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21/03/2018 | LUXEMBOURG | N°38750

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 mars 2018, 38750


Tribunal administratif N° 38750 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 novembre 2016 1re chambre Audience publique du 21 mars 2018 Recours formé par Monsieur …, …, contre deux décisions du ministre de l’Environnement, en matière de protection de la nature

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 38750 du rôle et déposée le 23 novembre 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Marina Petkova, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des a

vocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant principalement à la réf...

Tribunal administratif N° 38750 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 novembre 2016 1re chambre Audience publique du 21 mars 2018 Recours formé par Monsieur …, …, contre deux décisions du ministre de l’Environnement, en matière de protection de la nature

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 38750 du rôle et déposée le 23 novembre 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Marina Petkova, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de l’Environnement du 19 avril 2016 portant refus de lui accorder une autorisation en vue de la reconstruction d’une annexe en bois sur un fonds inscrit au cadastre de la commune du Parc Hosingen, section … (…), sous le numéro …, ainsi que de la décision ministérielle confirmative de refus du 23 août 2016, intervenue suite à un recours gracieux du 19 juillet 2016 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 10 février 2017 ;

Vu le mémoire en réplique de Maître Marina Petkova déposé au greffe du tribunal administratif en date du 10 mars 2017 ;

Vu le mémoire en duplique déposé par le délégué du gouvernement au greffe du tribunal administratif en date du 5 avril 2017 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marina Petkova et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 janvier 2018.

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Monsieur …, désigné ci-après par « Monsieur … », adressa par courrier du 25 janvier 2016, réceptionné le 29 janvier 2016, au ministère du Développement durable et des Infrastructures, département de l’Environnement, une demande tendant à se voir accorder, dans la cadre de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, ci-après désignée par « la loi du 19 janvier 2004 », l’autorisation pour la « reconstruction en bois des murs de l’annexe de la maison d’habitation», sise sur un fonds inscrit au cadastre de la commune du Parc Hosingen, section … (…), sous le numéro ….

1 Par décision du 19 avril 2016, le ministre de l’Environnement, ci-après désigné par « le ministre », refusa de faire droit à cette demande dans les termes suivants :

« […] En réponse à votre requête du 25 janvier 2016 par laquelle vous sollicitez l'autorisation pour la reconstruction d'une annexe en bois sur un fonds inscrit au cadastre de la commune du PARC HOSINGEN: section … (…), sous le numéro …, j'ai le regret de vous informer qu'en vertu de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, je ne saurais réserver une suite favorable au dossier.

En effet, l'article 5 de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles dispose que seules des constructions servant à l'exploitation agricole ou similaire, ou à un but d'utilité publique sont autorisables en zone verte.

Or, les travaux projetés ne s'inscrivent pas dans l'une de ces catégories de construction et ne sont pas autorisables au regard de la législation afférente.

Je tiens à vous rappeler que sans autorisation préalable dans le cadre de la prédite loi modifiée du 19 janvier 2004, aucune construction, incorporée au sol ou non, ne peut être érigée en zone verte. Il en va de même pour la baraque à frites installée actuellement sur le site. Elle ne remplit ni les conditions de l'article 5 ni les conditions de l'article 9 de la prédite loi modifiée du 19 janvier 2004 pour pouvoir être érigée en zone verte. Dès lors, la baraque à frites est à enlever de suite.

Dans le cas contraire, je me verrai dans l'obligation de procéder à une fermeture de chantier pour tout le site avec effet immédiat. […]. ».

Suite au recours gracieux introduit par le litismandataire de Monsieur … en date du 19 juillet 2016 contre la décision ministérielle précitée du 19 avril 2016, le ministre confirma sa décision initiale de refus par un courrier daté du 23 août 2016 libellé comme suit :

« […] En réponse à votre recours gracieux du 19 juillet 2016 par lequel vous sollicitez un réexamen de la décision 85461 du 19 avril 2016 relative à la reconstruction d'une annexe en bois sur un fonds inscrit au cadastre de la commune de PARC HOSINGEN: section … (…) sous le numéro …, j'ai le regret de vous informer qu'en vertu de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, je maintiens ma décision antérieure du 19 avril 2016.

En effet, votre demande ne comporte aucun nouvel élément justifiant une décision autre que celle prise le 19 avril 2016.

Sachez toutefois que je ne m'opposerai pas à la rénovation du bâtiment préservé sur les lieux en respect des articles 5 et 10 de la prédite loi modifiée du 19 janvier 2004. […]. ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 23 novembre 2016, inscrite sous le numéro 38750 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle de refus du 19 avril 2016, précitée, ainsi que de la décision confirmative de refus du 23 août 2016, précitée.

Conformément aux dispositions de l’article 58 de la loi du 19 janvier 2004, un recours au fond est prévu à l’encontre des décisions du ministre ayant l’environnement en ses 2attributions, statuant en vertu de ladite loi, de sorte que le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation.

Le recours principal en réformation est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a, dès lors, pas lieu d’analyser le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours et en fait, le demandeur explique avoir acquis, au mois de juillet 2015, des fonds sis à …, route …, classés en zone verte et dont l’un aurait été composé d’une maison d’habitation ainsi que d’une annexe pour laquelle il se serait vu délivrer, en date du 9 septembre 2015, une autorisation par le bourgmestre de la commune de Parc Hosingen pour des travaux de surélévation de la toiture de 50 cm.

Or, lors du désassemblage de la toiture, l’un des murs de l’annexe en question se serait effondré en raison d’une infiltration d’eau, rendant ainsi la réfection du toit impossible. Par mesure de sécurité, il aurait été obligé d’abattre les autres murs de l’annexe qui auraient également été complètement entachés de moisissure.

En droit, le demandeur fait de prime abord valoir que le ministre aurait fait une interprétation erronée ainsi qu’une mauvaise application des articles 5, alinéa 2, et 10, alinéa 3, de la loi du 19 janvier 2004. Après avoir soutenu que l’annexe, pour laquelle il a sollicité une autorisation, constituerait une construction existante, le demandeur donne à considérer que, conformément à la jurisprudence applicable en la matière ainsi qu’à l’avis du Conseil d’Etat donné à l’occasion du projet de loi n°2463 concernant la protection de l’environnement naturel, le ministre, tenu par des considérations de fait, aurait dû arriver à la conclusion que les travaux projetés tendraient à éviter le pire au niveau des atteintes déjà portées au site concerné et opter, partant, pour une remise en état, voire une transformation de l’ouvrage concerné plutôt que pour un délabrement incontournable par l’effet du temps.

Le demandeur explique plus particulièrement que le mur de la maison d’habitation adjacente à l’annexe ne serait pas étanche et, qu’à défaut de pouvoir reconstruire ladite annexe, dont l’effondrement du mur constituerait, par ailleurs, un cas de force majeure découlant d’un événement imprévu, insurmontable et indépendant de sa volonté, il existerait un grand risque d’infiltration d’eau au niveau des murs de la maison d’habitation susceptible de causer, ainsi, de graves problèmes d’humidité et à compromettre, à long terme, la cohésion et la stabilité de la construction existante.

Le demandeur ajoute que les travaux projetés ne modifieraient ni le volume ni les dimensions de l’annexe préexistante dont il aurait, en outre, besoin pour abriter les machines agricoles utilisées pour l’entretien des 3 hectares de terres entourant la maison d’habitation en question.

Il précise, enfin, qu’il aurait projeté de reconstruire l’annexe en utilisant des matériaux naturels, tels que le bois, afin d’harmoniser, sur un plan esthétique, la reconstruction avec la nature environnante.

Dans son mémoire en réponse, la partie étatique, quant à elle, conclut au rejet du recours sous analyse pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

3Quant aux faits tels qu’exposés par le demandeur, elle souligne de prime abord qu’avant d’avoir acheté le bâtiment litigieux, le demandeur se serait informé auprès du chef adjoint de l’Arrondissement de la Nature et des Forêts Nord sur les possibilités de transformation dudit immeuble, qui l’aurait d’ailleurs rendu attentif au fait qu’aucune transformation extérieure ne serait possible sans autorisation du ministère de l’Environnement. Or, nonobstant cet avertissement, et malgré l’information contenue au point 15 de l’autorisation du bourgmestre du 9 septembre 2015, le demandeur aurait entamé les travaux de surélévation et de réfection de la toiture de l’annexe de la maison sans disposer d’une autorisation ministérielle à cet égard.

Il aurait, en outre, procédé à la démolition de l’annexe suivie d’une mise en place de nouvelles fondations et ce ne serait qu’après l’intervention du chef adjoint, précité, que le demandeur aurait introduit, en date du 25 janvier 2016, une demande d’autorisation pour la « reconstruction en bois des murs de l’annexe de la maison » qui aurait, cependant, été refusée par le ministre, celui-ci s’étant ainsi rallié à l’avis défavorable du chef adjoint du 22 mars 2016.

En droit, quant au moyen basé sur une interprétation erronée ainsi que sur une mauvaise application des articles 5, alinéa 2, et 10, alinéa 3, de la loi du 19 janvier 2004, la partie étatique soulève de prime abord que dans le jugement du 2 juin 20141 cité par le demandeur, le tribunal aurait retenu que dans les cas de figure où une construction existante était entièrement démontée avant la demande d’une nouvelle construction auprès du ministre, tel que cela serait le cas dans le présent litige, il n’y aurait pas de construction existante pouvant faire l’objet d’une rénovation ou d’une remise en état afin d’éviter son délabrement. Selon la partie étatique, il ne saurait, en l’espèce, plus être question d’une construction existante au sens de la loi, de sorte que le risque de délabrement de la bâtisse ne serait plus donné, et ce indépendamment du fait que la nouvelle construction respecterait le gabarit de la bâtisse existante.

La partie étatique énonce encore, à cet égard, que si d’éventuels matériaux de construction de l’annexe, incorporés au sol ou non, étaient restés sur place à la suite de la démolition, ceux-ci seraient à éliminer, sous peine de se voir infliger une amende de 25 à 1.000 euros en application de l’article 42 (2) de la loi du 21 mars 2012 relative à la gestion des déchets.

La partie étatique donne, enfin, à considérer qu’aucune autorisation pour la reconstruction de l’annexe ne serait envisageable en l’espèce, alors que le demandeur resterait en défaut de démontrer en quoi l’affectation de l’annexe concernée rentrerait dans l’une des catégories d’activités limitativement énumérées par l’article 5, alinéa 2, de la loi du 19 janvier 2004. Elle précise, néanmoins, que le ministre ne s’opposerait pas à la rénovation du mur de la maison d’habitation qui longe l’annexe et qui, selon les dires du demandeur, ne serait pas étanche.

Dans sa réplique, le demandeur invoque un arrêt de la Cour administrative du 13 octobre 20162 dans le cadre duquel il aurait été question d’une remise en état de la terrasse d’un chalet situé en zone verte, dont les lattes en bois, pourries par l’effet du temps, auraient été entièrement démontées avant la demande d’une autorisation de reconstruction auprès du ministre compétent. La Cour administrative aurait décidé, à cet égard, après avoir constaté l’existence antérieure de la terrasse et sa reconstruction dans les limites du garde-corps préexistant, que les travaux de construction respectivement de reconstruction seraient à considérer comme des travaux visant la simple remise en état lesquels ne tomberaient pas sous 1 Trib. adm., 2 juin 2014, n° 32791 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.

2 Cour adm., 13 octobre 2016, numéro 37761C du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu. .

4l’interdiction de construction et que rien n’empêcherait partant la régularisation ex post de la situation par une demande d’autorisation, sans avoir à examiner si la nouvelle construction de la terrasse est liée à l’une des activités limitativement énumérées par l’article 5, alinéa 2, de la loi du 19 janvier 2004.

Ainsi, dans la mesure où le ministre ne contesterait pas l’existence antérieure de l’annexe litigieuse, la partie étatique ne saurait valablement nier le risque de délabrement de la bâtisse, mais devrait, au contraire, à l’instar de la jurisprudence du 13 octobre 2016, précitée, autoriser la remise en état de l’annexe indépendamment de l’usage qui en serait préconisé au sens de l’alinéa 2 de l’article 5 concerné.

Le demandeur soulève, enfin, que le refus d’autorisation de remettre en état l’annexe litigieuse lui porterait un préjudice supplémentaire résultant de la perte de valeur considérable de l’immeuble en question.

Finalement, et pour autant que de besoin, le demandeur conteste formellement avoir agi en violation de la loi du 21 mars 2012 relative à la gestion des déchets.

Dans sa duplique, la partie étatique réitère les moyens développés dans son mémoire en réponse en ajoutant, néanmoins, que l’arrêt de la Cour administrative du 13 octobre 2016, précité, ne serait pas applicable au cas d’espèce, alors que les travaux en question dans le cadre de l’affaire soumise à l’analyse de la Cour administrative auraient été des travaux de simple restauration d’une petite envergure et que la base de la construction serait, dans ce cas, restée en place dans son intégralité. Or, tel ne serait pas le cas ici, où il serait, en effet, question d’une nouvelle construction, par ailleurs non autorisable en vertu de la loi du 19 janvier 2004, et non d’une rénovation d’une construction existante.

Par rapport au moyen suivant lequel le demandeur aurait été confronté à un cas de force majeure le mettant dans l’impossibilité de maintenir la bâtisse existante, la partie étatique fait valoir que si l’état prétendument dangereux de l’annexe avait obligé le demandeur à démolir l’intégralité de celle-ci, ce qui ne serait d’ailleurs établi par aucun rapport d’expertise, cette explication ne saurait avoir pour conséquence d’accorder au propriétaire, ayant un droit acquis par rapport à l’immeuble existant sur ce fonds, un droit éternel de construire sur le terrain en cause, puisque cela ouvrirait la porte aux abus les plus graves et irait, par ailleurs, à l’encontre du principe de non-constructibilité dans la zone verte.

En ce qui concerne, enfin, le préjudice supplémentaire résultant, selon le demandeur, d’une perte de valeur considérable de l’immeuble en question, la partie étatique donne à considérer que le demandeur serait malvenu d’invoquer un préjudice alors qu’il aurait lui-

même procédé à la démolition de l’annexe sans, pour le moins, s’informer sur les conséquences de celle-ci.

Le tribunal relève de prime abord que si la décision du 19 avril 2016 prend position tant par rapport à la question de la reconstruction d’une annexe que par rapport à l’installation d’une baraque à frites, le demandeur critique uniquement le refus d’autorisation de la reconstruction de l’annexe, de sorte que le tribunal retient que le recours est limité à ce volet de la décision.

Il est constant en cause que le fonds devant accueillir la construction litigieuse, à savoir la parcelle inscrite au cadastre de la commune du Parc Hosingen sous le numéro …, section …, se trouve classé en zone verte au sens de l’article 5 de la loi du 19 janvier 2004, précitée.

5 Ladite loi du 19 janvier 2004 poursuit, tel qu’indiqué en son article 1er, les objectifs suivants : « la sauvegarde du caractère, de la diversité et de l’intégrité de l’environnement naturel, la protection et la restauration des paysages et des espaces naturels, la protection de la flore et de la faune et de leurs biotopes, le maintien et l’amélioration des équilibres et de la diversité biologiques, la protection des ressources naturelles contre toutes les dégradations et l’amélioration des structures de l’environnement naturel ».

Pour assurer le respect de ces objectifs, le législateur a, à travers l’alinéa 2 de l’article 5 de ladite loi, limitativement énuméré les constructions pouvant être érigées dans la zone verte en prévoyant explicitement la possibilité d’y implanter les seules constructions « servant à l’exploitation agricole, jardinière, maraîchère, sylvicole, viticole, piscicole, apicole ou cynégétique ou à un but d’utilité publique ».

Le tribunal relève encore qu’il découle du libellé même de l’article 5, alinéa 2, de la loi du 19 janvier 2004 que, dans la mesure où seules les constructions y visées sont autorisables en zone verte par le ministre compétent, le texte légal consacre le principe de non-

constructibilité pour ladite zone et rejoint ainsi les objectifs de la loi consistant notamment dans la sauvegarde du caractère, de la diversité et de l’intégrité de l’environnement naturel.

Or, le principe même de la non-constructibilité applicable pour la zone verte appelle comme corollaire une interprétation stricte des exceptions légalement prévues. Ainsi, une construction ne saurait être autorisée que dans la mesure où il est vérifié dans son chef qu’elle sert à suffisance à l’une des activités limitativement énumérées à l’article 5, alinéa 2, précité.

L’article 10, alinéa 3, de la loi du 19 janvier 2004, pour sa part, dispose comme suit :

« Les constructions existantes dans la zone verte ne peuvent être modifiées extérieurement, agrandies ou reconstruites qu’avec l’autorisation du Ministre ».

Si, à première vue, le critère de l’affectation des constructions exprimé à l’alinéa 2 de l’article 5 de la loi du 19 janvier 2004 ne joue que pour la première mise en place de constructions et que, dans le cadre de la reconstruction, de la modification ou de l’agrandissement de constructions existantes, seules des conditions d’aspect extérieur s’imposent, pareille façon de voir se heurterait toutefois de façon flagrante à la ratio legis du fait du caractère impraticable et inéquitable des dispositions sous revue, de nature à donner pleine ouverture à toutes sortes d’abus contraires tant à la volonté du législateur qu’aux principes fondamentaux d’un Etat de droit3.

Force est, dès lors, de retenir, et contrairement à ce qui est soutenu par le demandeur, que la combinaison des dispositions des articles 5, alinéa 2, et 10, alinéa 3, de la loi du 19 janvier 2004 impose qu’également en matière de modifications extérieures, d’agrandissements ou de reconstructions de constructions existantes suivant l’article 10, alinéa 3, précité, l’affectation de l’immeuble concerné doit être conforme à l’article 5, alinéa 2, précité4.

3 Trib. adm., 6 novembre 2017, n° 38135 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.

4 Trib. adm. 23 septembre 2002, n° 12826 du rôle, Pas. adm. 2017, V° Environnement, n° 70 et autres références y citées ; plus récemment : Trib. adm. 18 janvier 2016, n° 35802, confirmé par Cour adm. 21 juin 2016, n° 37592C, Pas. adm. 2017, V° Environnement, n° 78.

6Le demandeur conteste, en l’espèce, que les travaux projetés en relation avec son annexe peuvent être considérés comme rentrant dans le champ d’application de l’article 5, alinéa 2, de la loi du 19 janvier 2004 et ce au motif qu’il s’agirait de simples travaux de restauration voire de remise en état d’une construction existante.

Force est de constater que si une construction existante se trouve dans un mauvais état, son état de délabrement n’étant toutefois pas tel qu’elle doit être considérée comme étant en ruine, les travaux visant sa simple restauration ne peuvent être regardés comme des travaux de construction, respectivement de reconstruction soumis à autorisation ministérielle, mais comme des travaux de remise en état d’une construction existante, lesquels ne tombent pas sous l’interdiction de construction prévue à l’article 5, alinéa 2, de la loi du 19 janvier 20045.

Toutefois, le tribunal est amené à retenir, qu’en l’espèce, les travaux soumis à autorisation dépassent le stade de la simple rénovation et sont à qualifier de travaux de reconstruction, dans la mesure où il est constant en cause que l’ensemble de la construction préexistante a été détruite et est prévue d’être reconstruite, tel que cela ressort d’ailleurs des photographies des lieux versées en la présente cause. Le demandeur n’est, dès lors, pas fondé à argumenter, en se fondant sur l’arrêt précité de la Cour administrative, que les travaux suivant les plans soumis à autorisation puissent être qualifiés de simples travaux de remise en état lui permettant de faire valoir un droit acquis sur l’immeuble construit auparavant. A cet égard, il convient, en effet, de relever que le maintien de droits acquis présuppose la subsistance des éléments essentiels de la construction existante. Or, si, comme en l’espèce, l’ensemble de la construction a été détruit, que ce soit par cas fortuit ou volontairement, le propriétaire de l’immeuble n’est plus fondé à se prévaloir d’un droit acquis et il ne saurait obtenir une autorisation de construire sur le fondement de la loi du 19 janvier 2004 que sous condition que l’usage pour lequel est destinée la construction soit conforme à ceux énumérés à l’article 5, alinéa 2, de la loi du 19 janvier 2004. En effet, tel que relevé ci-avant, l’affectation des constructions en zone verte doit être conforme à l’article 5, alinéa 2, de la loi du 19 janvier 2004, non seulement en présence de constructions nouvelles, mais également, suivant l’article 10, alinéa 3, de la même loi, en cas de modifications extérieures, d’agrandissements ou de reconstructions de constructions existantes.

Il s’ensuit que les travaux envisagés ne sont autorisables que pour autant que l’affectation envisagée est conforme à l’article 5, alinéa 2, de la loi du 19 janvier 2004.

Or, le tribunal se doit de constater, qu’en l’espèce, il ne résulte d’aucune pièce produite en cause ni des explications du demandeur que l’usage de l’annexe soit conforme à l’alinéa 2 de l’article 5 précité, l’avis du 22 mars 2016 du chef adjoint de l’Arrondissement de la Nature et des Forêts précisant pareillement que « la future affectation [de l’annexe] n’est pas définie ».

La seule indication fournie par le demandeur, selon laquelle il aurait besoin de reconstruire l’annexe pour abriter les machines destinées à l’entretien des terrains de 3 hectares entourant le fonds sur lequel se trouve l’immeuble litigieux, est insuffisante pour établir l’existence d’un lien suffisant de l’annexe projetée avec l’une des activités visées à l’alinéa 2 de l’article 5 précité, à défaut par le demandeur de donner la moindre précision quant à la nature ou à l’envergure des activités qu’il entend concrètement exercer au travers de l’annexe litigieuse ni quant aux machines qu’il entend y stocker.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que les moyens, tels que présentés 5 Trib adm. 24 février 2016, confirmé sur ce point par un arrêt de la Cour adm. du 13 octobre 2016, n° 37761C du rôle, Pas. adm. 2017, V° Environnement, n° 81.

7par le demandeur, ne sont pas de nature à énerver le bien-fondé de la décision du ministre, étant relevé qu’il n’est pas démontré à suffisance que l’affectation envisagée de l’annexe aura un lien fonctionnel avec l’une des activités énumérées à l’article 5, alinéa 2 de la loi du 19 janvier 2004. Etant donné que la construction litigieuse n’est pas conforme à l’une des affectations visées à l’article 5 de la loi du 19 janvier 2004 et donc non autorisable en zone verte, il devient partant surabondant d’examiner l’argumentation du demandeur tenant aux matériaux qu’il entend employer pour la construction projetée.

La conclusion qui précède n’est pas ébranlée par l’invocation par le demandeur d’un préjudice supplémentaire résultant, selon lui, d’une perte de valeur considérable de l’ensemble immobilier à défaut de pouvoir reconstruire l’annexe litigieuse, le ministre n’étant, en effet, pas tenu de prendre en compte des considérations financières lorsqu’il vérifie la conformité d’une demande d’autorisation de construire en zone verte par rapport aux dispositions de la loi du 19 janvier 2004.

Pour être tout à fait complet, le tribunal relève que l’argumentation du demandeur fondée sur des considérations de sécurité ou encore sur l’étanchéité de la maison principale est à rejeter comme étant non pertinente en l’espèce. En effet, rien ne s’oppose d’un point de vue légal à procéder aux travaux de réparation nécessaires à l’étanchéité de la maison d’habitation toujours existante, la partie étatique ayant d’ailleurs confirmé que le ministre ne s’opposerait pas à la rénovation du mur posant des problèmes d’étanchéité.

Au vu des considérations qui précèdent et à défaut d’autres moyens, le recours introduit par le demandeur est à rejeter pour ne pas être fondé.

Le demandeur réclame encore l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.000 euros sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridiction administratives, demande qu’il y a lieu de rejeter au vu de l’issue du litige.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours principal en réformation recevable en la forme ;

au fond, le dit non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

rejette la demande en paiement d’une indemnité de procédure telle que formulée par le demandeur ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 mars 2018 par :

Annick Braun, vice-président, Alexandra Castegnaro, premier juge, Alexandra Bochet, attaché de justice, 8 en présence du greffier Michèle Hoffmann.

s. Michèle Hoffmann s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 21/3/2018 Le Greffier du Tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 38750
Date de la décision : 21/03/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2018-03-21;38750 ?

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