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12/03/2018 | LUXEMBOURG | N°38972

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 mars 2018, 38972


Tribunal administratif N° 38972 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 janvier 2017 1re chambre Audience publique du 12 mars 2018 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision implicite, ainsi qualifiée, du bourgmestre de la Ville de Luxembourg en matière de permis de construire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 38972 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 janvier 2017 par Maître Georges Krieger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L

-…., tendant à l’annulation de « la décision implicite de refus du bourgmestre de l...

Tribunal administratif N° 38972 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 janvier 2017 1re chambre Audience publique du 12 mars 2018 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision implicite, ainsi qualifiée, du bourgmestre de la Ville de Luxembourg en matière de permis de construire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 38972 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 janvier 2017 par Maître Georges Krieger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…., tendant à l’annulation de « la décision implicite de refus du bourgmestre de la commune de Luxembourg consécutive au silence gardé par lui pendant plus de trois mois à la suite d’une demande d’autorisation d’agrandissement et de transformation de l’immeuble sis L-…, introduite par le requérant en date du 26 mars 2015 » ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Patrick Muller, en remplacement de l’huissier de justice Carlos Calvo, demeurant à Luxembourg, du 18 janvier 2017, portant signification de ce recours à l’administration communale de la Ville de Luxembourg, établie à L-1648 Luxembourg, 42, Place Guillaume II, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 1er février 2017 par la société anonyme Arendt & Medernach S.A., inscrite au barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2082 Luxembourg, 41A, avenue J.F. Kennedy, immatriculée au registre de commerce et des sociétés sous le numéro B 186371, représentée par Maître Christian Point, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 18 avril 2017 par la société anonyme Arendt & Medernach S.A., préqualifiée, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 12 mai 2017 par Maître Georges Krieger, au nom de Monsieur …, préqualifié ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 12 juin 2017 par la société anonyme Arendt & Medernach S.A., au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu les pièces versées en cause ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Sébastien Couvreur, en remplacement de Maître Georges Krieger, et Maître Gilles Dauphin, en remplacement de Maître Christian Point, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 janvier 2018.

En date du 9 avril 2014, le bourgmestre de la Ville de Luxembourg, ci-après dénommé le « bourgmestre », délivra à Monsieur … une autorisation de bâtir portant le n°… ayant pour objet l’agrandissement et la transformation d’un immeuble sis à L- …, sur un terrain inscrit au cadastre de la commune de Luxembourg, section …, sous le numéro cadastral ….

Le 27 février 2015, le bourgmestre prit un arrêté de fermeture de chantier basé sur la considération que Monsieur … aurait réalisé des travaux d’agrandissement sur sa maison sise à …, sans respecter l’autorisation de bâtir n°… du 9 avril 2014, précitée.

En date du 26 mars 2015, l’architecte de Monsieur … transmit sans autres précisions des plans « actualisés » intitulés « Plans/Coupe/ Élévations », n°02-B, au service de l’urbanisme de la Ville de Luxembourg. Lesdits plans entrèrent au prédit service en date du 31 mars 2015.

Par courrier du 20 avril 2015, l’architecte-directeur de la Ville de Luxembourg invita le demandeur à compléter sa demande en lui faisant parvenir : 1) un « plan de la situation existante du rez-de-chaussée pour ce qui est de la fenêtre de la cuisine/séjour dans l’arrière façade », 2) un « plan de la situation existante des combles pour ce qui est de la lucarne dans l’arrière façade » et 3) un « plan de la situation existante de la façade arrière », tout en soulignant « qu’uniquement un dossier complet sera soumis à l’instruction ».

Des nouveaux plans intitulés « Etat actuel après transformation », n°03-C » et « Etat actuel projeté après transformation », n°03.1-C entrèrent au service de l’urbanisme en date du 26 mai 2015.

Le service de la police des bâtisses, en présence du demandeur, effectua une visite des lieux le 12 juin 2015, lors de laquelle un certain nombre de discordances furent constatées entre les plans soumis le 26 mars 2015 et la situation constatée sur place.

Par courrier du 18 août 2015, le bourgmestre prit position par rapport à ces constatations en les termes suivants :

« Par la présente je me dois de revenir à la situation de l'immeuble sis …, suite à la fermeture de chantier prononcée en date du 27 février 2015 en raison d'un agrandissement de l'immeuble en question sans respecter l'autorisation de bâtir initiale.

En effet, lors de la visite des lieux effectuée en date du 12 juin 2015 en votre présence, afin de vérifier que les plans de modification soumis par votre architecte en date du 26 mars 2015 avec la situation actuelle sur place, le service de la police des bâtisses a dû constater que :

 malgré la fermeture de chantier, vous aviez terminé les travaux à l'intérieur afin que les locataires puissent y habiter et qu'à l'extérieur vous avez fixé des garde-corps à la façade arrière et enlevé l'échafaudage à l'arrière de l'immeuble ;

 tous les étages sauf le rez-de-chaussée sont entre-temps occupés par des locataires,  les murs extérieurs de l'agrandissement n'ont été construits ni comme prévu par l'autorisation de bâtir initiale, ni comme indiqué sur les plans de modification soumis par votre architecte en date du 26 mars 2015, ni aux dispositions de l'article 24 du règlement sur les bâtisses.

Or, pour ce qui est des murs extérieurs réalisés en fraude, il me faut vous informer que notre service de la police des bâtisses a exprimé de sérieux doutes quant à la stabilité des murs.

Qui plus est, après vérification des nouveaux plans soumis il a été constaté que cet agrandissement, exécuté sans la moindre autorisation, dispose d'une surface exploitable supplémentaire d'environ 50 m2, ce qui a pour conséquence que, conformément à l'article 17.1 du règlement sur les bâtisses, vous êtes tenu de fournir 3 emplacements de stationnement pour les 3 logements créés.

Comme il n'y a toutefois aucune possibilité d'aménager 3 emplacements supplémentaires dans l'immeuble en question, vous devez soit fournir dans un parc de stationnement à proximité les emplacements qui font défaut, soit payer une taxe compensatoire de 20'000 € par emplacement qui fait défaut.

Sur le vu de ce qui précède, je me vois obligée de vous sommer de nous fournir dans un délai de 2 semaines un engagement écrit que vous enlèverez les murs en fraude et les remplacerez par des murs conformes à notre réglementation et que vous vous mettrez en conformité avec la réglementation pour ce qui est des emplacements et ceci endéans 1 mois.

De plus, je vous invite à me fournir une étude d'un ingénieur constatant que la stabilité des murs en question est garantie jusqu'à leur mise en conformité, alors qu'actuellement il y a lieu de craindre que la sécurité des occupants ne soit pas garantie.

Veuillez noter qu'en cas d'accident ou incident en relation avec ces murs, votre responsabilité est entièrement engagée en cas d'accident ou d'incident en relation avec ces murs.

Après réception de votre engagement écrit, le service de la police des bâtisses pourra examiner la possibilité d'une modification de l'autorisation de bâtir n°… du 9 avril 2014, ainsi que la réouverture du chantier pour la mise en conformité des murs.

Toutefois, comme vous n'avez nullement respecté la fermeture de chantier et que vous avez réalisé des aménagements dont la stabilité n'est pas garantie, j'ai d'ores et déjà transmis le dossier à M. le Procureur d'Etat.

Vous voudrez trouver ci-jointe une copie de la plainte déposée à votre encontre. Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de ma considération distinguée.» Par un courrier entré au service de l’urbanisme de la Ville de Luxembourg en date du 21 août 2015, le demandeur prit position quant à la solidité des murs et aux matériaux de construction utilisés et s’engagea à faire appel à un bureau d’ingénieurs spécialisé.

Le bureau d’études … soumit par courrier du 22 octobre 2015 une attestation de stabilité et une prise de position relative à la stabilité des murs extérieurs, tout en proposant la construction immédiate de murs porteurs extérieurs au sous-sol.

Par courrier du 16 février 2016, le bourgmestre somma le demandeur de soumettre un dossier complet contenant de nouveaux plans, des bordereaux et des fiches techniques relatives aux matériaux préconisés par le bureau d’étude. Le même courrier rappela qu’une taxe compensatoire de 60.000 EUR était due pour les trois emplacements de stationnement manquants.

Par courrier du 1er mars 2016, le demandeur sollicita un délai supplémentaire pour soumettre les plans demandés en raison du décès de son architecte.

Par courrier du 5 juillet 2016, le bureau d’études … soumit à la Ville de Luxembourg un relevé de l’immeuble en l’état actuel dressé par le bureau d’architectes Alleva Enzio Architectes & Associés S.àr.l, ainsi qu’une étude de coffrage et armatures.

Le 15 septembre 2016, la Ville de Luxembourg adressa un courrier signé par le bourgmestre au demandeur. Ledit courrier est de la teneur suivante :

« (…) Après analyse de l'attestation de stabilité portant la date du 5 juillet 2016 que vous avez soumise en complément à celle portant la date du 22 octobre 2015, il me faut constater que le bureau d'étude … propose lui-même « la construction immédiate des murs extérieurs en blocs béton de type HBN 12/II a ou similaire au sous-sol. » Aussi, me faut-il vous sommer une nouvelle fois à soumettre endéans le délai de deux semaines un dossier complet étayé avec de nouveaux plans indiquant correctement les murs extérieurs à adapter au sous-sol et éventuellement à maintenir aux étages, les bordereaux de livraison des matériaux commandés, les fiches techniques y relatives ainsi que la preuve que les matériaux préconisés par l'ingénieur sont bien mis en œuvre.

Une ré-ouverture de chantier ne saurait en effet être autorisée avant que les bordereaux de livraison des matériaux commandés et les fiches techniques auront été remis.

Comme, la procédure de refonte du plan d'aménagement général vient d'être entamée en date du 13 juin 2016, l'analyse du dossier doit désormais se faire en tenant compte de celui-ci. L'immeuble sis … se trouve désormais classé en zone d'habitation 3, d'après le plan d'aménagement actuellement en vigueur dit plan Joly, et en zone d'habitation 1 (HAB-1°k), d'après les textes dont la procédure vient d'être entamée.

Comme les agrandissements réalisés au rez-de-chaussée et au premier étage, de même que les transformations (lucarnes, caves …) qui ont été exécutés sont non seulement non conformes à l'autorisation de bâtir initiale, mais sont en plus contraires aux dispositions de l'article B.3 de la partie écrite du PAP QE de la zone d'habitation 1 (HAB-1°k), ainsi qu'aux les [sic] dispositions des articles 16.1.1 et 17 du règlement sur les bâtisses, une régularisation ex post de la situation n'est plus possible.

Les points non conformes doivent dès lors être redressés de manière à respecter scrupuleusement l'autorisation de bâtir initiale. Des transformations à l'intérieur peuvent éventuellement être autorisées dans le cadre d'une demande en modification de l'autorisation de bâtir initiale.

Toutefois, le volume réalisé sans la moindre autorisation doit être supprimé sans délai.

Comme il n'est désormais plus possible de régulariser l'agrandissement réalisé frauduleusement, une taxe compensatoire pour emplacements de stationnement manquants n'est plus due.

Veuillez par ailleurs noter que la crainte que les murs ne soient pas suffisamment stables et que la sécurité des occupants ne soit pas garantie subsiste, de sorte que la Ville se doit de maintenir sa plainte.

Une copie de la présente est adressée à M. le Procureur d'Etat, ainsi qu'au bureau ….

(…) ».

Par courrier du 30 septembre 2016, le demandeur soumit à l’administration communale de la Ville de Luxembourg les pièces demandées dans le courrier précité du 15 septembre 2016, tout en relevant qu’« […] En ce qui concerne le volume réalisé sans autorisation, je souhaite rappeler que suivant mon ancien architecte, Ho Cheng, je pouvais réaliser des travaux au sein du gabarit théorique de l'immeuble, en conformité avec les règles de votre PAG (profondeur notamment), pour autant que cette situation soit régularisée par la suite. Ce n'est que bien plus tard que j'ai [sic] que ces travaux n'étaient plus régularisable[s] car votre PAG était en train de changer.

J'ai appris cependant que le projet de PAG n'était pour le moment pas définitif et qu'il pourrait être encore modifié. Je vous propose de mettre la construction en conformité avec le règlement une fois que le nouveau PAG sera définitif, car j'ignore actuellement quels travaux seraient à réaliser pour ce faire. […] ».

Par arrêté du 1er décembre 2016, le bourgmestre procéda à une réouverture partielle du chantier pour permettre au requérant de procéder aux travaux de stabilisation du sous-sol conformément aux recommandations du bureau d’études du 5 juillet 2016.

Par requête déposée le 13 janvier 2017 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de « la décision implicite de refus du bourgmestre de la commune de Luxembourg consécutive au silence gardé par lui pendant plus de trois mois à la suite d’une demande d’autorisation d’agrandissement et de transformation de l’immeuble sis L-…, introduite par le requérant en date du 26 mars 2015. ».

Quant à la recevabilité du recours La Ville de Luxembourg soulève de prime abord l’irrecevabilité du recours en annulation, en faisant, en substance, valoir que, à supposer que le courrier de Monsieur … du 26 mars 2015 puisse valoir comme une demande d’autorisation de bâtir modificative, le bourgmestre, en exposant clairement par le biais de son courrier du 15 septembre 2016 que les agrandissements réalisés par Monsieur … ne pourraient pas être régularisés, aurait pris une décision expresse de refus de faire droit à une telle demande.

Dans ce contexte, elle se réfère à la jurisprudence du tribunal administratif et explique que l'article 4 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, désignée ci-après par « la loi du 7 novembre 1996 », ne pourrait être invoqué utilement que dans la mesure où au moment d'introduire un recours sur cette base, le demandeur ne se serait pas vu notifier entre-temps une décision expresse de la part de l'administration. Le recours dirigé en l’espèce contre une décision implicite de refus devrait dès lors être déclaré irrecevable du fait de l'existence d'une décision expresse de refus.

A titre subsidiaire, le recours devrait encore être déclaré irrecevable sur le fondement de la théorie de l'« estoppel », à savoir l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui. La Ville de Luxembourg se réfère, dans ce contexte, à un jugement du tribunal administratif du 17 juin 2015, n° 34338 du rôle, en précisant que ce principe s'opposerait à ce qu'une partie puisse invoquer une argumentation contraire à celle qu'elle aurait avancé auparavant. Or, selon la Ville de Luxembourg, l'introduction du recours en annulation se trouverait en parfaite contradiction avec l'attitude précédente du demandeur qui aurait écrit dans son courrier du 30 septembre 2016 précité, en réponse au courrier du bourgmestre du 15 septembre 2016, que : « J'ai appris cependant que le projet de PAG n'était pour le moment pas définitif et qu'il pourrait être encore modifié. Je vous propose de mettre la construction en conformité avec le règlement une fois que le nouveau PAG sera définitif, car j'ignore actuellement quels travaux seraient à réaliser pour ce faire. » Le demandeur entend résister au premier moyen d’irrecevabilité en contestant l’argumentaire de la Ville de Luxembourg selon lequel le courrier du 15 septembre 2016 constituerait une décision administrative et plus particulièrement une décision expresse de refus de permis de construire modificatif. Il ne s'agirait, au contraire, selon le demandeur, que d'un avis émanant du bourgmestre relatif à des échanges de courriers préalables. Il relève, par ailleurs, que ce courrier n’indiquerait pas les voies de recours susceptibles de s’appliquer.

A cet égard, il relève que cette prétendue « décision » ne porterait pas sur la demande de régularisation introduite en date du 26 mars 2015, en argumentant que le prédit courrier porterait le numéro de référence : "9/2014/10 - AL" et renverrait de ce fait à l'autorisation de bâtir n°… dont le numéro d'indicateur serait précisément le numéro "9/2014/10". Ce constat ressortirait notamment du courrier du 15 septembre 2016 dans lequel il serait précisé que : « comme les agrandissements réalisés au rez-de-chaussée et au premier étage, de même que les transformations (lucarnes, caves…) qui ont été exécutées sont non seulement non conformes à l'autorisation de bâtir initiale1, (…), une régularisation ex post de la situation n’est plus possible ». Par conséquent, ledit courrier serait tout au plus un simple courrier informatif, ce qui pourrait se vérifier par les termes y employés, à savoir que : « comme, la procédure de refonte du plan d'aménagement général [viendrait] d'être entamée en date du 13 juin 2016, l'analyse du dossier [devrait] désormais se faire en tenant compte de celui-ci ». L’emploi du terme « analyse du dossier » aurait, en effet, pour corollaire que le dossier serait toujours en cours d’instruction auprès des services compétents de la Ville de Luxembourg. Le demandeur affirme que ceci serait d'autant plus vrai que le prédit courrier se baserait sur la version initiale du projet de PAG, tel qu'il résulterait du « premier vote » du conseil communal en date du 13 juin 2016, tandis que cette version serait par définition susceptible d'être modifiée à la suite des réclamations et des avis, dans le cadre du second vote du conseil communal, voire, à la suite de l'intervention du ministre de l'Intérieur. Or, pour qu'une décision administrative existe, l'acte administratif devrait valoir décision définitive et devrait être une volonté manifeste de l'administration de créer des effets de droit. Le demandeur affirme que ceci ne serait pas le cas en l'espèce, puisque l'administration ne mentionnerait en aucun cas, de manière explicite, qu'elle ne ferait pas droit à la demande introduite par lui en date du 26 mars 2015. Partant, le moyen d'irrecevabilité du recours en annulation en raison de l'existence d'une décision expresse de refus serait à déclarer non-fondé.

1 Le demandeur souligne À titre subsidiaire, le demandeur défend la thèse suivant la quelle même à admettre que ledit courrier constituerait une décision explicite, le recours en annulation dirigé contre la décision implicite de rejet resterait recevable pour avoir été introduit le 13 janvier 2017, à savoir après que la décision implicite de rejet soit née.

Le demandeur fait valoir que la décision explicite de refus du 15 septembre 2016 ne pourrait pas être considérée comme décision confirmative du refus implicite puisqu'il n'y aurait pas d'identité d'objet et de motifs avec la décision implicite de rejet.

La décision implicite de rejet porterait en effet sur le refus d'octroyer une autorisation de construire, et plus particulièrement d’autoriser la régularisation de la construction existante, tandis que la décision explicite de refus aurait pour objet de l’informer que la régularisation ex post de la situation ne serait plus possible suite à la procédure de refonte du plan d’aménagement général, ci-après désigné par le « PAG ». Ainsi, il n’y aurait pas identité de motifs puisque la décision explicite de refus se placerait dans le cadre d'une nouvelle réglementation, à savoir celle découlant de la refonte du PAG et reposerait donc sur des circonstances juridiques et factuelles nouvelles. Par conséquent, la prétendue décision explicite devrait être considérée comme une nouvelle décision. A l’appui de ce raisonnement, le demandeur cite encore une jurisprudence belge en insistant sur le fait que la « prétendue » décision explicite reposerait sur des circonstances de fait et de droit qui ne seraient pas les mêmes qu’à l’époque où la décision implicite de refus se serait cristallisée, de sorte à ne pas pouvoir constituer une décision confirmative de la décision implicite de refus.

Il conteste ainsi l’argumentaire de la Ville de Luxembourg en affirmant que le fait d’admettre qu’une décision explicite de refus soit venue remplacer la décision implicite de refus, viendrait à priver l'article 4 (1) de la loi du 7 novembre 1996 de tout effet utile et s'avérerait, par ailleurs, contraire aux articles 6 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par la « CEDH », puisque pareille interprétation le priverait de la possibilité d'introduire un recours effectif contre la décision de refus implicite.

Quant au moyen d’irrecevabilité sur le fondement de la théorie de l’« estoppel », le demandeur conteste formellement la thèse de la Ville de Luxembourg en affirmant que ce principe serait inapplicable, respectivement non-fondé en l'espèce. En citant la même jurisprudence du tribunal administratif du 17 juin 2015, n° 34338 du rôle invoqué par le mandataire de la Ville de Luxembourg dans son mémoire en réponse, il considère que le principe de l'« estoppel » aurait une portée limitée en ce que celui-ci ne trouverait à s'appliquer que « si une contradiction apparaît dans les prétentions et actions d'une partie quand celles-ci s'inscrivent dans une cause et poursuivent un objet identique ». Or, en l'espèce, il ne pourrait être retenu que son courrier du 30 septembre 2016 et le recours en annulation introduit en date du 13 janvier 2017 auprès du greffe du tribunal administratif, sous le numéro de rôle 38972, s'inscriraient dans une cause et poursuivraient un objet identiques, ni d'ailleurs qu'ils seraient contradictoires. Le courrier du 30 septembre 2016 aurait pour objet principal d'obtenir une autorisation pour effectuer les travaux de stabilisation de l'immeuble et donc de lever la fermeture du chantier et, pour objet secondaire, de répondre à l'argumentation du bourgmestre exposée dans son courrier du 15 septembre 2016 suivant lequel le projet d'aménagement général s'opposerait à l'avenir à toute régularisation de l'extension non-autorisée. Le demandeur déclare qu’il n'aurait, dans ce contexte, fait que constater que l'ancienne réglementation urbanistique permettait l'extension réalisée, et que le PAG voté le 13 juin 2016 ne serait qu'un projet, susceptible d'évoluer. Il n'y aurait ainsi aucune contradiction dans son argumentaire, mais au contraire, le présent recours en annulation ne ferait que poursuivre cet argumentaire, consistant à dire que, sous l'ancienne réglementation, les travaux auraient dû être autorisés, et, par ailleurs, qu'il serait faux d'affirmer péremptoirement que la délivrance d'une autorisation de bâtir ne serait plus possible sur base du projet de PAG, provisoirement adopté à l'époque. Le recours en annulation aurait ainsi pour objet l’annulation d’une décision implicite de refus suite à l'introduction d'une demande d'autorisation au motif que cette décision implicite de refus ne reposerait pas sur une motivation admissible en droit et en fait.

Le courrier du 30 septembre 2016, précité, et le présent recours en annulation ne s'inscriraient partant pas dans la même cause, ne poursuivraient pas un objet identique et en tout état de cause ne seraient aucunement contradictoires.

En citant encore la doctrine française relative à la théorie de l'« estoppel », le demandeur conclut que les conditions pour déclarer son recours irrecevable sur le fondement du principe de l'« estoppel » ne seraient pas remplies en l’espèce et que le recours serait partant recevable.

Dans son mémoire en duplique, la Ville de Luxembourg conteste les considérations avancées par le demandeur et maintient que le courrier du 15 septembre 2016 constituerait une décision expresse de refus. A cet égard, elle fait valoir que l'indication ou l'absence d'indication des voies de recours ne serait pas un critère permettant de qualifier un écrit de l'administration comme décision administrative ou non. Ainsi, la sanction de l'inobservation de l'obligation d'indiquer les voies de recours consisterait dans la suspension du cours du délai du recours contentieux contre pareille décision. Il en découlerait qu'une décision administrative pourrait valablement exister sans comporter d'indication des voies de recours.

En ce qui concerne l’argumentaire du demandeur selon lequel la décision du bourgmestre ne porterait pas sur la demande introduite en date du 26 mars 2015, au motif qu’elle porterait comme référence le numéro d'indicateur de l'autorisation de bâtir du 9 avril 2014, la Ville de Luxembourg relève que l'indication d'un numéro de référence aurait pour objectif de faciliter le travail administratif et ne saurait à elle seule servir d'outil permettant de qualifier un acte. S’y ajouterait que le numéro d'indicateur employé par ses services se rapporterait à l'immeuble et que toutes les pièces du dossier administratif comporteraient l'indication de ce même numéro 9/2014/10.

La Ville de Luxembourg fait ensuite valoir que le courrier du 15 septembre 2016 se rapporterait manifestement à la demande de régularisation des travaux d'agrandissement irréguliers introduite par le demandeur le 26 mars 2015 et cite, à cet égard, en entier le passage cité par le demandeur dans sa réplique et cité ci-dessus et en conclut qu’en faisant référence à la régularisation des agrandissements réalisés au rez-de-chaussée et au premier étage, ainsi qu'aux transformations au niveau des lucarnes et des caves, le bourgmestre aurait clairement visé les demandes de régularisation de ces travaux qui auraient fait l'objet des plans dits « actualisés » soumis le 26 mars 2015 et de ceux entrés au service de l'urbanisme le 26 mai 2015.

En précisant, à deux reprises, qu'une régularisation ne serait pas possible, le bourgmestre aurait manifestement opposé son refus à la demande de régularisation et partant refusé de délivrer une autorisation de bâtir.

La mention par le bourgmestre que « l'analyse du dossier doit désormais se faire en tenant compte » du PAG ayant fait l'objet du vote du conseil communal du 13 juin 2016, ne signifierait pas, contrairement à ce que soutient le demandeur, que le dossier serait toujours en cours d’instruction par les services compétents, mais signifierait, en prenant en compte l'alinéa suivant du courrier du 15 septembre 2016, que cette analyse aurait abouti à la conclusion d'une contrariété des plans avec le projet de plan d'aménagement particulier - quartier existant (PAP QE).

Quant à l’argumentation du demandeur en relation avec le caractère provisoire du PAG, suite au premier vote du conseil communal du 13 juin 2016, la Ville de Luxembourg indique que même s'il était exact que le projet de PAG et le projet de PAP QE seraient susceptibles d'évoluer au cours de la procédure de refonte du PAG, il n'en resterait pas moins que le législateur n'aurait pas prévu de suspension de l'instruction des demandes pendant la procédure de refonte, mais aurait conféré, au contraire, un « effet négatif » aux textes mis en procédure selon les articles 21 et 33 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain, ci-après désignée par la loi du 19 juillet 2014, applicables en l'espèce dans leur rédaction avant leur modification par la loi du 3 mars 2017.

Le courrier du bourgmestre du 15 septembre 2016 ne serait donc pas un simple avis, mais constituerait une décision expresse de refuser de délivrer une autorisation de bâtir portant sur les agrandissements réalisés au rez-de-chaussée et au premier étage, ainsi que sur les transformations au niveau des lucarnes et des caves. Il s'agirait bien d'un acte individuel émanant d'une autorité administrative et revêtant un caractère décisionnel, partant d'une décision administrative.

En ce qui concerne l’argumentaire du demandeur suivant lequel le recours en annulation serait recevable du fait qu'il aurait été introduit après que la décision implicite de rejet soit née et suivant lequel la décision de refus du 15 septembre 2016 ne serait pas une « décision confirmative » de la décision implicite de rejet, la Ville de Luxembourg rappelle ses développements quant aux dispositions de l'article 4 (1) de la loi du 7 novembre 1996 et à la jurisprudence du tribunal administratif dans le cadre de son mémoire en réponse et relève plus particulièrement que les questions relatives à une identité d'objet et de motifs entre ces deux décisions ou à la nature confirmative ou nouvelle de la deuxième décision ne seraient pas pertinentes dans la mesure où une décision implicite de rejet serait une fiction juridique et qu’elle serait, par nature, dépourvue de motivation. Il se dégagerait de la jurisprudence luxembourgeoise citée par elle, que la décision négative expresse absorberait la décision négative fictive puisqu'elle répondrait au même objet, à savoir à la même demande en obtention d'une autorisation de bâtir.

La Ville de Luxembourg relève ensuite que la motivation tant factuelle, que juridique d'une décision administrative s'apprécierait par rapport à la situation de fait ou de droit prévalant au jour où elle a été prise. La décision de refus du 15 septembre 2016 aurait dès lors pu et dû se baser sur le projet de PAG et le projet de PAP QE et que, contrairement à l'argumentation du demandeur, il n'y aurait pas de cristallisation d'un refus et d'une motivation de refus trois mois après l'introduction d'une demande. La Ville de Luxembourg fait valoir, par ailleurs, que même en admettant pour les besoins de l'argumentation que le courrier du 15 septembre 2016 ne constituerait pas une décision de refus expresse, ce serait au jour de la date d'introduction du recours en annulation que la juridiction se placerait pour analyser la légalité d'une décision implicite de refus, de sorte que les motifs de refus avancés dans la décision du 15 septembre 2016 auraient également été applicables au moment de l'introduction du recours puisqu’à ce moment le projet de PAG et le projet de PAP QE auraient été applicables dans les conditions des articles 21 et 33 de la loi précitée du 19 juillet 2004.

La Ville de Luxembourg estime que la position qu’elle défend ne viderait ainsi pas l'article 4 (1) de la loi précitée du 7 novembre 1996 de tout effet utile et que les droits de la défense resteraient sauvegardés puisque l'administré aurait la possibilité d'attaquer en justice la décision expresse de refus.

Quant au moyen d'irrecevabilité du recours sur le fondement de la théorie de l'« estoppel » et l’argumentaire du demandeur suivant lequel son courrier du 30 septembre 2016 et le recours en annulation ne s'inscriraient pas dans la même cause et ne poursuivraient pas un objet identique, la Ville de Luxembourg relève que tant ledit courrier, que le recours s'inscriraient dans la même démarche de régularisation des travaux d'agrandissement illégaux effectués par le demandeur. Or, tandis que le courrier du 30 septembre 2016 traduirait sans équivoque la volonté de la partie requérante de mettre la construction en conformité avec le PAG dans sa version defnitive suite à la décision de refus de délivrance d'une autorisation de bâtir, le recours rechercherait l'annulation du refus de délivrance d'une autorisation de bâtir. Il y aurait donc manifestement une attitude incohérente du demandeur.

Le tribunal constate que le recours sous analyse est dirigé contre une décision implicite de refus qui résulterait du silence gardé par le bourgmestre pendant une période de plus de trois mois suite à une demande d’autorisation de construire du 26 mars 2015 visant la régularisation d’un agrandissement, respectivement d’une transformation d’un immeuble.

La Ville de Luxembourg conclut à l’irrecevabilité du recours au motif que, à supposer que le courrier du 26 mars 2015 de Monsieur … puisse s’analyser en une demande d’autorisation de bâtir modificative, le 15 septembre 2016, le bourgmestre aurait pris une décision explicite de refus par rapport à cette demande et que partant le recours sous analyse, en ce qu’il est dirigé contre une prétendue décision implicite de refus serait dépourvu d’objet.

Le tribunal relève tout d’abord que le courrier du 26 mars 2015 à la teneur suivante :

« […] Objet : Projet d’agrandissement et transformation de l’immeuble sis … L-… Madame …], Suite à la demande de mon client, Monsieur …, veuillez trouvez [sic] ci-joint les plans actualisés du projet cité en objet.

[…] » S’il est vrai que ce courrier manque de précisions, se limitant à l’introduction de « plans actualisés » sans autres explications, il n’en reste pas moins qu’au vu des circonstances de l’espèce, et plus particulièrement du fait que la transmission des plans fait suite à la fermeture de chantier du 27 février 2015 lors de laquelle il avait été constaté que Monsieur … a réalisé des travaux d’agrandissement sur sa maison sise à …, sans respecter l’autorisation de bâtir initiale n°… du 9 avril 2014, il y a lieu de conclure que par le biais de l’introduction de « plans actualisés », complétée par la suite par d’autres plans, tels que demandés par la Ville de Luxembourg le 20 avril 2015 Monsieur … a sollicité la régularisation ex post des travaux d’agrandissement et de transformation de l’immeuble intervenues en violation de l’autorisation de construire initiale.

Il est ensuite constant en cause que cette demande n’a pas donné lieu à une réponse du bourgmestre dans un délai de trois mois ayant ainsi fait naître la présomption d’une décision implicite de refus. Dans la mesure où la Ville de Luxembourg soutient toutefois que le 15 septembre 2016, le bourgmestre aurait opposé une décision expresse de refus à la demande du 26 mars 2015, il appartient au tribunal de vérifier si en l’espèce, la décision de refus implicite résultant du silence du bourgmestre de plus de trois mois après l’introduction de la demande en obtention d’une autorisation en vue de régulariser les travaux d’agrandissement et de transformation prémentionnés a été suivie d’une décision de refus explicite, tel que l’affirme la Ville de Luxembourg.

En effet, en disposant que « dans les affaires contentieuses qui ne peuvent être introduites devant le tribunal administratif que sous forme de recours contre une décision administrative, lorsqu’un délai de trois mois s’est écoulé sans qu’il soit intervenu aucune décision, les parties intéressées peuvent considérer leur demande comme rejetée et se pourvoir devant le tribunal administratif », l’article 4 (1) de la loi du 7 novembre 1996 instaure une « présomption de décision de refus non datée et non notifiée »2, afin de permettre à l’administré de recourir à la justice pour contester l’inaction prolongée de l’autorité administrative compétente. Cette présomption naît à l’expiration du délai de trois mois après l’introduction de la demande et elle n’est pas limitée dans le temps, entraînant que l’administré n’est forclos dans aucun délai pour déférer aux juridictions administratives une telle décision implicite de rejet.

Cependant, cette présomption est anéantie par l’émission, même après l’expiration du délai de trois mois suite au dépôt de la demande, d’une décision expresse statuant sur la demande en cause par l’autorité compétente, laquelle doit alors être considérée comme traduisant seule la position de l’autorité compétente sur la demande lui soumise.3 Ainsi, lorsqu’une décision négative, constitutive d’une fiction juridique se dégageant de l’inaction de l’administration, est suivie d’une décision négative expresse, la décision négative fictive a perdu sa consistance par le fait même de la prise de la décision explicite, étant entendu que c’est par rapport à une seule et même demande que ces deux décisions, respectivement fictive et expresse sont intervenues4.

Il convient dès lors de qualifier le courrier du 15 septembre 2016, qui, d’après la Ville de Luxembourg, constituerait une décision explicite anéantissant la fiction juridique d’une décision implicite de refus.

Force est au tribunal de relever que l’acte émanant d’une autorité administrative, pour être sujet à un recours contentieux, doit constituer, dans l’intention de l’autorité qui l’émet, une véritable décision, à qualifier d’acte de nature à faire grief, c’est-à-dire un acte susceptible de produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de celui qui réclame.5 S’il se dégage effectivement du courrier du 15 septembre 2016, cité in extenso ci-avant, que le bourgmestre prend position aussi par rapport à la problématique de la stabilité des murs extérieurs, force est de constater qu’au regard des termes employés, il a également pris position par rapport à la question de l’agrandissement, respectivement de la transformation de l’immeuble réalisés en non-conformité à l’autorisation de bâtir initiale par rapport auxquels le demandeur a demandé la régularisation le 26 mars 2015. En effet, le bourgmestre a refusé la régularisation de cet agrandissement, respectivement des transformations au niveau des 2 F. SCHOCKWEILER, Le contentieux administratif et la procédure administrative non contentieuse en droit luxembourgeois, édit. 1996, n° 164.

3 Trib. adm. 10 juillet 2006, n°s 20681, 20682 et 20683 du rôle, Pas. adm. 2017, V° Procédure contentieuse, n° 341.

4 Trib.adm. 19 mars 2008, n° 22503 du rôle, Pas .adm. 2017, V° Procédure contentieuse, n° 237.

5 Trib. adm. 18 juin 1998, nos 10617 et 10618 du rôle, Pas. adm. 2017, V° Actes Administratifs, n°37.

lucarnes et de la cave, en se prévalant, après avoir relevé une non-conformité des constructions à l’autorisation de bâtir initiale, de la non-conformité du projet avec les dispositions de l’article B.3 de la partie écrite du PAP QE de la zone d’habitation 1 (HAB-1°k), ainsi qu’avec les dispositions des articles 16.1.1, et 17 du règlement sur les bâtisses, le bourgmestre ayant expressément précisé qu’« une régularisation ex post de la situation n’est plus possible », de sorte que ce courrier revêt un caractère décisionnel. En ce faisant, le bourgmestre a pris une décision administrative faisant grief susceptible d’un recours contentieux et anéantissant la fiction de la création d’une décision implicite de refus à la suite du silence gardé pendant plus de 3 mois.

Certes, le courrier du 15 septembre 2016 ne contient pas d’indication des voies de recours et le numéro de référence du dossier y mentionné est identique à celui figurant sur l’autorisation de bâtir initiale du 9 avril 2014. Or, comme relevé ci-dessus, la décision de refus du bourgmestre a bien pour objet l’agrandissement et la transformation de l’immeuble sis à …, travaux d’agrandissement et de transformation que ce courrier non seulement identifie expressément par leur localisation et leur nature, mais dont il souligne encore les vices par rapport à l’autorisation de bâtir initiale et par rapport aux dispositions de l’article B.3 de la partie écrite du PAP QE de la zone d’habitation 1 (HAB-1°k), ainsi que des articles 16.1.1 et 17 du règlement sur les bâtisses. Par ailleurs, si l’omission, par l’administration, d’informer l’administré des voies de recours contre une décision administrative entraîne que les délais impartis pour les recours ne commencent pas à courir, une telle carence ne saurait cependant énerver le caractère décisionnel d’un acte, étant donné que ce n’est pas la forme qui détermine la nature juridique d’un acte6. De même, l’indication du même numéro de référence que celui figurant sur l’autorisation de bâtir initiale du 9 avril 2014 n’exclut pas que le bourgmestre ait pris une décision de refus de régularisation, d’autant plus que la Ville de Luxembourg a expliqué de façon plausible et cohérente dans son mémoire en duplique que ce numéro se réfère non pas à la demande d’autorisation initiale, mais à l’immeuble même afin de faciliter l’organisation du service de l’urbanisme de la Ville de Luxembourg.

Contrairement à ce qui est soutenu par le demandeur, le courrier du 15 septembre 2016 ne s’analyse pas en une simple lettre d’information. En effet, les termes choisis permettent de conclure que la demande de régularisation du 26 mars 2015 a abouti à une décision de refus d’émettre une autorisation de bâtir basée sur la réglementation en vigueur au moment de ladite décision, à savoir la version du PAG tel que résultant du premier vote du conseil communal du 13 juin 2016, l’emploi du terme « analyse du dossier », invoqué par le demandeur, ne permettant en tout état de cause pas de déduire que le bourgmestre l’ait seulement informé de ce que l’instruction serait encore en cours.

La circonstance que le bourgmestre s’est référé au « premier vote » du conseil communal en date du 13 juin 2016, avancée par le demandeur, ne permet pas non plus de déduire que la demande de régularisation serait toujours en cours d’instruction et que le courrier du 15 septembre 2016 est à qualifier de simple information. En effet, en se référant à la version initiale du projet de PAG, en cours de refonte, le bourgmestre n’a fait que se référer à la règlementation urbanistique en vigueur au moment de la prise de sa décision, tel que cela est son obligation, le bourgmestre devant, en effet, dans l’hypothèse d’une procédure de modification ou de refonte de son PAG en cours, vérifier le projet lui soumis également par rapport à ces dispositions en cours d’approbation.

6 Trib. adm. 28 février 2005, n°18721 du rôle, disponible sur www. jurad.etat.lu.

En ce qui concerne ensuite la thèse du demandeur soulevée à titre subsidiaire suivant laquelle la décision explicite de refus du 15 septembre 2016 ne pourrait être considérée comme décision confirmative de la décision implicite de refus en l’absence d’identité d’objet et de motifs avec celle-ci, cet argument n’emporte pas la conviction du tribunal puisqu’en l’espèce, la question de l’existence d’une décision confirmative ne se pose pas. En effet, la décision de refus implicite née du silence de l’administration suite à la demande de régularisation du 26 mars 2015 a été suivie d’une décision de refus expresse en date du 15 septembre 2016, de sorte que la décision négative fictive a perdu sa consistance par le fait même de la prise de la décision explicite et n’est point devenue une décision autonome ayant survécu à celle-ci. Cette présomption de refus implicite est ainsi anéantie par l’émission, même après l’expiration du délai de trois mois suite au dépôt de la demande, d’une décision expresse statuant sur la demande en cause par l’autorité compétente, laquelle doit alors être considérée comme traduisant seule la position de l’autorité compétente sur la demande lui soumise et cela indépendamment de la question d’un changement réglementaire ultérieur intervenu en cours de procédure. L’argumentation selon laquelle la décision du 15 septembre 2016 serait intervenue dans le cadre d’une nouvelle réglementation ne change ainsi rien à cette conclusion.

En ce qui concerne finalement la violation alléguée des articles 6 et 13 de la CEDH, lesquels disposent respectivement que « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.

(…) », et que « Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles », le tribunal n’entrevoit pas dans quelle mesure le droit du demandeur à un procès équitable et à un recours effectif, tel que prescrit par les deux dispositions citées ci-

avant, aurait été violé, puisque le demandeur aurait, en effet, pu introduire un recours en annulation à l’encontre de la décision du 15 septembre 2016 et valablement dans ce cadre défendre sa cause, ce qu’il a choisi de ne pas faire. S’il est certes vrai qu’un nouveau projet de PAG a été voté en cours d’instruction de la demande de régularisation, il y a cependant lieu de retenir que cet élément n’est pas de nature à avoir empêché le demandeur d’introduire un recours effectif contre la décision explicite de refus de régulariser la construction non-autorisée du 15 septembre 2016, une refonte de PAG constituant un aléa possible par apport à toute demande d’autorisation en matière d’urbanisme et n’étant pas de nature à changer l’application par le juge des dispositions en vigueur au moment de la prise de la décision lui déférée, de sorte que les exigences des articles 6 et 13 de la CEDH sont parfaitement respectées en l’espèce.

Il résulte de ces considérations que la décision explicite de refus du 15 septembre 2016 s’est substituée à la décision implicite de refus, qui, à partir de ce moment, n’existait plus, de sorte que le recours en ce qu’il est dirigé contre une prétendue décision implicite de refus n’a pas d’objet et est partant à déclarer irrecevable pour ne pas rencontrer le prescrit de l’article 4 (1) de la loi du 7 novembre 1996.

Il n’y a dès lors pas lieu d’analyser le moyen d’irrecevabilité fondé sur la théorie de l'« estoppel », cet examen devenant surabondant.

Enfin, la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.000,-

euros telle que formulée par le demandeur sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives est rejetée eu égard à l’issue du litige.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours en annulation dirigé contre une décision implicite de refus du bourgmestre irrecevable, partant le rejette ;

rejette la demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 3000- euros, telle que formulée par le demandeur ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 mars 2018 par :

Annick Braun, vice-président, Alexandra Castegnaro, premier juge, Hélène Steichen, juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.

s. Arny Schmit s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le Le greffier du tribunal administratif 14


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 38972
Date de la décision : 12/03/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2018-03-12;38972 ?

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