Tribunal administratif N° 39075 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 février 2017 4e chambre Audience publique du 8 décembre 2017 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre du Développement durable et des Infrastructures en matière de permis de conduire
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 39075 du rôle et déposée le 9 février 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Frank Wies, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Iraq), demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’un arrêté du ministre du Développement durable et des Infrastructures du 9 novembre 2016 portant retrait de son permis de conduire un véhicule automoteur ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 avril 2017 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif par Maître Frank Wies au nom de son mandant en date du 3 mai 2017 Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 mai 2017 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Catherine Warin, en remplacement de Maître Frank Wies, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 novembre 2017.
Il ressort des déclarations non contestées des parties au litige que, suite à la demande de Monsieur … du 20 octobre 2015 en vue de la transcription de son permis de conduire iraquien de la catégorie B dont il est le titulaire depuis le 16 octobre 2012, un permis de conduire luxembourgeois, catégorie B, lui fut délivré en date du 18 décembre 2015.
En date du 14 mars 2016, la Police grand-ducale de Luxembourg, Service central UCPA, section expertise documents, dressa un rapport, inscrit sous le n° 2016/8513/182/BC, duquel il ressort que ledit permis de conduire iraquien portant le n° 952331 constitue un faux (Total-Fälschung).
Il ressort d’un transmis du 25 juillet 2016 de la Police grand-ducale que Monsieur … fut entendu en date du 25 juillet 2016 par le commissariat de proximité de Hesperange au sujet de la mise en cause de l’authenticité de son permis de conduire iraquien.
Par courrier du ministre du Développement durable et des Infrastructures, ci-après désigné par « le ministre », du 13 septembre 2016, Monsieur … fut invité à se présenter le 6 octobre 2016 devant la Commission spéciale des permis de conduire, dénommée ci-après « la commission spéciale », en application de l’article 90 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques, ci-après désigné par « l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 ».
Suite à l’audition de Monsieur …, assisté de son litismandataire en date du 6 octobre 2016, la commission spéciale dressa le procès-verbal qui suit :
« (…) Sur convocation écrite du 13 septembre 2016, Monsieur … Jamal, né le … à … (Iraq) et demeurant à L-…, s'est présenté aujourd'hui devant la Commission spéciale des permis de conduire pour être entendu dans ses explications et moyens de défense quant à l'obtention de son permis de conduire luxembourgeois par voie de transcription d'un permis de conduire iraquien.
L'intéressé est titulaire d'un permis de conduire iraquien de la catégorie B depuis le 16 octobre 2012. Suivant la traduction certifiée conforme dudit permis de conduire par une traductrice assermentée, il ressort que le permis en question a été établi au nom de Monsieur….
L'intéressé réside au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 8 mai 2013. L'intéressé bénéficie du statut de réfugié politique depuis le 12 novembre 2014.
En date du 20 octobre 2015 l'intéressé avait introduit une demande en transcription de son permis de conduire iraquien en permis de conduire luxembourgeois.
L'intéressé est titulaire d'un permis de conduire luxembourgeois de la catégorie B obtenu en date du 18 décembre 2015 par voie de transcription de son permis de conduire iraquien.
Le rapport d'enquête de la Police grand-ducale (réf. n°2016/85 I 3/182/BC) du Service Central. Section Expertise Documents du 14 mars 2016 conclu après analyse, que le permis de conduire iraquien n°952331 émis au nom de … est sans aucun doute une falsification.
Le rapport d'enquête de la Police grand-ducale de Luxembourg, unité CP de Hesperange mentionne que Monsieur … a renoncé au permis de conduire luxembourgeois, qu'il a remis aux agents de police lors de l'interrogatoire, lequel est joint au dossier.
En outre, le rapport d'enquête pré-mentionné ne contient pas d'autre élément à charge de l'intéressé. Actuellement le capital des points du permis de conduire de l'intéressé est de 12 points.
Enfin, les prescriptions de l'article 2 de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques et de l'article 90 de l'arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques (Code de la Route) lui ont été expliquées.
Monsieur …, entendu dans ses explications et moyens de défense, assisté de Maître Frank WIES et de Monsieur Mohamed EWIS en tant que traducteur, a notamment déclaré :
J'ai remis moi-même mon permis de conduire à la Police lors de l'enquête de la Police gui est prévue dans l'article 90 du Code de la Route.
J'ai obtenu mon permis de conduire iraquien par voie de procuration et je l'ai fait transcrire ici.
Mon premier permis de conduire était de 1993. J'ai obtenu ce permis de conduire après avoir suivi les cours auprès d'une auto-école. J'ai besoin de mon permis de conduire pour trouver un emploi.
Maître W1ES précise que déjà plusieurs examens quant à l'authenticité des documents et de permis de conduire étrangers n'étaient pas corrects. (…) ».
Le même jour, la commission spéciale émit un avis par lequel il est proposé, à l'unanimité, au ministre de procéder au retrait administratif du permis de conduire délivré à Monsieur … en date du 18 décembre 2015. Ledit avis est motivé comme suit :
« (…) Considérant que Monsieur … est titulaire d'un permis de conduire iraquien de la catégorie B depuis le 16 octobre 2012 ;
Considérant que l'intéressé a déclaré devant la Commission spéciale des permis de conduire avoir obtenu son premier permis de conduire iraquien en 1993 ;
Considérant que l'intéressé réside au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 8 mai 2013 ;
Considérant que l'intéressé bénéficie du statut de réfugié politique depuis le 12 novembre 2014 ;
Considérant qu'en date du 20 octobre 2015, l'intéressé a introduit une demande en transcription de son permis de conduire iraquien en permis de conduire luxembourgeois ;
Considérant qu'en date du 18 décembre 2015, l'intéressé a obtenu un permis de conduire luxembourgeois de la catégorie B par voie de transcription de son permis de conduire iraquien ;
Considérant que le rapport de la Police grand-ducale de la Section Expertise Documents du 14 mars 2016 conclut que le permis de conduire iraquien n°952331 de Monsieur … est une falsification ;
Considérant que le rapport de la Police grand-ducale de Hesperange du 25 juillet 2016 renseigne que Monsieur … a restitué son permis de conduire luxembourgeois aux agents de police et que le permis de conduire de l'intéressé est joint au dossier Considérant qu'en outre, le rapport d'enquête pré-mentionné ne contient pas d'autre élément à charge de l'intéressé ;
Considérant que les éléments du dossier sont suffisamment concluants pour faire admettre que l'intéressé a fait une fausse déclaration ou usé des moyens frauduleux pour obtenir la transcription de son permis de conduire iraquien ;
Considérant que l'intéressé a été entendu le 6 octobre 2016 dans ses explications et moyens de défense ; (…) ».
Par arrêté ministériel du 9 novembre 2016, le ministre se rallia à l’avis précité et le permis de conduire fut retiré à Monsieur … sur base des considérations et motifs suivants :
« Vu les articles 2 et 13 de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques;
Vu l'article 90 de l'arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques;
Considérant que Monsieur …, né le … à … (Iraq) et demeurant à L-…, est titulaire d'un permis de conduire luxembourgeois, délivré sur hase d'une transcription d'un permis de conduire iraquien falsifié ;
Considérant que l'intéressé a été entendu le 06 octobre 2016 dans ses explications et moyens de défense par la Commission spéciale prévue à l'article 90 de l'arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 précité;
Vu l'avis du 06 octobre 2016 de la Commission spéciale précitée;
Considérant qu'il y a lieu d'admettre que Monsieur … a usé de moyens frauduleux pour obtenir un permis de conduire par la voie de transcription. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 9 février 2017 et inscrite sous le numéro 39075 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 9 novembre 2016.
Etant donné que la loi ne prévoit aucun recours de pleine juridiction en matière de permis de conduire, seul un recours en annulation a pu être introduit en l’espèce. Le recours en annulation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.
A l’appui de son recours et en fait, le demandeur explique être arrivé au Luxembourg en tant que demandeur de protection internationale en 2013 et s’être vu accorder le statut de réfugié politique en date du 12 novembre 2014.
Dans l'objectif de faciliter sa recherche d'emploi, il aurait introduit, en date du 20 octobre 2015, une demande de transcription de son permis de conduire iraquien qu'il aurait obtenu de la part des autorités iraquiennes en 1993, ce qui aurait conduit à la délivrance, en date du 18 décembre 2015, d’un permis de conduire luxembourgeois de la catégorie B.
En droit, le demandeur conclut à l’annulation de la décision déférée pour erreur d'appréciation manifeste, sinon violation de la loi, étant donné que le ministre lui aurait retiré tout permis de conduire sur base du seul fait que le rapport d'enquête n° 2016/8513/182/BC de la section expertise documents de la Police grand-ducale du 14 mars 2016 a conclu à une falsification complète de son permis de conduire iraquien suite à un procédé de comparaison fortement contestable dudit permis avec un permis de conduire iraquien de référence.
Ainsi, il ne ressortirait d’abord pas du rapport d'enquête de la Police grand-ducale susmentionné dans quelle année le permis de conduire iraquien de référence a été établi de manière à pouvoir exclure que le permis de conduire iraquien de référence constitue une version nouvelle de ce document par rapport à celui que détient le demandeur et qui a été établi en 2012.
Ensuite, le demandeur soutient que le ministre aurait entièrement ignoré le fait qu’il aurait été obligé de renouveler son permis de conduire tous les quatre ans en Iraq, ce qu’il aurait pourtant clairement précisé lors de son audition en date du 25 juillet 2016 au commissariat de Police d'Hesperange, de sorte que le fait de ne prendre qu'un seul permis de conduire en tant que référence, sans tenir compte de son année de délivrance, ni d'éventuels changements intervenus, au fil des années et au gré des changements politiques en Iraq, au niveau des modèles de permis et des méthodes de fabrication et sans effectuer d’autres démarches en vue de vérifier le caractère authentique ou falsifié du permis de conduire en question constituerait une légèreté blâmable susceptible d'enlever toute force probante au rapport de la police luxembourgeoise.
Dans ce contexte, le demandeur précise que les autorités luxembourgeoises ne devraient pas pouvoir s'arroger seules le droit de déclarer faux un document présenté comme document officiel d'un autre Etat souverain et émis selon les lois, règles et procédures de ce même Etat, sans contacter les autorités iraquiennes en vue de leur soumettre leurs doutes concernant l'authenticité du permis de conduire soumis aux fins de transcription, ce qui serait la seule voie possible pour retenir de manière certaine des conclusions au sujet de l'authenticité, alors que dans certaines affaires similaires, les conclusions de la section « Expertise documents » de la police luxembourgeoise au sujet d'un prétendu caractère falsifié d'un permis de conduire étranger soumis aux fins de transcription se seraient avérées erronées, alors que les titulaires des permis de conduire étrangers en question auraient pu soumettre des attestations d'authenticité de la part des autorités nationales compétentes de leur pays d'origine.
Or, le demandeur souligne, à ce sujet, qu’il ne serait, en l’occurrence, pas en mesure de contacter lui-même les autorités iraquiennes pour obtenir pareille attestation d'authenticité en raison du fait qu'il serait bénéficiaire du statut de réfugié politique, de sorte qu’une prise de contact avec les autorités de son pays pourrait être considérée comme un recours à la protection de ce pays entraînant le risque de se voir retirer sa protection internationale en application de l'article 33 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale. Il en résulterait une différence de traitement selon le statut de la personne ayant soumis aux fins de transcription un permis de conduire étranger suspecté d'être un faux.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur précise que le délégué du gouvernement ne fournirait pas d’éléments nouveaux plus clairs et plus complets à cet égard et que l’affirmation selon laquelle l’expertise fournie par un service officiel spécialisé dans la vérification de l'authenticité de documents prenant en considération les signes de sécurité contenus dans un document et le procédé de fabrication du document, ne rendrait pas la vérification de l'authentification du permis de conduire iraquien plus crédible, voire plus irrécusable. La police restait notamment toujours en défaut d’indiquer au moins la date de délivrance du permis de conduire iraquien de référence afin de déterminer si ce dernier correspond à la période d’établissement du permis de conduire litigieux, notamment en ce qui concerne son procédé de fabrication.
Il n’y aurait pas non plus de précision de la part de la partie gouvernementale des raisons pour lesquelles les autorités luxembourgeoises n'auraient pas contacté les autorités iraquiennes afin de faire confirmer ou infirmer les doutes quant à l'authenticité du permis de conduire iraquien litigieux.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours en soulignant que l'arrêté ministériel attaqué du 9 novembre 2016 portant retrait du permis de conduire aurait été pris dans le respect des formes légales et trouverait son fondement juridique dans l’article 2 de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques, dénommée ci-après « la loi du 14 février 1955 », en vertu duquel le ministre pourrait retirer un permis de conduire si son titulaire a fait une fausse déclaration ou usé de moyens frauduleux pour obtenir un permis de conduire, son renouvellement ou sa transcription, ainsi qu’en application de la procédure prévue à cet effet par l'article 90 du règlement grand-ducal du 23 novembre 1955.
Quant à la prétendue erreur manifeste d'appréciation ou violation de la loi, le délégué du gouvernement donne à considérer que, pour prendre sa décision, le ministre se serait appuyé sur une expertise détaillée sur sept pages et réalisée par un service officiel de la Police grand-
ducale spécialisé dans la vérification de l'authenticité de documents non seulement réalisé par comparaison avec un document de référence, mais également par rapport aux signes de sécurité contenus dans le permis de conduire iraquien et au procédé de fabrication de ce dernier.
La partie gouvernementale réfute finalement les allégations du demandeur relatives à une prétendue inadéquation du permis de conduire iraquien de référence, à une prétendue différence de traitement injustifiée dans son chef, ainsi qu’à des cas « similaires » où l'expertise policière aurait été erronée, comme étant non pertinentes, ni concluantes, alors que le demandeur ne présenterait aucun élément de fait permettant d'étayer ses allégations.
Le tribunal relève que, lorsqu’il est saisi d’un recours en annulation, il a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et de contrôler si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinés à protéger des intérêts privés. Confronté à une décision relevant d’un pouvoir d’appréciation étendu, tel que cela est le cas en l’espèce, le juge administratif, saisi d’un recours en annulation, peut examiner si la mesure prise n’est pas manifestement disproportionnée par rapport aux faits établis, en ce sens que cette disproportion laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par l’autorité qui a pris la décision, voire un détournement du même pouvoir par cette autorité, étant relevé que la sanction d’une disproportion est limitée au cas exceptionnel où une flagrante disproportion des moyens laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par cette autorité. Par ailleurs, il ne saurait annuler la décision prise qu’au cas où l’erreur d’appréciation reprochée au ministre, qu’il aurait commise dans le cadre de la marge d’appréciation qui lui est laissée plus particulièrement en l’espèce à travers l’article 2 de la loi du 14 février 1955, est manifeste1.
1 trib. adm. 27 février 2013, n° 30584 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu Aux termes de l’article 2 de la loi du 14 février 1955, « Le ministre ayant les Transports dans ses attributions, désigné ci-après «le ministre», délivre les permis de conduire civils; il peut refuser leur octroi, restreindre leur validité, les suspendre et les retirer, refuser leur restitution, leur renouvellement ou leur transcription et même refuser l’admission aux épreuves si l’intéressé:
1) présente des signes manifestes d’alcoolisme ou d’autres intoxications;
2) n’offre pas, compte tenu des faits d’inhabileté ou de maladresse suffisamment concluants constatés à sa charge, les garanties nécessaires à la sécurité routière;
3) est dépourvu du sens des responsabilités requis, dans l’intérêt de la sécurité routière, pour la conduite d’un véhicule;
4) souffre d’infirmités ou de troubles susceptibles d’entraver ses aptitudes ou capacités de conduire;
5) refuse d’exécuter la décision du ministre des Transports l’invitant à produire un certificat médical récent ou à faire inscrire sur le permis de conduire la prolongation ou le renouvellement de la période de stage ou la restriction de son droit de conduire;» 6) a fait une fausse déclaration ou usé de moyens frauduleux pour obtenir un permis de conduire, son renouvellement ou sa transcription. (…) ».
Il suit de l’article 2 de la loi du 14 février 1955 précité que le ministre peut retirer les permis de conduire civils, notamment, quand l’intéressé a fait une fausse déclaration ou usé de moyens frauduleux pour obtenir un permis de conduire, son renouvellement ou sa transcription.
En l’espèce, il est reproché au demandeur d’avoir usé d’un faux permis de conduire iraquien en vue de se faire délivrer, par la voie de la transcription, un permis de conduire luxembourgeois.
Au vu des contestations y relatives de la part du demandeur, il échet partant au tribunal de vérifier si le ministre a valablement pu conclure au caractère falsifié du permis de conduire iraquien remis par le demandeur.
Force est d’abord de constater que le rapport n° 2016/8513/182/BC de la Police grand-
ducale, service UCPA, section expertise documents, du 14 mars 2016, dont les constatations en tant que telles ne sont nullement remises en cause par le demandeur, conclut sans équivoque au caractère faux intégral (Totalfälschung) du permis de conduire iraquien litigieux et ce, après une analyse détaillée sur sept pages au moyen d’examens au microscope, sous rayons ultraviolets et par comparaison avec un document de référence.
Pour arriver à cette conclusion, le prédit rapport d’analyse a non seulement comparé les techniques et l’aspect des données variables, à savoir les différents éléments de personnalisation, mais également ceux du support de base du document. La police est ainsi arrivée à la conclusion, d’un côté, que les éléments de personnalisation, tels que les noms, numéros et photo ont été intégrés par un procédé de transfert thermique « Thermotransferverfahren », au lieu de la gravure au laser « Lasergravur », tel que cela est le cas pour le document de référence à leur disposition, et d’un autre côté, que les inscriptions « Schrift », micro-écritures « Mikroschrift », motifs, dessins et lignes « Schutzmusterdruck » sont beaucoup moins précis voire illisibles, de même que les dessins censés varier de couleur selon leur inclinaison « Optical Variable Ink » ne réagissent pas comme tel, de sorte que tant les inscriptions que le support du document ne sont pas conformes au document de référence à disposition de la police.
En ce qui concerne le document de référence, seul mis en doute par le demandeur, force est de relever que le permis remis par le demandeur ressemble en tous ses éléments (taille, couleurs, dessins, mise en forme, ainsi que la disposition des différents éléments le composant) au document de référence utilisé par le rapport litigieux, de sorte que les contestations relatives au caractère inapproprié de la comparaison faite avec le permis sous analyse en raison d’une éventuelle différence dans la date d’émission des deux documents ne sont pas suffisants, étant relevé qu’il n’est dès lors a priori pas à exclure qu’il n’y ait pas eu d’évolution technique majeure intervenue entre la fabrication des deux documents, d’autant plus que le demandeur se limite à contester la comparabilité de manière totalement abstraite, sans fournir le moindre élément concret de nature à rendre crédible son allégation afférente.
En effet, au regard des analyses poussées de la part du service expertise documents de la Police grand-ducale, telles que relevées ci-avant, et portant tant sur les inscriptions de personnalisation que sur les techniques de fabrication du support, il appartient au demandeur de présenter des indices circonstanciés permettant de mettre en doute la pertinence du document de référence utilisé, ce qu’il reste pourtant en défaut de faire en l’espèce, de sorte que la circonstance qu’il se trouve actuellement au Luxembourg sous le statut de réfugié politique et qu’il lui est partant difficile, voire impossible, de s’adresser personnellement aux autorités iraquiennes en vue de procéder lui-même à l’authentification de son permis de conduire n’est d’aucune pertinence dans ce contexte.
Il suit de ces considérations que le ministre a valablement pu, au regard des informations à sa disposition, douter de l’authenticité du permis de conduire iraquien du demandeur, de sorte qu’une erreur manifeste d’appréciation de sa part n’est pas établi.
Il suit des considérations qui précèdent et en l’absence d’autres moyens que le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Marc Sünnen, président, Anne Gosset, premier juge, Olivier Poos, premier juge, et lu à l’audience publique du 8 décembre 2017, par le président, en présence du greffier Marc Warken.
s. Marc Warken s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 8 décembre 2017 Le greffier du tribunal administratif 8