Tribunal administratif N° 40462 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 décembre 2017 3e chambre Audience publique du 13 décembre 2017 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile, en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 40462 du rôle et déposée le 7 décembre 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Somalie) et être de nationalité somalienne, alias …, déclarant être né le …, alias …, déclarant être né le …, retenu actuellement au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 18 novembre 2017 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 8 décembre 2017 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Linda MANIEWSKI en sa plaidoirie à l’audience publique de ce jour.
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En date du 23 janvier 2015, Monsieur …, alias …, alias …, dénommé ci-après « Monsieur … », introduisit auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, entretemps abrogée par la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Il ressortit à cette occasion de la banque de données EURODAC que Monsieur … avait d’ores et déjà déposé une demande de protection internationale en Suisse et en Espagne.
Par décision du 21 avril 2015, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, dénommé ci-après le « ministre », informa Monsieur … que le Royaume de l’Espagne est compétent de l’examen de sa demande de protection internationale, que les autorités espagnoles ont accepté de le reprendre en charge le 30 mars 2015 et que le transfert vers l’Espagne sera organisé dans les meilleurs délais.
Monsieur … fut finalement transféré vers l’Espagne en date du 12 mai 2015.
1 Le 1er juillet et le 30 septembre 2015, Monsieur … fut, à chaque fois, intercepté par la police grand-ducale CP Gare-Hollerich, dans le cadre d’un contrôle en matière de stupéfiants.
Par décision du 30 septembre 2015, le ministre constata que le séjour de Monsieur … au Grand-Duché de Luxembourg était illégal et lui ordonna de quitter le territoire sans délai, le ministre ayant encore assorti cette même décision d’une interdiction de territoire pour une durée de trois ans.
En date du même jour, le ministre prit encore un arrêté de placement en rétention à l’égard de Monsieur ….
Les autorités luxembourgeoises contactèrent les autorités espagnoles en date du 1er octobre 2015, en vue de la prise, respectivement de la reprise en charge de Monsieur …, laquelle fut acceptée par les autorités compétentes le 6 octobre 2015.
Monsieur … fut transféré en Espagne le 22 octobre 2015.
Le 19 mars 2017, Monsieur … fit l’objet d’un mandat de dépôt au Centre pénitentiaire de Luxembourg pour violation de la loi en matière de lutte contre les stupéfiants et il put bénéficier d’une libération provisoire le 21 juin 2017.
En date du 21 juin 2017, le ministre prit une décision de retour à l’encontre de Monsieur …, de même qu’un arrêté de placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question, afin de préparer l’exécution de la mesure d’éloignement. Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 juillet 2017, inscrite sous le numéro 39832 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 21 juin 2017 ordonnant son placement au Centre de rétention, qui fut toutefois rejeté comme n’étant pas fondé par un jugement du tribunal administratif du 12 juillet 2017.
Par arrêté du 18 juillet 2017, le ministre ordonna le transfert de Monsieur … vers la France, en considération de ce qu’en date du 6 juillet 2017, sa reprise en charge a été accordée par les autorités françaises.
Par transmis du 18 juillet 2017, le ministre pria le service de police judiciaire, service des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, d’organiser le transfert de Monsieur … vers Nice en France, avec l’indication que ledit transfert ne pourra pas être organisé avant le 4 août 2017, en application de l’article 27, paragraphe (2) du règlement UE 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dit « règlement Dublin III ».
Par arrêté du 18 juillet 2017, notifié à l’intéressé le 21 juillet 2017, le ministre prorogea la mesure de placement en rétention initialement décidée à l’égard de Monsieur … et ce, pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 juillet 2017, Monsieur … a fait introduire un recours contre le prédit arrêté ministériel du 18 juillet 2017 2ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention, recours qui a été rejeté comme étant non fondé par un jugement du 4 août 2017 du tribunal administratif, inscrit sous le n° 39943 du rôle.
Monsieur … fut transféré en France le 24 août 2017.
Le 18 novembre 2017, Monsieur … fut l’objet d’un contrôle de police donnant lieu à l’établissement du procès-verbal n° ….
Le même jour, le ministre prit une décision de retour à l’encontre de Monsieur …, de même qu’un arrêté de placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question, afin de préparer l’exécution de la mesure d’éloignement. Cet arrêté, qui fut notifié à l’intéressé le même jour, est fondé sur les considérations et motifs suivants :
« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu le procès-verbal Nr. : … du 18 novembre 2017 établi par la Police grand-ducale, Unité CI Luxembourg Gare ;
Vu ma décision de retour du 18 novembre 2017 ;
Attendu que l'intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;
Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;
Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;
Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 7 décembre 2017, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation contre le prédit arrêté ministériel du 18 novembre 2017 ordonnant son placement au Centre de rétention Etant donné que l’article 123, paragraphe (1), de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Partant, il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours, Monsieur …, après avoir rappelé les faits et rétroactes à la base du présent litige, fait plaider que le placement en rétention devrait être considéré comme un ultime remède, alors qu’il porterait atteinte à sa liberté de mouvement, de sorte qu’il ne constituerait qu’une simple faculté pour le ministre, faculté qui ne serait cependant pas discrétionnaire, mais qui devrait être motivée à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.
3 Il fait ensuite valoir qu’il n’existerait aucune chance raisonnable que son éloignement vers la France puisse être mené à bien. Dans ce contexte, il relève que les autorités luxembourgeoises n’auraient envoyé qu’une seule demande de prise en charge à leurs homologues français depuis son placement en rétention et qu’aucune date n’aurait été fixée pour son transfert vers la France.
Sur base de l’article 125 de la loi du 29 août 2008, ainsi que d’une attestation de Madame …, le demandeur fait valoir qu’il pourrait faire l’objet d’une assignation à résidence au domicile de cette dernière, au lieu de faire l’objet d’un placement en rétention.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé.
Par rapport au reproche du demandeur que la décision déférée ne serait pas suffisamment motivée, le tribunal est amené à conclure que s’il est vrai qu’en vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux et les catégories de décisions y énumérées doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, le cas d’espèce sous examen ne tombe cependant dans aucune des hypothèses énumérées à l’alinéa 2 de l’article 6 précité, de sorte que l’obligation inscrite à l’article 6 alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité, d’ailleurs non invoqué par le demandeur, ne trouve pas d’application en l’espèce. Comme il n’existe en outre aucun autre texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une décision de de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision de placement, de sorte que le moyen fondé sur un défaut d’indication des motifs doit en tout état de cause être rejeté pour ne pas être fondé.
Par ailleurs, en tout état de cause, la sanction de l’absence de motivation ne consiste pas dans l’annulation de l’acte visé, mais dans la suspension des délais de recours et celui-ci reste a priori valable, l’administration pouvant produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois pendant la phase contentieuse1.
Ainsi, un acte n’est susceptible d’encourir l’annulation qu’au cas où la motivation le sous-tendant ne ressort d’aucun élément soumis au tribunal au moment où l’affaire est prise en délibéré, étant donné qu’une telle circonstance rend tout contrôle de la légalité des motifs impossible.
Or, en l’espèce, force est au tribunal de constater que la décision déférée indique la cause juridique, ainsi que les circonstances de fait à sa base, en se référant aux articles 111, 120 à 123 et 125 de la loi du 29 août 2008. Elle se base encore sur la décision de retour du 18 novembre 2017, sur l’absence de documents d’identité et de voyage de Monsieur …, respectivement d’une adresse au Luxembourg, ces éléments faisant présumer l’existence d’un risque de fuite dans son chef et précise que les démarches en vue de son éloignement seront entreprises dans les meilleurs délais, de sorte que le ministre a, à suffisance de droit, exposé les motifs sous-tendant la décision déférée et que partant le moyen relatif à un défaut de motivation laisse d’être fondé.
1 Cour adm. 20 octobre 2009, n° 25738C du rôle, Pas. adm. 2017, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 83 et les autres références y citées.
4 Quant au fond, aux termes de l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 :
« Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».
En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la loi du 29 août 2008 : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. […] ».
L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque, comme en l’espèce, l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.
En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
Il y a tout d’abord lieu de relever qu’en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), de la loi du 29 août 2008, un risque de fuite est légalement présumé notamment lorsque l’étranger se trouve en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois.
Or, le tribunal constate qu’en l’espèce, il n’est pas contesté que le demandeur est dépourvu de tout document d’identité et de voyage valable et que par la décision précitée du 18 novembre 2017, le ministre a pris une décision de retour à l’encontre du demandeur, de sorte qu’il échet de constater des éléments qui précèdent que le demandeur se trouve en séjour 5irrégulier au Luxembourg et qu’en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c) de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel le risque de fuite est présumé plus particulièrement si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi, le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement.
Il échet encore de rappeler qu’une mesure de rétention s’analyse en une mesure administrative privative de la liberté de mouvement de la personne concernée et qu’elle doit être limitée à la durée strictement nécessaire afin de permettre l’exécution d’une mesure d’éloignement. A cette fin, le ministre est dans l’obligation de faire entreprendre avec la diligence requise toutes les démarches nécessaires afin d’organiser cette mesure d’éloignement.
S’agissant des diligences entreprises, le tribunal relève que le demandeur s’est borné à contester que son éloignement puisse effectivement aboutir.
Le tribunal relève, à cet égard, tout d’abord, que le demandeur a déjà fait l’objet d’un transfert en Espagne le 22 octobre 2015, respectivement vers la France le 24 août 2017. Force est encore au tribunal de constater que les autorités luxembourgeoises ont contacté les autorités françaises en vue de la reprise, voire prise en charge du demandeur le 20 novembre 2017, c’est-à-dire dès le lendemain de son placement en rétention et suite aux recherches dans la banque de données EURODAC et qu’en date du 29 novembre 2017, les autorités françaises ont accepté de faire droit à la demande de reprise en charge leur adressée par les autorités luxembourgeoises, sur base de l’article 18, paragraphe (1), point b) du règlement Dublin III.
Par une décision du 4 décembre 2017, Monsieur … fut informé de son transfert vers la France, le ministre ayant, le même jour, chargé, par transmis, le service de police judiciaire d’organiser l’éloignement du demandeur vers Nice en France, avec l’indication qu’en application de l’article 27, paragraphe (2) du règlement Dublin III, ledit transfert ne pourra pas être organisé avant le 20 décembre 2017.
Au regard des diligences ainsi déployées par les autorités luxembourgeoises à l’égard du demandeur et au vu du fait que les autorités luxembourgeoises sont tributaires de la collaboration et de l’efficacité des autorités françaises, le tribunal est amené à retenir que le dispositif d’éloignement est actuellement toujours en cours et est toujours poursuivi avec la diligence requise conformément aux exigences posées par l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, sans qu’il ne ressorte des éléments soumis à l’appréciation du tribunal que ledit éloignement ne saurait aboutir.
S’agissant enfin de l’argumentation du demandeur qu’une autre mesure qu’un placement en rétention, telle qu’une assignation à résidence, aurait dû lui être appliquée, le tribunal relève que l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit :
« Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) [de la loi du 29 août 2008]. ».
On entend par mesures moins coercitives : « […] b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être 6assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.
La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;
[…] Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».
Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) – parmi lesquelles figure l’assignation à résidence, telle qu’invoquée par le demandeur – sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125, paragraphe (1) pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité que si aucune des autres mesures moins coercitives n’entre en compte au vu des circonstances du cas particulier.
L’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, les trois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3), de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale d’un risque de fuite dans le chef de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes.2 En l’espèce, le tribunal retient que le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite qui existe dans son chef, tel que retenu ci-avant. En effet, il n’a pas présenté des éléments suffisants permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose. Bien que le demandeur ait versé au cours de la procédure contentieuse un courrier électronique de Madame …, une ressortissante française résidant au Luxembourg, qui serait prête à l’héberger à son domicile 2 Trib. adm. 6 mai 2016, n° 37829 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.
7jusqu’à son éloignement, cet élément de preuve à lui seul, à défaut de toute précision quant à la nature et à la durée de leur relation, à défaut de proposition, de la part du demandeur, de se soumettre à une mesure moins coercitive supplémentaire, tel que le dépôt d’une garantie financière ou le placement sous surveillance électronique et au regard de la situation du demandeur, caractérisée par le fait d’avoir fait l’objet de trois décisions de retour depuis septembre 2015, d’avoir été éloigné du territoire national à trois reprises, ainsi que par le fait de ne pas avoir d’attaches avec le Luxembourg, ne permet pas au tribunal de retenir que le demandeur ne va pas se soustraire à l’exécution de sa mesure d’éloignement. Il suit des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a retenu que lesdites mesures moins coercitives ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce.
Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée. Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 13 décembre 2017 par :
Thessy Kuborn, vice-président, Paul Nourissier, premier juge, Géraldine Anelli, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 13 décembre 2017 Le greffier du tribunal administratif 8