Tribunal administratif N° 38925 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 décembre 2016 2e chambre Audience publique du 12 février 2018 Recours formé par la société anonyme …., …., contre un règlement communal de la commune de …., en présence de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, en matière d’acte réglementaire
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 38925 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 29 décembre 2016 par Maître Franck Greff, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme …., établie et ayant son siège social à L-…., immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …., représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, tendant à l’annulation du « règlement communal relatif à la publicité ; ajout au règlement communal sur les bâtisses, les sites et les voies publiques », adopté par le conseil communal de …. le 8 juillet 2016 ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Michèle Wantz, en remplacement de l’huissier de justice Yves Tapella, les deux demeurant à …., du 6 janvier 2017 portant signification de cette requête à l’administration communale de …., établie à L-…., représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Nadine dite Nanou Tapella, demeurant à …., du 13 janvier 2017 portant signification de la susdite requête à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, représenté par son ministre d’Etat, établi à L-…., sinon par son ministre de l’Intérieur, établi à L-…. ;
Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 11 janvier 2017 par Maître Steve Helminger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de …., préqualifiée ;
Vu le mémoire en réponse déposé le 6 avril 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Steve Helminger, pour le compte de l’administration communale de …. ;
Vu le mémoire en réplique déposé le 5 mai 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Franck Greff, pour le compte de la société demanderesse ;
Vu le mémoire en duplique déposé le 1er juin 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Steve Helminger, pour le compte de l’administration communale de …. ;
Vu les pièces versées en cause ainsi que l’acte attaqué ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Franck Greff et Maître Steve Helminger en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 4 décembre 2017.
Lors de sa séance publique du 8 juillet 2016, le conseil communal de …., ci-après désigné par « le conseil communal », adopta « (…) le règlement communal relatif à la publicité qui constitue un ajout au plan d’aménagement général comprenant le règlement sur les bâtisses de la commune de …. (…) », ci-après désigné par « le règlement communal du 8 juillet 2016 », cette délibération étant transcrite comme suit au registre des délibérations du conseil communal :
« (…) Objet: règlement communal relatif à la publicité; ajout au règlement communal sur les bâtisses, les sites et les voies publiques Le Conseil Communal, Revu sa délibération du 19 novembre 1998 portant approbation définitive du plan d’aménagement particulier comprenant le règlement sur les bâtisses de la commune de ….
(approbation par le Ministre de l’Intérieur en date du 18 janvier 2000 et par le Ministre de l’Environnement en date du 12 octobre 2000), tel qu’il a été modifié par la suite;
Vu l’article 107 de la Constitution;
Vu la loi communale modifiée du 13 décembre 1988;
Vu l’article 39 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain;
Vu l’article 9 de la loi modifiée du 21 novembre 1980 portant organisation de la direction de la santé;
Vu l’avis du médecin-inspecteur de la direction de la santé du 30 juin 2016;
Sur la proposition du collège des bourgmestre et échevins et après en avoir délibéré conformément à la loi;
à l’unanimité (…) décide d’approuver le règlement communal relatif à la publicité qui constitue un ajout au plan d’aménagement général comprenant le règlement sur les bâtisses de la commune de ….
comme suit :
Dispositions relatives à la publicité (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 29 décembre 2016, la société anonyme …., ci-après désignée par « la société ……..», a fait introduire un recours tendant à l’annulation du règlement communal du 8 juillet 2016.
Conformément à l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », seul un recours en annulation est susceptible d’être introduit contre un acte administratif à caractère réglementaire. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en annulation introduit à l’encontre du règlement communal déféré, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A titre liminaire, le tribunal précise qu’en présence de plusieurs moyens invoqués par un demandeur, le juge administratif n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis, mais il convient de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant, l’examen des moyens tenant à la légalité externe devant précéder celui des moyens de la légalité interne.
Quant à la légalité externe de l’acte déféré, la société demanderesse, après avoir expliqué qu’elle serait propriétaire du « ….» sis à …., et qu’à ce titre, elle louerait à diverses entreprises des surfaces commerciales d’une superficie totale dépassant 6.000 m2, se prévaut de l’intitulé du règlement communal déféré, à savoir « règlement communal relatif à la publicité ; ajout au règlement communal sur les bâtisses, les sites et les voies publiques », pour en déduire que dans la mesure où la partie écrite du plan d’aménagement général (« PAG ») de la commune de …. serait le règlement sur les bâtisses, les sites et les voies publiques et inversement, l’administration communale de …., ci-après désignée par « l’administration communale », aurait, en adoptant le règlement communal litigieux modifiant, suivant son intitulé, ledit règlement sur les bâtisses, les sites et les voies publiques, modifié en réalité la partie écrite du PAG.
Etant donné que ce dernier n’aurait pas encore fait l’objet d’une refonte globale sur base des dispositions de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après désignée par « la loi du 19 juillet 2004 », il y aurait lieu de se référer aux dispositions transitoires de celle-ci. Si l’article 108bis (1), alinéa 1er de ladite loi prévoit la possibilité de procéder à une modification ponctuelle d’un PAG fondé sur la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, ci-après désignée par « la loi du 12 juin 1937 », en suivant la procédure prévue par les articles 10 à 18 de ladite loi du 19 juillet 2004, il n’y aurait, en l’espèce, pas eu de modification ponctuelle, mais l’introduction de règles nouvelles d’importance, ce qui n’aurait pu être décidé que dans le cadre d’une refonte globale du PAG.
Par ailleurs, la procédure prévue par les articles 10 à 18 de ladite loi du 19 juillet 2004 n’aurait pas été respectée, de sorte que le règlement communal déféré serait à annuler pour violation des formes destinées à protéger les intérêts privés, sinon pour violation de la loi.
En effet, aucun des documents visés à l’article 10 de ladite loi n’existerait et la délibération du conseil communal imposée par cette disposition légale ferait défaut, la demanderesse insistant sur la gravité de ces manquements procéduraux, en se prévalant d’un jugement du tribunal administratif du 30 juillet 2014, portant le numéro 33181 du rôle, confirmé par la Cour administrative dans un arrêt du 11 décembre 2014, portant le numéro 35167 du rôle. Par ailleurs, les autorités communales n’auraient pas sollicité l’avis de la commission d’aménagement, contrairement aux prescriptions de l’article 11 de la loi du 19 juillet 2004. En outre, l’enquête publique prévue par les articles 12, 13, 15, 16 et 17 de la loi du 19 juillet 2004 aurait fait défaut, de sorte que le public aurait été privé de la possibilité de formuler des réclamations. Si le conseil communal a certes procédé à un vote, ce dernier n’aurait pas été effectué en conformité avec les dispositions de l’article 14 de la loi du 19 juillet 2004 et l’existence de ce seul vote ne serait pas de nature à régulariser la procédure. La demanderesse ajoute que contrairement aux dispositions de l’article 15 de ladite loi du 19 juillet 2004, l’approbation du ministre de l’Intérieur, ci-après désigné par « le ministre », n’aurait pas été sollicitée. Ainsi, le ministre n’aurait pas pu vérifier, dans le cadre de la décision ministérielle visée par l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004, la légalité de l’acte litigieux, dont notamment le respect, par les autorités communales, de l’obligation leur incombant d’agir dans l’intérêt général, la demanderesse citant, dans ce contexte, un jugement du tribunal administratif du 15 juillet 2013, portant le numéro 30583 du rôle. Les autorités communales auraient ainsi délibérément contourné le contrôle de légalité prévu par cette dernière disposition légale.
A titre subsidiaire, la société demanderesse fait plaider que si l’article 108bis (1), alinéa 3 de la loi du 19 juillet 2004 était d’application en l’espèce, le règlement communal déféré serait à annuler, étant donné que l’article 29 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988, ci-après désignée par « la loi communale », auquel ladite disposition légale renvoie, n’aurait pas été respecté, étant donné qu’aucune expédition dudit règlement n’aurait été transmise au ministre.
La société ……..donne encore à considérer que dans la mesure où le PAG de la commune de …. n’aurait pas encore fait l’objet d’une refonte globale sur base des dispositions de la loi du 19 juillet 2004, les autorités communales n’auraient pas pu se baser sur l’article 39 de cette même loi pour adopter le règlement communal déféré.
L’administration communale de …., ci-après désignée par « l’administration communale », réfute les contestations de la société demanderesse quant à l’irrégularité de la procédure d’adoption du règlement communal déféré. A cet égard, elle fait valoir qu’il serait certes exact, d’une part, que le PAG de la commune de …. aurait été élaboré sur base de la loi du 12 juin 1937 et, d’autre part, qu’à l’instar de la plupart des communes du Grand-Duché de Luxembourg, la commune de …. n’aurait pas fait de distinction entre la partie écrite de son PAG et son règlement sur les bâtisses, pour avoir inclus tant les dispositions de la partie écrite du PAG que celles du règlement sur les bâtisses dans un seul et même document ayant été établi suivant la procédure prévue pour l’établissement d’un PAG, de sorte que si les autorités communales décidaient de modifier les dispositions de ladite partie écrite, respectivement celles du règlement sur les bâtisses, elles devraient, par application du principe du parallélisme des formes et des procédures, suivre la procédure applicable à l’élaboration d’un PAG. Or, tel n’aurait pas été l’objet du règlement communal déféré, qui constituerait un règlement communal à part, élaboré de façon totalement indépendante tant de la partie écrite du PAG que du règlement sur les bâtisses faisant partie de cette dernière. Si le bout de phrase « (…) ajout au règlement communal sur les bâtisses, les sites et les voies publiques (…) » peut effectivement induire en erreur, cette ajoute n’aurait été faite que pour rendre le commun des mortels attentif au fait qu’il s’agirait d’une règlementation devant, le cas échéant, également être observée, en fonction du projet de construction concerné. Le fait que le règlement communal litigieux renverrait aux différentes zones définies au PAG ne changerait rien à cette interprétation, étant donné qu’il serait évident que ledit règlement édicterait des règles relatives à la publicité, qui différeraient en fonction des zones dans lesquelles elles devraient être mises en œuvre. Pour atteindre ce but, le nouveau règlement devrait nécessairement renvoyer aux zones définies par le PAG, sans devoir faire partie intégrante de ce dernier. Dans la mesure où le règlement communal déféré aurait été adopté sur base des dispositions du titre 5 de la loi du 19 juillet 2004, l’argumentation de la demanderesse ayant trait à une violation des règles régissant l’adoption d’un PAG serait à rejeter dans son ensemble.
Quant à l’argumentation de la demanderesse selon laquelle les autorités communales n’auraient pas pu se baser sur l’article 39 de la loi du 19 juillet 2004, au motif que le PAG de la commune de …. n’aurait pas encore fait l’objet d’une refonte globale sur base de cette dernière loi, l’administration communale fait plaider qu’aucune disposition légale n’interdirait à une commune d’établir un règlement sur base des dispositions de l’article 39 de la loi du 19 juillet 2004, lorsqu’elle ne disposerait pas encore d’un PAG fondé sur ladite loi. A cet égard, l’administration communale donne à considérer que la loi du 12 juin 1937 aurait été abrogée, de sorte qu’une commune souhaitant élaborer un règlement communal sur des objets visés par ledit article 39 n’aurait d’autre choix que de l’élaborer en vertu de ce même article.
Quant au moyen tiré d’une violation de l’article 29 de la loi communale, l’administration communale fait valoir que dans la mesure où le règlement communal déféré ne serait pas soumis à une approbation ministérielle, le fait, pour les autorités communales, de ne pas l’avoir transmis au ministre serait sans incidence sur sa légalité.
Dans son mémoire en réplique, la société ……..soutient, en substance, que si l’administration communale confirme que le PAG de la commune de …. aurait été établi sur base de la loi du 12 juin 1937, que la partie écrite du PAG et le règlement sur les bâtisses figureraient dans un seul et même acte établi conformément à la procédure d’adoption d’un PAG et qu’une éventuelle modification de la partie écrite ou du règlement sur les bâtisses devrait suivre cette même procédure, en application du principe du parallélisme des formes et des procédures, elle n’en tirerait pas la conclusion qui s’imposerait logiquement, à savoir celle selon laquelle le règlement communal déféré devrait encourir l’annulation pour ne pas avoir été adopté selon la procédure de modification d’un PAG, telle que prévue « (…) par la loi du 12 juin 1937 (…) ». Quant à l’argumentation de l’administration communale selon laquelle le règlement communal litigieux constituerait un règlement communal à part, la société demanderesse s’interroge sur la question de savoir « à part » de quel autre acte ledit règlement aurait été adopté et suivant quelle procédure, tout en donnant à considérer qu’en réalité, les autorités communales se seraient « (…) affranchie[s] de toute procédure (…) ».
Elle ajoute que contrairement aux développements de l’administration communale, les termes « (…) ajout au règlement communal sur les bâtisses (…) » devraient être interprétés en ce sens que le règlement sur les bâtisses aurait fait l’objet d’une modification. Or, dans la mesure où ce dernier formerait la partie écrite du PAG, cette modification aurait dû suivre la procédure d’adoption d’un PAG. La société demanderesse fait encore plaider que les développements de l’administration communale, selon lesquels le règlement communal litigieux constituerait une règlementation devant, le cas échéant, également être observée, en fonction du projet de construction concerné, démontreraient que les autorités communales auraient eu l’intention de modifier la partie écrite du PAG, respectivement le règlement sur les bâtisses. Dans le même ordre d’idées, la société ……..fait encore valoir que dans la mesure où le règlement communal litigieux reprendrait les zones définies par le PAG, les autorités communales auraient voulu modifier le régime juridique applicable à chacune de ces zones.
Quant à l’argumentation de l’administration communale selon laquelle le règlement communal déféré aurait été adopté sur base des dispositions du titre 5 de la loi du 19 juillet 2004, la société demanderesse insiste sur le fait qu’en l’espèce, le règlement sur les bâtisses serait la partie écrite du PAG. Elle ajoute que l’administration communale n’aurait pas prouvée que la procédure prévue par ledit titre 5 aurait été respectée. Plus particulièrement, elle n’aurait pas rapporté la preuve de « (…) l’information du ministre (…) ».
Dans son mémoire en duplique, l’administration communale fait valoir que s’il est exact que concernant son PAG, elle n’aurait pas fait de distinction entre la partie écrite de ce dernier et le règlement sur les bâtisses, il n’en resterait pas moins que tant l’article 52 de la loi du 12 juin 1937 que les articles 38 et 39 de la loi du 19 juillet 2004 prévoiraient expressément l’élaboration par les communes d’un règlement sur les bâtisses et qu’aux termes dudit article 39 de la loi du 19 juillet 2004, un tel règlement contiendrait, notamment, les prescriptions relatives aux enseignes et aux publicités, ce qui ne serait pas le cas du règlement sur les bâtisses, tel qu’il serait inclus dans la partie écrite du PAG de la commune de ….. Dès lors, le fait qu’à l’époque, les autorités communales auraient choisi d’inclure le règlement sur les bâtisses dans la partie écrite du PAG ne les empêcherait pas, à l’heure actuelle, d’édicter un règlement séparé concernant les enseignes et les publicités, conformément aux articles 38 et 39, précités, de la loi du 19 juillet 2004. Par ailleurs, à l’analyse du règlement communal litigieux, il y aurait lieu de constater que celui-ci serait effectivement totalement indépendant de la partie écrite du PAG comprenant le règlement sur les bâtisses, étant donné qu’il ne contiendrait que des dispositions relatives aux publicités et aux enseignes à apposer aux façades des immeubles.
Le tribunal relève qu’il est constant en cause que le règlement sur les bâtisses de la commune de …., tel qu’en vigueur au jour de l’adoption du règlement communal déféré, et la partie écrite du PAG de la même commune sont intégrés dans un seul et même acte réglementaire, adopté selon la procédure d’adoption d’un PAG.
Il est encore constant en cause que le PAG de la commune de …. n’a pas encore fait l’objet d’une refonte globale sur base des dispositions de la loi du 19 juillet 2004, de sorte à reposer encore sur la loi abrogée du 12 juin 1937.
Le tribunal relève ensuite que s’il ressort du libellé de la décision du conseil communal du 8 juillet 2016, telle que citée par extraits ci-avant, que les autorités communales ont adopté, par le biais d’un règlement communal, un corps de règles relatives à la publicité, censé constituer un « ajout » au règlement sur les bâtisses existant, il ne se dégage néanmoins pas de ladite délibération, et notamment des différents articles du règlement communal adopté, que celui-ci s’insérerait dans l’acte réglementaire formant la partie écrite du PAG et le règlement sur les bâtisses existant au moment de la délibération en question, de sorte à modifier, par l’ajout de dispositions supplémentaires, le contenu normatif dudit acte. Au contraire, le tribunal constate qu’il se dégage du libellé de ladite délibération du 8 juillet 2016 et, notamment, de la désignation de son objet – à savoir : « règlement communal relatif à la publicité ; ajout au règlement communal sur les bâtisses, les sites et les voies publiques » –, de la précision selon laquelle le règlement approuvé « (…) constitue un ajout au plan d’aménagement général comprenant le règlement sur les bâtisses (…) », du contenu des différents articles dudit règlement et de la numérotation de ces derniers commençant par l’article 1er, alors que l’acte règlementaire formant la partie écrite du PAG et le règlement sur les bâtisses existant au moment de la délibération en question comprend des articles numérotés de 1 à 84, que le règlement communal déféré s’ajoute au cadre juridique formé par ledit acte, de sorte à exister parallèlement à celui-ci, sans en modifier le contenu.
Le tribunal constate ensuite qu’il ressort tant des visas de ladite délibération du conseil communal du 8 juillet 2016 que de la motivation complémentaire fournie en cours d’instance par l’administration communale que le règlement communal déféré a été adopté sur base des articles 38 et 39 de la loi du 19 juillet 2004, le premier de ces articles disposant que « Chaque commune est tenue d’édicter un règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites. », tandis que le second prévoit ce qui suit : « Le règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites porte sur la solidité, la sécurité, la salubrité ainsi que la durabilité et la commodité du domaine public, des sites, des constructions, bâtiments et installations ainsi que de leurs abords respectifs.
En ce qui concerne le domaine public et ses abords, le règlement contient au moins des prescriptions relatives au dimensionnement et à l’aménagement des voies publiques, aux espaces réservés à la mobilité douce et aux emplacements de stationnement, de même que des prescriptions concernant les accès et abords de voirie, les enseignes et publicité et les saillies dans le domaine public.
En ce qui concerne les sites et les abords des bâtiments, il contient au moins des prescriptions relatives à l’aménagement et l’équipement des terrains à bâtir, aux distances entre ouvertures et limite séparative, aux travaux de déblaiement et de remblayage, à l’environnement humain, aux clôtures en bordure des limites séparatives, au stationnement et aux enseignes et publicités. (…) ».
Force est au tribunal de constater que l’article 38 de la loi du 19 juillet 2004 impose à chaque commune d’édicter un règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites, prenant, aux termes de l’article 40 de ladite loi du 19 juillet 2004, la forme d’un règlement communal et devant, aux termes de l’article 39 de la même loi, contenir, notamment, des prescriptions relatives aux enseignes et publicités, ce qui constitue précisément l’objet du règlement communal déféré.
S’il est exact que lors de l’adoption de ce dernier, la commune de …. disposait déjà d’un règlement sur les bâtisses, inséré dans le même acte réglementaire que la partie écrite de son PAG, tel que relevé ci-avant, il n’en reste pas moins que ni lesdits articles 38 et 39 de la loi du 19 juillet 2004, ni aucune autre disposition normative n’imposent au pouvoir réglementaire communal de réglementer les matières formant le contenu minimum du règlement sur les bâtisses à travers un seul et même acte règlementaire. En d’autres termes, la prise de divers règlements communaux séparés valant dans leur ensemble règlement sur les bâtisses n’est pas interdite. Dans le même ordre d’idées, le tribunal relève qu’aucune disposition normative n’interdit à une commune dont le PAG, respectivement le règlement sur les bâtisses demeurent fondés sur la loi du 12 juin 1937, d’adopter, sur base de l’article 39 de la loi du 19 juillet 2004, un règlement communal séparé réglementant l’une des matières visées à cette dernière disposition légale. D’ailleurs, l’article 108bis (1), alinéa 3, aux termes duquel « Les règlements communaux sur les bâtisses, les voies publiques et les sites édictés en exécution de l’article 52 de la loi du 12 juin 1937 précitée qui existent au moment de l’entrée en vigueur de la présente loi peuvent être modifiés et complétés en se conformant à l’article 39 de la présente loi et aux articles 29 et 82 de la loi communale. », renvoie expressément audit article 39.
Dans ce contexte, le tribunal précise encore que le simple fait que le règlement communal déféré prévoit des règles relatives à la publicité qui varient en fonction des zones définies par le PAG ne permet pas de retenir qu’il s’agirait d’une modification du PAG ayant dû suivre la procédure afférente, telle que prévue par les articles 10 à 18 de la loi du 19 juillet 2004. En effet, l’analyse des différents articles du règlement litigieux fait clairement apparaître que l’objet de celui-ci se limite strictement à la réglementation des enseignes et des publicités, soit l’une des matières visées par ledit article 39 de la loi du 19 juillet 2004, sans que ledit règlement ne consacre une quelconque réglementation ayant trait à l’aménagement du territoire communal. Enfin, ledit article 39 n’interdit pas aux autorités communales de fixer, pour les différentes matières y énoncées, des règles variant en fonction des différentes zones du PAG auxquelles elles ont vocation à s’appliquer.
Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le tribunal est amené à conclure que c’est à tort que la société demanderesse soutient que les autorités communales auraient procédé à une modification de la partie écrite du PAG, par l’adoption du règlement communal litigieux et que les autorités communales ont valablement pu édicter des règles relatives aux enseignes et publicités, à travers l’adoption du règlement communal déféré, sans avoir été obligées de suivre, à cette fin, la procédure de modification ponctuelle d’un PAG fondé sur la loi du 12 juin 1937, telles que prévues par les articles 10 à 18 et 108bis (1), alinéa 1er de la loi du 19 juillet 2004, voire de procéder à la refonte globale du PAG. Il s’ensuit que le moyen afférent encourt le rejet pour ne pas être fondé.
Quant au moyen tiré de la violation de l’article 29 de la loi communale, le tribunal relève que celui-ci est libellé comme suit : « (…) Le conseil fait les règlements communaux.
Ces règlements ne peuvent être contraires aux lois ni aux règlements d’administration générale.
Le conseil en transmet, dans les huit jours, des expéditions au ministre de l’intérieur.
(…) ».
Le tribunal relève ensuite qu’aux termes du paragraphe (6) de l’article 107 de la Constitution « La loi règle la surveillance de la gestion communale. Elle peut soumettre certains actes des organes communaux à l’approbation de l’autorité de surveillance et même en prévoir l’annulation ou la suspension en cas d’illégalité ou d’incompatibilité avec l’intérêt général, sans préjudice des attributions des tribunaux judiciaires ou administratifs. ».
Ainsi, les règlements pris par le conseil communal sont en principe dispensés de toute approbation, à moins que la loi n’en dispose autrement, le principe de l’autonomie communale consacré par l’article 107 de la Constitution et par la Charte européenne de l’autonomie locale impliquant que l’autonomie de la commune est la règle et la soumission au contrôle de l’autorité supérieure l’exception1.
Etant donné que l’article 29 de la loi communale ne prévoit aucune sanction en cas de défaut de transmission d’expéditions d’un règlement du conseil communal au ministre de l’Intérieur et que la loi ne soumet pas les règlements pris sur base des articles 38 et 39 de la loi du 19 juillet 2004 à une approbation tutélaire, le règlement déféré était non seulement juridiquement valable – sous réserve des autres moyens invoqués par la société demanderesse, lesquels seront analysés ci-après –, mais aussi exécutoire dès son adoption, de sorte que le moyen tiré de la violation dudit article 29 de la loi communale est à rejeter pour être inopérant.
1 Cour adm., 22 mars 2007, n° 22256C du rôle, Pas. adm. 2017, V° Communes, n° 5 et les autres références y citées.
Quant à l’argumentation de la demanderesse selon laquelle l’administration communale n’aurait pas prouvé que la procédure prévue par le titre 5 de la loi du 19 juillet 2004 aurait été respectée, le tribunal précise qu’en vertu du principe selon lequel les actes administratifs bénéficient de la présomption de légalité, il incombe au demandeur de rapporter la preuve de l’illégalité de l’acte faisant l’objet de son recours. Si le principe de loyauté impose que l’administration collabore à l’administration des preuves dès lors qu’elle en détient, il n’en reste pas moins que l’essentiel du fardeau de la preuve en droit administratif est porté par le demandeur.2 Il s’ensuit que la demanderesse ne saurait se contenter de reprocher de manière non autrement étayée à l’administration communale de ne pas avoir rapporté la preuve du respect de la procédure prévue par le titre 5 de la loi du 19 juillet 2004, mais qu’il lui aurait appartenu, dans un premier temps, d’indiquer la disposition légale concrète qui aurait, d’après elle, été violée et de préciser, dans un second temps, en quoi consisterait cette violation, ce qu’elle est cependant restée en défaut de faire. L’argumentation en question encourt, dès lors, le rejet, étant encore précisé, dans ce contexte, qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence de la partie demanderesse dans la présentation d’un moyen.
Quant au fond, après avoir précisé que le règlement communal déféré aurait vocation à s’appliquer au susdit « ….», qui constituerait un centre commercial, ce qui n’équivaudrait pas à un site remarquable digne de protection, la société demanderesse soutient que ledit règlement serait contraire à l’intérêt général, étant donné qu’il réduirait la visibilité dudit centre commercial, de sorte à en diminuer l’attractivité, et qu’il nuirait au consommateur, qui se verrait privé d’un moyen aisé de trouver l’enseigne qu’il rechercherait.
Plus particulièrement, la société demanderesse soutient que l’article 5 du règlement communal déféré empêcherait toute publicité sur les faces latérales et arrière de l’immeuble concerné, sauf si elles donnent sur une rue et sont percées de fenêtres, que la surface maximale autorisée des enseignes dans les zones industrielles et spécifiques, telle que prévue par l’article 6 du règlement litigieux, serait trop réduite par rapport à la taille des bâtiments situés dans le susdit « ….» et que compte tenu des prescriptions de l’article 7 dudit règlement relatives à la taille des lettres, dans le cas d’une publicité se faisant par des lettres aux contours découpés, apposées à plats, une enseigne avec cinq lettres devant respecter le logo de la marque ne pourrait souvent pas dépasser le mètre en longueur. Quant à l’article 10 du règlement déféré, la société ……..soutient que l’uniformisation qui serait imposée par la disposition en question nuirait à l’attractivité du centre commercial et serait constitutive d’un non-sens, étant donné que la publicité aurait justement pour objectif de permettre aux entreprises de se démarquer de leurs concurrents. Elle s’interroge sur la question de savoir comment le consommateur pourrait se retrouver face à une telle uniformisation, de même que sur celle de savoir à quels impératifs répondraient les exigences inscrites à la susdite disposition réglementaire relatives à l’alignement et aux dimensions des enseignes. La société demanderesse donne encore à considérer que la situation actuelle ne s’apparenterait pas à de la pollution visuelle et que les standards dorénavant imposés aux enseignes pourraient conduire ses locataires à opter pour d’autres sites, présentant moins de contraintes, de sorte que le consommateur se verrait privé de points de vente. A cet égard, après avoir souligné que la zone commerciale en question serait « (…) d’importance dans le maillage du pays quant à l’approvisionnement de la population (…) » et aspirerait à attirer une clientèle de la région entière, elle ajoute que « (…) cela conduirait la Commune à devoir supporter des 2 …. et …., Le contentieux administratif en droit luxembourgeois, Pas. adm. 2017, p. 22, n° 25.
infrastructures importantes (route,…) sans rapport avec les besoins de ses seuls habitants, sans oublier l’impact qu’aurait une telle situation quant à l’emploi au niveau local (…) ».
Elle insiste sur le fait que les contraintes résultant d’une application combinée des différents articles du règlement déféré, dont notamment les articles 7, 8 et 10, rendraient impossible toute évolution d’une marque. Or, les enseignes internationales refuseraient de modifier leurs cahiers des charges et se détourneraient du centre commercial en question, alors que l’intérêt général « (…) commande[rait] l’inverse (…) ». La demanderesse critique ensuite les dispositions de l’article 12 du règlement litigieux, relatives aux enseignes s’intégrant dans la conception d’une vitre par un film adhésif translucide, en soulignant qu’ « (…) en cas de pose d’une vitrauphanie à l’intérieur, cela [pourrait] conduire à des ruptures thermiques et à ce que le vitrage se fende[rait] (…) », ce qui ne serait pas dans l’intérêt de la population. Quant à l’interdiction de placer des bannières publicitaires sur des drapeaux aux alentours des immeubles, telle qu’inscrite à l’article 15 du règlement communal, la société ……..donne à considérer que la présence de drapeaux permettrait de reconnaître telle ou telle enseigne et devrait être considérée comme un élément d’attractivité du centre commercial.
Pour le cas où le tribunal devrait arriver à la conclusion que le règlement communal ne se heurterait pas à l’intérêt général, la société ……..lui demande de se livrer à un contrôle de proportionnalité et ainsi de vérifier la matérialité des faits gisant à la base dudit règlement et d’analyser si ces faits sont de nature à justifier l’acte litigieux.
La société demanderesse ajoute que l’administration communale ne saurait se retrancher derrière le fait que la teneur du règlement communal déféré s’inspirerait du règlement grand-ducal du 4 juin 1984 relatif à la publicité visée aux articles 37 et ss. de la loi du 18 juillet 1983 concernant la conservation et la protection des sites et monuments nationaux, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 4 juin 1984 », étant donné que ledit règlement grand-ducal aurait été pris en exécution de la loi du 18 juillet 1983 concernant la conservation et la protection des sites et monuments nationaux, ci-après désignée par « la loi du 18 juillet 1983 », de sorte qu’il aurait seulement vocation à s’appliquer aux sites tombant dans le champ d’application de ladite loi. Ainsi, les autorités communales seraient allées au-delà de la loi en tentant d’imposer des règles qui n’auraient pas vocation à régir la situation de l’espèce. Ce faisant, elles auraient violé l’article 10bis de la Constitution, consacrant le principe d’égalité devant la loi, qui, appliqué au cas d’espèce, serait de nature à interdire aux autorités communales d’imposer, à travers le règlement communal litigieux, des charges plus importantes au centre commercial exploité par la société ……..que celles qui s’appliqueraient aux autres centres commerciaux.
Finalement, pour l’hypothèse où le tribunal ne devrait pas procéder à l’annulation du règlement communal déféré, pris dans l’ensemble de ses dispositions, la société ……..demande de voir prononcer l’annulation de l’article 18 dudit règlement, qui prévoirait l’application rétroactive des dispositions du règlement en question, alors qu’un règlement ne pourrait disposer que pour l’avenir.
L’administration communale fait plaider que la société demanderesse confondrait l’intérêt général avec son intérêt commercial. Elle précise qu’il appartiendrait au conseil communal d’édicter des règles applicables à tout administré pour un sujet qu’il estimerait important d’être réglé par des règles spécifiques et qu’il s’agirait là d’un choix purement politique échappant au contrôle du juge administratif tant que ces règles ne verseraient pas dans l’arbitraire. Cette dernière question serait à apprécier au niveau du territoire communal concerné et il y aurait lieu de vérifier si tous les administrés se trouvant dans des situations identiques sont soumis aux mêmes règles. A cet égard, le fait que d’autres communes auraient, le cas échéant, adopté des règles plus favorables à une activité donnée serait sans pertinence. L’administration communale souligne, à titre d’exemple, que chaque commune règlerait différemment la question du nombre d’emplacements de stationnement requis pour telle ou telle activité. Or, à suivre l’argumentation de la demanderesse, toutes ces dispositions seraient illégales pour ne pas être uniformes sur tout le territoire du Luxembourg. Dans ce contexte, la partie défenderesse insiste sur le fait que le Luxembourg serait signataire de la Charte européenne de l’autonomie locale, faite à Strasbourg le 15 octobre 1985, ratifiée par la loi du 18 mars 1987, dans le but de conférer à chaque commune une certaine autonomie lui permettant de gérer elle-même son territoire communal et d’édicter des règles s’appliquant sur ce dernier.
En l’espèce, les autorités communales auraient décidé de régir la façon selon laquelle des affiches publicitaires pourraient être apposées à des immeubles par le biais du règlement déféré. Les dispositions de ce règlement n’auraient rien d’arbitraire et seraient conformes à l’intérêt général, en ce qu’elles distingueraient différentes règles applicables pour différentes zones du territoire communal, en prenant en considération l’affectation des zones concernées.
Si la société demanderesse estime que ces règles ne seraient pas favorables à son activité commerciale, il n’en resterait pas moins que dans la mesure où lesdites règles s’appliqueraient de manière identique dans des situations comparables sur le territoire communal, les choix politiques des autorités communales quant aux tailles des publicités autorisables, quant aux endroits où elles pourraient être apposées et quant aux autres modalités à respecter échapperaient au contrôle des juridictions administratives. Il en irait de même en ce qui concerne la question de savoir si ces règles diminuent la visibilité ou l’attractivité du centre commercial exploité par la demanderesse. Les contestations afférentes de la société ……..seraient d’ailleurs inopérantes, étant donné que chaque commune serait libre de décider si elle veut voir apposer sur des immeubles situés sur son territoire des « (…) publicités gigantesques en multicolores et illuminées par du luminaire clignotant (…) » ou si elle préfère opter pour des affiches plus décentes, ce qui serait, à nouveau, constitutif d’un choix politique exempt de tout arbitraire. Quant à l’argumentation de la demanderesse selon laquelle certaines entreprises refuseraient de s’implanter dans une zone relevant du champ d’application du règlement litigieux, l’administration commerciale cite l’exemple d’une chaîne de restauration rapide américaine, qui aurait certes toujours refusé d’adapter ses affiches au Grand-Duché de Luxembourg, au motif qu’il s’agirait de son image de marque, mais qui aurait doté ses restaurants situés au centre de …. d’affiches très décentes s’intégrant parfaitement dans l’environnement bâti. S’agissant des développements de la société ……..selon lesquels l’article 10 du règlement communal imposerait une uniformisation des publicités empêchant les entreprises de se démarquer de leurs concurrents, l’administration communale fait plaider que la demanderesse ferait une mauvaise interprétation dudit article 10, étant donné que celui-ci imposerait une uniformisation uniquement quant à la taille et à l’alignement des affiches, de sorte à laisser à chaque enseigne le libre choix de se démarquer d’une façon ou d’une autre de ses concurrents.
Quant au reproche adressé par la société demanderesse aux autorités communales de s’être inspirées du règlement grand-ducal du 4 juin 1984, l’administration communale fait valoir que contrairement à l’argumentation de la société …….., ce règlement grand-ducal ne s’appliquerait pas exclusivement à des sites et monuments bénéficiant d’une protection nationale, ainsi que cela se dégagerait de l’article 37 de la loi du 18 juillet 1983. D’ailleurs, si les autorités communales se sont inspirées dudit règlement grand-ducal, il serait difficilement concevable que le règlement communal déféré serait contraire à l’intérêt général.
Dans son mémoire en réplique, la société ……..insiste sur le fait qu’il appartiendrait à l’administration communale de préciser en quoi le règlement communal déféré serait conforme à l’intérêt général, notion qui devrait être définie comme « (…) ce qui [serait] pour le bien public, à l’avantage de tous (…) », tout en réitérant son argumentation selon laquelle l’acte attaqué se heurterait à l’intérêt général, étant donné qu’il aurait pour conséquence de désorienter le consommateur, qui devrait « (…) errer à la recherche de l’enseigne espérée (…) ».
Quant à l’argumentation de l’administration communale selon laquelle ses choix seraient d’ordre politique, de sorte à échapper au contrôle des juridictions administratives, tant qu’il n’y aurait pas de situation arbitraire, la société demanderesse soutient que les choix des autorités communales seraient justement à qualifier d’arbitraires. A cet égard, elle souligne que les dispositions du règlement litigieux auraient vocation à s’appliquer à une zone commerciale – qui n’équivaudrait pas à une « (…) zone protégée (…) » – et que l’objectif d’une telle zone serait de proposer aux consommateurs une large gamme de produits, tout en lui offrant des services, tels qu’un stationnement plus aisé qu’en agglomération. Or, le règlement litigieux empêcherait une publicité, respectivement une signalisation utiles, alors que les commerçants devraient se défendre par rapport à la concurrence émanant du commerce électronique, que la société demanderesse qualifie d’impitoyable. Dans ce contexte, la société demanderesse insiste sur le fait que la zone commerciale qu’elle exploiterait créerait des emplois, générerait des revenus et ferait vivre la localité de …..
Quant aux développements de l’administration communale selon lesquels le bien-
fondé de l’acte litigieux serait à apprécier par rapport au seul territoire de la commune de …., la demanderesse fait valoir qu’une telle approche créerait des distorsions, que l’autonomie communale aurait des limites et qu’elle serait « (…) rien de moins que devant le fait du prince (…) ».
La société demanderesse réfute l’argumentation de l’administration communale relative à l’apparence de la publicité des restaurants d’une chaîne américaine de restauration rapide situés à …., en faisant valoir que cette ville ne serait, d’un point de vue architectural, pas comparable au « ….» de …., que le design des enseignes publicitaires de ces restaurants serait sans rapport avec une quelconque réglementation propre à la ville de …., mais serait le résultat d’une politique du groupe, et que les grandes enseignes établies dans cette ville utiliseraient d’ailleurs les mêmes codes de couleur, les mêmes logos et la même présentation qu’ailleurs.
Elle reproche encore à l’administration communale de faire une lecture minimaliste de l’article 10 du règlement communal déféré en faisant plaider que seule l’uniformisation de la taille et de l’alignement des enseignes y serait requise, alors que la disposition en question exigerait que les enseignes devraient être du même type, de sorte à devoir être identiques.
Dans ce contexte, la société demanderesse déclare « (…) plaide[r] l’imprécision du terme « du même type » (…) ».
Dans son mémoire en duplique, l’administration communale fait plaider qu’une commune souhaitant édicter des règles en matière d’enseignes et de publicités devrait nécessairement exprimer à travers le règlement à adopter son choix politique de ce qu’elle entendrait voir autoriser et de ce qu’elle n’entendrait pas voir autoriser. L’intérêt général serait reflété dans ce choix nécessairement politique de voir réglementer les publicités et enseignes à afficher sur les façades des immeubles et de les réglementer de sorte à ce que tout un chacun se trouvant dans la même situation serait soumis aux mêmes règles. La partie défenderesse insiste sur le fait que la société ……..serait restée en défaut de « (…) déceler le moindre arbitraire parmi les règles édictées (…) », tout en soulignant qu’il n’appartiendrait pas au juge administratif de substituer son appréciation subjective au choix politique des autorités communales.
Quant à l’étendue du pouvoir de contrôle du tribunal dans le cadre du recours en annulation dont il est saisi, le tribunal relève de prime abord que le recours exercé contre un acte administratif à caractère réglementaire soumet au juge administratif le seul contrôle des aspects de légalité tirés de l’incompétence, de la violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés ou encore de l’excès ou du détournement de pouvoir, à l’exclusion des considérations de l’opportunité de la mesure réglementaire prise par les autorités politiques compétentes. Dès lors, s’il est vrai que dans le cadre d’un recours en annulation d’une norme réglementaire, le juge a le droit et le devoir de vérifier l’existence matérielle des faits gisant à la base de la mesure contestée, ce contrôle ne saurait cependant s’étendre à des questions de pure opportunité politique de la mesure3.
L’exercice du pouvoir règlementaire doit toujours se faire dans l’intérêt général. Ainsi, s’il est vrai que le pouvoir exécutif a le droit de prendre des actes administratifs à caractère règlementaire de manière discrétionnaire, il n’en demeure pas moins qu’ils doivent toujours être pris dans l’intérêt général qui doit pouvoir être vérifié à la lumière des motifs sur lesquels s’est basé ledit acte à caractère règlementaire, motifs que l’autorité administrative compétente doit faire connaître afin que le juge administratif soit mis en mesure de vérifier leur conformité notamment par rapport à l’intérêt général.
A priori, les actes administratifs à caractère règlementaire sont censés être pris dans l’intérêt général, et il appartient partant à une partie intéressée qui s’estime lésée par un tel acte à démontrer que le but poursuivi par le pouvoir règlementaire est contraire à l’intérêt général. En effet, ce n’est qu’une fois établie une violation de l’intérêt général qu’un acte administratif à caractère réglementaire peut encourir l’annulation totale voire partielle.4 En l’espèce, le tribunal rappelle que l’article 38 de la loi du 19 juillet 2004 impose aux communes d’adopter un règlement sur les bâtisses, qui doit, aux termes de l’article 39 de la même loi, contenir, notamment, des prescriptions relatives aux publicités et aux enseignes.
En d’autres termes, c’est le législateur lui-même qui a imposé aux autorités communales de réglementer la matière des enseignes et des publicités. Il s’ensuit qu’en son principe, la démarche des autorités communales consistant à édicter des règles juridiquement contraignantes concernant les enseignes et les publicités est à considérer comme étant d’intérêt général, étant donné qu’elle répond à une obligation légale.
En ce qui concerne le contenu concret du règlement déféré, le tribunal constate que l’argumentation de la demanderesse consiste, en substance, à dire que les règles imposées à travers ledit règlement seraient excessivement contraignantes, en ce qu’elles nuiraient à l’attractivité du centre commercial exploité par elle.
3 Cour adm. 12 décembre 1998, n° 10452C du rôle, Pas. adm. 2017, V° Actes réglementaires, n° 24 et les autres références y citées.
4 Trib. adm., 6 juin 2016, n° 36404 du rôle, Pas. adm. 2017, V° Actes réglementaires, n° 27.
A l’instar de l’administration communale, le tribunal retient que cette argumentation confond l’intérêt général, que les autorités communales ont pour mission de poursuivre, avec l’intérêt commercial de la société demanderesse ou de ses locataires, respectivement l’intérêt des consommateurs de repérer le plus rapidement que possible les différents commerces situés dans ledit centre commercial. Or, de tels intérêts privés sont sans pertinence au regard de la question de la légalité de l’acte litigieux, étant précisé, dans ce contexte, qu’il n’appartient pas au juge de la légalité d’apprécier le bien-fondé de la pondération que le pouvoir réglementaire attribue aux considérations d’intérêt général par rapport aux intérêts des particuliers qui nécessairement sont susceptibles d’être atteints par une mesure d’ordre réglementaire.5 Dans cet ordre d’idées, le tribunal précise que dans le cadre de la mise en œuvre des articles 38 et 39 de la loi du 19 juillet 2004, les communes sont nécessairement amenées à faire des choix politiques quant aux enseignes et aux publicités qu’elles souhaitent autoriser sur leurs territoires respectifs, sans que les restrictions à la liberté des commerçants qui en découlent nécessairement et leurs éventuelles conséquences pécuniaires soient ipso facto de nature à conférer un caractère arbitraire à ces choix, tel que suggéré par la société ……… Si la société demanderesse se prévaut encore de l’impact négatif des règles édictées par les autorités communales sur l’économie locale dans son ensemble, le tribunal relève que cette argumentation revient à critiquer le choix politique des autorités communales de privilégier des considérations d’ordre esthétique à des considérations économiques, de sorte à échapper au contrôle des juridictions administratives.
Quant à l’argumentation de la demanderesse selon laquelle les prescriptions de l’article 12 du règlement litigieux, relatives aux enseignes s’intégrant dans la conception d’une vitre par un film adhésif translucide, seraient contraires à l’intérêt général, étant donné qu’« (…) en cas de pose d’une vitrauphanie à l’intérieur, cela [pourrait] conduire à des ruptures thermiques et à ce que le vitrage se fende[rait] (…) », le tribunal retient que l’argumentation en question est à rejeter pour reposer sur une simple allégation non autrement étayée de la part de la demanderesse.
Il suit des considérations qui précèdent que le moyen tiré de la violation de l’intérêt général est à rejeter pour ne pas être fondé.
Quant à l’affirmation de la demanderesse selon laquelle elle entendrait « (…) plaide[r] l’imprécision du terme « du même type » (…) », employé à l’article 10 du règlement communal du 8 juillet 2016, le tribunal relève qu’il n’est pas en mesure de prendre position par rapport à un tel moyen simplement suggéré, sans être soutenu effectivement. En effet, en l’absence de l’invocation d’un moyen concret, fondé sur la violation alléguée d’une disposition légale précise et susceptible d’entraîner l’annulation du règlement communal déféré, il n’appartient pas au tribunal administratif de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses commentaires.
Par ailleurs, étant donné que la démarche des autorités communales consistant à édicter des règles juridiquement contraignantes concernant les enseignes et les publicités répond à une obligation légale, inscrite aux articles 38 et 39 de la loi du 19 juillet 2004, tel que relevé ci-avant, le fait, pour lesdites autorités, de s’être inspirées, pour la rédaction du 5 Cour adm. 29 novembre 2001, n°13357C du rôle, Pas. adm. 2017, V° Actes réglementaires, n° 25 et les autres références y citées.
règlement communal déféré, d’un règlement grand-ducal ayant – selon la demanderesse – un champ d’application plus restreint, en l’occurrence le règlement grand-ducal du 4 juin 1984, est sans pertinence par rapport à légalité du règlement communal litigieux, de sorte que l’argumentation afférente de la société ……..encourt le rejet.
Quant au moyen tiré de la violation du principe constitutionnel de l’égalité devant la loi, tel qu’inscrit à l’article 10bis de la Constitution, le tribunal relève que si ce principe, qu’il appartient au pouvoir réglementaire communal de respecter, conformément à la théorie de la hiérarchie des normes, interdit le traitement de manière différente de situations similaires, à moins que la différenciation soit objectivement justifiée, il n’en reste pas moins qu’au niveau communal, le respect de ce principe s’apprécie nécessairement par rapport aux situations existant sur le territoire de la commune concernée, de sorte qu’un règlement communal ne saurait être considéré comme étant contraire à l’article 10bis de la Constitution du seul fait que la réglementation communale d’autres communes soumet un type de situation à des règles juridiques distinctes de celles prévues par le règlement communal en question. Cette solution s’impose compte tenu du fait, d’une part, que le pouvoir réglementaire communal est limité par l’étendue territoriale de la commune6 et, d’autre part, qu’admettre le contraire reviendrait à imposer, pour un type de situation donné, une réglementation communale identique pour toutes les communes luxembourgeoises, ce qui serait incompatible avec le principe de l’autonomie communale, consacré par l’article 107 de la Constitution. Le moyen sous analyse encourt, dès lors, le rejet.
Quant au moyen tiré de l’illégalité de l’article 18 du règlement déféré, en ce qu’il prévoirait la rétroactivité des dispositions du règlement en question, le tribunal relève que les actes administratifs ne disposent que pour l’avenir. En vertu de ce principe général du droit public, appelé encore principe de la non-rétroactivité des actes administratifs, aucune autorité administrative ne peut légalement, sauf habilitation légale, fixer l’entrée en vigueur d’une décision, réglementaire ou individuelle, à une date antérieure à celle respectivement de sa publication ou de sa notification. Concernant le fondement de la règle de la non-rétroactivité des actes administratifs, il convient de relever qu’elle n’est pas l’application pure et simple de la disposition de l’article 2 du code civil, pour le motif déterminant que cet article ne concerne que les lois, mais il s’agit d’un principe général du droit qui relève de la simple logique juridique et qui découle, notamment, d’une nécessité sociale dans l’état actuel de notre civilisation et de notre organisation politique. Ledit principe s’impose avec force de loi, sans avoir besoin d’un texte écrit.7 L’article 18 du règlement communal déféré est libellé comme suit : « Tous les travaux et toutes les installations contraires aux dispositions du présent règlement sont interdits à partir du jour de sa publication, qui suit le vote par le conseil communal ».
Force est au tribunal de constater que l’interdiction visée par ledit article ne s’applique que pour la période postérieure à la publication du règlement communal litigieux, de sorte qu’a priori, elle ne se heurte pas au principe de non-rétroactivité des actes administratifs.
Quant à la question de l’éventuelle applicabilité, pour l’avenir, de ladite interdiction à des installations existant au jour de la publication du règlement déféré, le tribunal relève que la rétroactivité doit être distinguée de l’application immédiate de la nouvelle norme aux situations en cours, c’est-à-dire à des situations qui, nées dans le passé, se poursuivent 6 …., « L’Etat luxembourgeois », …., Imprimerie Editpress, 6e édition, 1990, p. 324.
7 Trib. adm., 29 octobre 1998, n° 10684 du rôle, confirmé par Cour adm., 25 février 1999, n° 11015C du rôle, Pas. adm. 2017, V° Actes administratifs, n° 154 et les autres références y citées.
postérieurement à l’édiction de l’acte en cause. Si, dans ce cadre, elle est susceptible de modifier désormais la situation des intéressés, leur régime juridique n’est cependant pas rétroactivement altéré. Concernant l’effet de la norme nouvelle, il convient de différencier entre les droits acquis et les simples expectatives, la norme nouvelle ne modifiant pas les droits acquis sous le régime de l’ancienne norme, ce qui serait lui faire produire un effet rétroactif, la nouvelle norme pouvant cependant se substituer à la norme ancienne pour autant qu’il ne s’agit que de simples expectatives.8 Or, force est au tribunal de constater que l’article 18 du règlement communal déféré ne prévoit pas en tant que tel une modification de droits acquis sous le régime d’une réglementation antérieure. Plus précisément, il ne prévoit pas que d’éventuelles autorisations délivrées avant la publication du règlement litigieux perdraient leur validité après celle-ci. Dans ces circonstances, le tribunal retient que le moyen tiré d’une violation du principe de non-rétroactivité des actes administratifs encourt le rejet.
Quant à l’invitation adressée au tribunal par la société demanderesse de se livrer à un contrôle de proportionnalité et ainsi de vérifier la matérialité des faits gisant à la base dudit règlement et d’analyser si ces faits sont de nature à justifier l’acte litigieux, il y a lieu de relever que saisi d’un recours en annulation, le tribunal statue par rapport à la décision administrative lui déférée sur base des moyens invoqués par la partie demanderesse tirés d’un ou de plusieurs des cinq chefs d’annulation énumérés à l’article 2, alinéa 1er de la loi du 7 novembre 1996, sans que son analyse ne puisse s’étendre à un réexamen général et global de la situation de la partie demanderesse9. Ainsi, la partie demanderesse ne saurait se contenter d’inviter le tribunal à effectuer un contrôle de légalité et de proportionnalité, mais il lui appartient de lui soumettre des moyens concrets, formulés avec un degré de précision suffisant pour lui permettant d’effectuer un tel contrôle. A défaut de tels moyens, outre ceux venant d’être tranchés, il n’appartient pas au tribunal de réserver une suite à la susdite invitation formulée par la société ……… Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation est à rejeter pour n’être fondé en aucun de ses moyens.
Eu égard à l’issue du litige, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de la société ……..tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 2.500 euros.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
rejette la demande de la société demanderesse tendant à l’obtention d’une indemnité de procédure de 2.500 euros ;
condamne la société demanderesse aux frais.
Ainsi jugé par:
8 Cour adm., 21 octobre 2014, n° 34339C du rôle, Pas. adm. 2017, V° Lois et règlements, n° 79.
9 Trib. adm., 6 décembre 2006, n° 21591 du rôle, Pas. adm. 2017, V° Recours en annulation, n° 28 et les autres références y citées.
Françoise Eberhard, vice-président, Daniel Weber, juge, Michèle Stoffel, juge, et lu à l’audience publique du 12 février 2018 par le vice-président, en présence du greffier assumé Vanessa Soares.
s.Vanessa Soares s.Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 12 février 2018 Le greffier assumé du tribunal administratif 17