j'étais suicidaire (pièces jointes de 29-30) Le médecin du travail Mme …, m'a suggéré de ne pas reprendre le travail dans ces conditions. (pièces jointes de 31-34) Il est mis en avant, pour le refus de cette promotion, mes absences répétées, compte tenu de tous les éléments ci-dessus énoncés, mes arrêts de maladie m'ont permis de survivre.

Si toutefois, depuis quelques mois, les harcèlements ont diminué, je me sens pas protégé.

Bien qu'harcelé et victime de publications racistes, je me suis jamais découragé. J'ai continué, malgré mes absences ponctuelles, à venir à mon travail.

Mes absences s'expliquent également par le traitement qui m'a été ordonné depuis 2009. Ces médicaments ont des effets secondaires difficiles à vivre et lourds de conséquences sur ma santé.

Monsieur le président, au vu de ces éléments, je ne peux accepter ce refus de promotion, je vous prie de bien vouloir accéder à ma demande et vous prie de croire mes respectueuses salutations. […] ».

Par délibération du 26 avril 2016, le comité du TICE décida, à l’unanimité, d’appliquer à l’égard de Monsieur … la suspension de sa promotion au grade 7 du cadre fermé de la carrière de l’artisan pour une période d’un an, à partir du 1er mai 2016 jusqu’au 30 avril 2017, en application de l’article 7 de la loi du 24 décembre 1985, sur base des considérations suivantes :

« […] Vu la demande présentée par le sieur … en date du 22 février 2016, sollicitant une promotion au Grade 7, aux fonctions de 1er artisan principal du cadre fermé de la carrière de l'artisan ;

Revu sa délibération du 10 novembre 2015, approuvée par l'Autorité Supérieure en date du 18.11.2015, N° …, portant fixation du nombre des emplois des différentes fonctions du cadre fermé prévu pour les diverses carrières et récapitulatif des postes créés auprès du Syndicat TICE ;

Vu le cadre fermé fixé pour les fonctionnaires de la carrière de l'artisan, soit 33 postes disponibles ;

Artisan dirigeant Grade 7bis 5 1er artisan ppal Grade 7 7 Vu le tableau d'avancement du cadre fermé de la carrière de l'artisan, ci-annexé, suite aux décisions du Comité du Syndicat TICE du 16 février 2016 approuvée par l'Autorité Supérieure le 1er mars 2016 N° …, accordant démission au sieur … de ses fonctions d'artisan dirigeant avec effet au 1er mai 2016 et celle du 16 février 2016 approuvée par l'Autorité Supérieure le 16 février 2016 N° …, accordant démission au sieur … de ses fonctions d'artisan dirigeant avec effet au 1er septembre 2016 ;

Considérant la vacance d'un poste au grade 7 du cadre fermé de la carrière de l'artisan à partir du 1er septembre 2016 ;

Considérant que le sieur …, né le … à …, entré en service le 01.10.2003, en qualité d'artisan et nommé définitivement par délibération du Comité du Syndicat du TICE du 17 octobre 2005, approuvée par l'Autorité Supérieure en date du 06 décembre 2005, N° …, avec effet au 01.10.2005, a obtenu sa promotion au grade 6 par délibération du Comité du Syndicat TICE du 10 novembre 2011, approuvée par l'Autorité Supérieur en date du 16 décembre 2011 N° …, avec effet au 01.10.2011 ;

Considérant que suivant le tableau d'avancement du cadre fermé, le sieur … se trouve en rang utile pour pouvoir bénéficier d'une promotion au grade 7, 1er artisan principal ;

Vu le rapport du sieur …, ingénieur chef du Service Technique, documentant pour les années :

2012 - 1.480 heures d'absences avec certificat médical 2013 - 680 heures d'absences avec certificat médical 2014 - 416 heures d'absences, dont 224 hrs. avec certificat médical et 192 hrs. sans certificat médical 2015 - 404 heures d'absences, dont 216 hrs. avec certificat médical et 188 hrs. sans certificat médical Vu l'article 7 du statut général des fonctionnaires communaux qui stipule entre autres que « nul fonctionnaire ne peut prétendre à la promotion s'il est établi qu'il ne possède pas les qualités professionnelles ou morales requises pour exercer les fonctions du grade supérieur » ;

Considérant que la suspension d'une promotion est prononcée par le Comité du Syndicat du TICE sur le vu d'un rapport circonstancié du bureau du TICE et des explications écrites de l'intéressé, qui aura reçu copie du rapport précité ;

Vu le rapport circonstancié du collège échevinal du 12 avril 2016 Vu les explications écrites, avec pièces à l'appui, fournies par le sieur … en date du 21 avril 2016, entrées au TICE le 22 avril 2016 ;

Considérant que tout en remplissant les conditions requises pour l'obtention d'une promotion au grade 7 du cadre fermé de la carrière de l'artisan, le sieur … ne possède pas les qualités professionnelles ou morales requises pour exercer les fonctions de 1er artisan principal ; […] ».

Par une lettre du 2 mai 2016 du bureau du TICE, Monsieur … fut informé du sort réservé à sa demande en vue d’une promotion au grade 7 du cadre fermé comme suit : « […] Me référant à votre demande énoncée sous rubrique et considérant le chapitre 3, promotions, article 7, de la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux, je suis au regret de vous informer que le Comité du TICE en sa séance du mardi 26 avril 2016 a décidé une suspension de promotion pour la durée d’un an. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 21 octobre 2016, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision précitée du comité du TICE du 26 avril 2016 portant suspension de sa promotion pour la durée d’un an à partir du 1er mai 2016.

En l’absence de prise de position circonstanciée de la part du litismandataire du TICE quant à la compétence du tribunal administratif pour connaître, le cas échéant, du recours en réformation introduit en ordre principal, il y a lieu de se référer à la loi du 24 décembre 1985, applicable également aux fonctionnaires des « syndicats de communes » suivant son article 1er, paragraphe 1, alinéa 1er, de sorte à s’appliquer également au TICE qui constitue de manière non contestée un syndicat de communes.

Ceci étant relevé, il échet de constater qu’il n’existe aucune disposition de la loi du 24 décembre 1985 ni aucune autre disposition légale suivant laquelle il existerait un recours au fond à l’encontre d’une décision du comité d’un syndicat de communes prononçant une suspension de promotion, de sorte que le tribunal doit se déclarer incompétent pour connaître du recours principal en réformation.

Il s’ensuit que seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision déférée.

Dans son mémoire en réponse, le TICE soulève l’irrecevabilité rationae temporis du recours sous examen pour avoir été introduit plus de trois mois après la notification de la décision déférée du 26 avril 2016 qui aurait été opérée à travers le courrier du bureau du TICE du 2 mai 2016. Le TICE conteste encore, dans ce cadre, l’affirmation du requérant, dans son recours, que la délibération du comité du TICE du 26 avril 2016 n’aurait pas été annexée au prédit courrier du 2 mai 2016.

Face à ce moyen d’irrecevabilité, le requérant maintient ne pas avoir obtenu communication de la décision déférée du 26 avril 2016, par le biais du courrier du bureau du TICE du 2 mai 2016, tout en relevant qu’aucun des deux actes n’aurait contenu d’indications concernant les délai et voies de recours, de sorte qu’aucun délai pour introduire un recours contentieux n’aurait commencé à courir en l’espèce.

S'il est vrai que le délai de recours contentieux commence à courir notamment à partir du jour où le requérant a pu prendre connaissance de la décision contre laquelle le recours est dirigé et que la communication, à ce dernier, par l'autorité compétente du texte complet ou, du moins, des clauses et conditions essentielles de la décision, peut même se faire verbalement, il n'en demeure pas moins que pour que cette condition soit valablement remplie, l'intéressé doit avoir eu la possibilité de prendre connaissance de la décision et que cette connaissance soit complète et indiscutable1, étant encore précisé que si, en règle générale, la loi n’a pas fixé la forme de la notification administrative et s’il suffit que l’acte soit porté à la connaissance de l’intéressé par l’administration, la notification ne se présume pas et il incombe à l’administration de prouver qu’elle a accompli les formalités requises pour faire courir le délai.

1 Trib. adm. 19 septembre 2002, n° 13916 du rôle, c. par Cour adm. 1er avril 2003, n° 15497C du rôle, Pas. adm.

2017, V° Procédure contentieuse n° 249.

Force est au tribunal de constater que Monsieur … fut informé de la suspension de sa promotion par le courrier d’information du TICE du 2 mai 2016, précité, qui ne comporte cependant aucune justification factuelle quant à la suspension de promotion litigieuse mais se limité à indiquer la base légale d’une telle mesure. Il y a, par ailleurs, lieu de relever que le TICE, face aux contestations de Monsieur … que la délibération litigieuse du 26 avril 2016 n’aurait pas été annexée au prédit courrier d’information du 2 mai 2016, se borne à affirmer que tel aurait été le cas, sans cependant soumettre au tribunal un quelconque élément probant corroborant ses affirmations. Au regard de ces circonstances, il y a lieu de retenir que le courrier du bureau du TICE du 2 mai 2016 n’a pas fait courir les délais de recours à l’égard Monsieur … qui, bien qu’informé du principe de la décision prise à son encontre, n’avait pas reçu, à travers ce seul courrier, d’informations complètes, ni sommaires, quant aux circonstances factuelles à la base de celle-ci.

A cela s’ajoute que l’omission par l’administration, d’informer l’administré des voies de recours contre une décision administrative – tel que c’est le cas en l’espèce alors que tant le courrier, précité, du 2 mai 2016 du bureau du TICE que la délibération déférée du 26 avril 2016 du comité du TICE restent en défaut d’indiquer les voies de recours – entraîne que les délais impartis pour les recours ne commencent pas à courir2, conformément à l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », aux termes duquel « Les décisions administratives refusant de faire droit, en tout ou en partie, aux requêtes des parties ou révoquant ou modifiant d’office une décision ayant créé ou reconnu des droits doivent indiquer les voies de recours ouvertes contre elles, le délai dans lequel le recours doit être introduit, l’autorité à laquelle il doit être adressé ainsi que la manière dans laquelle il doit être présenté. ».

Le moyen d’irrecevabilité rationae temporis du recours est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours en annulation sous examen est recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

A titre liminaire, il y a lieu de préciser que dans le cadre d’un recours en annulation, l’analyse du tribunal ne saurait se rapporter qu’à la situation de fait et de droit telle qu’elle s’est présentée au moment de la prise de la décision déférée, de sorte que la légalité de la délibération du comité du TICE du 26 avril 2016 est à analyser sur base de la loi du 24 décembre 1985, dans sa version applicable suite à l’entrée en vigueur de la loi du 2 septembre 2015 portant abolition des districts.

A l’appui de son recours, le demandeur, après avoir exposé les faits et rétroactes à la base du présent litige, conclut, tout d’abord, à l’annulation de la délibération du comité du TICE du 26 avril 2016 pour violation de l’article 7 de la loi du 24 décembre 1985 en ce qu’un rapport circonstancié du bureau du TICE ferait défaut en l’espèce, Monsieur … précisant, dans ce contexte, que les attributions du bureau du TICE, conformément à l’article 6 de la loi modifiée du 23 février 2001 concernant les syndicats de communes, ci-après désignée par « la loi 23 février 2001 », seraient celles exercées par le collège des bourgmestre et échevins dans une commune. Bien que la délibération déférée du 26 avril 2016 mentionnerait, dans ses visas, que la suspension d’une promotion devrait être prononcée sur base d’un rapport 2 Trib. adm. 26 janvier 1998, n° 10244 du rôle, Pas. adm. 2017, V° Procédure administrative non contentieuse, n°230 et les autres références y citées.

circonstancié du bureau du TICE, d’une part, le bureau du TICE, dans son avis du 14 avril 2016, se serait limité à lui communiquer l’avis du chef de service technique du TICE du 12 avril 2016, qui ne serait pas compétent pour rendre un tel avis, et à lui rappeler l’article 7 de la loi du 24 décembre 1985, et, d’autre part, la délibération litigieuse se référerait à un « […] rapport circonstancié du collège échevinal du 12 avril 2016 […] » qui n’existerait pas. Il se prévaut finalement d’un jugement du tribunal administratif du 21 mars 2007, portant le numéro 21637 du rôle, selon lequel la communication préalable du rapport au fonctionnaire faisant l’objet d’une suspension de promotion serait une formalité substantielle qui ne pourrait pas faire l’objet d’une régularisation ex-post.

Le TICE, dans son mémoire en réponse, conclut au rejet du moyen d’annulation fondé sur l’article 7 de la loi du 24 décembre 1985 en ce que le bureau du TICE, à travers ses courriers et annexes des 16 mars et 14 avril 2016, aurait rendu un rapport circonstancié quant à la suspension de promotion litigieuse en se basant sur les absences répétées de Monsieur … durant les années 2012 à 2015. Le fait que le bureau du TICE ait sollicité le supérieur hiérarchique du demandeur ne saurait, par ailleurs, porter à critiques, dans la mesure où celui-

ci serait en contact direct avec le fonctionnaire en question. Le TICE rajoute encore, d’une part, que la mention du collège échevinal serait une simple erreur matérielle, sans incidence sur la légalité de la décision déférée, et, d’autre part, que le rapport circonstancié du 14 avril 2016 aurait été communiqué à Monsieur … qui, à travers son courrier du 21 avril 2016, aurait pu prendre position sur celui-ci.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur réitère son argumentation quant au défaut de rapport circonstancié du bureau du TICE quant à la suspension de sa promotion, tout en insistant sur la circonstance que le chef de service technique du TICE, auteur du courrier du 12 avril 2016, ne serait pas l’autorité compétente en matière de suspension de promotion au sens de l’article 7 de la loi du 24 décembre 1985.

Le TICE rétorque que le rapport du bureau du TICE du 14 avril 2016 devrait être considéré comme étant un rapport circonstancié suffisamment détaillé, en ce qu’il se fonderait sur les informations émanant directement du supérieur hiérarchique de Monsieur …, une telle pratique n’étant pas prohibée.

Aux termes de l’article 7, alinéa 4, de la loi du 24 décembre 1985 « La suspension de la promotion est prononcée par le conseil communal sur le vu d’un rapport circonstancié du collège des bourgmestre et échevins et des explications écrites de l’intéressé, qui aura reçu copie du rapport précité. », étant précisé qu’en vertu de l’article 6 de la loi du 23 février 2001 « Les attributions du comité [d’un syndicat de commune] sont celles qui incombent à un conseil communal dans une commune. Les attributions […] du bureau [d’un tel syndicat] sont celles qui sont exercées [par] le collège des bourgmestre et échevins dans une commune […]. » Il suit des dispositions légales qui précèdent que le comité d’un syndicat de commune, tel que le TICE, doit prendre la décision de suspendre la promotion d’un de ses fonctionnaires communaux sur base d’un rapport circonstancié du bureau dudit syndicat, ce rapport devant, préalablement à la prise de décision, être soumis au fonctionnaire communal concerné pour que ce dernier puisse faire valoir ses observations.

Force est au tribunal de constater que le bureau du TICE a fait tenir au demandeur, à travers son courrier 14 avril 2016, la prise de position du chef du service technique du TICE du 12 avril 2016 dans laquelle celui-ci a fait état, de manière détaillée, des heures d’absence de Monsieur … durant les années 2012 à 2015, pour conclure, au regard de l’ampleur de ces absences, qu’il aurait été impossible de déterminer si Monsieur … présentait les qualifications professionnelles nécessaires pour la promotion sollicitée. En se référant ainsi explicitement à la prise de position du supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire communal concerné, qui doit être considéré comme étant le plus à même de se prononcer sur les qualités professionnelles et morales de ce dernier pour travailler quotidiennement avec celui-ci, le bureau du TICE a, en l’espèce, nécessairement mais implicitement avalisé les conclusions de celui-ci, de sorte que le courrier du 14 avril 2016, ensemble avec l’avis du 12 avril 2016 du chef du service technique du TICE, doit être considéré comme le rapport circonstancié au sens de l’article 7 de la loi du 24 décembre 1985. Dans la mesure où ces documents ont, par ailleurs, été soumis au demandeur pour prise de position, possibilité que ce dernier a effectivement exercé à travers son courrier du 21 avril 2016, le moyen tiré d’une violation de l’article 7 de la loi du 24 décembre 1985 est à rejeter pour ne pas être fondé.

Le demandeur conclut encore à l’annulation de la décision déférée du 26 avril 2016 pour défaut de motivation, en violation tant de l’article 7 de la loi du 24 décembre 1985 que de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, en ce que ses déficiences professionnelles n’auraient pas été exposées concrètement par rapport au poste brigué et par rapport au profil concrètement recherché pour la promotion au grade 7.

La partie défenderesse, dans son mémoire en réponse, soutient que la décision déférée serait motivée à suffisance par la circonstance que les absences importantes du demandeur sur plusieurs années n’auraient pas permis au TICE de procéder à une évaluation de ses capacités professionnelles pour le poste envisagé, tout en précisant qu’aucun manquement professionnel ne serait reproché à Monsieur ….

Dans son mémoire en réplique, le demandeur conteste la motivation avancée par le TICE en insistant tout d’abord sur le fait que son employeur serait en aveu que rien ne pourrait lui être reproché sur le plan professionnel, de sorte que ses qualités professionnelles ne seraient pas remises en cause. Il rappelle encore son parcours professionnel au sein du TICE, ainsi que ses qualifications professionnelles pour réfuter l’argumentation du TICE selon laquelle une évaluation de ses compétences professionnelles n’aurait pas été possible en raison de ses longues absences, tout en précisant, d’une part, avoir été absent moins de 40 % du temps effectif de travail annuel en 2013, respectivement 25 % du temps en 2014 et 2015, pour des raisons médicales dûment justifiées et, d’autre part, que sa fonction et son travail quotidien ne changeraient pas fondamentalement avec une promotion au grade 7.

Le TICE réitère sa position quant à l’impossibilité d’évaluer les compétences professionnelles du demandeur en raison de ses absences importantes sur plusieurs années.

Il y a, tout d’abord, lieu au tribunal de relever que le moyen du demandeur pour défaut de motivation, tiré tant d’une violation tant de l’article 7 de la loi du 24 décembre 1985 que de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, met en cause tant la légalité externe qu’interne de la décision déférée, de sorte que l’analyse du tribunal portera tout d’abord sur le reproche d’un défaut d’indication des motifs, tandis que le bien-fondé des motifs fera l’objet d’un examen ultérieur dans le cadre des moyens de fond.

Quant au moyen tiré de la violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, en vertu duquel « Toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux.

La décision doit formellement indiquer les motifs par l´énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle:

- refuse de faire droit à la demande de l´intéressé;

- révoque ou modifie une décision antérieure, sauf si elle intervient à la demande de l´intéressé et qu´elle y fait droit ;

- intervient sur recours gracieux, hiérarchique ou de tutelle;

- intervient après procédure consultative, lorsqu´elle diffère de l´avis émis par l´organisme consultatif ou lorsqu´elle accorde une dérogation à une règle générale. », il y a lieu de préciser que ce dernier est applicable aux employés de l’Etat dans leurs relations avec l’administration, dans la mesure où, comme en l’espèce, les règles spécifiques régissant leur statut ne présentent pas pour eux des garanties équivalentes3.

Par ailleurs, en tout état de cause, la sanction de l’absence de motivation ne consiste pas dans l’annulation de l’acte visé, mais dans la suspension des délais de recours et celui-ci reste a priori valable, l’administration pouvant produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois à la phase contentieuse4.

Ainsi, un acte n’est susceptible d’encourir l’annulation qu’au cas où la motivation le sous-tendant ne ressort d’aucun élément soumis au tribunal au moment où l’affaire est prise en délibéré, étant donné qu’une telle circonstance rend tout contrôle de la légalité des motifs impossible.

Force est de relever que le renvoi au texte de loi applicable, en l’occurrence l’article 7 de la loi du 24 décembre 1985, le renvoi, tant au rapport circonstancié du bureau du TICE du 14 avril 2016 qu’aux éléments de justification fournis par le demandeur dans son courrier du 21 avril 2016, ainsi que le rappel des faits figurant dans la décision du 26 avril 2016, à savoir des absences annuelles de plusieurs centaines d’heures pour des raisons de maladie de 2012 à 2015, sont de nature à suffire à l’exigence d’une motivation sommaire, telle qu’elle est exigée par l’article 6 précité, de sorte que ce moyen est à écarter.

Monsieur … conclut ensuite à l’annulation de la délibération du comité du TICE du 26 avril 2016 suspendant sa promotion au grade 7 pendant une année avec effet au 1er mai 2016 au motif que cette décision n’aurait fait l’objet d’une approbation par le ministre de l’Intérieur que le 6 juin 2016, de sorte à violer le principe de non rétroactivité des actes administratifs. Il invoque encore, dans ce cadre, un arrêt de la Cour administrative du 23 novembre 2010, portant les numéros 26946 et 29947 du rôle.

Le TICE sollicite le rejet de ce moyen d’annulation en faisant valoir que la décision déférée daterait du 26 avril 2016 et n’aurait suspendu la promotion du demandeur qu’avec effet au 1er mai 2016, de sorte à ne pas avoir eu d’effet rétroactif, l’approbation de l’autorité de tutelle étant sans influence sur l’application de la décision sous examen dans le temps. La jurisprudence citée par le demandeur ne serait, par ailleurs, pas transposable au litige sous examen.

En vertu de l’article 17 de la loi du 23 février 2001 « Les conditions d’admission, de promotion, de démission, de rémunération ainsi que les droits et devoirs des fonctionnaires, 3 Trib. adm. 10 juillet 1997, n° 9703 du rôle, Pas. adm. 2017, V° Fonction Publique n° 539 et les autres références y citées.

4 Cour adm., 20 octobre 2009, n° 25738C du rôle, Pas. adm. 2017, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 83 et les autres références y citées.

employés et ouvriers des syndicats de communes sont ceux déterminés par la loi pour le personnel des communes et sont fixés dans les limites de la loi, par les délibérations du comité du syndicat approuvées par le ministre de l’Intérieur », la suspension d’une promotion, telle que prévue à l’article 7 de la loi du 24 décembre 1985, s’inscrivant dans le cadre des conditions de promotion, de sorte à nécessiter l’approbation du ministre de l’Intérieur. Cette approbation ministérielle des décisions portant notamment, comme en l’espèce, sur la suspension d’une promotion, s’inscrit dans le cadre de l’autonomie communale, telle que prévu à l’article 107 de la Constitution et le rôle du ministre, en tant qu’autorité de tutelle, est d’exercer un contrôle de légalité aux fins d’assurer le respect du droit et la sauvegarde de l’intérêt général.

Dans la mesure où les actes de tutelle administrative rétroagissent à la date de la décision approuvée qui, une fois approuvée, est censée être valable dès son origine5, le moyen tiré d’une violation du principe de non-rétroactivité est à rejeter pour défaut de fondement, étant donné que la suspension de promotion résulte de la délibération du comité du TICE du 26 avril 2016 avec effet au 1er mai 2016 jusqu’au 30 avril 2017, et non pas de l’approbation tutélaire du 6 juin 2016.

Le demandeur critique ensuite la décision sous examen du TICE en ce qu’elle baserait la suspension de sa promotion sur ses seules absences pour des raisons médicales, ce qui violerait l’article 7 de la loi du 24 décembre 1985 qui imposerait, en matière de promotion, la prise en compte des seules qualités professionnelles et morales du fonctionnaire concerné. La délibération litigieuse du TICE du 26 avril 2016 violerait, par ailleurs, l’article 55 de la même loi, dans la mesure où la suspension de sa promotion constituerait une sanction disciplinaire déguisée, le TICE le sanctionnant en raison de ses temps d’absences importants, tout en se soustrayant aux obligations de la procédure disciplinaire. Dans ce contexte, Monsieur … insiste sur le fait que ses absences pour cause de maladie seraient dues à des actes d’harcèlement moral, respectivement à des propos racistes qu’il aurait dû subir sur son lieu de travail, sans que son employeur n’aurait été disposé à le protéger contre de tels actes, et ceci malgré ses plaintes. Dans un même ordre d’idées, le demandeur reproche encore au TICE d’avoir, par le biais de la décision déférée du 26 avril 2016, violé l’article 1bis, paragraphe (1) de la loi du 24 décembre 1985, au motif que la suspension de promotion serait exclusivement basée sur ses absences pour des raisons médicales, de sorte à constituer une discrimination, dans son chef, en raison de son handicap qui serait, en l’espèce, d’être atteint d’une pathologie causée par une maladie médicalement constatée l’empêchant de participer pleinement et effectivement à la vie professionnelle, au sens de l’arrêt C-335/11 et C-337/11 de la Cour de justice de l’Union européenne du 11 avril 2013, en l’occurrence d’être victime d’un symptôme anxio-dépressif dû au harcèlement moral subi sur son lieu de travail. Il fait finalement état d’une violation du principe de proportionnalité, respectivement d’une erreur manifeste d’appréciation des faits dans le chef du comité du TICE au motif, principalement, que ses arrêts de maladie ne sauraient être un critère d’appréciation de ses qualités morales, voire professionnelles, sinon, subsidiairement, au cas où ses absences pour raisons médicales seraient à prendre en considération, que le TICE aurait fait abstraction du contexte particulier de sa maladie, en l’occurrence une dépression due à des actes d’harcèlement moral sur son lieu de travail dont la réalité ne serait pas remise en cause, au regard de ses plaintes auprès de la police grand-ducale, respectivement auprès de ses supérieures hiérarchiques, et contre lesquels le TICE serait resté en défaut de le protéger. Dans ce contexte, Monsieur … reproche encore au TICE d’avoir fait abstraction de ses 13 années de bons et loyaux services auprès du 5 Cour adm. 6 mars 2008, n° 23462C du rôle, Pas. adm. 2017, V° Tutelle administrative n° 14 et les autres références y citées.

TICE en tant qu’électronicien, ce qui attesterait de qualités professionnelles indéniables. Le demandeur réitère ces différents moyens dans le cadre de son mémoire en réplique.

Le TICE, à travers ses mémoires en réponse, respectivement en duplique, conclut au rejet du recours de Monsieur … pour ne pas être fondé. Il conteste ainsi que la délibération du 26 avril 2016 retenant la suspension de promotion du demandeur constituerait une sanction disciplinaire déguisée, en violation de l’article 55 de la loi du 24 décembre 1985, en expliquant qu’au regard de la fréquence et de la longueur des absences pour raisons de maladie de Monsieur …, une appréciation des qualités professionnelles et morales de ce dernier aurait été impossible. Dans ce cadre, le TICE soutient encore que la raison des absences serait sans pertinence, tout en insistant sur le fait que les dénonciations du demandeur des actes d’harcèlement moral auraient été prises au sérieux, dans la mesure où une enquête interne aurait été diligentée pour en déceler l’auteur. Le TICE demande encore le rejet du reproche selon lequel la suspension de promotion litigieuse violerait l’article 1bis de la loi du 24 décembre 1985 au motif, d’une part, que le demandeur n’aurait pas rapporté la preuve d’être atteint d’un handicap au sens de la prédite disposition légale, et, d’autre part, que la décision déférée du 26 avril 2016 ne serait pas basée sur sa maladie, mais sur les conséquences de celle-ci, en ce que leur fréquence et leur durée auraient rendu une évaluation de ses qualifications morales et professionnelles impossibles, le TICE rajoutant que le demandeur ne lui aurait plus dénoncé un quelconque acte d’harcèlement après 2011, de sorte que les problèmes liés à un tel harcèlement seraient sans lien avec la décision déférée qui se baserait exclusivement sur une période s’étalant de 2012 à 2015. En ce qui concerne finalement la violation du principe de proportionnalité, respectivement l’erreur manifeste d’appréciation des faits lui reprochées par le demandeur, le TICE argumente, sur base de l’article 7 de la loi du 24 décembre 1985, que la suspension d’une promotion serait prononcée dans l’hypothèse où le fonctionnaire concerné ne présenterait pas les qualifications professionnelles requises, vérification que le TICE n’aurait pas pu opérer en l’espèce en raison des très nombreuses absences de Monsieur …. Le TICE réfute encore, d’une part, avoir dû apprécier les raisons à l’origine des absences du demandeur, et, d’autre part, avoir été complice des actes d’harcèlement moral à son encontre.

Le tribunal n'est pas lié par l'ordre des moyens dans lesquels ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l'effet utile s'en dégageant, de sorte qu’il y a, dans un premier temps, lieu de toiser les moyens tirés d’une violation de l’article 7 de la loi du 24 décembre 1985, ainsi que du principe de proportionnalité, respectivement reprochant au TICE une erreur manifeste d’appréciation, en ce que ces moyens visent la réalité des motifs à la base de la délibération déférée, avant, d’analyser, le cas échéant, le bien-fondé des moyens ayant trait à une violation des articles 55 et 1bis de la loi du 24 décembre 1985.

Le tribunal relève, tout d’abord, que, lorsqu’il est saisi d’un recours en annulation, il a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et de contrôler si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinés à protéger des intérêts privés. Confronté à une décision relevant d’un pouvoir d’appréciation étendu, tel que cela est le cas en l’espèce, dans la mesure où le TICE devait apprécier les qualités morales et professionnelles d’un fonctionnaire communal en vue d’une promotion, respectivement pour prononcer la suspension d’une telle promotion, le juge administratif, saisi d’un recours en annulation, peut examiner si la mesure prise n’est pas manifestement disproportionnée par rapport aux faits établis, en ce sens que cette disproportion laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par l’autorité qui a pris la décision, voire un détournement du même pouvoir par cette autorité, étant relevé que la sanction d’une disproportion est limitée au cas exceptionnel où une flagrante disproportion des moyens laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par cette autorité6.

Quant au moyen d’annulation tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe (1), de la loi du 24 décembre 1985, dans sa version applicable au jour de la prise de la décision déférée, ledit article dispose que « Dans la mesure où la loi n’en dispose pas autrement, la promotion du fonctionnaire se fait dans les conditions et suivant les modalités prévues par le règlement grand-ducal pris sur avis du Conseil d’Etat.

Par promotion il faut entendre la nomination du fonctionnaire à une fonction hiérarchiquement supérieure ; la hiérarchie des fonctions résulte respectivement de la loi et des règlements grand-ducaux fixant le régime des traitements des fonctionnaires communaux.

Nul fonctionnaire ne peut prétendre à la promotion s’il est établi qu’il ne possède pas les qualités professionnelles ou morales requises pour exercer les fonctions du grade supérieur.

La suspension de l’avancement est prononcée par le conseil communal sur le vu d’un rapport circonstancié du collège des bourgmestre et échevins et des explications écrites de l’intéressé, qui aura reçu copie du rapport précité.

La suspension est prononcée pour une période d’un an au plus au terme de laquelle le fonctionnaire occupera la place qui lui aura été réservée dans le grade supérieur et bénéficiera, le cas échéant, d’un rappel d’ancienneté pour l’avancement ultérieur.

Toutefois la suspension pourra être prorogée tant que le fonctionnaire ne remplit pas les conditions prévues à l’alinéa 1er ci-dessus. En cas de suspension dépassant une année, il perd le bénéfice de son rang d’ancienneté.

En cas de vacance dans un grade, les effectifs prévus pour les grades inférieurs peuvent être augmentés à concurrence du nombre de vacances », les fonctions du conseil communal, ainsi que du collège des bourgmestre et échevins étant assumées, dans le cadre d’un syndicat de communes, par le comité, respectivement par le bureau dudit syndicat, conformément à l’article 6, précité, de la loi du 23 février 2001.

A titre liminaire, il y a lieu de relever que la mesure de la suspension des promotions a été introduite par la loi du 5 août 2006 portant notamment modification de la loi du 24 décembre 1985 afin d’harmoniser le régime des fonctionnaires communaux par rapport au statut général des fonctionnaires d’Etat, l’objectif étant de pouvoir suspendre les promotions d’un fonctionnaire déméritant, ne présentant pas les qualités professionnelles ou morales requises pour la promotion convoitée, pour un certain temps sans pour autant causer un préjudice aux fonctionnaires classés dans le même cadre, mais de rang inférieur au fonctionnaire visé, qui pourra dorénavant être dépassé au tableau d’avancement7. Il suit de la disposition légale qui précède qu’une suspension de promotion ne peut être prononcée à l’égard du fonctionnaire communal concerné que sur base d’une appréciation de ses qualités 6 Trib. adm. 27 février 2013, n° 30584 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu 7 Doc. parl. n° 5548, p. 18, sous ad article I, point 3.a).

morales ou professionnelles par rapport à la promotion visée, à l’exclusion de tout autre critère, tel que notamment la prise en considération d’absences répétées, respectivement prolongées pour des raisons de santé.

En l’espèce, la décision déférée du 26 avril 2016 a retenu la suspension de promotion à l’égard de Monsieur … sur la seule considération qu’en raison de ses absences pour des raisons de maladie fréquentes et de longue durée, s’étalant sur plusieurs années, une appréciation, par le TICE, des qualités professionnelles et morales du demandeur, n’aurait pas été possible. Ainsi, contrairement à l’argumentation du demandeur, la suspension de sa promotion n’est pas fondée sur son état de santé défaillant mais sur l’impossibilité du TICE d’avoir pu concrètement évaluer ses compétences professionnelles pour le poste brigué, étant encore précisé que les qualités morales de Monsieur … n’ont pas été remises en cause par le TICE.

Force est cependant au tribunal de constater qu’il ressort des documents soumis à son analyse et plus particulièrement du dossier administratif que Monsieur … est au service du TICE depuis le 1er octobre 2003 en qualité d’électricien, après s’être classé premier aux épreuves théoriques de l’examen concours du 27 juin 2003, et a, d’une part, obtenu une dispense de formation de 28 jours, sur base de ses compétences acquises avant son engagement auprès du TICE et, d’autre part, suivi, au cours de la relation de travail avec le TICE, différentes formations continues. Il y a encore lieu de relever qu’il ne ressort d’aucun élément soumis au tribunal que les qualités professionnelles du demandeur aient été mises en cause au cours de son engagement auprès du TICE. En effet, les seules difficultés rencontrées dans le cadre de la relation de travail litigieuse sont exclusivement liées aux actes d’harcèlement moral subis par Monsieur …, la réalité de ces incidents, largement documentés par les éléments probants produits par ce dernier, tels que plus particulièrement sa correspondance avec son employeur et des photos de son lieu de travail, étant explicitement reconnue par le TICE. Il y a finalement lieu de constater que les absences relevées par le TICE au courant des années 2012 à 2015 – la période la plus importante ayant été l’année 2012 au cours de laquelle le demandeur avait été absent pendant 1.480 heures – concernent en moyenne un peu plus de 400 heures annuelles d’absences en 2014 et 2015, de sorte que Monsieur … était pendant plus de trois-quarts de son temps de travail à disposition de son employeur.

Au regard de l’ancienneté de service de Monsieur …, au regard de l’absence d’antécédents professionnels négatifs dans son chef, au regard de ses connaissances professionnels telles que documentés par les certificats soumis à l’analyse du tribunal, ainsi qu’au regard de la circonstance qu’au courant des deux années précédant la décision litigieuse ses périodes d’absences étaient en moyenne d’un peu plus de 400 heures, il y a lieu de retenir que c’est à tort que le TICE fondé sa décision de suspension litigieuse sur son impossibilité d’appréciation des qualités professionnelles de Monsieur …, malgré le fait que ce dernier était présent, au cours des années 2014 et 2015 pendant trois-quarts de son temps de travail annuel, le TICE ayant ainsi commis tant une violation de l’article 7 de la loi du 24 décembre 1985 qu’une erreur manifeste d’appréciation des faits.

Il suit des considérations qui précèdent que la décision déférée du 26 avril 2016 du TICE doit être annulée pour violation de l’article 7 de la loi du 24 décembre 1985 et pour erreur manifeste d’appréciation des faits, sans qu’il n’y ait lieu de statuer sur les autres moyens d’annulation du demandeur, cet examen devenant surabondant.

Les demandes de Monsieur …, ainsi que du TICE tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure, au sens de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, d’un montant de 2.500.- €, respectivement de 1.500.- € sont à rejeter, au motif que ni le demandeur, ni le TICE ne prouvent en quoi il serait inéquitable de laisser les frais non compris dans les dépens à leur charge.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;

au fond, le déclare fondé ;

partant annule la délibération du 26 avril 2016 ayant suspendu la promotion de Monsieur … pour une durée d’un an à partir du 1er mai 2016 jusqu’au 30 avril 2017 et renvoie le dossier au comité du Syndicat pour le transport intercommunal de personnes dans le canton d’Esch-sur-Alzette en prosécution de cause ;

rejette les demandes respectifs de Monsieur … et du comité du Syndicat pour le transport intercommunal de personnes dans le canton d’Esch-sur-Alzette en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne le Syndicat pour le transport intercommunal de personnes dans le canton d’Esch-sur-Alzette aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 27 mars 2018 par :

Thessy Kuborn, vice-président, Paul Nourissier, premier juge, Géraldine Anelli, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 27 mars 2018 Le greffier du tribunal administratif 14


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 38604
Date de la décision : 27/03/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2018-03-27;38604 ?

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