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08/01/2018 | LUXEMBOURG | N°37093

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 janvier 2018, 37093


Tribunal administratif N° 37093 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 octobre 2015 2e chambre Audience publique du 8 janvier 2018 Recours formé par Monsieur …..et Madame ….., épouse ….., ….., contre deux décisions du bourgmestre de la commune de Mondorf-les-Bains en matière de permis de construire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37093 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 octobre 2015 par Maître Georges Krieger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur â

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« 1. ...

Tribunal administratif N° 37093 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 octobre 2015 2e chambre Audience publique du 8 janvier 2018 Recours formé par Monsieur …..et Madame ….., épouse ….., ….., contre deux décisions du bourgmestre de la commune de Mondorf-les-Bains en matière de permis de construire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37093 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 octobre 2015 par Maître Georges Krieger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …..et de son épouse, Madame ….., demeurant à L-…., tendant à l’annulation de :

« 1. la décision implicite de refus du bourgmestre de la commune de Mondorf-les-Bains suite à la demande d’autorisation de bâtir introduite le 12 mars 2015 par les requérants pour la construction d’une maison d’habitation à L-…..;

2. la décision du 10 août 2015 du bourgmestre de la commune de Mondorf-les-Bains soumettant l’instruction du dossier et partant la délivrance d’une autorisation de bâtir au paiement préalable d’une taxe d’équipement et d’une taxe de chancellerie » ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Patrick Muller, en remplacement de l’huissier de justice Frank Schaal, demeurant à Luxembourg, du 30 octobre 2015, portant signification de ce recours à l’administration communale de Mondorf-les-Bains, établie en sa maison communale à L-5612 Mondorf-les-Bains, 1, avenue des Villes Jumelées, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 2 novembre 2015 par Maître Anne-Laure Jabin, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Mondorf-les-Bains ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 27 janvier 2016 par Maître Anne-Laure Jabin, au nom de l’administration communale de Mondorf-les-

Bains ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 25 février 2016 par Maître Georges Krieger au nom de Monsieur …..et de son épouse, Madame ….. ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 25 mars 2016 par Maître Anne-Laure Jabin, au nom de l’administration communale de Mondorf-les-Bains ;

Vu les pièces versées en cause ainsi que la décision critiquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Sébastien Couvreur, en remplacement de Maître Georges Krieger, et Maître Anne-Laure Jabin en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 novembre 2016 ;

Vu l’avis du 24 janvier 2017 du tribunal administratif prononçant la rupture du délibéré ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Sébastien Couvreur, en remplacement de Maître Georges Krieger, et Maître Anne-Laure Jabin en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 septembre 2017.

Il ressort des documents soumis au tribunal qu’en date du 17 octobre 2013, Monsieur …..et de son épouse, Madame ….., désignés ci-après par « les consorts ….. », propriétaires à parts égales des parcelles cadastrales inscrites au cadastre de la commune de Mondorf-les-

Bains, section B de Mondorf-les-Bains, sous les numéros ….., situées dans la rue …..à Mondorf-les-Bains, ont fait introduire auprès du bourgmestre de la commune de Mondorf-les-

Bains, désigné ci-après par « le bourgmestre », une demande d’autorisation de construire sur lesdites parcelles, une maison d’habitation.

Suite à différents échanges entre l’administration communale de Mondorf-les-Bains et l’architecte des consorts ….., par courrier électronique et lors de réunions, les consorts ….. ont par courrier de leur architecte du 7 juillet 2014, transmis au bourgmestre des plans modifiés relatifs à leur demande d’autorisation de construire initiale du 17 octobre 2013.

Par courrier du 13 janvier 2015 de leur architecte, les consorts ….. se sont renseignés auprès du bourgmestre des suites réservées à leur demande d’autorisation, telle que modifiée.

Par courrier de leur architecte du 12 mars 2015, les consorts ….. ont encore transmis au bourgmestre une modification de leur demande en obtention d’un permis de construire pour une maison d’habitation sur leurs parcelles situées dans la rue …..à Mondorf-les-Bains, qu’ils qualifient dans le cadre de leur requête introductive d’instance de « nouvelle demande d’autorisation de bâtir ».

Le 6 juillet 2015 le litismandataire des consorts ….. s’adressa par courrier au bourgmestre pour attirer son attention sur le fait que les consorts ….. restaient sans réponse quant à leur demande d’autorisation de construire et demanda au bourgmestre de « réexaminer » la demande jusqu’au 31 juillet 2015, à défaut de quoi il se verrait obligé de saisir les juridictions administratives d’un « recours en annulation contre [la] décision implicite de refus ».

Par courrier du 15 juillet 2015, l’architecte des consorts ….., en se référant à un entretien téléphonique du 9 juillet 2015, transmit à l’administration communale de Mondorf-

les-Bains des « informations supplémentaires ajoutées aux plans », ainsi qu’un passeport énergétique, en relation avec la demande modifiée d’autorisation de construire sur leurs parcelles situées dans la rue …..

Par courrier du 5 août 2015, le litismandataire des consorts ….. demanda une nouvelle fois au bourgmestre de prendre position par rapport à la demande d’autorisation de construire introduite par les consorts …… Le 10 août 2015, l’administration communale de Mondorf-les-Bains adressa un courrier signé par le bourgmestre et le secrétaire communal au litismandataire des consorts …… Ledit courrier est de de la teneur suivante :

« (…) Nous avons l'honneur de vous écrire suite à votre courrier recommandé daté du 6 juillet 2015 et reçu le 7 juillet 2015, et à votre courrier de rappel daté du 5 août 2015 et reçu le 6 août 2015 par lequel vous demandez ce qu'il en est de la demande en autorisation de bâtir de vos mandants déposée le 12 mars 2015.

Nous vous saurions gré de bien vouloir nous indiquer dans un premier temps quelle serait la base légale qui indiquerait qu'il s'agirait d'une décision implicite de refus, sachant que l'article 37 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain ne prévoit pas de délai pour la délivrance d'une autorisation.

Par ailleurs, nous vous informons que l'article 107 de notre règlement général sur les bâtisses actuellement en vigueur impose le paiement de la taxe de chancellerie avant la délivrance d'une autorisation de bâtir.

Egalement, suivant règlement taxe du conseil communal du 8 décembre 2014, approuvé par arrêté grand-ducal du 28 janvier 2015 et par décision ministérielle du 6 février 2015, règlement dûment publié au Mémorial du 3 avril 2015, votre mandant est tenu de payer une taxe d'équipement au plus tard lors de toute demande en autorisation de bâtir.

Ces travaux ont été préfinancés et la réception provisoire a eu lieu le 30 juillet 2015.

Votre mandant recevra dès lors la demande de paiement tant de la taxe de chancellerie que la demande de paiement de la taxe d'équipement par le receveur communal.

Une fois ces deux paiements reçus, et pour le cas où la demande serait conforme à la réglementation urbanistique de notre commune, une autorisation de bâtir pourrait être délivrée.

La présente est un simple courrier d'information et ne vaut en aucune façon prise de position ou décision. (…) ».

Par requête déposée le 27 octobre 2015 au greffe du tribunal administratif, les consorts ….. ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de 1. « la décision implicite de refus du bourgmestre de la commune de Mondorf-les-Bains suite à la demande d’autorisation de bâtir introduite le 12 mars 2015 par les requérants pour la construction d’une maison d’habitation à L-…..» et 2. « la décision du 10 août 2015 du bourgmestre de la commune de Mondorf-les-Bains soumettant l’instruction du dossier et partant la délivrance d’une autorisation de bâtir au paiement préalable d’une taxe d’équipement et d’une taxe de chancellerie ».

Quant à la recevabilité du recours L’administration communale de Mondorf-les-Bains conteste la recevabilité du recours en annulation sous ses deux volets.

En ce qui concerne le premier volet du recours sous examen, dirigé contre une décision implicite de refus du bourgmestre de délivrer une autorisation de construire, l’administration communale conteste l’existence d’une telle décision implicite de refus, au motif que le dossier aurait toujours été en cours d’instruction. Elle énumère ainsi les différents entretiens, entrevues et échanges de courriers électroniques qui ont eu lieu entre ses propres agents et le bureau d’architectes des époux ….. à compter de l’introduction de la demande d’autorisation de bâtir le 17 octobre 2013, jusqu’à son courrier également déféré en cause du 10 août 2015. Elle explique à cet égard que la demande initialement introduite n’aurait pas été conforme au plan d'aménagement général, de sorte qu’elle aurait dû être adaptée. Elle fait encore valoir qu’elle n’aurait reçu le projet de la demande actualisée qu’en date du 17 juillet 2015, de sorte que ce ne serait « certainement pas la date du 15 mars 2015 qui serait à prendre en compte, mais dans le pire des cas celle du 17 juillet 2015 ».

L’administration communale argumente ensuite que le dossier de demande ne serait toujours pas complet. Ainsi, d’une part, l’article 107 du plan d'aménagement général de la commune imposerait le paiement de la taxe de chancellerie lors d’une demande en autorisation de bâtir et, d’autre part, le règlement taxe du 8 décembre 2014 imposerait le paiement de la taxe d’infrastructure lors de la demande en autorisation de bâtir. Malgré l’envoi des factures afférentes, les paiements seraient « inexistants ».

L’administration communale ajoute que faute de réception définitive des infrastructures, les parcelles des consorts ….. ne seraient toujours pas viabilisées.

Elle explique ensuite que l’article 4 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, désignée ci-après par « la loi du 7 novembre 1996 », présupposerait la formulation d’une demande effective à l’adresse de l’administration et l’absence de décision afférente. Ledit article impliquerait encore que l’administration fournisse les informations utiles à l’administré et que l’administré collabore à la constitution de son dossier. L’administration communale se réfère dans ce contexte à un jugement du tribunal administratif ayant déclaré irrecevable, pour ne pas rencontrer le prescrit de l’article 4 (1) de la loi du 7 novembre 1996, un recours contre une décision implicite de refus au motif que la demande aurait été bloquée en cours d’instruction par le fait même du demandeur qui aurait omis de la compléter dans le sens préconisé par l’administration. En l’espèce, la demande aurait été « déposée dans sa dernière version en date du 17 juillet 2015 et la Commune [aurait] informé l’administré en date du 10 août 2015 qu’elle allait lui adresser la facture pour le paiement de la taxe de chancellerie et pour la taxe d’équipement, ce qu’elle [aurait] fait en date du 14 août 2015 ». L’administration communale ajoute qu’elle aurait également informé les consorts ….. du fait que la réception provisoire des travaux d’infrastructures n’aurait lieu que le 30 juillet 2015, de sorte que les parcelles ne pourraient pas encore être considérées comme viabilisées, « préalable indispensable d’une autorisation de bâtir ». Elle conclut qu’elle aurait averti les consorts ….. du fait que leur dossier de demande n’était pas complet. Ces derniers refuseraient toutefois de payer les taxes précitées, de sorte qu’ils n’auraient pas complété leur dossier de manière à mettre la Commune en mesure de prendre une décision. Face à un dossier incomplet, aucune décision implicite de refus n’aurait pu naître.

Enfin, l’administration communale soutient que dans l’hypothèse où le tribunal considérait qu’une décision implicite de refus existe, le « recours en réformation » serait à déclarer « irrecevable », puisqu’un tel recours ne serait pas institué par la loi en la matière, de sorte que le tribunal devrait se déclarer incompétent pour en connaître.

En ce qui concerne le second volet du recours dirigé contre le courrier de l’administration communale du 10 août 2015, cette dernière argumente qu’il ne constituerait pas une décision administrative faisant grief, mais un simple courrier informant l’avocat des époux ….. des démarches subséquentes à réaliser afin d’obtenir l’autorisation de bâtir. Il s’agirait d’un acte préparatoire échappant au recours contentieux pour ne pas constituer de véritable décision à qualifier d’acte de nature à produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale des époux ….., au sens de l’article 2 de la loi du 7 novembre 1996. Le courrier ne fixerait même pas le montant redevable à titre des taxes d’infrastructure, mais indiquerait seulement que les consorts ….. recevraient une demande de paiement et qu’une fois les paiements reçus l’autorisation de construire pourrait être délivrée sous condition d’être conforme à la réglementation. Enfin, l’administration communale souligne qu’elle aurait pris le soin de préciser dans le courrier du 10 août 2015 qu’il ne s’agirait que d’une information.

Dans le cadre de leur mémoire en réplique, les demandeurs contestent l’argumentaire de l’administration communale de Mondorf-les-Bains, en affirmant que l’essence même de l’article 4 (1) de la loi du 7 novembre 1996 serait de permettre aux administrés de considérer leur demande comme refusée après l’écoulement d’un délai de trois mois et de porter ce refus implicite devant les juridictions administratives. En l’espèce, leur demande, telle que modifiée le 12 mars 2015, n’aurait connu aucune réponse. Ainsi, au jour de l’introduction du recours sous examen, un délai de plus de trois mois se serait écoulé depuis leur demande, de sorte qu’ils auraient pu considérer leur demande comme rejetée et agir contre cette décision implicite de refus devant les juridictions administratives.

Les demandeurs ajoutent que même à admettre la théorie de l’administration communale de Mondorf-les-Bains selon laquelle la demande initiale aurait été modifiée le 17 juillet 2015, de sorte que l’instruction du dossier aurait toujours été en cours, il y aurait lieu de constater qu’après l’écoulement d’un délai de trois mois à compter du 17 juillet 2015, aucune réponse à leur demande ne serait intervenue. Ils concluent qu’ils auraient pu considérer leur demande comme rejetée au moment de l’introduction du recours sous examen.

Ils rejettent encore l’argumentation de l’administration communale selon laquelle le non-paiement de certaines taxes impliquerait que le dossier de demande serait incomplet.

Ainsi, le paiement d’une taxe ne constituerait pas un préalable, suivant la réglementation urbanistique communale, à la délivrance d’une autorisation de construire et encore moins à l’instruction du dossier de demande. Ils se réfèrent dans ce contexte à la jurisprudence des juridictions administratives.

En ce qui concerne le volet du recours dirigé contre le courrier de l’administration communale du 10 août 2015, les consorts ….. insistent sur le caractère décisionnel dudit courrier qui ressortirait des termes mêmes dudit courrier. En somme, le bourgmestre conditionnerait l’instruction même de la demande d’autorisation de bâtir au paiement préalable des taxes dont la légalité et les montants seraient critiqués par les demandeurs.

L’autorité communale forcerait ainsi les administrés au paiement d’une participation à des frais qu’ils contesteraient tant quant à leur montant que quant à leur principe. Le courrier du 10 août 2015 constituerait dès lors une décision administrative faisant grief dans la mesure où ils ne pourraient pas obtenir leur autorisation de construire pour des raisons contestées et contestables.

L’administration communale répond que si certes un délai de plus de trois mois s’était écoulé entre le 17 juillet 2015, date du dépôt d’informations complémentaires par les consorts ….. par rapport à leur demande, et la date de l’introduction du recours sous examen, il y aurait toutefois lieu de noter qu’elle aurait adressé un courrier le 10 août 2015 aux consorts …… Ledit courrier ne constituerait à son avis pas une décision administrative susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux. Selon l’administration communale, les époux ….. se contrediraient et deux hypothèses pourraient se présenter qui devraient cependant être clairement distinguées. Ainsi, soit, le courrier du 10 août 2015 ne constituerait qu’une information à destination des époux ….. et non point une décision administrative faisant grief, de sorte que le recours à son encontre serait irrecevable, soit le courrier du 10 août 2015 constituerait une véritable décision administrative susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux. Dans cette dernière hypothèse, le délai de trois mois, tel que prévu par l’article 4 (1) de la loi du 7 novembre 1996, n’aurait pas été atteint au moment de l’introduction du recours sous examen, de sorte qu’aucune décision implicite de refus n’aurait pu naître et que le volet du recours dirigé contre une telle décision implicite de refus serait irrecevable.

L’administration communale ajoute qu’en matière de recours en annulation, le tribunal serait amené à apprécier la recevabilité du recours par rapport, non pas à la date de dépôt du recours, mais par rapport à la date de prise de la décision litigieuse. Or, en l’espèce, les demandeurs auraient dirigé leur recours contre le courrier du 10 août 2015, de sorte que le tribunal serait tenu de statuer par rapport à la date du 10 août 2015.

L’administration communale conteste encore qu’elle conditionnerait l’instruction du dossier des consorts ….. au paiement d’une taxe. Elle déclare, par ailleurs, qu’il serait « consternant » de lire que les consorts ….. n’auraient pas disposé d’une copie du règlement des bâtisses de la commune, alors que durant les discussions avec leur bureau d’architectes, ledit règlement aurait été à leur disposition.

La commune de Mondorf-les-Bains affirme ensuite que les consorts ….. auraient modifié l’objet de leur recours en cours d’instance et solliciteraient désormais « l’annulation des décisions implicites de refus d’instruction ».

Enfin, elle insiste sur le fait que les demandeurs auraient détourné la voie contentieuse et tenteraient de contourner les règles d’ordre public régissant la procédure devant les juridictions administratives.

A titre liminaire et en résumé, le tribunal constate que le recours est dirigé, d’une part, contre une décision implicite de refus résultant du silence gardé par le bourgmestre de la commune de Mondorf-les-Bains pendant une période de trois mois suite à la demande d’autorisation de construire une maison d’habitation introduite par les consorts ….. en date du 12 mars 2015, sinon en date du 15 juillet 2015, et, d’autre part, contre un courrier adressé le 10 août 2015 par l’administration communale de Mondorf-les-Bains au litismandataire des consorts …… L’administration communale de son côté conteste tant l’existence d’une décision implicite de refus que le caractère décisionnel du courrier du 10 août 2015 et conclut à l’irrecevabilité du recours dans son intégralité.

Aux termes de l’article 4 (1) de la loi du 7 novembre 1996 : « Dans les affaires contentieuses qui ne peuvent être introduites devant le tribunal administratif que sous forme de recours contre une décision administrative, lorsqu’un délai de trois mois s’est écoulé sans qu’il soit intervenu aucune décision, les parties intéressées peuvent considérer leur demande comme rejetée et se pourvoir devant le tribunal administratif. ».

L’article 4 (1) de la loi 1996 instaure la possibilité pour l’administré de considérer sa demande comme rejetée si dans un délai de trois mois à compter de l’introduction de sa demande aucune décision n’est intervenue par rapport à ladite demande et de déférer la décision implicite de refus se dégageant du silence gardé par l’administration au tribunal administratif. Toutefois, les dispositions de l'article 4 (1) de la loi du 7 novembre 1996 ne peuvent être invoquées utilement que dans la mesure où au moment de l’introduction du recours sur cette base, la partie intéressée ne s'est pas vu notifier entre-temps une décision expresse de la part de l'administration1. En effet, la décision implicite de refus disparaît de l’ordonnancement juridique par le fait même de la prise d’une décision explicite.

Dès lors, les questions de recevabilité des deux volets du recours sous examen sont étroitement liées, étant donné que la question de la recevabilité du volet du recours dirigé contre le courrier du 10 août 2015 et, plus particulièrement du caractère décisionnel dudit courrier, conditionne la question de la recevabilité du volet du recours dirigé contre une décision implicite de refus. Ainsi, une éventuelle qualification juridique du courrier du 10 août 2015 en décision administrative susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux impliquerait qu’une éventuelle décision implicite de refus préalable perdrait sa consistance et enlèverait ainsi toute pertinence à la question de l’existence éventuelle d’une telle décision implicite de refus et corrélativement à la question de la recevabilité du volet du recours dirigé contre une telle décision implicite de refus. Le tribunal est dès lors amené à statuer de prime abord sur la question de la recevabilité du volet du recours dirigé contre le courrier du 10 août 2015.

A cet égard, les parties en cause sont en désaccord sur le caractère décisionnel dudit courrier et partant sur la qualification dudit courrier en décision administrative susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux ou en simple courrier d’information ne pouvant pas être porté devant les juridictions administratives.

L'article 2 de la loi du 7 novembre 1996 limite l'ouverture d'un recours devant les juridictions administratives notamment aux conditions cumulatives que l'acte litigieux doit constituer une décision administrative, c'est-à-dire émaner d'une autorité administrative légalement habilitée à prendre des décisions unilatérales obligatoires pour les administrés et qu'il doit s'agir d'une véritable décision, affectant les droits et intérêts de la personne qui la conteste2. En d’autres termes, il doit s’agir d’une décision de nature à faire grief, c'est-à-dire d’un acte susceptible de produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle et patrimoniale de celui qui réclame. N'ont pas cette qualité de décision faisant grief, comme n'étant pas destinées à produire, par elles-mêmes, des effets juridiques, les 1 trib. adm. 17 décembre 2001, n° 12896 du rôle, Pas. adm. 2017, V° Procédure contentieuse, n°236 et les autres références y citées.

2 trib. adm. 6 octobre 2004, n° 16533 du rôle, Pas. adm. 2017, V° Actes administratifs, n°1 et les autres références y citées.

informations données par l'administration, tout comme les déclarations d'intention ou les actes préparatoires d'une décision3.

Force est au tribunal de constater que dans le courrier du 10 août 2015, cité in extenso ci-avant, l’administration communale se limite à informer les consorts ….. qu’ils allaient recevoir une demande de paiement de la part du receveur communal relative à la taxe de chancellerie et à la taxe d’équipement, lesquelles seraient imposées par le règlement des bâtisses de la commune, respectivement par le règlement taxe du conseil communal du 8 décembre 2014. Ledit courrier précise ensuite qu’une fois ces paiements effectués, une autorisation de bâtir pourrait être délivrée sous condition que la demande afférente serait conforme à la réglementation urbanistique de la commune. Dès lors, ledit courrier, sans prendre position sur la demande d’autorisation de construire des consorts ….. et sans même fixer les montants relatifs aux taxes apparemment dues, se limite à informer les époux ….. de leur obligation de payer lesdites taxes, de sorte que le courrier en question est dépourvu de tout élément décisionnel propre et ne saurait, par conséquent, être qualifié de décision administrative de nature à faire grief et à être portée devant les juridictions administratives.

Il s’ensuit que le recours est à déclarer irrecevable pour autant qu’il tend à l’annulation de « la décision du 10 août 2015 du bourgmestre de la commune de Mondorf-les-Bains soumettant l’instruction du dossier et partant la délivrance d’une autorisation de bâtir au paiement préalable d’une taxe d’équipement et d’une taxe de chancellerie ».

En ce qui concerne le volet du recours tendant à l’annulation d’une décision implicite de refus se dégageant du silence gardé par le bourgmestre durant une période de plus de trois mois suite à la demande d’autorisation de construire introduite par les époux ….., il convient de rappeler, tel que précisé ci-avant, que l’article 4 (1) de la loi du 7 novembre 1996 instaure une « présomption de décision de refus non datée et non notifiée », afin de permettre à l’administré de recourir à la justice pour contester l’inaction prolongée de l’autorité administrative compétente. Cette présomption naît à l’expiration d’un délai de trois mois après l’introduction de la demande.

En l’espèce, il est constant en cause, pour ressortir des pièces soumises au tribunal, que par courrier du 17 octobre 2013, les consorts ….. ont introduit une demande d’autorisation de construire une maison d’habitation sur les parcelles 1254/5792 et 1254/5793 situées à 1, rue …..à Mondorf-les-Bains. Il est encore constant que par courrier de leur architecte du 12 mars 2015 – que les demandeurs qualifient de « nouvelle demande d’autorisation de bâtir » -

les demandeurs ont fait transmettre à l’administration communale des « plans modifiés » relatifs à la « demande de permis de construire pour le projet de CONSTRUCTION DE LA MAISON ….. A MONDORF-LES-BAINS ». Enfin, il ressort des pièces versées en cause que par courrier de leur architecte du 15 juillet 2015, les époux ….. ont transmis à l’administration communale un passeport énergétique, ainsi que des « plans en 2 exemplaires » et une « liste de plans » relatif à leur demande de permis de construire.

L’administration communale argumente qu’à l’égard de la demande de permis de construire des consorts ….., aucune décision implicite de refus n’aurait pu naître, d’une part, puisque l’instruction du dossier serait toujours en cours et, d’autre part, « ensuite et surtout » puisque « le dossier [ne serait] toujours pas complet », dans la mesure où la taxe de chancellerie et la taxe d’équipement n’auraient pas encore été payées.

3 trib. adm. 23 juillet 1997, n° 9658 du rôle, confirmé sur ce point par Cour adm. 19 février 1998, n° 10263C du rôle, Pas. adm. V° Actes administratifs, n° 58 et les autres références y citées.

Force est à cet égard au tribunal de constater qu’il est constant en cause qu’en date du 17 octobre 2013, les consorts ….. ont fait introduire une demande d’autorisation de construire auprès du bourgmestre et que même en prenant en compte les modifications de ladite demande introduite le 12 mars, respectivement 15 juillet 2015, un délai de plus de trois mois s’est écoulé entre ces dates et celle du 27 octobre 2015, date du dépôt du recours sous examen au greffe du tribunal administratif, sans que la demande d’autorisation de construire n’ait été rencontrée par une décision administrative définitive et explicite du bourgmestre accordant ou refusant de délivrer la demande d’autorisation sollicitée, étant encore précisé à cet égard que le tribunal vient de retenir que le courrier du 10 août 2015 n’était pas à considérer comme décision administrative susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux. Il s’ensuit que face au silence du bourgmestre quant à leur demande, les demandeurs ont a priori à bon droit pu considérer ladite demande comme implicitement refusée et saisir le tribunal administratif de la décision de refus.

Si la partie publique estime, d’une part, que l’instruction du dossier aurait toujours été en cours et, d’autre part, que le dossier de demande n’aurait pas été complet, ces faits, -

d’ailleurs formellement contestés par les demandeurs en ce qui concerne l’affirmation selon laquelle le dossier ne serait pas complet - ne sauraient cependant faire échec aux dispositions de l’article 4 (1) de la loi du 7 novembre 1996, qui prévoient la faculté, pour l’administré, de considérer le silence perdurant de l’administration pendant plus de trois mois comme valant décision implicite de refus, et de déférer cette décision implicite au tribunal. S’agissant d’une présomption légale contre laquelle aucune preuve n’est admise4 et dont l’invocation est laissée par le législateur à la discrétion de l’administré, le tribunal doit en tenir compte une fois que l’administré a manifesté son intention d’user de la faculté lui offerte par le législateur, et ce, même si l’opportunité du choix des demandeurs de déférer le silence du bourgmestre, ne saurait aboutir au résultat escompté par eux, à savoir l’octroi d’une autorisation de construire5.

Cette conclusion n’est pas énervée par l’affirmation de l’administration communale selon laquelle aucune décision implicite de refus, faisant courir le délai prévu à l’article 4 (1) de la loi du 7 novembre 1996, ne saurait naître dans l’hypothèse d’une demande insuffisamment complétée par l’administré. En l’occurrence l’administration communale argumente que les époux ….. n’auraient pas réglé les taxes de chancellerie et d’équipement, de sorte que leur dossier de demande ne serait pas complet et qu’aucun reproche fondé sur l’article 4 (1) précité ne pourrait lui être adressé pour ne pas encore avoir statué par rapport à leur demande.

Selon la jurisprudence du tribunal administratif, l'application de l’article 4 (1) de la loi du 7 novembre 1996 présuppose, en effet, avant toute autre chose, la formulation d'une demande effective à l'adresse de l'administration ainsi que la réponse par l’administré en temps utile aux demandes de renseignement lui adressées en rapport avec sa demande initiale d’autorisation par l’administration6. Or, force est au tribunal de constater qu’en reprochant aux demandeurs de ne pas avoir complété leur dossier en ne payant pas certaines taxes 4 voir article 1352 du Code civil 5 trib. adm 3 octobre 2005, n° 20283 du rôle, Pas. adm. 2017, V° Procédure contentieuse, n° 234 et autres référénces y citées.

6 trib. adm 3 octobre 2005, n° 20283 du rôle, Pas. adm. 2017, V° Procédure contentieuse, n° 234 et les autres références y citées et trib. adm. 9 novembre 2005, n° 19940 du rôle, Pas. adm. 2017, V° Procédure contentieuse, n° 235 et les autres références y citées communales, l’administration communale opère une confusion entre deux notions, à savoir, d’une part, les éléments du dossier de demande, c’est-à-dire l’ensemble des éléments dont le bourgmestre doit disposer pour être en mesure de statuer en connaissance de cause sur la demande lui adressée, et, d’autre part, les conditions de fond à remplir pour pouvoir obtenir une autorisation. Le paiement d’une taxe ne constitue, en effet, pas un élément du dossier de demande, mais une condition de fond à laquelle le bourgmestre soumet, à tort ou à raison, la délivrance d’une autorisation de construire, cette dernière question étant, en effet, à analyser au niveau du bien-fondé de la décision du bourgmestre. L’élément du dossier afférent, c’est-à-

dire, l’élément dont le bourgmestre devrait disposer pour pouvoir apprécier la demande d’autorisation de construire, serait en l’espèce, constitué par un document attestant du paiement respectivement du non-paiement de la taxe. Il s’ensuit que l’argumentation tirée d’un dossier incomplet est à rejeter.

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure qu’au jour de l’introduction du recours sous examen, les demandeurs ont pu, à juste titre, considérer leur demande comme implicitement rejetée et déférer cette décision implicite de refus au tribunal administratif. Le moyen d’irrecevabilité avancé par l’administration communale et tiré de l’absence d’une décision implicite de refus est partant à rejeter.

L’administration communale de Mondorf-les-Bains conclut encore à l’irrecevabilité du recours sous examen en argumentant comme suit : « Au vu des faits tels que décrits de manière intégrale ci-après, il y a lieu de constater et de l'aveu même de leur litismandataire, que ce recours ainsi que celui contre le Règlement-Taxe n'ont qu'un seul réel objet :

empêcher la condamnation judiciaire aux frais concernant les travaux d'infrastructures du PAP.

Ces recours ont donc pour finalité de détourner la voie contentieuse pour tenter d'effectuer un blocage au niveau des juridictions judiciaires qui ne condamneront au paiement tant que les recours administratifs seront pendants, et ce malgré les dispositions contraires légales, notamment l'article 153 de la loi communale du 13 décembre 1988 telle que modifiée. ».

Les demandeurs contestent cette argumentation de l’administration communale, qui à son avis frôlerait les limites de la mauvaise foi. Ils précisent que l’objet du recours sous examen serait l’annulation « des décisions de refus d’instruction, et plus avant de délivrance de l’autorisation de construire sollicitée. ». Ils affirment encore que l’administration communale viendrait retourner l’argument du détournement de pouvoir lui reproché pour arguer d’un détournement de procédure dans leur chef. Ils concluent en résumé que le recours sous examen n’évoquerait et ne s’intéresserait à la problématique relative à la participation aux frais d’infrastructure du plan d'aménagement particulier, dans l’unique mesure où l’administration communale les contraindrait à un paiement exorbitant et disproportionné, avant de statuer sur la demande d’autorisation de construire. Les demandeurs rejettent encore comme « grotesque » la thèse de l’administration communale selon laquelle ils auraient fait des démarches couteuses en vue d’obtenir une autorisation de construire dans l’unique optique de pouvoir contester et retarder le paiement des montants réclamés.

Force est au tribunal de constater que l’administration communale reste en défaut d’indiquer une quelconque base légale à l’appui de la fin de non recevoir qu’elle intitule « détournement de la voie contentieuse » et qu’elle oppose au recours sous examen. Ledit moyen d’irrecevabilité, par ailleurs, formulé de manière vague et non circonstancié amène le tribunal à préciser qu’il ne lui appartient pas de suppléer à la carence de la partie défenderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base des moyens d’irrecevabilité soulevés. Il s’y ajoute qu’aux termes de l’article 29 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, désignée ci-après par « la loi du 21 juin 1999 » : « L’inobservation des règles de procédure n’entraîne l’irrecevabilité de la demande que si elle a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense ». En l’espèce, l’administration communale de Mondorf-les-Bains reste en défaut tant d’indiquer la règle de procédure qui aurait été enfreinte que d’établir qu’il aurait été porté atteinte d’une quelconque manière à ses droits de la défense.

Dès lors, le moyen d’irrecevabilité de l’administration communale tiré d’un « détournement de la voie contentieuse » est à rejeter pour ne pas être fondé.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et en l’absence d’autres moyens d’irrecevabilité, que le volet du recours dirigé contre une décision implicite de refus se dégageant du silence du bourgmestre de Mondorf-les-Bains par rapport à la demande d’autorisation de construire des consorts ….. du 17 octobre 2013, telle que modifiée le 12 mars 2015, respectivement le 15 juillet 2015, durant une période de plus de trois mois, est recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond Les consorts ….. reprochent à la décision implicite de refus déférée de ne pas être motivée. Ils font ainsi valoir que selon un principe général du droit administratif, tout acte administratif et plus particulièrement toute décision devrait reposer sur un motif dont le juge administratif devrait vérifier tant l’existence que la légalité. Le même principe serait prévu par l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, désigné ci-après par « le règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 ». La décision de refus implicite déférée en l’espèce serait donc à annuler, étant donné que selon la jurisprudence, l’absence de motivation d’une décision administrative devrait entraîner l’annulation de la décision litigieuse par les juridictions administratives.

L’administration communale de Mondorf-les-Bains argumente que pour autant le tribunal arrive à la conclusion de l’existence d’une décision implicite de refus, elle serait en droit de motiver ladite décision en cours d’instance, étant donné que les motifs de refus à la base d’une telle décision se dégageraient en l’espèce des échanges précédents de courriers.

Elle déclare ainsi que parmi les motifs l’ayant déterminée à ne pas délivrer d’autorisation de construire figurerait l’article 37 de la loi du 19 juillet 2004 qui imposerait avant la délivrance de toute autorisation de bâtir que :

«- le dossier soit complet : ce qu’il n’est pas, vu l’absence de paiement des taxes de chancellerie (Selon l’article 107 du règlement sur les bâtisses) et des taxes d’infrastructures (selon le règlement taxe du 8 décembre 2014) et surtout - la parcelle concernée soit viabilisée : ce qui n’est pas le cas. ».

L’administration communale explique que si décision de refus il y a, elle serait à tout le moins motivée par le fait qu’une des conditions de l’article 37 de la loi du 19 juillet 2004 ne serait pas remplie. Ledit article 37 subordonnerait la délivrance de l’autorisation de bâtir à sa conformité au règlement des bâtisses et, en l’espèce, le dossier ne serait pas complet, faute de paiement. Il serait dans ce contexte symptomatique de constater que le litismandataire des consorts ….. aurait souligné « dans son courrier du 11 août 2015 que le non paiement de la taxe (non pas d’équipement mais d’infrastructures) pourrait constituer une condition suspensive de la délivrance matérielle de l’autorisation de bâtir ». Selon l’administration communale, il s’agirait d’un aveu extrajudiciaire dans le chef des consorts ….., alors que ces derniers auraient reconnu que le dossier ne serait pas complet, ce qui serait de nature à rapporter la preuve qu’ils connaîtraient parfaitement les motifs en droit et en fait à la base de la décision déférée. La décision de refus implicite, à supposer qu’elle existe, serait donc motivée à suffisance et ne devrait partant pas encourir l’annulation.

Aux termes de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des Communes : « Toute décision doit baser sur des motifs légaux. La décision doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle : - refuse de faire droit à la demande de l’intéressé ; (…) » L’existence d’une motivation est donc une des conditions essentielles de la validité d’un acte administratif. Toutefois, l’administration peut utilement produire ou compléter les motifs postérieurement à la décision prise et même pour la première fois au cours de la phase contentieuse. La Cour administrative a en effet retenu que la sanction de l’obligation de motiver une décision administrative consiste dans la suspension des délais de recours et que celle-ci reste a priori valable, l’administration pouvant produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois à la phase contentieuse.7.

En l’espèce, la décision déférée consiste dans une décision implicite de refus résultant du silence gardé durant une période de plus de trois mois à partir de la demande d’autorisation de bâtir introduite par les consorts …… Il s’agit donc par définition d’une décision dépourvue de toute indication de la motivation à sa base. Toujours est-il qu’à travers ses mémoires déposés en cours d’instance, l’administration communale a utilement motivé la décision déférée en prenant position tant quant aux éléments de droit que quant aux éléments de fait à sa base. Elle a ainsi insisté sur le fait que le dossier de demande d’autorisation de construire des consorts ….. n’était pas complet au vu du défaut de paiement tant de la taxe d’équipement que de la taxe de chancellerie, ainsi que sur le fait que la parcelle des consorts ….. n’était pas viable. En droit, elle a invoqué une violation de l’article 37 de la loi du 19 juillet 2004, ainsi que de l’article 107 du règlement des bâtisses et, enfin du règlement taxe du 8 décembre 2014.

Dès lors et indépendamment de toute considération quant au bien-fondé de l’argumentation ainsi avancée par l’administration communale, le tribunal est amené à constater que la décision implicite de refus déférée a été valablement motivée au cours de la procédure contentieuse, par une indication tant des circonstances de fait que de la cause juridique à sa base. Le moyen des demandeurs tiré d’une indication insuffisante de la motivation de la décision déférée est partant à rejeter.

En ce qui concerne la question de la légalité interne de la décision déférée, il convient de constater qu’elle est fondée, telle que le tribunal vient de le retenir sur trois motifs de refus, à savoir, premièrement, le fait que le dossier de demande ne serait pas complet en raison du défaut de paiement de la taxe d’équipement en application du règlement taxe du 8 décembre 2014, deuxièmement, le fait que le dossier de demande ne serait pas complet en raison du 7 cf. Cour adm. 20 octobre 2009, n° 25738C du rôle, Pas. adm. 2017, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 83 et les autres références y citées.

défaut de paiement de la taxe de chancellerie en application de l’article 107 du règlement des bâtisses et, enfin, troisièmement, le fait que les parcelles des consorts ….. ne seraient pas à considérer comme viables au sens de l’article 37 de la loi du 19 juillet 2004. Face aux contestations de ces trois motifs de refus avancées par les consorts ….., le tribunal est amené à les analyser séparément, étant toutefois entendu que si un des trois motifs de refus a valablement fondé la décision implicite de refus de délivrer une autorisation de construire aux demandeurs, sa légalité ne peut plus être énervée, de sorte que l’analyse des deux autres motifs de refus devient surabondante.

En ce qui concerne le moyen tiré du refus de paiement de la taxe de chancellerie, les demandeurs argumentent que le bourgmestre aurait commis un détournement de pouvoir en l’espèce. Ils expliquent à cet égard que le détournement consisterait dans le fait pour l’administration d’exercer une compétence dans un but autre que celui pour lequel cette compétence lui a été offerte. Il pourrait ainsi y avoir détournement de pouvoir lorsque le bourgmestre refuserait une autorisation de bâtir non pour des raisons de non-conformité avec le règlement communal, mais pour des considérations de réalisation d’un autre projet concurrent. Tel serait le cas en l’espèce, alors que le bourgmestre soumettrait la délivrance de l’autorisation de bâtir, notamment, au paiement préalable de la taxe de chancellerie. En se référant à une ordonnance du président du tribunal administratif rendue le 22 novembre 2010 et inscrite sous le numéro 27476 du rôle, les demandeurs font valoir que le paiement de la taxe de chancellerie ne saurait constituer une condition préalable à l’examen d’une autorisation de bâtir. Bien au contraire, le bourgmestre devrait d’abord vérifier la conformité du projet de construction à la réglementation urbanistique et uniquement dans l’hypothèse où il serait disposé à délivrer une autorisation de construire, le paiement des taxes pourrait être dû sous condition suspensive de la validité de l’autorisation de bâtir. Or, en l’espèce, le bourgmestre soumettrait l’instruction et la délivrance de l’autorisation de construire à l’obligation de payer la taxe de chancellerie dans le seul but de faire pression sur les demandeurs. Cette exigence du bourgmestre constituerait toutefois un élément complètement étranger aux critères de conformité d’un projet de construction aux règles urbanistiques applicables. La compétence du bourgmestre en matière de permis de construire serait liée, de sorte qu’il devrait autoriser toute demande de construire lorsqu’elle serait conforme au plan d’aménagement général et au règlement sur les bâtisses de la commune.

L’administration communale conteste tout reproche de détournement de pouvoir, en argumentant en substance qu’il appartiendrait au bourgmestre de respecter le règlement sur les bâtisses et notamment son article 107 imposant le paiement de la taxe de chancellerie lors de la demande en autorisation de bâtir, et en se référant dans ce contexte à un jugement du tribunal administratif du 28 novembre 2011, inscrit sous le numéro 27494 du rôle.

Le tribunal constate de prime abord que les consorts ….. ne contestent pas ne pas avoir payé la taxe de chancellerie, de sorte que le non-paiement de ladite taxe est à considérer comme avéré.

Le tribunal est encore amené à constater que si les demandeurs ont développé un argumentaire élaboré pour contester le motif de refus de délivrer une autorisation de construire tiré de l’absence de paiement de la taxe d’équipement prévue par le règlement taxe du 8 décembre 2014, ils se sont limités à contester le motif de refus tiré du défaut de paiement de la taxe de chancellerie en argumentant qu’en avançant ledit motif de refus, le bourgmestre aurait commis un détournement de pouvoir.

Le détournement de pouvoir consiste dans le fait pour l’administration d’utiliser une compétence dans un but autre que celui pour lequel elle lui est conférée, étant entendu que la charge de la preuve des faits incriminés incombe au demandeur8.

Dans le cadre du litige sous examen, le bourgmestre de la commune de Mondorf-les-

Bains a été saisi d’une demande d’autorisation de construire qu’il a implicitement refusé de délivrer. L’article 37, alinéa 2 de la loi du 19 juillet 2004 dispose quant aux compétences du bourgmestre en matière d’autorisation de construire que : « L’autorisation n’est accordée que si les travaux sont conformes au plan ou projet d’aménagement général et, le cas échéant, au plan d'aménagement particulier « nouveau quartier », respectivement au plan ou projet d’aménagement particulier « quartier existant » et au règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites. ». En matière d’autorisation de construire, un détournement de pouvoir pourrait donc, le cas échéant, consister en un refus par le bourgmestre de délivrer une telle autorisation pour un motif autre que ceux énoncés à l’article 37, alinéa 2 de la loi du 19 juillet 2004.

En l’espèce, force est au tribunal de constater au vu de l’argumentation avancée par l’administration communale en cours d’instance que le bourgmestre a refusé la délivrance d’une autorisation de construire aux consorts ….., notamment, au motif du défaut de paiement de la taxe de chancellerie, en application de l’article 107 du règlement des bâtisses de la commune de Mondorf-les-Bains.

Aux termes de l’article 107 du règlement des bâtisses de la commune de Mondorf-les-

Bains - que l’administration communale n’a versé en cause que sur question spécifique du tribunal - : « a) Quiconque sollicite une autorisation prévue dans le présent règlement sur les bâtisses est tenu de verser, auprès de l’Administration communale, une taxe afférente à l’instruction de son dossier. Le montant de la dite taxe est fixé par le règlement-taxe.

b) Les autorisations seront remises contre quittance (…) ».

Contrairement aux explications des demandeurs, le bourgmestre a partant avancé un des motifs de refus tiré des dispositions normatives en vigueur. Il s’ensuit qu’au stade actuel du dossier et eu égard aux moyens avancés en cause, aucun détournement de pouvoir ne peut lui être reproché.

A défaut par les demandeurs d’avancer un quelconque autre moyen à l’encontre du motif de refus tiré du non-paiement de la taxe de chancellerie – fondé, le cas échéant, sur la question de la légalité de l’article 107 du règlement des bâtisses -, ils ont manqué d’énerver la légalité dudit motif de refus qui est dès lors à considérer comme ayant valablement pu motiver la décision implicite de refus de délivrer une autorisation de construire aux consorts ….. .

Etant donné qu’un des trois motifs de refus de délivrer une autorisation de construire avancés en cause par l’administration communale est à considérer comme ayant valablement pu motiver la décision implicite de refus sous examen, l’examen des deux autres motifs devient surabondant de sorte qu’il n’y a plus lieu d’y procéder.

En guise de conclusion, le recours est donc à rejeter pour ne pas être fondé.

8 Trib. adm. 8 octobre 2001, n° 13445 du rôle, confirmé par Cour adm. 7 mai 2002, n° 14197C du rôle, Pas. adm.

2017, V° Recours en annulation, n° 8 et les autres références y citées.

Enfin, la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 5.000 euros telle que formulée par les demandeurs est rejetée eu égard à l’issue du litige.

De même, la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 5.000 euros telle que formulée par l’administration communale de Mondorf est rejetée, puisqu’elle ne précise pas à suffisance de droit en quoi il serait inéquitable de laisser des frais non répétibles à sa charge.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

déclare le recours en annulation irrecevable pour autant qu’il vise « la décision du 10 août 2015 du bourgmestre de la commune de Mondorf-les-Bains soumettant l’instruction du dossier et partant la délivrance d’une autorisation de bâtir au paiement préalable d’une taxe d’équipement et d’une taxe de chancellerie » ;

reçoit le recours en annulation pour le surplus ;

au fond, le dit non justifié, partant en déboute ;

rejette la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 5.000 euros formulée par Monsieur …..et de son épouse, Madame ….. ;

rejette la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 5.000 euros formulée par l’administration communale de Mondorf ;

condamne Monsieur …..et de son épouse, Madame ….., aux frais ;

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, vice-président, Daniel Weber, juge, Michèle Stoffel, juge et lu à l’audience publique du 8 janvier 2018 par le vice-président, en présence du greffier assumé Vanessa Soares.

s. Vanessa Soares s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 09.01.2018 Le greffier du tribunal administratif 15


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 37093
Date de la décision : 08/01/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2018-01-08;37093 ?

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