La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/03/2018 | LUXEMBOURG | N°37652

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 mars 2018, 37652


Tribunal administratif N° 37652 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 mars 2016 2e chambre Audience publique 15 mars 2018 Recours formé par Monsieur … et consort, … contre une décision du ministre de l’Intérieur, en présence de l’administration communale de Käerjeng, en matière de plan d’aménagement général

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37652 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 mars 2016 par Maître Tom Felgen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M

onsieur … et de son épouse, Madame …, demeurant ensemble à …, tendant à l’annulation de la ...

Tribunal administratif N° 37652 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 mars 2016 2e chambre Audience publique 15 mars 2018 Recours formé par Monsieur … et consort, … contre une décision du ministre de l’Intérieur, en présence de l’administration communale de Käerjeng, en matière de plan d’aménagement général

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37652 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 mars 2016 par Maître Tom Felgen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et de son épouse, Madame …, demeurant ensemble à …, tendant à l’annulation de la décision du ministre de l’Intérieur du 7 décembre 2015 portant approbation de la délibération du conseil communal de Käerjeng du 27 avril 2015 portant adoption du projet d’aménagement général de la commune de Käerjeng, parties graphique et écrite, et ayant déclaré recevable, mais non fondée leur réclamation introduite à l’encontre de cette délibération ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 mai 2016 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 27 juin 2016 par Maître Tom Felgen, pour le compte des demandeurs ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 septembre 2017 ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jean Faltz, en remplacement de Maître Tom Felgen, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Yves Huberty en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 mars 2017, audience à laquelle le tribunal invita les demandeurs à mettre en intervention l’administration communale de Käerjeng ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Laura Geiger, en remplacement de l’huissier de justice Frank Schaal, demeurant à Luxembourg, du 4 avril 2016, portant signification de ce recours à l’administration communale de Käerjeng, établie à L-4901 Bascharage, 24, rue de l’Eau, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;

1 Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 26 avril 2017 par Maître Georges Pierret, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Käerjeng, préqualifiée ;

Vu l’ordonnance du vice-président présidant la deuxième chambre du tribunal administratif du 6 mai 2017 autorisant l’administration communale de Käerjeng à déposer un mémoire, ainsi que les demandeurs et le délégué du gouvernement à déposer chacun un mémoire supplémentaire ;

Vu l’avis du tribunal administratif du 26 mai 2017 invitant les parties à prendre position, dans leurs mémoires à produire en vertu de la susdite ordonnance du 6 mai 2017, quant à la question d’une éventuelle caducité du recours, eu égard aux enseignements se dégageant de l’arrêt de la Cour administrative du 9 juin 2016, portant le numéro 37543C du rôle ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 3 juillet 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges Pierret, pour le compte de l’administration communale de Käerjeng ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Jean Faltz, en remplacement de Maître Tom Felgen, Maître Pierre Medinger, en remplacement de Maître Georges Pierret, et Madame le délégué du gouvernement Christiane Martin en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 8 janvier 2018 ;

Vu l’avis du tribunal administratif du 9 février 2018 prononçant la rupture du délibéré et ordonnant une visite des lieux ;

Vu le résultat de la visite des lieux à laquelle le tribunal administratif a procédé, en présence des parties, le 28 février 2018, à l’issue de laquelle l’affaire a été reprise en délibéré.

Lors de sa séance publique du 24 septembre 2014, le conseil communal de Käerjeng, ci-

après désigné par le « conseil communal », fut saisi par le collège des bourgmestre et échevins de Käerjeng, ci-après désigné par « le collège des bourgmestre et échevins », en vertu de l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, désignée ci-après par « la loi du 19 juillet 2004 », d’un projet d’aménagement général pour la commune de Käerjeng, à l’égard duquel il décida d’« (…) émet[tre] un vote positif (…) de sorte que le collège des bourgmestre et échevins peut procéder aux consultations prévues aux articles 11 et 12 de la loi (…) du 19 juillet 2004 (…) ».

Par courrier du 31 octobre 2014, Monsieur … et son épouse, Madame …, ci-après désignés par « les consorts … », soumirent au collège des bourgmestre et échevins des objections à l’encontre dudit projet d’aménagement général.

Lors de sa séance publique du 27 avril 2015, le conseil communal décida d’approuver :

« ● la partie graphique du projet d’aménagement général, modifiée suivant l’avis de la commission d’aménagement, les avis du Ministre délégué du Développement durable et des 2 infrastructures, matérialisée par 16 pages, numérotés de 1 à 16, document annexé à la présente ainsi que sur base des réclamations, matérialisée par 38 pages, numérotées de 1 à 38, document annexé à la présente matérialisée ;

● la partie écrite du projet d’aménagement général, modifiée suivant l’avis de la commission d’aménagement, les avis du Ministre délégué du Développement durable et des infrastructures, matérialisée par 16 pages, numérotés de 1 à 16, document annexé à la présente ainsi que sur base des réclamations, matérialisée par 38 pages, numérotées de 1 à 38, document annexé à la présente ;

● l’étude préparatoire, subdivisée en 4 sections, à savoir :

- Section 1 : analyse globale de la situation existante — non modifiée - Section 2 : stratégie et développement — non modifiés - Section 3 : mise en œuvre de la stratégie de développement — non modifiée - Section 4 : schéma directeur, modifiée suivant l’avis de la commission d’aménagement, les avis du Ministre délégué du Développement durable et des infrastructures, matérialisée par 16 pages, numérotés de 1 à 16, document annexé à la présente ainsi que sur base des réclamations, matérialisée par 38 pages, numérotées de 1 à 38, document annexé à la présente ;

● le rapport de présentation du projet d’aménagement général non modifié ;

● le rapport sur les incidences environnementales (SUP) non modifié. ».

Par courrier de leur litismandataire de l’époque du 13 mai 2015, les consorts … introduisirent auprès du ministre de l’Intérieur, ci-après désigné par « le ministre », une réclamation à l’encontre de la susdite délibération du conseil communal du 27 avril 2015.

Par décision du 7 décembre 2015, notifiée aux consorts … par courrier daté au 15 décembre 2015 et expédié le 21 décembre 2015, le ministre approuva ladite délibération du conseil communal du 27 avril 2015 portant adoption du plan d’aménagement général et déclara recevables mais non fondées une partie des réclamations introduites à l’encontre de ladite délibération, dont celles des consorts …, tandis que les autres réclamations furent déclarées recevables et partiellement fondées. Ladite décision ministérielle est libellée comme suit :

« (…) Vu la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain ;

Vu la délibération du 27 avril 2015 du conseil communal de Käerjeng portant adoption du projet d’aménagement général, parties écrite et graphique ;

3 Vu l’article 18 de la loi précitée, en vertu duquel le Ministre ayant l’aménagement communal et le développement urbain dans ses attributions statue sur les réclamations lui soumises, en même temps qu’il décide de l’approbation du projet d’aménagement général ;

Vu les réclamations introduites par Maître Jean-Luc Gonner au nom et pour le compte de Monsieur et Madame … et …, par Maître Georges Krieger au nom et pour le compte de Monsieur …, par les consorts …, par Maître Georges Krieger au nom et pour le compte de Monsieur …, par Maître Laurent Niedner au nom et pour le compte de la société …, par Monsieur …, par Maître Georges Krieger au nom et pour le compte de Madame …, par Monsieur …, par Maître Georges Krieger au nom et pour le compte des consorts …, par Maître Arsène Kronshagen au nom et pour le compte de Monsieur et Madame …, par Maître Georges Krieger au nom et pour le compte de Monsieur …, par Monsieur …, par Maître Franca Allegra au nom et pour le compte de Monsieur … et de Madame …, par Maître Georges Krieger au nom et pour le compte de Monsieur …, par les consorts …, par les consorts …, par Maître Georges Krieger au nom et pour le compte de Monsieur et Madame …, par Maître Georges Krieger au nom et pour le compte de Monsieur …, de Madame …, de Monsieur …, ainsi que de Monsieur …, par Madame …, par Maître Georges Krieger au nom et pour le compte de Madame …, par Maître Pierre Goerens au nom et pour le compte de Madame …, par la société …, par Maître Arsène Kronshagen au nom et pour le compte de Madame …, par Madame …, Madame … et Monsieur …, par la société …,, ainsi que par Madame … et consorts ;

Vu l’avis de la Commission d’aménagement des 8 juillet et 7 août 2015 au sujet des réclamations parvenues au ministre de l’Intérieur ;

Vu l’avis du conseil communal de Käerjeng du 8 septembre 2015 au sujet des mêmes réclamations ;

Considérant qu’aucun réclamant ne s’est prévalu du fait qu’il n’a pas été en mesure de présenter ses observations et objections endéans les délais légaux prévus par la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain. Que dès lors aucun grief n’a été porté à la connaissance du Ministre de l’Intérieur, et que par conséquent rien ne s’oppose à l’approbation du projet d’aménagement général, conformément à la jurisprudence des juridictions administratives en la matière (voir à cet égard notamment l’affaire n° 32463C du rôle portée devant la Cour Administrative) ;

Considérant qu’avant de statuer, le Ministre vérifie la conformité du projet d’aménagement général avec les dispositions de la loi précitée et notamment les objectifs énoncés à l’article 2, ainsi qu’avec les plans et programmes déclarés obligatoires en vertu de la loi du 30 juillet 2013 concernant l’aménagement du territoire ou se trouvant à l’état de projet soumis aux communes ;

Considérant que la réclamation émanant de Monsieur et Madame … et tendant à l’abolition de la zone de servitude "urbanisation" type 2 sur la parcelle cadastrale …, sise à …, est non fondée, alors que la servitude litigieuse est parfaitement justifiée en ces endroits, notamment afin d’éviter l’aménagement d’une construction en deuxième position; que la 4 réclamation est d’autant plus non fondée, alors que la rue … n’est à l’heure actuelle pas dotée des infrastructures nécessaires à sa viabilité ;

(…) arrête :

Art. 1er: La délibération du 27 avril 2015 du conseil communal de Käerjeng portant adoption du projet d’aménagement général, parties graphiques et écrite, est approuvée.

Art. 2 : Les réclamations émanant de Maître Jean-Luc Gonner au nom et pour le compte de Monsieur et Madame …, des consorts …, de Maître Georges Krieger au nom et pour le compte de Monsieur …, de Maître Laurent Niedner au nom et pour le compte de la société …, de Monsieur … de Monsieur …, de Maître Georges Krieger au nom et pour le compte des consorts …, de Maître Arsène Kronshagen au nom et pour le compte de Monsieur et Madame …, de Maître Georges Krieger au nom et pour le compte de Monsieur …, de Maître Franca Allegra au nom et pour le compte de Monsieur … et de Madame …, de Maître Georges Krieger au nom et pour le compte de Monsieur …, des consorts …, de Maître Georges Krieger au nom et pour le compte de Monsieur et Madame …, de Maître Georges Krieger au nom et pour le compte de Monsieur …, de Madame …, de Monsieur …, ainsi que de Monsieur …, de Madame …, de Maître Georges Krieger au nom et pour le compte de Madame …, de Maître Pierre Goerens au nom et pour le compte de Madame …, de la société …, de Maître Arsène Kronshagen au nom et pour le compte de Madame …, de Madame …, Madame … et Monsieur …, de la société …, ainsi que de Madame … et consorts, sont recevables en la forme et non fondées.

Art. 3 : Les réclamations émanant de Maître Georges Krieger au nom et pour le compte de Monsieur …, de Maître Georges Krieger au nom et pour le compte de Madame …, de Monsieur … ainsi que des consorts …, sont déclarées recevables en la forme et partiellement fondées. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 10 mars 2016, les consorts … ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle du 7 décembre 2015.

I) Quant à la question de la caducité du recours A l’audience publique du 6 mars 2017, à laquelle l’affaire avait été fixée pour plaidoiries, le tribunal a ordonné la mise en intervention de l’administration communale de Käerjeng, ci-

après désignée par « l’administration communale ».

Suite à cette mise en intervention par exploit d’huissier du 4 avril 2017, le vice-président présidant la deuxième chambre du tribunal administratif a fixé, par ordonnance du 6 mai 2017, un calendrier pour la production d’un mémoire par l’administration communale, ainsi que de mémoires supplémentaires par l’Etat et par les demandeurs.

5 Par avis du 26 mai 2017, le tribunal a invité les parties à prendre position, dans leurs mémoires à produire en vertu de la susdite ordonnance du 6 mai 2017, quant à la question d’une éventuelle caducité du recours, eu égard aux enseignements se dégageant de l’arrêt de la Cour administrative du 9 juin 2016, portant le numéro 37543C du rôle.

Dans son mémoire en réponse, l’administration communale n’a pas pris position quant à la question ainsi soulevée d’office par le tribunal, les autres parties en cause n’ayant pas déposé de mémoires en exécution de ladite ordonnance du 6 mai 2017.

Aux termes de l’article 4 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », « (1) Sous réserve du paragraphe 2, le requérant fait signifier la requête à la partie défenderesse et aux tiers intéressés, à personne ou à domicile, par exploit d’huissier, dont l’original ou la copie certifiée conforme est déposé sans délai au greffe du tribunal. L’affaire n’est portée au rôle qu’après ce dépôt.

(2) Faute par le requérant d’avoir procédé à la signification de son recours à la partie défenderesse dans le mois du dépôt du recours, celui-ci est caduc. ».

Il y a lieu de rappeler que l’exigence de la signification du recours sous peine de caducité à la partie défenderesse dans le mois du dépôt ne vise que la seule signification du recours à la personne juridique au nom de laquelle a été posé l’acte ou la décision critiqué, à l’exclusion des parties tierces intéressées.1 Si la signification de la requête introductive d’instance à la partie défenderesse, c’est-à-dire l’autorité administrative émettrice de la décision litigieuse, doit intervenir, d’après les dispositions de l’article 4 (2) de la loi du 21 juin 1999, au plus tard dans le mois du dépôt du recours sous peine de caducité, aucun délai n’est imposé par le législateur concernant la signification de la requête introductive d’instance aux parties tierces intéressées, laquelle, en vertu des dispositions de l’article 4 (4), peut même être opérée du fait que le tribunal l’ordonne, le cas échéant à un niveau avancé de l’instruction de l’affaire.2 En l’espèce, la décision attaquée constitue la décision ministérielle, précitée, du 7 décembre 2015.

Etant donné que, stricto sensu, la décision déférée émane ainsi de l’Etat, lequel est, par conséquent à qualifier de partie défenderesse, et qu’en vertu de l’article 4 (3) de la loi du 21 juin 1999, le dépôt de la requête au greffe du tribunal administratif vaut signification à l’Etat, le recours n’est a priori pas entaché de caducité.

Or, au regard du susdit arrêt de la Cour administrative du 9 juin 2016, portant le numéro 37543C du rôle, se pose la question de savoir si une administration communale ayant, telle que l’administration communale de Käerjeng, décidé d’adopter un projet d’aménagement général est 1 Trib. adm., 19 décembre 2001, n° 12748 du rôle, Pas. adm. 2017, V° Procédure contentieuse, n° 363 et les autres références y citées.

2 Trib. adm. 5 mai 2003, n° 15435 du rôle, Pas. adm. 2017, V° Procédure contentieuse, n° 363 et l’autre référence y citée.

6 à qualifier de partie défenderesse ou de partie tierce intéressée au regard de la décision tutélaire d’approbation afférente.

En l’espèce, dans la première hypothèse, le recours encourrait la caducité pour ne pas avoir été signifié endéans le délai légal à toutes les parties défenderesses, tandis que dans la seconde hypothèse, le recours ne serait pas caduc.

Dans l’arrêt en question, la Cour administrative était saisie d’un recours dirigé tant contre la décision d’un conseil communal d’adopter un projet d’aménagement général que contre la décision ministérielle d’approbation afférente, dans le cadre duquel la requête introductive d’instance n’avait pas été signifiée endéans le délai légal à l’administration communale en question. En première instance, le tribunal administratif n’avait, de ce fait, retenu la caducité du recours qu’à l’égard de la seule décision du conseil communal, au motif, en substance, que l’administration communale n’était à qualifier de partie défenderesse que par rapport à la décision du conseil communal, tandis qu’elle n’avait que la qualité de partie tierce intéressée par rapport à la décision tutélaire d’approbation, de sorte qu’au regard de cette dernière décision, les demandeurs n’étaient pas obligés de signifier le recours endéans le délai d’un mois à l’administration communale, sous peine de caducité. La Cour administrative a toutefois déclaré le recours caduc dans son double volet. Pour ce faire, elle a retenu ce qui suit : « (…) force est de constater que le recours introductif de la première instance des consorts (…) vise expressément à la fois la délibération du conseil communal de (…) et la décision d’approbation ministérielle afférente.

Les demandeurs initiaux ont donc indubitablement opté pour attaquer conjointement deux actes administratifs pris par deux autorités distinctes, le conseil communal de (…), d’une part, et le ministre, d’autre part, les deux intervenant dans le cadre d’une opération complexe d’élaboration et d’approbation d’une modification du PAG de (…).

Or, sans préjudice quant à la possibilité d’attaquer séparément et de façon détachée l’une ou l’autre des décisions qui sont le produit de pareille opération complexe, les demandeurs initiaux ont ainsi choisi de considérer les deux décisions litigieuses comme constituant un tout et de les attaquer conjointement.

Ce faisant, tant l’Etat que la commune de (…) sont à considérer comme parties défenderesses au regard du libellé de la requête introductive d’instance et ceci au regard de l’ensemble du recours et il ne convient pas de dissocier ce que les demandeurs initiaux ont choisi d’attaquer de façon réunie.

Par ailleurs, il paraît inique de sanctionner une partie a priori défenderesse en raison d’un manquement procédural du demandeur. Or, tel risquerait d’être le cas si l’on admettait une réduction du rôle de l’administration communale, auteur d’une décision de modification du plan d’aménagement général attaquée au fond, à celui d’un simple tiers intéressé, au niveau de la décision tutélaire y relative, dès lors que le rôle d’une partie défenderesse et celui d’une partie tierce intéressée sont foncièrement distincts, impliquant notamment qu’une partie défenderesse puisse apporter des éléments de motivation additionnels, chose que le tiers intéressé n’est en principe pas admis à faire, les appelants entendant d’ailleurs en l’espèce précisément dénier à 7 l’administration communale de (…) le pouvoir de faire état d’éléments de motivation à l’appui de la décision ministérielle. (…) ».

Force est au tribunal de constater qu’aux termes de cet arrêt de la Cour administrative, ce n’est que dans le cas spécifique où le demandeur opte pour attaquer conjointement les décisions d’adoption et d’approbation, prises respectivement par les autorités communales et ministérielle dans le cadre de l’élaboration d’un plan d’aménagement général (« PAG »), et choisit ainsi de les considérer comme un tout que les deux autorités émettrices sont à considérer comme parties défenderesses et que le recours doit être signifié à chacune d’elles, sous peine de caducité, dans le délai d’un mois à compter du dépôt du recours.

Or, en l’espèce, le recours est dirigé exclusivement contre la décision ministérielle d’approbation de la décision du conseil communal de Käerjeng portant adoption du projet d’aménagement général, de sorte que la solution ainsi dégagée par la Cour administrative n’est pas transposable en la cause.

L’administration communale de Käerjeng n’étant pas l’auteur de l’unique décision déférée, elle n’est pas à considérer comme partie défenderesse, mais comme partie tierce intéressée, de sorte que les demandeurs n’étaient pas tenus de lui signifier le recours, sous peine de caducité, dans le délai d’un mois à compter du dépôt de la requête.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours n’est pas caduc.

II) Quant à la compétence Les décisions sur les projets d’aménagement, lesquelles ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des terrains qu’ils concernent et le régime des constructions à y ériger, ont un caractère réglementaire. La décision d’approbation du ministre, intervenue après réclamation de particuliers, comme c’est le cas en l’espèce, participe au caractère réglementaire de l’acte approuvé3, étant entendu que le caractère réglementaire ainsi retenu s’étend également au volet de la décision litigieuse ayant statué sur les réclamations introduites par les demandeurs, intervenue dans le processus général de l’élaboration de l’acte approuvé.

Conformément à l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996, seul un recours en annulation est susceptible d’être introduit contre un acte administratif à caractère réglementaire.

Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en annulation introduit en l’espèce.

III) Quant à la loi applicable Le tribunal précise que la procédure d’adoption d’un PAG est prévue par la loi du 19 juillet 2004. Or, celle-ci a été modifiée à plusieurs reprises et dernièrement (i) par une loi du 28 3 Cour adm., 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 2017, V° Actes réglementaires, n° 48 et les autres références y citées.

8 juillet 2011 entrée en vigueur, en application de son article 45, en date du 1er août 2011, (ii) par la loi du 30 juillet 2013 concernant l’aménagement du territoire, publiée au Mémorial A, n° 160 du 6 septembre 2013, (iii) par la loi du 14 juin 2015 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, publiée au Mémorial A, n° 113 du 17 juin 2015, et (iv) par loi du 3 mars 2017 dite « Omnibus », entrée en vigueur, en application de son article 76, le 1er avril 2017.

Etant donné, d’une part, que le tribunal vient de retenir que seul un recours en annulation a pu être introduit à l’encontre des actes déférés et, d’autre part, que dans le cadre d’un tel recours, le juge administratif est amené à apprécier la légalité de la décision déférée en considération de la situation de droit et de fait ayant prévalu au jour où elle a été prise4, les modifications apportées à la loi du 19 juillet 2004 par ladite loi « Omnibus », adoptée et entrée en vigueur postérieurement à la prise de la décision litigieuse, ne sont pas à prendre en considération en l’espèce.

Selon les dispositions transitoires figurant à l’article 108ter de la loi du 19 juillet 2004, tel que modifié en dernier lieu par la loi précitée du 1er août 2011, « (1) La procédure d’adoption des projets d’aménagement général, dont la refonte complète a été entamée par la saisine de la commission d’aménagement avant le 1er août 2011, peut être continuée et achevée conformément aux dispositions du Titre 3 de la présente loi qui était en vigueur avant le 1er août 2011. ». En l’espèce, il est constant que la décision déférée a trait à l’adoption du PAG de la commune de Käerjeng. Il est encore constant en cause que le conseil communal a émis son vote positif, au sens de l’article 10 de la loi du 19 juillet 2004, en date du 24 septembre 2014, de sorte que la saisine de la commission d’aménagement en application de l’article 11 de la même loi s’est a fortiori opérée après la date butoir du 1er août 2011, fixée par l’article 108ter de la loi du 19 juillet 2004. Il s’ensuit que la version de la loi du 19 juillet 2004 applicable au présent litige est celle résultant des modifications opérées par les lois des 28 juillet 2011, 30 juillet 2013 et 14 juin 2015.

IV) Quant à la recevabilité L’administration communale soutient que le recours en annulation serait irrecevable ratione temporis, au motif qu’il lui aurait été signifié « (…) hors le délai légal de 3 mois (…) », les demandeurs n’ayant pas pris position quant à ce moyen.

A cet égard, le tribunal précise que la recevabilité ratione temporis d’un recours s’apprécie au regard de la date du dépôt de la requête introductive d’instance au greffe du tribunal administratif, laquelle doit se situer endéans le délai de recours contentieux légalement applicable, et non pas au regard de la date de l’éventuelle signification du recours aux parties défenderesse ou tierce intéressée. En effet, si l’article 4 (2), précité, de la loi du 21 juin 1999 impose au demandeur de signifier le recours à la partie défenderesse endéans le délai d’un mois, sous peine de caducité du recours, cette dernière question est étrangère à celle de la recevabilité ratione temporis du recours, étant encore rappelé qu’aucun délai n’est imposé par le législateur 4 Trib. adm., 27 janvier 1997, n° 9724 du rôle, Pas. adm. 2017, V° Recours en annulation, n° 19 et les autres références y citées.

9 concernant la signification de la requête introductive d’instance aux parties tierces intéressées, telles que l’administration communale, cette dernière signification pouvant, en vertu des dispositions de l’article 4 (4) de la loi du 21 juin 1999, même être opérée du fait que le tribunal l’ordonne, le cas échéant à un niveau avancé de l’instruction de l’affaire. C’est précisément ce qui s’est passé en l’espèce, le tribunal ayant, à l’audience publique du 6 mars 2017, à laquelle l’affaire était initialement fixée pour plaidoiries, ordonné la mise en intervention de l’administration communale.

Ainsi, la date de la signification du recours à cette dernière est sans pertinence au regard de la question de la recevabilité ratione temporis du recours. Il s’ensuit que le moyen afférent est à rejeter.

Dans un souci d’exhaustivité, le tribunal précise encore que l’article 16 de la loi du 21 juin 1999 prévoit qu’en matière d’acte réglementaire, « Le délai d’introduction est de trois mois à partir de la publication de l’acte attaqué ou, à défaut de publication, de la notification ou du jour où le requérant en a eu connaissance. ».

Le tribunal relève ensuite que si les dispositions de l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004 ne comportent aucune précision quant aux formes imposées pour la publicité ou la communication des décisions ministérielles d’approbation ou de refus d’approbation de projets d’aménagement, ni d’ailleurs les dispositions de l’article 19 de la même loi, qui ne se réfèrent que de manière générale au « PAG », sans viser concrètement la décision d’approbation du ministre, force est néanmoins de retenir qu’au niveau de l’adoption d’un projet d’aménagement par le conseil communal, il est prévu à l’article 15 que la décision du conseil communal est notifiée par lettre recommandée avec avis de réception aux personnes ayant introduit une réclamation écrite.

Or, dans la mesure où une décision ministérielle, telle que celle litigieuse, est à qualifier d’approbation tutélaire qui confirme ex post la validité de la délibération communale d’adoption d’un PAG et qu’elle se greffe partant sur cette dernière, elle doit suivre le même régime de publicité et de notification que la délibération communale en cause. Partant un réclamant, tel que les consorts …, doit se voir notifier individuellement la décision ministérielle, de sorte qu’une publicité par voie d’affichage est insuffisante pour déclencher utilement le délai de recours à son égard.5 En l’espèce, il est constant que l’envoi recommandé portant notification de la décision déférée aux demandeurs a été expédié le 21 décembre 2015, de sorte que la notification est intervenue au plus tôt à cette dernière date. Il s’ensuit qu’au jour de l’introduction du recours, en l’occurrence le 10 mars 2016, le délai de recours contentieux de trois mois n’avait en tout état de cause pas encore expiré.

Le moyen d’irrecevabilité ratione temporis est partant également à rejeter sous cet angle.

5 Voir par analogie : trib. adm. 20 juin 2007, n° 22160 du rôle, confirmé par Cour adm, 10 avril 2008, n° 23265 du rôle, Pas. adm. 2017, V° Procédure contentieuse, n° 95 ; Voir aussi : trib. adm., 9 octobre 2017, n° 38061 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.

10 Quant à la recevabilité du recours, l’administration communale fait encore plaider que ce dernier serait sans objet, dans la mesure où il serait dirigé contre elle-même, étant donné que la décision du conseil communal du 27 avril 2015 portant adoption du projet d’aménagement général de la commune de Käerjeng ne serait pas entreprise. Le tribunal n’étant saisi que d’un recours en annulation dirigé contre la décision ministérielle du 7 décembre 2015, il n’appartiendrait pas à l’administration communale de fournir les motifs à la base de ladite décision, émanant de son autorité de tutelle, précisément amenée à contrôler la légalité de ses décisions et les motifs gisant à la base de la décision du conseil communal du 27 avril 2015 ne pourraient être contestés par les demandeurs, qui les auraient implicitement admis, faute d’avoir introduit un recours à l’encontre de ladite décision.

Les demandeurs n’ont pas pris position quant à cette argumentation de l’administration communale.

Le tribunal relève que c’est à tort que l’administration communale soutient que le recours serait dirigé contre elle-même et qu’il serait sans objet – et par conséquent irrecevable – dans cette mesure, au motif que seule la décision ministérielle du 7 décembre 2015 serait attaquée par le biais de la requête introductive d’instance.

En effet, le contentieux administratif est un contentieux objectif, consistant en un procès fait non pas à une autorité administrative mais à un acte administratif déterminé. En l’espèce, l’acte administratif faisant l’objet du recours constitue la décision ministérielle du 7 décembre 2015. L’existence et la subsistance de cette décision n’étant pas remises en cause, le recours avait un objet au jour du dépôt de la requête introductive d’instance et l’a conservé jusqu’au jour du présent jugement. Si l’administration communale s’est vu signifier la requête, il en est ainsi parce que le tribunal a ordonné sa mise en intervention, conformément aux dispositions de l’article 4 (4) de la loi du 21 juin 1999. Le moyen d’irrecevabilité tiré d’un défaut d’objet du recours est, par conséquent, à rejeter, étant encore précisé que les questions – soulevées dans ce contexte par l’administration communale – de savoir s’il appartient à celle-ci d’indiquer les motifs gisant à la base de la décision ministérielle litigieuse et si les demandeurs peuvent contester la motivation gisant à la base de la décision du conseil communal du 27 avril 2015, eu égard au fait que cette décision n’est pas déférée au tribunal, ont trait à la motivation de la décision ministérielle attaquée et à la pertinence des moyens invoqués par les demandeurs à l’appui de leur recours, de sorte à concerner, non pas la recevabilité du recours, mais le fond du litige.

L’administration communale soutient encore que le recours serait à déclarer irrecevable « (…) pour défaut d’indication de base légale (…) ». A cet égard, elle fait valoir que sous l’intitulé « Quant à la constructibilité du terrain de la partie requérante », les demandeurs se limiteraient à conclure – de manière erronée – au caractère constructible de leur terrain, sans en tirer une conséquence en droit « (…) ni identifier quelle disposition légale et/ou réglementaire aurait été violée pour venir à [les] priver (…) du prétendu caractère constructible du terrain litigieux (…) ». Sous l’intitulé « Quant à la position du conseil communal », les demandeurs se borneraient à reprocher un manque de logique à l’argumentation des autorités communales, ce qui ne constituerait pas un moyen en droit. De même, sous l’intitulé « Quant à la décision du 11 ministre de l’intérieur », les demandeurs ne feraient état d’aucune « (…) violation légale ou réglementaire (…) ».

Pour autant qu’à travers ce moyen non autrement étayé en droit, par rapport auquel les demandeurs n’ont pas pris position, l’administration communale ait entendu soulever l’irrecevabilité du recours pour libellé obscur, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 1er, alinéa 2 de la loi du 21 juin 1999, la requête introductive d’instance doit contenir notamment l’exposé sommaire des faits et des moyens invoqués, ainsi que l’objet de la demande.

Il appartient au juge administratif d’apprécier in concreto si l’exposé sommaire des faits et des moyens, ensemble les conclusions s’en dégageant, est suffisamment explicite ou non.

L’exception obscuri libelli, qui est d’application en matière de contentieux administratif, sanctionne d’une nullité l’acte y contrevenant, étant entendu que son but est de permettre au défendeur de savoir quelle est la décision critiquée et quels sont les moyens à la base de la demande, afin de lui permettre d’organiser utilement sa défense.6 S’il suffit que cet exposé soit sommaire, la requête introductive d’un recours ne doit cependant pas rester muette sur les moyens à son appui, elle ne doit pas être dépourvue des indications indispensables et elle doit contenir des conclusions. A cet égard, le tribunal précise encore qu’un recours n’est pas ipso facto irrecevable s’il n’indique pas expressément la disposition légale ou réglementaire visée, pour autant que son objet et les moyens à son appui ressortent à suffisance de l’argumentation développée.7 En tout état de cause, aux termes de l’article 29 de la loi du 21 juin 1999, l’inobservation des règles de procédure n’entraîne l’irrecevabilité de la demande que si elle a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense.

Force est au tribunal de constater qu’en l’espèce, indépendamment de la question de savoir si les demandeurs aient expressément indiqué des dispositions normatives qui auraient été violées, la requête introductive d’instance contient l’indication de l’objet de la demande, à savoir l’annulation de la décision ministérielle du 7 décembre 2015, un exposé sommaire des faits, ainsi qu’un exposé des moyens invoqués à l’appui du recours. Sur ce dernier point, le tribunal relève que les demandeurs soutiennent, en substance, que ce serait à tort que les autorités communales et de tutelle ont décidé de classer la partie arrière de leur parcelle portant le numéro cadastral … en « zone de servitude « urbanisation » type 2 – espace libre et loisirs », les consorts … remettant en cause le bien-fondé de la motivation gisant à la base de ce classement, telle que ressortant, notamment, d’un document intitulé « Liste des objections/réclamations reçues dans le cadre de la procédure du PAG avec prise de position du conseil communal et modifications apportées au dossier », versé en cause, ainsi que de la décision ministérielle déférée du 7 décembre 2015.

Le tribunal retient qu’au regard de l’ensemble des développements figurant dans la requête introductive d’instance, le degré de précision de cet exposé des moyens est suffisant pour permettre aux parties défenderesse et tierce intéressée de prendre position au fond – ce qu’elles 6 Trib. adm. 30 avril 2003, n° 15482 du rôle, Pas. adm. 2017, V° Procédure contentieuse, n° 430 et les autres références y citées.

7 En ce sens : trib. adm. 26 janvier 2006, n° 20616 du rôle, Pas. adm. 2017, V° Procédure contentieuse, n° 408.

12 ont d’ailleurs fait – et, partant, d’organiser utilement leur défense. Les conditions d’application de l’exception obscuri libelli, telles qu’exposées ci-avant, n’étant ainsi pas remplies en l’espèce, le moyen afférent est à rejeter.

A défaut d’autres moyens d’irrecevabilité, le tribunal retient que le recours est à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

V) Quant au fond A l’appui de leur recours, après avoir exposé les faits et rétroactes gisant à la base de la décision déférée et après avoir souligné que leur terrain aurait été constructible dans le passé – étant donné que suivant acte notarié du 17 janvier 1996, ils auraient acquis ce terrain en tant que terrain à bâtir divisé en deux lots, désignés respectivement « lot 1 (a) » et « lot 1 (b) », et que le projet de lotissement concernant le terrain en question aurait fait l’objet d’une approbation ministérielle en date du 1er juillet 1994 – et serait toujours constructible à l’heure actuelle – étant donné que le « plan d’aménagement particulier « quartier existant » de la commune de Käerjeng – type 2 – localités de Bascharage, Hautcharage, Linger, Clémency et Fingig – zones résidentielles », approuvé par le ministre en date du 7 décembre 2015, y autoriserait des constructions isolées et jumelées –, les demandeurs font plaider, en substance, que ce serait à tort que les autorités communales et de tutelle ont décidé de classer la partie arrière de ladite parcelle en « zone de servitude « urbanisation » type 2 – espace libre et loisirs ».

A cet égard, ils critiquent en premier lieu la motivation fournie par les autorités communales en guise de prise de position par rapport à leurs objections formulées à l’encontre du projet d’aménagement général, telle qu’elle se dégage du susdit document intitulé « Liste des objections/réclamations reçues dans le cadre de la procédure du PAG avec prise de position du conseil communal et modifications apportées au dossier ». Ils font valoir que contrairement à l’argumentation des autorités communales, la partie arrière de leur terrain, classé en « zone HAB 1 », aurait été constructible selon le « PAP QE » s’y appliquant, lequel se serait limité à soumettre les constructions à certaines conditions ayant trait, notamment, à l’alignement avec la voirie ou à la distance à observer par rapport aux autres constructions. En classant la partie arrière dudit terrain en « zone de servitude « urbanisation » type 2 – espace libre et loisirs », les autorités communales les auraient « (…) privé[s] de [leur] possibilité de pouvoir, le temps venu, remplir ces conditions afin de construire sur l’arrière de [leur] terrain (…) ». S’agissant de l’argumentation des autorités communales, selon laquelle une extension du périmètre d’agglomération à l’endroit en question engendrerait une extension de l’autre côté du chemin rural longeant la parcelle des demandeurs, ces derniers font valoir qu’il ne saurait y avoir d’extension du périmètre d’agglomération au niveau de leur parcelle, étant donné que celle-ci se serait déjà trouvée à l’intérieur dudit périmètre sous l’empire de l’ancien PAG. Par ailleurs, le risque d’extension de l’urbanisation de l’autre côté du chemin rural longeant leur parcelle serait purement hypothétique et si les autorités communales souhaitaient éviter une telle extension, il leur aurait appartenu de grever, non pas leur parcelle, mais les fonds situés de l’autre côté de ce chemin rural d’une servitude d’urbanisation. En outre, l’argumentation des autorités communales serait illogique, étant donné que si la partie arrière de leur terrain n’était de toute façon pas constructible, il n’aurait pas été nécessaire de la classer en « zone de servitude « urbanisation » type 2 – espace libre et loisirs ».

13 Quant à la motivation fournie par le ministre dans sa décision du 7 décembre 2015, les demandeurs soutiennent que ce dernier serait resté en défaut de préciser pour quelle raison il y aurait lieu d’éviter une construction en deuxième position, de sorte que la décision déférée devrait encourir l’annulation pour défaut de motivation.

Pour le cas où le tribunal devrait estimer que la motivation de la décision litigieuse serait suffisante, les demandeurs font valoir que la servitude litigieuse ne serait nullement justifiée, et ce au regard, notamment, de la situation de leur terrain par rapport à celle des autres parcelles se trouvant dans le même lotissement. En effet, la parcelle avoisinante, portant le numéro cadastral …, serait située à la même hauteur que la partie de leur terrain classée en « zone de servitude « urbanisation » type 2 – espace libre et loisirs ». Par ailleurs, la parcelle portant le numéro cadastral … « (…) permet[trait] la construction d’une implantation qui elle aussi sera[it] sur le même alignement que la servitude imposée sur [leur] terrain (…) ». Ainsi, la servitude urbanistique litigieuse ne s’intégrerait pas dans la logique d’urbanisation des terrains avoisinants, de sorte que la décision déférée devrait encourir l’annulation.

Les demandeurs réfutent ensuite l’argumentation du ministre ayant trait à un manque de viabilisation de la rue …, en donnant à considérer qu’une construction serait implantée sur la parcelle portant le numéro cadastral …, située de l’autre côté du chemin rural longeant leur parcelle au côté Est, et que cette construction aurait nécessairement eu besoin d’infrastructures.

De ce fait, ils déclarent contester que la rue … ne serait pas dotée des infrastructures nécessaires.

Même si la rue … devait être considérée comme étant insuffisamment viabilisée, une éventuelle construction sur la partie arrière de leur parcelle pourrait être raccordée à l’infrastructure de la rue …. A cette fin, il suffirait que les demandeurs accorderaient une servitude souterraine à la nouvelle construction implantée sur la partie arrière de leur parcelle.

Par ailleurs, les demandeurs donnent à considérer que la servitude litigieuse ne s’intégrerait pas dans la « (…) nouvelle politique gouvernementale (…) », qui tendrait à intégrer dans le périmètre d’agglomération les terrains situés en deuxième position ou les parcelles enclavées, afin d’éviter une « (…) consommation exagérée de terrains (…) ».

Tant le délégué du gouvernement que l’administration communale concluent au rejet du recours, en réfutant les contestations des demandeurs quant au bien-fondé de la décision des autorités communales et de tutelle de classer la partie arrière de leur terrain en « zone de servitude « urbanisation » type 2 – espace libre et loisirs ».

Le délégué du gouvernement fait valoir que ce serait à tort que les demandeurs soutiendraient que la partie arrière de leur terrain aurait été constructible dans le passé. A cet égard, il donne à considérer que le terrain litigieux aurait été couvert par un plan d’aménagement particulier (« PAP ») ayant fait l’objet d’une approbation ministérielle en date du 1er juillet 1994.

Ce PAP aurait prévu une seule surface d’emprise au sol constructible – encore appelée « Überbaubare Grundstücksfläche » ou « Baufenster » dans le jargon urbanistique et représentée par un liséré rouge pointillé – pour l’entièreté du terrain, qui serait, certes, d’une superficie considérable, alors qu’il comprendrait, notamment, un jardin d’agrément. A cet égard, le 14 représentant étatique se prévaut de la partie graphique de ce PAP pour soutenir que la partie arrière du terrain des demandeurs n’aurait jamais constitué un terrain constructible. En effet, même à l’époque où ce PAP aurait été en vigueur, une construction sur cette partie du terrain des consorts … n’aurait pas été admissible, étant donné qu’elle se serait trouvée en dehors de la surface d’emprise au sol constructible, définie par le PAP en question.

Quant au bien-fondé de la servitude urbanistique litigieuse, le délégué du gouvernement fait valoir que si la construction d’une maison d’habitation en deuxième position n’est pas répréhensible en soi, elle serait inopportune en l’espèce, étant donné qu’elle emporterait toute une série de désagréments et de conséquences non souhaitables. En effet, une telle construction entraînerait nécessairement d’importants coûts de viabilisation, étant donné que le chemin rural longeant la propriété des demandeurs sur le côté Est devrait être entièrement réaménagé, ce qui aurait pour conséquence la création d’une surface scellée considérable pour une seule maison d’habitation, situation qu’il conviendrait d’éviter. Par ailleurs, l’admissibilité d’une construction en deuxième ligne impliquerait d’importants désagréments pour les services communaux d’évacuation des déchets ménagers, ainsi que pour les services postaux. En outre, l’accessibilité pour les services de secours ne serait pas garantie à suffisance. A cela s’ajouterait qu’une construction en deuxième position entraînerait des nuisances et des incommodités considérables pour les habitants des maisons avoisinantes, alors que l’implantation et l’orientation de celles-ci auraient été conçues dans l’hypothèse où la partie arrière de la parcelle litigieuse resterait vierge de toute construction destinée au séjour prolongé de personnes. S’il est vrai que la rue … desservirait le quartier avoisinant, force serait néanmoins de constater qu’actuellement, un simple chemin rural longerait la propriété des demandeurs, de sorte qu’il n’y aurait pas de véritable viabilisation caractérisée par la présence des infrastructures nécessaires.

Le représentant étatique souligne encore qu’en matière d’urbanisme, une commune bénéficierait d’un droit d’appréciation très étendu, en vertu du principe de l’autonomie communale consacré par l’article 107 de la Constitution. En tant qu’autorité de tutelle, le ministre devrait se limiter à veiller à ce que les décisions des autorités communales ne violeraient aucune règle de droit et ne se heurteraient pas à l’intérêt général, étant donné que la tutelle n’autoriserait pas l’autorité supérieure à s’immiscer dans la gestion du service décentralisé et à substituer sa propre décision à celle des agents du service. Or, en l’espèce, le ministre aurait constaté que le reclassement litigieux ne contreviendrait pas à l’intérêt général et ne violerait aucune règle de droit.

En se référant aux objectifs de l’aménagement communal, tels qu’inscrits à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, ainsi qu’à un jugement du tribunal administratif du 6 novembre 2014, portant le numéro 33387 du rôle, l’administration communale soutient qu’elle aurait fait le choix politique de prévoir une profondeur de 35 mètres pour la zone constructible longeant les rues, dans un souci d’harmonisation « (…) des différentes situations (…) », ce qui n’aurait eu aucun impact sur la valeur des terrains concernés, étant donné que les constructions en deuxième position n’auraient pas été autorisées sous l’empire de l’ancien PAG et que la profondeur des constructions aurait été limitée à 15 mètres. Il aurait été décidé de ne pas réduire la zone constructible située le long des voies de circulation, mais de couvrir la « différence » par rapport au périmètre d’agglomération en vigueur d’une servitude « urbanisation » type 2 – espace libre et loisir, afin que les propriétaires concernés n’aient pas besoin d’une autorisation de la commune 15 pour la construction, par exemple, d’un abri de jardin. La servitude litigieuse aurait pour but de limiter la constructibilité de zones destinées à être urbanisées, en interdisant les constructions principales, et en autorisant des constructions non destinées au séjour prolongé de personnes et de faible envergure. Outre l’interdiction de l’aménagement de constructions en seconde position, il serait manifeste que l’implantation, sur la partie arrière du terrain des demandeurs, d’une construction ne permettrait pas d’agrandir harmonieusement le tissu urbain existant, mais conduirait à un développement désordonné de la localité. Ainsi, le choix de prévoir une zone constructible d’une profondeur uniforme de 35 mètres et de couvrir d’une servitude « urbanisation » type 2 – espace libre et loisir les parcelles ou les parties de parcelles situées au-

delà de cette limite de 35 mètres ne serait pas à considérer comme étant arbitraire, mais se justifierait par des arguments vérifiés dans leur matérialité, tirés d’une saine urbanisation et tendant à une finalité d’intérêt général, à savoir la qualité de vie des administrés et un développement harmonieux de la commune de Käerjeng. En conclusion, l’administration communale soutient que les demandeurs verraient leur situation de propriétaire améliorée à travers le nouveau PAG.

Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs insistent sur le fait que la partie arrière de leur terrain aurait été constructible dans le passé, en soulignant que le caractère constructible de cette partie de leur terrain, qui aurait déterminé leur choix d’acquérir le terrain en question, leur aurait été confirmée à l’époque par le technicien de la commune de Käerjeng, lequel aurait même confirmé qu’une éventuelle construction érigée sur la partie litigieuse de ladite parcelle ne serait pas à qualifier de construction en deuxième position, compte tenu de la présence d’un accès direct via la rue …. Dans cette optique, ils auraient aussi acquis « (…) la pointe (…) » de la parcelle portant le numéro cadastral …, également classée en « zone de servitude « urbanisation » type 2 – espace libre et loisirs ».

Les consorts … réfutent l’argumentation du délégué du gouvernement basée sur le PAP de 1994, en soulignant que la partie étatique serait restée en défaut d’en verser les parties graphique et écrite. Même si ce PAP avait prévu une « (…) zone constructible restreinte (…) » sur leur terrain, cela ne les aurait pas empêchés d’introduire une demande d’autorisation de construire sur base d’un PAP modifié, possibilité dont ils se verraient dorénavant privés, à cause de la servitude d’urbanisation litigieuse. Les demandeurs en déduisent qu’en tout état de cause, une construction implantée sur la partie arrière de leur terrain aurait été autorisable sous l’empire de l’ancien PAG de la commune de Käerjeng.

Ils donnent encore à considérer que le « plan d’aménagement particulier « quartier existant » de la commune de Käerjeng – type 2 – localités de Bascharage, Hautcharage, Linger, Clémency et Fingig – zones résidentielles » ne prévoirait plus cette « (…) zone constructible restreinte (…) », mais se bornerait à fixer des règles relatives à l’alignement de constructions, qu’une construction implantée sur la partie arrière de leur terrain pourrait parfaitement respecter, de sorte qu’ils pourraient introduire une demande d’autorisation de construire sur base de ce PAP.

Dans ce contexte, les demandeurs concluent à l’existence d’une contradiction entre ledit PAP et le nouveau PAG de la commune de Käerjeng, en faisant valoir que si ce dernier prohibe, par l’instauration de la servitude d’urbanisme litigieuse, les constructions destinées au séjour 16 prolongé de personne sur la partie arrière de leur terrain, le PAP en question ne soumettrait pas cette partie de terrain à une interdiction générale de construire, mais y autoriserait expressément des constructions aux fins d’habitation, sous réserve du respect des règles qu’il édicterait. A cet égard, ils se prévalent d’un jugement du tribunal administratif du 3 mai 1999, portant les numéros 10826 et 11013 du rôle, confirmé par un arrêt de la Cour administrative du 9 novembre 1999, portant le numéro 11352C du rôle, aux termes duquel, en cas de contradiction entre les dispositions du PAG et celles d’un PAP, celles du PAP devraient s’appliquer dans la zone couverte par ce plan, par dérogation à celles du PAG, pour en déduire que le classement litigieux de la partie arrière de leur terrain « (…) n’a[urait] pas de raison d’être (…) ».

Les consorts … insistent encore sur le fait qu’une construction implantée sur la partie arrière de leur terrain ne serait pas à qualifier de construction en deuxième position, étant donné qu’elle bénéficierait d’un accès direct via la rue …, laquelle serait d’ores et déjà dotée des infrastructures nécessaires et ce au moins jusqu’à la hauteur de la parcelle portant le numéro cadastral …, sur laquelle serait érigée une construction ayant certainement nécessité la viabilisation de ladite rue.

En l’absence d’éléments probants en ce sens, tels que des prises de position des services concernés ou des études réalisées sur ce point, la partie étatique ne saurait valablement se prévaloir d’éventuels désagréments causés par une construction à l’endroit litigieux pour les services communaux d’évacuation des déchets ménagers, pour les services postaux ou pour les services de secours.

Les demandeurs ajoutent que les nuisances et incommodités causées aux voisins du fait de l’implantation d’une construction sur la partie arrière de leur terrain seraient non seulement non pertinentes mais encore hypothétiques. A cet égard, ils font valoir qu’afin d’être autorisable, toute construction devrait être conforme au règlement sur les bâtisses, lequel contiendrait des règles destinées à limiter ces nuisances et incommodités. Par ailleurs, leurs voisins auraient la possibilité de se prévaloir de telles nuisances et incommodités dans le cadre de la procédure de délivrance d’une autorisation de construire, de sorte qu’il n’appartiendrait pas à la partie étatique de défendre d’ores et déjà les intérêts dont leurs voisins pourraient se prévaloir dans un litige inexistant et hypothétique, conformément à la maxime « nul ne plaide par procureur ». Dans ce contexte, les demandeurs soulignent que la parcelle …, adjacente à la partie de leur terrain classée en « zone de servitude « urbanisation » type 2 – espace libre et loisirs », ne serait pas construite à l’heure actuelle.

Les demandeurs se plaignent de ce que l’instauration de la servitude litigieuse les priverait de la possibilité de proposer des solutions aux problèmes énoncées par la partie étatique et concluent que la commune devrait, le cas échéant, se prévaloir de ces difficultés dans le cadre d’une demande d’autorisation de construire, au lieu de les invoquer à titre de justification du classement litigieux de la partie arrière de leur terrain.

Après avoir souligné qu’en vertu de l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004, il appartiendrait au ministre de vérifier la conformité du projet d’aménagement général, notamment, avec les objectifs prévus à l’article 2 de la même loi, les demandeurs font plaider que le classement de la partie arrière de leur terrain en « zone de servitude « urbanisation » type 17 2 – espace libre et loisirs » méconnaîtrait les objectifs d’une utilisation rationnelle du sol et de l’espace et d’un développement harmonieux des structures urbaines énoncés par ledit article 2. À cet égard, ils expliquent que cette partie de terrain aurait fait partie intégrante d’un lotissement, respectivement aurait été destinée à s’intégrer dans un projet de lotissement harmonieux, alors que l’instauration de la servitude urbanistique litigieuse créerait un vide à l’endroit concerné. Or, à l’heure actuelle, la politique gouvernementale irait dans le sens que des terrains formant une telle « Baulücke » devraient être construits, afin de faire face à la pénurie de logements régnant au Luxembourg. Les autorités communales n’ayant ainsi pas respecté les objectifs énoncés par la loi du 19 juillet 2004, ce serait à tort que le ministre n’aurait pas fait droit à leur réclamation.

Les demandeurs soulignent encore que l’argumentation de la partie étatique serait illogique, étant donné que celle-ci tenterait de justifier l’instauration de la servitude litigieuse par la considération selon laquelle l’implantation d’une construction sur la partie arrière de leur terrain serait impossible, alors que le classement en « zone de servitude « urbanisation » type 2 – espace libre et loisirs » permettrait la réalisation de certaines constructions, telles que des installations de sport, des toilettes publiques, des kiosques, des infrastructures techniques, ainsi que des aménagements sociaux, cultuels et culturels.

S’agissant de la légalité externe de la décision déférée et, plus particulièrement, du moyen tiré d’une insuffisance de motivation, le tribunal relève que tout acte administratif doit reposer sur un motif dont le juge administratif vérifie tant l’existence que la légalité. Cette exigence découle du fait que le juge administratif a l’obligation de vérifier si les autorités administratives compétentes n’ont pas violé la loi, commis un excès de pouvoir ou un détournement de pouvoir.

Cette obligation de motivation existe également pour les actes à caractère réglementaire qui, quoique discrétionnaires, doivent être pris dans l’intérêt général, de sorte qu’il importe que les autorités administratives compétentes fassent connaître le ou les motifs qui les ont guidées dans leur décision.8 Force est au tribunal de constater que dans sa décision du 7 décembre 2015, le ministre a indiqué les motifs pour lesquels il a choisi de ne pas faire droit à la réclamation des consorts … visant le classement de la partie arrière de leur terrain en « zone de servitude « urbanisation » type 2 – espace libre et loisirs », à savoir les considérations selon lesquelles la servitude urbanistique permettrait d’éviter l’aménagement d’une construction en deuxième position et la rue … ne serait à l’heure actuelle pas dotée des infrastructures nécessaires à sa viabilisation, cette motivation ayant été complétée en cours d’instance par le délégué du gouvernement, lequel a, notamment, fourni les raisons pour lesquelles la partie étatique estime qu’une construction en deuxième position serait inopportune, point critiqué spécifiquement par les demandeurs dans le cadre du moyen sous examen. La motivation ainsi fournie étant suffisante pour permettre à la partie demanderesse de défendre ses intérêts en connaissance de cause dans le cadre du présent recours en annulation et, corrélativement, pour permettre au tribunal d’exercer son contrôle de légalité, le moyen sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.

Quant à la légalité interne de la décision déférée, le tribunal rappelle que le recours est exclusivement dirigé contre la décision du ministre du 7 décembre 2015 portant approbation de 8 Trib. adm., 9 juin 2004, n° 11415a du rôle, Pas. adm. 2017, V° Actes règlementaires, n° 28 et les autres références y citées.

18 la délibération du conseil communal du 27 avril 2015 portant adoption du projet d’aménagement général de la commune de Käerjeng.

A cet égard, le tribunal précise que l’intervention du ministre dans le cadre du processus d’élaboration d’un PAG est régie par l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004, aux termes duquel « Le ministre statue sur les réclamations dans les trois mois qui suivent le délai prévu à l’article 16 alinéa 1, respectivement dans les trois mois suivant la réception des avis de la commission d’aménagement et du conseil communal prévus à l’article qui précède, en même temps qu’il décide de l’approbation définitive du projet d’aménagement général, qui prend dès lors la désignation de plan d’aménagement général.

Avant de statuer, le ministre vérifie la conformité et la compatibilité du projet de plan d’aménagement général avec les dispositions de la loi, et notamment les objectifs énoncés à l’article 2, avec ses règlements d’exécution ainsi qu’avec les plans et programmes déclarés obligatoires en vertu de la loi précitée du 30 juillet 2013 ou se trouvant à l’état de projet soumis à l’avis des communes. ».

Il ressort de la jurisprudence de la Cour administrative que le ministre, en statuant dans le cadre de l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004, revêt deux compétences. D’une part, il est appelé à toiser les réclamations portées devant lui dans le cadre du processus visant à résoudre autant que possible les doléances des administrés dont la participation est censée être garantie à travers la procédure de collaboration et de participation et à vider ces réclamations par rapport auxquelles il statue suivant un recours administratif en réformation. Il revêt à ce sujet un pouvoir de tutelle spéciale qui lui permet de substituer à la décision communale contrôlée une décision nouvelle. D’un autre côté, en tant qu’autorité tutélaire statuant dans le cadre de ses attributions prévues par l’article 107 de la Constitution et dans le respect des exigences découlant de la Charte d’autonomie locale, le ministre est appelé à contrôler, suivant le mécanisme de la tutelle d’approbation, la légalité de la procédure et de la démarche des autorités communales dans le cadre de l’adoption du projet d’aménagement général appelé à devenir le PAG. Ces deux compétences ne sont pas inconciliables, mais complémentaires. Même si elles s’expriment à travers un seul et même document, elles ne sont pas simultanées. Compte tenu de la systématique régissant ces deux compétences de nature différente, le ministre est nécessairement d’abord appelé à toiser les réclamations. Compte tenu de l’état de la délibération communale portant adoption de la réglementation communale d’urbanisme et du résultat de la décision ministérielle sur les réclamations, le ministre, en tant qu’autorité de tutelle est, dans un deuxième stade, amené soit à approuver dans sa globalité la délibération communale d’adoption définitive du projet d’aménagement communal, le cas échéant amendé suite aux réclamations accueillies par le ministre, soit à le désapprouver dans sa globalité.9 Il se dégage encore de la jurisprudence de la Cour administrative que le contrôle ministériel dans le système d’aplanissement des difficultés s’exerce par rapport aux réclamations subsistantes correspondant en principe nécessairement à des objections déjà portées antérieurement devant le conseil communal pour lesquelles leurs auteurs ont tout au plus trouvé une satisfaction partielle. Dans ce cas, la loi permet précisément aux auteurs d’objections non satisfaits de porter devant le gouvernement, en la personne du ministre de l’Intérieur, une 9 Cour adm., 6 février 2014, n° 33257C du rôle, Pas. adm. 2017, V° Tutelle administrative, n° 28.

19 réclamation dirigée contre la délibération communale portant adoption définitive du projet d’aménagement communal qui, par hypothèse, n’a pas du tout ou pas entièrement tenu compte de l’objection antérieure dudit réclamant. En statuant à nouveau sur la même problématique, le ministre est dès lors appelé à siéger en lieu et place du conseil communal pour juger du bien-

fondé de l’ancienne objection devenue réclamation, non retenue par hypothèse par le conseil communal, du moins pas entièrement. Le système ainsi instauré comporte nécessairement que le ministre, en statuant sur la réclamation, prenne sa décision en tenant compte de la logique intrinsèque du plan, de la différenciation des optiques urbanistiques épousée par la commune, de la systématique des options opérées et de la cohérence surtout du système global instauré. La réclamation portée devant le ministre correspond dès lors à un dernier échelon précontentieux d’un recours administratif prévu par la loi. L’intervention du ministre elle-même se trouve à nouveau soumise au contrôle juridictionnel à travers le recours contentieux prévu, à charge d’appel, devant les juridictions administratives.10 Le tribunal relève ensuite que les autorités communales, lorsqu’elles initient des modifications de leurs plans d’aménagement, doivent être mues par des considérations légales d’ordre urbanistique ayant trait à l’aménagement des agglomérations et d’ordre politique tirées de l’organisation de la vie en commun sur le territoire donné, tendant les unes et les autres à une finalité d’intérêt général, de sorte que dans ce contexte, lesdites autorités doivent veiller tant à la conservation de l’esthétique urbaine qu’au développement rationnel des agglomérations. Quant aux objectifs devant guider les autorités communales, lorsqu’elles initient des modifications de leurs plans d’aménagement, il y a lieu de se référer à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, aux termes duquel « Les communes ont pour mission de garantir le respect de l’intérêt général en assurant à la population de la commune des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de toutes les parties du territoire communal par:

(a) une utilisation rationnelle du sol et de l’espace tant urbain que rural en garantissant la complémentarité entre les objectifs économiques, écologiques et sociaux;

(b) un développement harmonieux des structures urbaines et rurales, y compris les réseaux de communication et d’approvisionnement compte tenu des spécificités respectives de ces structures, et en exécution des objectifs de l’aménagement général du territoire;

(c) une utilisation rationnelle de l’énergie, des économies d’énergie et une utilisation des énergies renouvelables;

(d) le développement, dans le cadre des structures urbaines et rurales, d’une mixité et d’une densification permettant d’améliorer à la fois la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique des localités;

(e) le respect du patrimoine culturel et un niveau élevé de protection de l’environnement naturel et du paysage lors de la poursuite des objectifs définis ci-dessus;

(f) la garantie de la sécurité, la salubrité et l’hygiène publiques. ».

Ces mêmes principes doivent nécessairement guider le ministre lorsqu’il exerce les compétences lui dévolues à travers l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004, ledit article 18 chargeant expressément le ministre de la mission de vérifier la conformité et la compatibilité du projet de plan d’aménagement général avec les dispositions de la loi, et notamment les objectifs énoncés à l’article 2.

10 Cour adm. 6 février 2014, n° 33257C du rôle, Pas. adm. 2017, V° Tutelle administrative, n° 29 et les autres références y citées.

20 C’est dès lors par rapport aux mêmes principes que le tribunal est amené à apprécier le bien-fondé de la décision déférée, étant encore précisé, dans ce contexte, que la mission du juge de la légalité conférée au tribunal à travers l’article 7 de la loi précitée du 7 novembre 1996 exclut le contrôle des considérations d’opportunité et notamment d’ordre politique, à la base de l’acte administratif attaqué et inclut la vérification, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, de ce que les faits et considérations sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute. Dès lors, le tribunal est amené à analyser si la mesure prise est proportionnelle par rapport aux faits dont l’existence est vérifiée, une erreur d’appréciation étant susceptible d’être sanctionnée dans la mesure où elle est manifeste, au cas notamment où une flagrante disproportion des moyens laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par l’autorité qui a pris la décision, voire un détournement du même pouvoir par cette autorité11.

Le tribunal constate qu’il est constant en cause que la partie arrière du terrain des demandeurs a été classée en « zone d’habitation 1 », superposée d’une « zone de servitude « urbanisation » type 2 – espace libre et loisirs ».

Quant au régime juridique découlant de ce classement en « zone de servitude « urbanisation » type 2 – espace libre et loisirs », contesté par les demandeurs, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 19, point 2. de la partie écrite du PAG, ces zones « (…) sont destinées à assurer l’existence d’espaces libres à l’intérieur de quartiers existants. Des constructions destinées au séjour prolongé de personnes, y compris des logements de service, n’y sont pas admises. Y sont admis des installations de sports et de loisirs destinées à la collectivité, des espaces aménagés et des aménagements extérieurs tels que notamment chemins (scellés ou non), terrassements et espaces libres consolidés, des abris, des toilettes publiques, des kiosques, des infrastructures techniques, des aménagements sociaux, cultuels et culturels, à condition que ces installations, aménagements et constructions soient de petite envergure et que les espaces libres prédominent ».

Ainsi, le classement litigieux a pour effet, notamment, l’interdiction d’ériger, sur la partie de terrain concernée, des constructions destinées au séjour prolongé de personnes, en ce compris des maisons d’habitation, cette interdiction étant critiquée par les demandeurs.

Le tribunal relève qu’il a pu constater lors de la visite des lieux, à laquelle il a procédé en date du 28 février 2018, en présence des parties, qu’à l’endroit litigieux, le tissu urbanisé de la localité de … s’arrête au niveau de l’intersection entre la rue … et la rue …. A cet endroit, la rue … débouche sur un chemin rural longeant, du côté Est, la partie arrière du terrain des demandeurs, grevée de la servitude urbanistique litigieuse. Ledit chemin rural constitue l’unique accès au réseau routier dont dispose cette partie de terrain. S’il est exact qu’une construction est d’ores et déjà implantée sur la parcelle portant le numéro cadastral … se trouvant à l’Est de ce chemin rural, il n’en reste pas moins qu’il s’agit, non pas d’une maison d’habitation, mais d’un d’entrepôt ou d’un garage et que ladite parcelle est, respectivement était classée en zone agricole tant par le nouveau que par l’ancien PAG de la commune. Ainsi, l’implantation d’une maison 11 Trib. adm., 27 décembre 2007, n° 22243 du rôle, confirmé par Cour adm. 23 juillet 2008, n° 24055C du rôle, Pas.

adm. 2017, V° Urbanisme, n° 182 et les autres références y citées.

21 d’habitation sur la partie arrière du terrain des demandeurs aboutirait à une extension du tissu urbanisé existant, au-delà de sa limite actuelle, formée par l’intersection entre la rue … et la rue …, et ce au seul côté Ouest dudit chemin rural et par le biais d’une seule maison d’habitation, ce qui contribuerait à un développement désordonné de la localité de …, contraire à l’objectif d’un développement harmonieux des structures urbaines, tel qu’inscrit à l’article 2 b) de la loi du 19 juillet 2004, ce d’autant plus que pour l’ensemble des terrains avoisinants situés à l’intérieur du périmètre d’agglomération, l’accès au réseau routier se fait par le biais de la rue …, ce qui se reflète nécessairement au niveau de l’orientation des maisons d’habitation y érigées ou pouvant y être érigées dans l’avenir. De ce fait, la réalisation d’une maison d’habitation sur la partie arrière du terrain des demandeurs, accessible uniquement à travers le chemin rural formant le prolongement de la rue … et nécessairement orientée vers ladite rue, ne s’intégrerait pas harmonieusement dans le tissu urbain existant, contrairement à ce que les demandeurs font plaider, en substance.

Par ailleurs, le tribunal a pu constater lors de ladite visite des lieux qu’outre le fait d’être assez étroit, ledit chemin rural n’est pas doté de l’ensemble des équipements publics nécessaires à la viabilisation de la partie arrière du terrain des demandeurs, tels que des trottoirs, des éléments d’éclairage ou encore des infrastructures d’évacuation des eaux pluviales. Ainsi, il n’est pas sérieusement contestable que l’urbanisation de cette partie de terrain nécessiterait la réalisation de travaux de voirie et d’équipements publics d’une certaine ampleur, en vue de l’aménagement dudit chemin rural, et ce afin de permettre la construction d’une seule maison d’habitation. Le tribunal en déduit que l’urbanisation de la partie arrière du terrain des demandeurs ne serait pas conforme à l’objectif d’utilisation rationnelle du sol et de l’espace urbain, tel qu’inscrit à l’article 2 a) de la loi du 19 juillet 2004, contrairement à l’argumentation des demandeurs.

Etant donné qu’il suit des considérations qui précèdent que le classement de la partie arrière du terrain des demandeurs en « zone de servitude « urbanisation » type 2 – espace libre et loisirs » se justifie par des considérations urbanistiques tendant à une finalité d’intérêt général, à savoir un développement harmonieux de la localité de … et une utilisation rationnelle du sol et de l’espace urbain, le tribunal retient que les contestations des demandeurs quant au bien-fondé dudit classement sont à rejeter dans leur ensemble.

Quant à l’argumentation des demandeurs ayant trait à une contradiction entre le « plan d’aménagement particulier « quartier existant » de la commune de Käerjeng – type 2 – localités de Bascharage, Hautcharage, Linger, Clémency et Fingig – zones résidentielles » et le nouveau PAG de la commune de Käerjeng, le tribunal relève que même à admettre l’existence d’une telle contradiction, celle-ci serait sans incidence sur la légalité du PAG, étant donné que la jurisprudence invoquée, dans ce contexte, par les demandeurs a été adoptée sur base de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, entretemps abrogée par la loi du 19 juillet 2004, applicable au présent litige, et qu’en vertu de l’article 25 de cette dernière loi, les PAP précisent et exécutent désormais le PAG, de sorte à devoir être conformes à ce dernier. Ainsi, une éventuelle contradiction entre le PAG et un PAP est susceptible d’avoir une incidence sur la légalité du seul PAP et non pas sur celle du PAG. Le moyen afférent est, dès lors, à rejeter pour être inopérant.

22 Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation encourt le rejet pour ne pas être fondé.

Les consorts … demandent encore la condamnation de l’Etat au paiement d’une indemnité de procédure de 5.000 euros sur base de l’article 240 du Nouveau Code de procédure civile.

Abstraction faite de ce que la faculté pour le tribunal administratif d’allouer une indemnité de procédure trouve son fondement dans l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, aux termes duquel « Lorsqu’il paraît inéquitable de laisser à la charge d’une partie les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, le juge peut condamner l’autre partie à lui payer le montant qu’il détermine. », et non pas dans l’article 240 du Nouveau Code de procédure civile, cette demande est à rejeter, compte tenu de l’issue du litige.

La demande de l’administration communale tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 2.500 euros est également à rejeter, étant donné qu’il n’est pas établi qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

rejette la demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 5.000 euros, telle que formulée par les demandeurs ;

rejette la demande de l’administration communale de Käerjeng tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

Françoise Eberhard, vice-président, Daniel Weber, juge, Michèle Stoffel, juge, et lu à l’audience publique du 15 mars 2018 par le vice-président, en présence du greffier Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 16 mars 2018 Le greffier du tribunal administratif 23


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 37652
Date de la décision : 15/03/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2018-03-15;37652 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award