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21/03/2018 | LUXEMBOURG | N°40190

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 mars 2018, 40190


Tribunal administratif N° 40190 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 septembre 2017 1re chambre Audience publique du 21 mars 2018 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes, en matière de remise gracieuse

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 40190 du rôle et déposée le 20 septembre 2017 au greffe du tribunal administratif par Monsieur …, époux de Madame …, demeurant à L-…, tend

ant à « ce que le recours en grâce du 26.09.16 soit déclaré recevable et fondé, de renvoyer l...

Tribunal administratif N° 40190 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 septembre 2017 1re chambre Audience publique du 21 mars 2018 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes, en matière de remise gracieuse

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 40190 du rôle et déposée le 20 septembre 2017 au greffe du tribunal administratif par Monsieur …, époux de Madame …, demeurant à L-…, tendant à « ce que le recours en grâce du 26.09.16 soit déclaré recevable et fondé, de renvoyer le dernier à l’Administration des Contributions pour fixer le montant exact des impôts payés deux fois, les imputer correctement et établir de nouveaux décomptes pour …-

… et … » ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 novembre 2017 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision directoriale déférée ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Stéphane Collart en sa plaidoirie à l’audience publique du 7 février 2018.

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Par bulletin d’appel en garantie du 7 mars 2016, Monsieur …, désigné ci-après par « Monsieur … », fut invité à payer sans délai, en sa qualité de représentant légal chargé de la gestion journalière de la société anonyme … SA, ayant eu son siège social à …, immatriculée sous le numéro fiscal …, ci-après désignée par « la société … », le montant de … - euros dû à titre d’impôts sur les traitements et salaires pour les années 2014 à 2016.

Par bulletin d’appel en garantie du 8 juillet 2016, Monsieur … fut encore invité en cette même qualité, à payer sans délai le montant de … - euros dû par la société … à titre d’impôts sur les traitements et salaires pour les années 2015 à 2016.

Par courrier daté du 21 septembre 2016, Monsieur … introduisit une demande de remise gracieuse auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, désigné ci-après par « le directeur », en invoquant qu’il résulterait des décomptes d’impôts qu’il aurait reçus en son nom personnel pour les années 2009 et 2014, que les impôts sur salaires redus par la société … auraient été payés par lui en son nom personnel, mais que ces montants n’auraient pas été déduits dans les extraits de compte de ladite société.

1Par courrier du 3 mai 2017, Monsieur … fut invité par l’administration des Contributions directes, division gracieuse, à lui fournir les raisons précises de sa demande en grâce du 21 septembre 2016, précitée.

En l’absence de réponse de sa part, la demande de remise gracieuse fut rejetée par décision directoriale du 20 juin 2017, répertoriée sous le numéro GR 233.16 du rôle, libellée comme suit :

« Vu la demande présentée le 26 septembre 2016 par le sieur …, demeurant L-…., ayant pour objet une remise d'impôts par voie gracieuse ;

Vu le paragraphe 131 de la loi générale des impôts (AO), tel qu'il a été modifié par la loi du 7 novembre 1996 ;

Considérant que d'après le paragraphe 131 AO une remise gracieuse n'est envisageable que dans la mesure où la perception d'un impôt dont la légalité n'est pas contestée, entraînerait une rigueur incompatible avec l'équité soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne du contribuable ;

Considérant que par lettre du 3 mai 2017 le requérant a été invité à justifier des raisons précises de sa demande et à invoquer sur base de quelle iniquité, conformément au paragraphe 131 AO, il fonde sa demande ;

Considérant qu'il n'a pas donné suite à cette invitation ;

Considérant qu'aucune rigueur n'a pas pu être constatée, il en résulte qu'une rigueur au sens du paragraphe 131 AO ne peut être retenue ;

PAR CES MOTIFS, DÉCIDE :

La demande en remise gracieuse est rejetée. ».

Dans un courrier daté du 21 juillet 2017 adressé au directeur, Monsieur … soutint avoir procédé le même jour au paiement d’un montant de … - euros dû par la société … à titre d’impôt sur salaires de l’année 2014, tout en sollicitant de lui accorder une remise gracieuse par imputation de la retenue à la source en vue d’éviter une double imposition économique. Par courrier du 1er août 2017, le directeur confirma sa décision du 20 juin 2017, précitée, tout en renvoyant Monsieur … aux instructions sur les voies de recours figurant dans celle-ci.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 20 septembre 2017, Monsieur … a introduit un recours contre la décision directoriale du 20 juin 2017 tendant à « ce que le recours en grâce du 26.09.16 soit déclaré recevable et fondé, de renvoyer le dernier à l’Administration des Contributions pour fixer le montant exact des impôts payés deux fois, les imputer correctement et établir de nouveaux décomptes pour …-… et …. ».

2Lorsque le requérant omet d’indiquer la nature de son recours, il est présumé avoir entendu introduire le recours prévu par la loi et le juge administratif se charge lui-même de qualifier le recours et de procéder par la suite à l’analyse au fond1.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 131 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, communément appelée « Abgabenordnung », ci-après désignée par « AO », et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur portant rejet d’une demande de remise gracieuse d’impôts.

Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation, lequel est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que, pour les exercices fiscaux des années 2009 et 2014, son épouse et lui se seraient vus retenir des impôts pour un montant approximatif de … - euros. Or, ces retenues n’auraient pas été « retournées » dans les relevés de compte de la société …, l’administration des Contributions directes, qui aurait pourtant constaté cette erreur, l’aurait simplement informé que les délais pour opérer les écritures et rectifications adéquates seraient dépassés et qu’il faudrait introduire un recours gracieux en vue de redresser la situation et afin d’éviter un double paiement d’impôts.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours sous analyse pour ne pas être fondé.

Selon lui, une remise gracieuse ne serait concevable que dans la mesure où la légalité de l’acte d’imposition ne serait pas contestée, de sorte que le contribuable sollicitant une remise en ce sens devrait se limiter à invoquer des considérations tenant à l’équité, ce qui ne serait pourtant pas le cas en l’espèce, alors que le demandeur contesterait en réalité la légalité de l’imposition au titre des années 2009 et 2014. Or, une telle contestation aurait dû, selon le délégué du gouvernement, être formulée dans le cadre d’une réclamation à diriger à l’encontre des bulletins de l’impôt concernés endéans le délai de trois mois à compter de leur notification, ce que le demandeur aurait omis de faire.

Ce serait ainsi à juste titre que le directeur aurait constaté l’absence dans le chef du demandeur de toute rigueur objective ou subjective qui aurait pu justifier une remise gracieuse d’impôts dus.

Aux termes du paragraphe 131 AO, une remise gracieuse se conçoit « dans la mesure où la perception d’un impôt dont la légalité n’est pas contestée entraînerait une rigueur incompatible avec l’équité, soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne du contribuable ».

Il résulte de cette disposition qu’une remise gracieuse n’est envisageable que si objectivement, ratione materiae, l’application de la législation fiscale conduit à un résultat contraire à l’intention du législateur, ou si, subjectivement, ratione personae, dans le chef du contribuable concerné, la perception de l’impôt apparaît comme constituant une rigueur incompatible avec le principe d’équité, sa situation personnelle étant telle que le paiement de 1 trib. adm., 18 janvier 1999, n° 10760 du rôle, Pas. adm., 2017, V° Impôts, n° 933 et autres références y citées.

3l’impôt compromet son existence économique et le prive des moyens de subsistance indispensables.

Une demande de remise d’impôt s’analyse exclusivement en une pétition du contribuable d’être libéré, sur base de considérations tirées de l’équité, de l’obligation de régler une certaine dette fiscale et ne comporte par nature aucune contestation de la légalité de la fixation de cette même dette. La fonction de la remise en équité ne saurait être d’abolir les délais pour exercer un droit2.

En effet, la remise d’impôt n’est envisageable que si la légalité de l’impôt à sa base n’est point contestée. Ainsi, aucune contestation, tenant à la légalité de l’impôt à la base de la demande de remise gracieuse, ne saurait être utilement accueillie, pour fonder une quelconque rigueur objective ou subjective.

En l’espèce, le demandeur expose dans sa demande de remise gracieuse, ainsi que dans sa requête introductive d’instance, uniquement un argument tiré d’un double paiement d’impôts résultant du règlement par lui des impôts sur salaires redus par la société ….

Il convient partant d’abord de relever que le demandeur ne fait valoir aucun élément de nature à faire admettre une rigueur subjective dans son chef, à savoir que le paiement de l’impôt constituerait une rigueur incompatible avec la principe d’équité en ce qu’il compromettrait son existence économique et/ou le priverait des moyens de subsistance indispensables.

En l’état actuel du dossier, le demandeur reste en effet en défaut d’étayer concrètement, pièces et chiffres à l’appui, quelle est sa situation de fortune exacte, de sorte qu’il n’a pas mis le tribunal en mesure d’apprécier si le paiement, le cas échéant échelonné, de la dette d’impôt par lui redue compromet son existence et le prive des moyens de subsistance indispensables, étant encore souligné à cet égard qu’il résulte des pièces versées par l’Etat, à savoir le courrier de Monsieur … du 21 juillet 2017, précité, qu’il aurait déjà payé en juillet 2017 un montant de … - euros à l’administration des Contributions directes pour l’année 2014.

Dans ces circonstances, le demandeur n’a pas rapporté à suffisance de droit la preuve d’une rigueur subjective dans son chef du fait de l’obligation de payer des impôts à titre de salaires redus par la société … pour les années concernées.

Force est, ensuite, de constater que le tribunal ne saurait déceler ni parmi les moyens invoqués par le demandeur dans sa requête ni parmi les pièces lui soumises dans la présente cause, une quelconque rigueur objective qui plaiderait en faveur de la remise gracieuse sollicitée par le demandeur.

En l’espèce, il se dégage du dossier administratif soumis au tribunal que le demandeur conteste, comme cela a déjà été retenu ci-avant, le seul double paiement d’impôts découlant du fait que des retenues d’impôts sur son salaire n’auraient pas été déduites des extraits de compte de la société … pour les années 2009 et 2014, tout en sollicitant de la part du tribunal de renvoyer le dossier à l’administration des Contributions directes « pour fixer le montant exact des impôts payés deux fois, les imputer correctement et établir de nouveaux décomptes pour …-… et … ».

2 trib.adm., 17 octobre 2001, n° 13099 du rôle, Pas. adm. 2017, V° Impôts, n°604 et les autres références y citées.

4Mis à part le fait que le demandeur n’a fourni aucune pièce qui aurait permis au tribunal de constater la réalité d’un quelconque paiement ou retenue d’impôts qui auraient été effectués et outre le constat que sur base des quelques éléments fournis par le demandeur dans le cadre de sa requête introductive d’instance, le tribunal n’a pas été mis en mesure de suivre le raisonnement exact du demandeur, ce dernier n’ayant ni été présent, ni représenté à l’audience des plaidoiries, force est encore de constater qu’il se dégage du comportement adopté par le demandeur qu’en sollicitant une remise d’impôt par rapport aux bulletins précités émis en date des 7 mars 2016 et 8 juillet 2016, il entend en réalité être déchargé du paiement des impôts ainsi fixés en mettant en cause le bien-fondé des montants réclamés par le bureau d’imposition.

En effet, par la présente procédure, le demandeur entend faire réparer les négligences commises par lui, en sa qualité de représentant légal chargé de la gestion journalière de la société …, du fait de ne pas avoir contesté dans les délais les bulletins d’impôts relatifs aux années 2009 et 2014 de ladite société, tel que cela ressort d’ailleurs de sa demande gracieuse du 21 septembre 2016. Ainsi, en ayant recours à la procédure de remise gracieuse, le demandeur a en réalité entendu contester la légalité des impôts sur les traitements et salaires dus par la société …. Or, le paragraphe 131 AO exclut expressément l’hypothèse dans laquelle la légalité d’un impôt est contestée, de sorte que la demande de remise gracieuse en question est hors du champ d’application de la disposition légale précitée.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et à défaut de tout autre moyen invoqué par le demandeur, qu’aucune rigueur ni subjective ni objective ne peut être dégagée des éléments du dossier soumis au tribunal, de sorte que le recours est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 mars 2018 par :

Alexandra Castegnaro, premier juge, Olivier Poos, premier juge, Alexandra Bochet, attaché de justice, en présence du greffier Michèle Hoffmann.

Michèle Hoffmann Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 21.3.2018 Le greffier du tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 40190
Date de la décision : 21/03/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2018-03-21;40190 ?

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