Tribunal administratif N° 37897 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 mai 2016 1re chambre Audience publique du 13 novembre 2017 Recours formé par la société à responsabilité limitée … S.à r.l., Luxembourg, contre une décision du bourgmestre de la commune de Beckerich en matière de permis de construire
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 37897 du rôle et déposée le 11 mai 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges Krieger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée … S.à r.l., établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son gérant actuellement en fonctions, tendant à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la commune de Beckerich du 29 février 2016 portant refus d’octroyer une autorisation de construire un immeuble résidentiel sur un fonds inscrit au cadastre de la commune de Beckerich, section E de Beckerich, sous le numéro 288/4763 ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Georges Weber, demeurant à Diekirch, du 13 mai 2016, portant signification de ladite requête à l’administration communale de Beckerich, établie en sa maison communale à L-8523 Beckerich, 6, Dikkricherstrooss, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;
Vu le mémoire en réponse, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 29 septembre 2016 par Maître Nathalie Prüm-Carré, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Beckerich, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 31 octobre 2016 par Maître Georges Krieger au nom de la société à responsabilité limitée … S.à r.l., préqualifiée ;
Vu le mémoire en duplique, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 30 novembre 2016 par Maître Nathalie Prüm-Carré, au nom de l’administration communale de Beckerich, préqualifiée ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Sébastien Couvreur, en remplacement de Maître Georges Krieger, et Maître Nathalie Prüm-Carré en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 9 octobre 2017.
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1 Il est constant en cause qu’au cours des années 2000, la société … S.à r.l., ci-après désignée par « la société …», s’associa à un autre promoteur, à savoir la société à responsabilité limitée … S.à r.l., ci-après désignée par « la société … », afin d’élaborer un plan d’aménagement particulier (« PAP ») sur des terrains sis à Beckerich, aux lieux-dits « …», «… » et « …».
Par délibération du conseil communal de la commune de Beckerich du 26 avril 2005, ledit PAP fut approuvé provisoirement, cette délibération retenant notamment que « […] Vu que l'envergure du projet impose une réalisation par phases (lors des discussions, trois étapes sont retenues, la première prévoyant une quarantaine d’habitations et la jonction « … » via « chemin de … […] » ; l’exécution successives des phases reste à déterminer par le conseil communal, le moment venu) ». La délibération du conseil communal du 12 juillet 2006, approuvant ce PAP définitivement, réitéra le principe dudit phasage en les termes suivants : « […] Vu que l’envergure du projet, impose une réalisation par phases (3 étapes sont retenues, la première prévoyant +/- 47 habitations et la jonction « … » via « chemin de … », les phases suivantes seront déterminées le moment venu, par le conseil communal, en fonction de l’avancement et de l’évolution des phases précédentes […]».
Par décision du 7 août 2006, l’autorité de tutelle approuva également ledit PAP.
En date du 14 juillet 2011, le projet d'exécution du PAP, précité, fut approuvé par le collège des bourgmestre et échevins de la commune de Beckerich, autorisant les promoteurs précités à réaliser les infrastructures publiques et voiries du lotissement.
Enfin, une convention d’exécution du PAP, conclue entre le collège des bourgmestre et échevins, d’une part, et les sociétés … et …, d’autre part, fut signée le 22 juillet 2011 et approuvée par le conseil communal le 9 septembre 2011, ainsi que par le ministre de l'Intérieur et à la Grande Région le 15 novembre 2011, ladite convention prévoyant en son article 5 un phasage pour la réalisation du PAP décrit comme suit : « La réalisation du projet d'aménagement particulier se fera conformément aux phases d'exécution indiquées sur le plan d'aménagement particulier. La deuxième phase de réalisation ne pourra se faire qu'après demande à adresser au conseil communal. Sauf indication contraire, l'exécution se fera exactement suivant les plans introduits et approuvés lors du projet d'exécution ».
Par courrier du 18 mars 2015, la société … adressa un courrier au collège des bourgmestre et échevins afin de se voir communiquer, entre autres, le délai concernant la réalisation de la deuxième phase du PAP, ledit courrier étant libellé comme suit :
« […] Par la présente, et suivant article 5 de la convention signée entre les promoteurs précités et le collège du bourgmestre et échevins de la Commune de Beckerich, nous vous demandons de bien vouloir nous communiquer le délai concernant la réalisation de la deuxième phase du lotissement « … » à Beckerich. Nous vous prions également de bien vouloir nous communiquer votre opinion concernant un changement du phasage (Places 55, 56 et 57 en première phase et places 65, 66 et 67 en deuxième phase) […] ».
Par courrier du 10 avril 2015, le collège échevinal prit position comme suit :
« Faisant suite à votre demande de renseignements relative au délai de commencement de la deuxième phase du lotissement « … » nous tenons à vous soumettre les informations suivantes, 2 De prime abord, permettez-nous de vous faire rappeler le point 5 de la convention signé[e] entre parties, le 22 juillet 2011, approuvé[e] par le conseil communal en date du 09 septembre 2011 et par le Ministre de l’Intérieur en date du 15 novembre 2011 (Réf : 14100-
53), qui stipule entre autre que La réalisation du projet d’aménagement particulier se fera conformément aux phases d’exécution indiquées sur le plan d’aménagement particulier. La deuxième phase de réalisation ne pourra se faire qu’après demande, à adresser au conseil communal. Sauf indication contraire, l’exécution se fera exactement suivant les plans introduits et approuvés lors du projet d’exécution Il découle de ce qui précède qu’au niveau du phasage, le collège échevinal n’a pas seul le pouvoir de décision. Dans ce contexte, nous ne pouvons que recommander ou soumettre un avis au conseil communal [à] fur et à mesure de l’avancement et de la réalisation des logements faisant partie de la première phase de réalisation. Il est donc impossible de prévoir exactement le début de la deuxième phase, celle-ci étant non seulement fonction de l’achèvement de la première phase mais aussi du développement général de la commune notamment au niveau des ressources en eau potable, scolaire et infrastructurelle.
Or, comme le bourgmestre n’accorde aucune autorisation tant que les travaux de voirie et d’équipements publics nécessaires à la viabilité des constructions projetées ne sont pas achevés, il nous paraît aujourd’hui difficile de juger cette évolution.
En ce qui concerne le changement de phasage, nous sommes au regret de vous signaler que la loi modifiée du 19 juillet 2004 ne permet pas le changement du phasage, qui fait partie intégrante du plan d’aménagement particulier et qui de facto ne peut être modifié sauf modification du plan d’aménagement particulier. […] » Par courrier du même jour, le mandataire de la société … s’adressa au bourgmestre dans les termes suivants :
« […] Par la présente, j’ai l’honneur de vous informer que la société …, établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son gérant actuellement en fonctions, m’a chargé de la défense de ses intérêts.
Ma partie a réalisé le PAP dit « … » à Beckerich, rue de ….
Les travaux sont terminés et les premiers propriétaires entendent faire l’acquisition de leur terrain pour réaliser leur maison.
Or, il s’avère que votre administration les informe du fait qu’ils n’allaient pas obtenir l’autorisation de bâtir avant la fin 2015 pour des raisons qui nous sont inconnus. Je tiens à vous signaler que l’article 37 de la loi sur l’aménagement communal prévoit que le bourgmestre doit accorder l’autorisation lorsque les travaux de voirie et d’équipements publics nécessaires à la viabilité de la construction sont achevés.
Or, tous ces travaux nécessaires à la viabilité de la construction sont achevés et toute construction peut être réalisée pour être parfaitement viable, c’est-à-dire pour être parfaitement raccordé à tous les équipements publics.
3 Par ailleurs, je tiens à vous signaler que s’il existe certes la notion de phase dans l’élaboration du PAP, ce phasage ne concerne que l’élaboration du PAP et non pas les autorisations de construire à accorder.
Je vous prie dès lors de bien vouloir me confirmer que les acquéreurs de terrain dans le PAP … peuvent obtenir une autorisation de bâtir si les plans déposés à l’appui de leur demande sont conformes au PAP, au PAG et au règlement sur les bâtisses. […] ».
Par courrier du 26 mai 2015, le litismandataire de la société requérante réitéra cette demande en les termes suivants :
« […] Par la présente, j’ai l’honneur [de] revenir au dossier émargé et plus particulièrement à mon courrier du 10 avril 2015.
En vertu de l’article 37 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 si les travaux de voirie et d’équipements publics nécessaires à la viabilité de la construction projetée sont achevés et que le projet est par ailleurs conforme à la réglementation urbanistique communale, le bourgmestre doit accorder l’autorisation de bâtir.
La jurisprudence est très claire en ce sens, la compétence du bourgmestre est une compétence liée.
Mon mandant va introduire très prochainement une demande d’autorisation de bâtir concernant un terrain d’ores et déjà viabilisé.
Vous noterez qu’en cas de refus légalement infondé, mon mandant ne manquera pas de quereller votre décision et de faire valoir par la suite les dommages et intérêts y corrélatifs.
Je vous prie dès lors de bien vouloir me confirmer que les acquéreurs de terrain dans le PAP … peuvent obtenir une autorisation de bâtir si les plans déposés à l’appui de leur demande sont conformes au PAP, au PAG et au règlement communal sur les bâtisses. […] ».
Par courrier du même jour, le bourgmestre informa la société … de ce qui suit :
« Faisant suite à votre demande de recours en annulation d’une décision de refus relative à la délivrance d’une autorisation de bâtir avant l’achèvement des travaux d’infrastructures, je tiens à vous présenter la réponse suivante.
La loi modifiée du 4 août 2004 précise au niveau de l’art. 37 que le bourgmestre n’accorde aucune autorisation tant que les travaux de voirie et d’équipements publics nécessaires à la viabilité de la construction projetée ne sont pas achevés. Il découle de ce qui précède que les réseaux d’eaux usées, et d’eaux pluviales ainsi que le réseau d’eau potable, le réseau d’éclairage, le réseau d’électricité, le réseau d’Antenne et de téléphone doivent être achevés avant toute délivrance d’autorisations.
Or force est de constater que seuls les réseaux d’égouts et le réseau d’eau potable sont opérationnels. Par contre, suivant nos renseignements, le réseau électrique ainsi que le réseau de téléphone et celui de l’antenne-collective ne sont pas encore opérationnels et de facto les 4 constructions à autoriser ne pourront pas être viables. Il en est de même pour le réseau d’éclairage où les poteaux font encore défaut et où le branchement et la mise en service n’ont pas été réalisés. Précisons également que l’article 37, dont mention au paragraphe ci-dessus stipule que l’autorisation n’est accordée que si les travaux sont conformes tant au plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » qu’au règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites. Ces conditions sont donc cumulatives et le règlement des bâtisses, notamment par son article 41, 42 et 43, approuvé définitivement par le conseil communal en séances des 2 et 20 juin 2006, par le Ministre de l’Intérieur en date du 4 août 2006 et par le Ministre de l’Environnement en date du 9 mars 2007, définit clairement la notion de « voies achevé[e]s » et « non achevées ».
Concernant votre argumentation et votre réflexion au niveau de la notion de phasage, il est à préciser que conformément à la loi modifiée du 4 août 2004, l’article 36, paragr.2, l’exécution et les délais d’achèvement ainsi que le déroulement de chaque phase seront précisés dans la convention. La convention relative à ce projet précise dans ce contexte que la deuxième phase de réalisation ne pourra se faire qu’après demande expresse, à adresser au conseil communal. L’expression de « phase de réalisation » ne se base pas sur la réalisation des infrastructures, mais sur la réalisation des habitations. Il n’a jamais été question de réaliser un phasage au niveau des travaux d’infrastructures, celles-ci n’ayant de toute façon, jamais pu être réalisées suivant le schéma indiqué.
La convention, approuvée par le Ministre de l’Intérieur en date du 15 novembre 2011, est un acte passé d’un commun accord le 22 juillet 2011 entre la commune et deux promoteurs notamment la société … S.A. et … s. à r.l..
C’est donc à bon escient que nous refusons de traiter des dossiers d’autorisation de bâtir jusqu’au moment où le conseil communal aura délibéré sur la date du début de la deuxième phase de réalisation. La demande dont sujet à l’article 5 de la convention, peut être adressée, en fonction du développement communal, au conseil communal, une fois que les bâtiments de la première phase seront achevés ou moyennant accord préalable du collège échevinal.
Enfin, dans ce contexte, et au vu des arguments formulés ci-dessus, je vous prie, Monsieur Krieger, de revoir votre recours quant au fond et d’accepter notre décision. […]» Le recours contentieux dirigé par la société … contre ledit acte du bourgmestre du 26 mai 2015 fut déclaré irrecevable par jugement du tribunal administratif du 16 novembre 2016, n° 36870 du rôle, pour défaut de caractère décisionnel de l’acte attaqué, le tribunal ayant, par ailleurs, et à titre superfétatoire, retenu que la société demanderesse ne pouvait pas valablement soulever à travers un recours dirigé contre un acte individuel du bourgmestre, l’exception d’illégalité du PAP et de sa convention d’exécution au motif qu’un tel procédé se heurterait à l’autorité de chose décidée dont étaient revêtues l’approbation ministérielle du PAP et de sa convention d’exécution. Par arrêt du 2 mai 2017, n°38904C du rôle, la Cour administrative, par réformation dudit jugement, déclara recevable le recours en annulation en retenant qu’il était dirigé contre une décision de refus de traiter des dossiers de demandes d’autorisation de bâtir tant que le conseil communal n’aurait pas donné son feu vert pour la deuxième phase de réalisation du PAP et que cette décision emporterait le refus du bourgmestre de délivrer une quelconque autorisation en l’état pour des terrains faisant partie de la phase 2 du PAP litigieux à la date du 26 mai 2015, la Cour ayant plus particulièrement constaté qu’à l’époque où le bourgmestre a pris l’acte litigieux, aucune demande afférente 5 n’avait été posée de manière vérifiée au conseil communal en vue de donner son feu vert pour la réalisation de ladite phase 2 du PAP et qu’a fortiori, aucun accord du conseil communal ne s’était trouvé documenté au dossier. Quant au fond, la Cour rejeta néanmoins ledit recours pour ne pas être fondé.
Entretemps, le bureau d’architecture et urbanisme … introduisit par courrier du 27 janvier 2016, pour le compte de la société …, une demande d’autorisation pour la construction d’un immeuble résidentiel situé sur un fonds inscrit au cadastre de la commune de Beckerich, section E de Beckerich, sous le numéro 288/4763.
Par courrier du 29 février 2016, le bourgmestre de la commune de Beckerich refusa de faire droit à cette demande dans les termes suivants :
« Nous avons bien reçu votre envoi par courrier du 29 janvier 2016 relatif à une demande d’autorisation de bâtir pour un immeuble résidentiel à Beckerich, sur un fonds inscrit au cadastre sous le numéro 288/4763, section E de Beckerich.
Au regard de cet envoi, nous devons avant tout attirer votre attention sur le fait que ce projet est sis dans la phase II du PAP dénommé « … ».
Or, conformément à l’avis de la commission d’aménagement près le Ministère de l’Intérieur en date du 27 octobre 2014, et à la délibération du conseil communal de Beckerich du 16 juillet 2006, le PAP « … » a été divisé en deux phases.
Le plan annexé à ce PAP fait mention de ces deux phases. La délibération du conseil communal de Beckerich du 12 juillet 2006 indique en outre que les phases suivantes seront déterminées le moment venu par le conseil communal en fonction de l’avancement et de l’évolution des phases précédentes.
Conformément à cette décision, la phase II ne pourra être développée qu’après décision favorable du conseil communal de Beckerich. Tel n’est pas le cas à ce jour.
Comme indiqué ci-dessus, il ne peut être donné aucune suite favorable à cette demande, en l’état de l’absence de décision favorable du conseil communal de Beckerich, cette décision ne pouvant être prise qu’en fonction de l’avancement et de l’évolution de la phase I.
En raison de ce qui précède, une copie du dossier introduit sera classée sans suite, l’autre exemplaire vous sera retransmis. […] » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 11 mai 2016, inscrite sous le numéro 37897 du rôle, la société … a fait introduire un recours devant le tribunal administratif tendant à l’annulation de la décision du bourgmestre du 29 février 2016 refusant de faire droit à sa demande d’autorisation de bâtir un immeuble résidentiel sur le fonds litigieux.
Dans la mesure où aucune disposition légale ne prévoit de recours en réformation dans la présente affaire, seul un recours en annulation a valablement pu être déposé, recours en annulation qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
6 A l’appui de son recours et en fait, la société demanderesse explique qu’elle serait le propriétaire de plusieurs terrains sis à Beckerich, aux lieux-dits « … », « … » et « … », d’une contenance totale de 150,64 ares qui auraient été repris dans le lotissement « … ». La parcelle cadastrale n°288/4763 se serait située avant l’approbation du PAP « … » en bordure d’une voirie publique entièrement équipée, dénommée « chemin de … », tandis que les autres terrains concernés se situeraient en bordure d’une voirie réalisée par la société …elle-même, entièrement équipée dans le cadre du lotissement « … ».
Après avoir rappelé les faits et rétroactes à la base de l’élaboration du PAP « … », tels que repris ci-avant, elle explique que le 2 juillet 2014, la commune de Beckerich aurait procédé à la réception provisoire du projet concernant le « réaménagement de la rue de … » et que le 26 novembre 2014, la commune aurait procédé à la réception provisoire du projet concernant le « LOTISSEMENT ‘…’ A BECKERICH –PARTIE … ». Elle précise que, depuis lors, les voiries publiques du lotissement auraient été réalisées et entièrement équipées et que, par conséquent, les lots lui appartenant se seraient vu viabilisés. Ce serait dans cette optique que son bureau d’architecture aurait introduit en date du 27 janvier 2016 une demande d’autorisation pour la construction de l’immeuble résidentiel litigieux.
En droit, la société demanderesse invoque une violation par le bourgmestre de l’article 37 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après désignée par « la loi du 19 juillet 2004 », en ce sens qu’il serait obligé d’accorder une autorisation de construire à partir du moment où les travaux de voiries et d’équipements publics nécessaires à la viabilité de la construction projetée sont achevés. Or, dans la mesure où tel serait le cas de la parcelle devant accueillir l’immeuble litigieux, il ne lui serait pas possible de refuser une autorisation de construire visant cette parcelle en invoquant un phasage prévu dans la convention d’exécution d’un PAP, sous peine de violer l’article 37 de la loi précitée.
La société demanderesse invoque ensuite une violation par la décision attaquée de l’article 36 de la loi du 19 juillet 2004 en ce que la position du bourgmestre selon laquelle la deuxième phase du lotissement « … » ne pourrait être entamée qu’après la réalisation de l’ensemble des habitations situées dans la première phase dudit lotissement constituerait un abus manifeste de pouvoir, la société demanderesse soutenant plus particulièrement que cette interprétation du PAP serait non seulement contraire à la loi, mais qu’elle aurait pour résultat que ses commercialisations et réalisations risqueraient d’être indéfiniment suspendues tant que le conseil communal de la commune de Beckerich ne jugerait pas opportun, sur base de critères purement subjectifs, que la deuxième phase puisse être entamée.
Dans son mémoire en réplique, la société … explique ne pas contester qu’un phasage ait pu être imposé dans le cadre du PAP, mais elle estime qu’en l’espèce, ledit phasage, tel que prévu dans le PAP et dans sa convention d’exécution, serait contraire à la loi du 19 juillet 2004, en ce sens qu’il ne pourrait concerner que la réalisation des infrastructures et non pas celle des constructions.
Elle insiste également sur le fait qu’il n’appartiendrait pas au conseil communal de décider à partir de quel moment le bourgmestre est compétent pour délivrer une autorisation de bâtir, puisque cette compétence découlerait de la loi. Elle estime, par ailleurs, qu’il n’appartiendrait pas non plus au conseil communal de s’attribuer, au travers des votes du conseil relatif à l’approbation du PAP, cette compétence octroyée par la loi du 19 juillet 2004 7 au seul bourgmestre. Elle en conclut que si le tribunal devait venir à la conclusion qu’au travers des délibérations du conseil communal du 26 avril 2005 et du 12 juillet 2006, ainsi que de la décision du ministre de l’Intérieur, la compétence en matière d’autorisation de construire aurait été déléguée au conseil communal, il y aurait lieu d’écarter ces décisions sur ce point et ce, en application de l’article 95 de la Constitution puisque ces actes réglementaires seraient dans ce cas-là contraires à l’article 37 de la loi du 19 juillet 2004 qui accorde au seul bourgmestre la compétence de délivrer des autorisations de construire.
La société demanderesse fait ensuite valoir que le bourgmestre, qui devrait s’exprimer sur la conformité d’un projet par rapport à la réglementation urbanistique communale applicable, ne pourrait pas écarter les principes légaux retenus dans l’article 37 de la loi du 19 juillet 2004 et faire dépendre son action d’une décision préalable du conseil communal. Il lui aurait, par conséquent, appartenu de statuer sur sa demande d’autorisation de construire et de l’accorder si les plans soumis à son appui étaient conformes aux dispositions urbanistiques.
Elle fait finalement plaider à titre subsidiaire que s’il devait effectivement être admis que la commune, voire le promoteur, aient pu convenir entre eux d’un phasage ne portant pas sur le développement des voiries et infrastructures publiques, mais sur la construction des habitations, respectivement de la compétence du conseil communal pour décider du commencement de la deuxième phase du PAP, il y aurait lieu d’en conclure, d’une part, que la commune octroierait par ce biais un pouvoir arbitraire au conseil communal et, d’autre part, que dans le cadre d’une convention d’exécution et en violation de la loi, la commune et le promoteur lieraient les tiers intéressés qui ne pourraient à leur tour pas construire dans la deuxième phase, ce qui serait contraire au principe de relativité des conventions.
La commune de Beckerich conclut, quant à elle, au rejet du recours pour ne pas être fondé.
Le tribunal relève tout d’abord que les moyens et développements de la société demanderesse sont en substance centrés sur l’illégalité de différents passages du PAP litigieux et de sa convention d’exécution en ce que, d’une part, le principe du phasage y prévu serait contraire à la loi du 19 juillet 2004 et que, d’autre part, l’accord préalable du conseil communal y prévu avant de délivrer des autorisations de construire relativement aux terrains inclus dans la deuxième phase du PAP contreviendrait aux articles 35, 36 et 37 de la loi du 19 juillet 2004.
Dans la mesure où tant le tribunal administratif que la Cour administrative ont déjà eu à se prononcer sur l’exception d’illégalité de certains passages du PAP « … » et de sa convention d’exécution soulevée par la société demanderesse dans le cadre du litige ayant précédemment opposé les mêmes parties et ayant eu un objet quasi identique, litige ayant abouti à l’arrêt précité du 2 mai 2017, le tribunal a interrogé le litismandataire de la société demanderesse à l’audience des plaidoiries sur la manière dont l’affaire sous analyse se distinguait de celle ayant abouti au jugement du 16 novembre 2016, précité, respectivement à l’arrêt du 2 mai 2017, précité, dans lequel la Cour a plus particulièrement retenu que le bourgmestre a valablement pu se fonder sur le principe du phasage retenu dans le PAP, ainsi que sur l’absence de feu vert donné par le conseil communal, pour refuser de délivrer une quelconque autorisation pour des terrains faisant partie de la phase 2 du PAP litigieux. Le litismandataire de la société demanderesse n’a toutefois pas été en mesure d’expliquer pour quelle raison les conclusions d’ores et déjà retenues par les juridictions administratives ne pouvaient pas être transposées telles quelles à la présente affaire dans le cadre de laquelle le 8 tribunal est saisi d’une décision de refus explicite du bourgmestre d’accorder une autorisation de construire un immeuble résidentiel sur un terrain faisant partie de cette même phase 2 du PAP, respectivement dans quelle mesure les moyens invoqués à l’appui du recours sous analyse n’avaient pas déjà été tranchés à travers les deux décisions de justice précitées.
Or, tel que relevé ci-avant, dans son jugement du 16 novembre 2016, le tribunal administratif a d’ores et déjà été amené à retenir, certes à titre superfétatoire, sans avoir été réformé sur ce point par la Cour administrative dans son arrêt du 2 mai 2017, que le procédé utilisé par la société demanderesse, consistant à soulever à travers un recours dirigé contre un acte individuel émanant du bourgmestre l’exception d’illégalité du PAP et de sa convention d’exécution qui en fait partie intégrante, se heurte à l’autorité de chose décidée dont est revêtue l’approbation ministérielle du PAP en question et sa convention d’exécution.
Le tribunal rappelle, en effet, que si l’exception d’illégalité, qui tient en échec le principe d’intangibilité des actes administratifs devenus définitifs, est perpétuelle, en ce sens qu’elle peut être invoquée à toute époque, sans être enfermée dans un délai quelconque, contrairement au recours direct qui doit être introduit dans les trois mois de la publication du règlement, il ne saurait toutefois être admis qu’un administré, qui a de surcroît participé à l’élaboration d’un PAP et qui en a signé la convention d’exécution, accepte dans un premier temps les conditions particulières de cette décision à caractère règlementaire, pour ensuite contourner l’autorité de chose décidée dont est revêtue a priori cette décision en s’emparant d’un acte quelconque d’exécution du règlement en cause pour soulever l’exception d’illégalité du PAP et de sa convention d’exécution qui ont fait l’objet d’une approbation ministérielle.
Par ailleurs, en remettant toujours en cause les conditions particulières telles que fixées dans la convention d’exécution du PAP dont elle est elle-même signataire, la société demanderesse continue à adopter pour le moins une attitude incohérente et contradictoire, consistant, tel que relevé ci-dessus, à accepter dans un premier temps, du moins en apparence, les règles régissant l’exécution du PAP à l’élaboration duquel elle a participé, sans toutefois avoir l’intention de s’y conformer, pour ensuite chercher à en écarter les conditions d’exécution qui ne lui conviennent plus, faisant ainsi encore preuve de mauvaise foi manifeste, violant l’exigence de bonne foi entre parties, et ce tant au niveau pré-contentieux que contentieux. Le tribunal ne saurait, à cet égard, que réitérer sa position antérieure suivant laquelle un tel comportement doit être sanctionné en vertu du principe suivant lequel une partie ne peut se contredire au détriment d’autrui (théorie de l’estoppel), rattachable encore à l’article 1134, alinéa 3 du Code civil, suivant lequel nul ne peut se contredire au détriment d’autrui, et tromper ainsi l’attente légitime de son cocontractant1.
Au-delà de ce constat et à titre superfétatoire, le tribunal relève encore que si, de son côté, la Cour administrative n’a pas voulu rentrer dans une discussion de bonne ou mauvaise foi de la société demanderesse, respectivement sur un défaut de qualité l’affectant en tant qu’initiatrice du PAP pour pouvoir, par la suite, en soulever l’illégalité, elle a retenu sur base de l’analyse du PAP litigieux et de sa convention d’exécution que, d’une part, il résulterait clairement des antécédents de l’affaire, tel que repris en détail ci-dessus, que le phasage a fait partie, dès le début du modus operandi, que, d’autre part, le plan d’aménagement général de la commune de Beckerich prévoirait dans son article 11, alinéa 2, la possibilité d’imposer des phases de réalisation à l’intérieur du PAP et que, finalement, dans des communes de petite ou 1 En ce sens : Trib. adm. 11 mai 2015, n° 34217 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.
9 moyenne taille, la mise en place d’un PAP d’une étendue relativement importante devait normalement pouvoir s’accompagner d’un phasage appelé à voir opérer une mise en place ordonnée dans le temps de la réalisation des structures d’habitation projetées à travers le PAP. Elle en a conclu que, dans les circonstances données et au vu des moyens invoqués -
dont il n’est pas contesté qu’il s’agit en substance toujours des mêmes d’un litige à l’autre -, le principe même d’un phasage n’avait pas pu être énervé.
La Cour a ensuite relevé qu’aucune incompatibilité du principe du phasage tel que prévu dans le PAP et dans sa convention d’exécution ne se trouvait vérifiée sur base de l’exception d’illégalité présentée par la société demanderesse en rapport plus particulièrement avec les articles 35, 36 et 37 de la loi du 19 juillet 2004, d’après leurs libellés respectifs applicables à l’époque de la prise de la décision litigieuse, libellés qui étaient toujours identiques au moment de la prise de la décision actuellement litigieuse.
Ainsi, après avoir rappelé que l’article 37 de la loi du 19 juillet 2004 cadrait le pouvoir du bourgmestre en tant qu’autorité communale de police compétente pour la délivrance des autorisations de construire et que l’alinéa 2 du même article prévoyait le principe général suivant lequel le bourgmestre est appelé à se placer dans le cadre de la réglementation d’urbanisme se composant du plan d’aménagement général, des PAP et du règlement sur les bâtisses de la commune, elle a précisé que cet article ne se heurterait pas au principe du phasage prévu au niveau d’un PAP alors qu’à l’inverse, le PAP ensemble son phasage était de nature à conditionner la délivrance d’une autorisation de construire, sans que cette démarche ne soit contraire à la loi.
Sur base de ces considérations, la Cour a constaté que l’exception d’illégalité du principe du phasage contenu dans le PAP litigieux par rapport aux dispositions des articles 35, 36 et 37 de la loi du 19 juillet 2004, telle qu’elle avait été formulée par la société demanderesse, ne se trouverait pas justifié. Elle en a conclu qu’il conviendrait de retenir que le principe du phasage, tel que contenu dans le PAP litigieux, s’imposait au bourgmestre et que celui-ci pouvait dès lors à bon escient s’y référer, de même qu’à l’absence d’un feu vert donné à l’époque par le conseil communal relativement à la réalisation de la phase 2 du PAP.
En ce qui concerne, à cet égard, plus particulièrement l’accord du conseil communal en vue du feu vert qui lui sera demandé pour la réalisation de la phase 2 du PAP, au niveau duquel semble toujours se situer le véritable problème de la société demanderesse puisque ledit accord n’avait toujours pas été donné au moment de la prise de la décision actuellement litigieuse, il y a lieu de constater que, sur la toile de fond que l’aménagement communal et le développement urbain ont pour objectifs, aux termes de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, d’assurer à la population de la commune des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de toutes les parties du territoire communal, le choix du moment auquel le conseil communal décidera de donner son accord relève d’une question de pure opportunité politique. Il s’agit plus particulièrement d’un choix de politique urbanistique qui relève du pouvoir discrétionnaire du conseil communal lui permettant de choisir, dans le cadre des lois, la solution qui lui paraît préférable pour la satisfaction des intérêts publics dont il a la charge. Dans son arrêt précité, la Cour administrative a d’ailleurs retenu qu’en ce qui concerne justement la question de savoir de quelle manière est conditionné l’accord du conseil communal, il conviendrait d’ores et déjà de dégager la ligne de conduite suivant laquelle le phasage doit garantir un étalement raisonnable dans le temps de la réalisation des constructions prévues par le PAP, une fois l’essentiel des éléments d’infrastructure afférents mis en place. Or, il ne ressort en tout état de cause pas des éléments 10 de la cause qu’en n’ayant pas encore donné son feu vert au moment de la prise de la décision litigieuse, le conseil communal se serait mépris sur ses possibilités de choix et sur les limites de son pouvoir d’appréciation telles que cadrées par l’état d’avancement et d’évolution de la phase 1 du PAP litigieux.
Au vu des considérations qui précèdent et dans la mesure où, tel que relevé ci-avant, le litismandataire de la société demanderesse n’a pas expliqué dans quelle mesure les conclusions retenues à travers le jugement et l’arrêt précités par rapport à la décision du bourgmestre du 26 mai 2015 n’étaient pas transposables à la décision actuellement attaquée et aux moyens y opposés, il y a lieu de conclure que le bourgmestre a valablement pu refuser l’autorisation de construire sollicitée en se basant sur l’absence de feu vert donné par le conseil communal en vue de la réalisation de la deuxième phase du PAP dont fait partie le terrain visé par la demande à l’origine de la décision de refus litigieuse.
La société … sollicite encore l’allocation d’une indemnité de procédure de 5.000.-
euros sur base de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, demande qui est toutefois à rejeter au vu de l’issue du litige.
L’administration communale, pour sa part, sollicite également une indemnité de procédure d’un montant de 5.000.- euros sur base du même article.
Eu égard à l’issue du litige et aux circonstances particulières de l’affaire, la société demanderesse ayant opté de maintenir le recours sous analyse alors même qu’elle a admis que ledit recours était fondé sur des moyens qui avaient d’ores et déjà été tranchés en sa défaveur par la Cour administrative dans son arrêt du 2 mai 2017, la demande formulée par la commune de Beckerich se trouve justifiée, le tribunal évaluant ex aequo et bono l’indemnité de procédure à allouer à l’administration communale de Beckerich à 1.250.- euros.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le dit non justifié, partant en déboute ;
condamne la société … à payer à l’administration communale de Beckerich une indemnité de procédure à hauteur de 1.250.- euros ;
condamne la société … aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 13 novembre 2017 par :
Marc Sünnen, président, Annick Braun, vice-président, Alexandra Castegnaro, premier juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.
11 Arny Schmit Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 13 novembre 2017 Le Greffier du Tribunal administratif 12