Tribunal administratif N° 40316 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 octobre 2017 2e chambre Audience publique du 6 novembre 2017 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120 L.29.8.2008)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 40316 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 octobre 2017 par Maître Philippe Stroesser, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Nigéria), de nationalité nigériane, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 17 octobre 2017 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de ladite décision ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 31 octobre 2017 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en sa plaidoiries à l’audience publique du 6 novembre 2017.
En date du 26 septembre 2016, Monsieur … fut placé en détention préventive pour une infraction à la législation sur les stupéfiants.
Par courrier du même jour, le greffe du Centre pénitentiaire de Luxembourg informa le service des étrangers du ministère des Affaires étrangères et européennes que Monsieur … ne serait pas en possession d’une pièce d’identité.
Le 17 octobre 2017, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », prit à l’encontre de Monsieur … un arrêté constatant son séjour irrégulier, lui ordonnant de quitter le territoire luxembourgeois sans délai, tout en portant à son encontre interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de trois ans. Cet arrêté fut notifié à l’intéressé le même jour.
Par arrêté séparé du même jour, également notifié à l’intéressé le même jour, le ministre ordonna encore le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification. Ledit arrêté fut basé sur les considérations suivantes :
« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu ma décision de retour et ma décision interdiction de territoire du 17 octobre 2017 ;
Attendu que l'intéressé est démuni de tout document d'identité et de voyage valable ;
Attendu qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;
Attendu que l’intéressé évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement ;
Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues à l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 ne sauraient être efficacement appliquées ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;
Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».
Par requête déposée le 27 octobre 2017 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision de placement précitée.
Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit en l’espèce, qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.
Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que le placement au Centre de rétention ne serait à considérer que comme ultime remède et ne devrait pas consister en une obligation systématique pour le ministre qui devrait motiver à suffisance l’usage de cette faculté, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.
Il souligne dans ce contexte que le ministre ne préciserait pas en quoi il empêcherait la préparation de son retour ou de la procédure d’éloignement.
Il reproche encore au ministre de ne pas avoir fait suffisamment de diligences en vue de son éloignement, alors que depuis le jour de son placement, aucun courrier n’aurait été adressé « à une quelconque institution » en vue de son éloignement, de sorte qu’il n’existerait aucune chance raisonnable de croire que son éloignement pourrait être mené à bien.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé.
Le tribunal retient en premier lieu que le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de la décision déférée est à rejeter, étant donné qu’aucun texte légal ou réglementaire n’exige l’indication formelle des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé - l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, n’étant pas applicable à une telle décision-, de sorte que le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision litigieuse. Le moyen afférent est partant à rejeter pour ne pas être fondé.
Aux termes de l’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée (…). Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) ». En vertu de l’article 120 (3) de la même loi, « (…) La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. (…) ».
Ainsi, l’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 permet au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour la durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.
Le tribunal constate qu’en l’espèce, il n’est pas contesté que le demandeur se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg, dans la mesure où, il ressort du dossier administratif que d’après les renseignements reçus du Centre de coopération policière et douanière, il ne dispose pas de documents de voyage en cours de validité, étant précisé à cet égard qu’il est en possession d’un permis de séjour périmé en Italie, pays, où il a fait l’objet d’une décision de retour le 17 octobre 2017, assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire pendant une durée de trois ans.
Il s’ensuit qu’en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c) de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel le risque de fuite est présumé plus particulièrement si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi ou encore s’il ne dispose pas de documents d’identité ou de voyage en cours de validité, le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement, étant encore relevé que le demandeur se limite à contester les diligences entreprises par le ministre.
Force est au tribunal de constater que le ministre s’est renseigné dès le 19 octobre 2017 auprès du Centre de coopération policière et douanière sur la personne de Monsieur …. Informé de l’existence du permis de séjour italien périmé, le ministre a pris contact en date du 25 octobre 2017 avec le Ministero Dell’Interno italientafin de solliciter la réadmission du demandeur en application de l’article 6, paragraphe 2 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.
Force est au tribunal de constater, au vu de ces démarches, que c’est à tort que le demandeur reproche un manque de diligences aux autorités luxembourgeoises, qui elles-mêmes sont tributaires des diligences entreprises par les autorités étrangères auxquelles elles s’adressent.
Ainsi, à défaut d’autres contestations plus circonstanciées du demandeur, aucun reproche ne saurait être fait aux services du ministre.
Au regard de ces diligences, force est de retenir que le demandeur estime à tort qu’il n’y a pas de chance raisonnable de croire que son éloignement puisse être mené à bien.
Il se dégage partant de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et à défaut d’autres moyens, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée. Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non fondé, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Françoise Eberhard, vice-président, Daniel Weber, juge, Michèle Stoffel, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 6 novembre 2017, par le vice-président Françoise Eberhard, en présence du greffier Marc Warken.
s. Marc Warken s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 8 novembre 2017 Le greffier du tribunal administratif 5