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05/10/2017 | LUXEMBOURG | N°40084

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 octobre 2017, 40084


Tribunal administratif N° 40084 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 août 2017 chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 5 octobre 2017 Recours formé par Monsieur …, alias ……, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 28 (2), L. 18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 40084 du rôle et déposée le 23 août 2017 au greffe du tribunal administratif par Maîtr

e Ibtihal El Bouyousfi, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembo...

Tribunal administratif N° 40084 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 août 2017 chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 5 octobre 2017 Recours formé par Monsieur …, alias ……, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 28 (2), L. 18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 40084 du rôle et déposée le 23 août 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Ibtihal El Bouyousfi, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à …(Syrie) et être de nationalité syrienne, alias ……, déclarant être né le … en Syrie et être de nationalité russe, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 7 août 2017 ayant déclaré sa demande de protection internationale irrecevable sur le fondement de l’article 28 (2) d) de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire qui serait inclus dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 septembre 2017 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ibtihal El Bouyousfi et Madame le délégué du gouvernement Danitza Greffrath en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 septembre 2017.

Le 2 septembre 2015, Monsieur …, alias ……, ci-après désigné par « Monsieur… », introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, désignée ci-après par la « loi du 5 mai 2006 ».

Par décision du 20 février 2017, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », rejeta la demande de protection internationale de Monsieur … et lui ordonna de quitter le territoire dans un délai de trente jours, à compter du jour où ladite décision sera devenue définitive.

Le 7 avril 2017, Monsieur… introduisit auprès du ministère une nouvelle demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection 1internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 », ayant abrogé et remplacé la loi du 5 mai 2006.

Les déclarations de Monsieur… sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées dans un rapport de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, du même jour.

Les 12 et 25 avril 2017, Monsieur… fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa nouvelle demande de protection internationale.

Par décision du 7 août 2017, notifiée à l’intéressé en mains propre le 9 août 2017, le ministre informa Monsieur… que sa nouvelle demande de protection internationale avait été déclarée irrecevable sur base de l’article 28 (2) d) de la loi du 18 décembre 2015. Cette décision est libellée comme suit :

« (…) J’ai l’honneur de me référer à votre deuxième demande en obtention d’une protection internationale que vous avez introduite auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et européennes en date du 7 avril 2017.

Il ressort de votre dossier que vous avez introduit une première demande de protection internationale le 2 septembre 2015. Vous aviez invoqué à la base de cette demande que vous auriez quitté la Syrie parce que vous seriez convoqué pour effectuer le service militaire. Plus tard lors de l’entretien du 10 mars 2016 vous dites avoir quitté la Syrie de peur que des groupes de l’opposition puissent demander votre aide en tant que médecin dans les hôpitaux des régions étant sous leur contrôle. Lors de votre entretien du 10 mars 2016, vous déclarez que vous auriez quitté la Syrie parce que vous auriez été enlevé par des inconnus à …. Des recherches effectuées par l’autorité ministérielle ont révélé que vous êtes en possession d’un passeport international et d’un passeport interne russe. Votre demande de protection internationale a donc été rejetée au motif que vous avez induit les autorités luxembourgeoises en erreur en ce qui concerne votre nationalité en dissimulant des documents pertinents qui auraient pu influencer la décision dans un sens défavorable. Il a été établi que vous possédez en effet la nationalité russe. Le fait d’avoir essayé de cacher ces informations a altéré la crédibilité de vos déclarations, de sorte que la totalité des faits à l’appui de votre demande de protection internationale a été mise en cause.

Votre demande de protection internationale a donc été évaluée par rapport à votre situation en Russie, pays dont vous avez la nationalité, pays dont votre épouse est ressortissante et pays dans lequel vous avez vécu et pouvez continuer à vivre légalement. Il ne ressortait pas de vos déclarations que vous avez à craindre d’être persécuté en Russie du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques. Lors de votre entretien du 10 mars 2016 vous avez même déclaré que « si j’avais eu des documents, je serais allé en Russie » (p.6 du rapport d’entretien du 10 mars 2016). Il ressort de votre nouvelle demande que le récit présenté lors de votre première demande de protection internationale serait inventé. En effet, vous indiquez lors de votre entretien du 25 avril 2017 : « Oui, ce n’est pas moi qui l’ai vécu. C’est arrivé à quelqu’un d’autre et j’ai repris son histoire. » (p.7 du rapport d’entretien du 25 avril 2017). Lors de votre deuxième demande, vous changez complètement votre récit et concentrez la totalité de vos motifs sur votre vécu en Russie. Vous auriez travaillé en tant que médecin chirurgien à …, quand un patient aurait commencé à vous poser des questions sur votre personne, vos origines, vos opinions, votre penchant religieux ainsi que votre avis sur la situation actuelle en Syrie.

Trois mois plus tard, de retour à …, vous auriez reçu un appel téléphonique par un dénommé 2…qui aurait demandé de vous voir dans un hôtel. Vous vous y seriez rendu le lendemain, et auriez reconnu le patient d’…. Vous l’auriez accompagné dans sa chambre d’hôtel où il vous aurait dit qu’il serait officier du service de la sécurité fédérale russe, département renseignements étrangers. Il vous aurait dit que vous auriez été choisi « de rejoindre une équipe de médecins qui ira en Syrie pour venir en aide et soutenir les équipes russes qui vont œuvrer au retour de la paix et de la stabilité en Syrie. » (p.3 du rapport d’entretien). Lors d’une deuxième entrevue, vous auriez été rejoints par un dénommé …, responsable de la mission en Syrie. Il vous aurait posé des questions très détaillées sur les membres de votre famille et de votre belle-famille et vous lui auriez promis de lui remettre leurs photos dans les meilleurs délais. Il vous aurait fait signer un engagement de confidentialité et vous aurait déconseillé de quitter la ville. En sortant de cette entrevue, vous auriez décidé de quitter la Russie. Un collègue docteur aurait eu des connaissances qui vous auraient organisé un « vrai-faux » passeport russe pour l’étranger, ainsi qu’un passeport interne portant votre vraie identité. Après que vos demandes de visa Schengen vous auraient été refusées par les autorités espagnoles et estoniennes, votre passeur au nom de … aurait réussi à vous procurer un visa établi par les autorités polonaises. Or, au poste frontière, les autorités polonaises vous auraient refusé l’entrée, parce que « les services de renseignement polonais savent que mon passeport est faux » (p.5 du rapport d’entretien). On vous aurait pourtant rendu votre faux passeport et vous seriez retourné en Russie. Une deuxième demande de visa polonais vous aurait été refusée. Un autre passeur au nom de … vous aurait organisé un nouveau passeport portant l’identité de …, de nationalité azerbaidjanaise. Avec ce passeport, vous auriez finalement réussi à quitter la Russie par voie maritime et à vous rendre en Turquie. Un ami vous aurait amené à …, où vous auriez réussi à entrer dans la zone de transit de l’aéroport … à l’aide d’un homme prénommé ….

Entretemps, … aurait réussi à effacer tous les visas annulés de votre premier passeport, et après deux jours d’attente dans la zone de transit de l’aéroport …, une fille au nom d’… vous l’aurait amené. … aurait réussi à trafiquer le visa polonais annulé en changeant la photo et en effaçant les tampons qui annulaient le visa. Vous auriez donc réussi à embarquer dans l’avion à destination du Luxembourg, avec votre « vrai-faux » passeport russe muni d’un visa trafiqué.

Votre épouse, de nationalité russe, serait restée en Russie. Elle vous aurait rendu visite ici au Luxembourg fin 2015 ou début 2016. Munie d’un visa établi par les autorités luxembourgeoises, elle serait entrée dans l’espace Schengen via l’aéroport de Zurich « pour que tout soit concentré sur la Suisse » (p.10 du rapport d’entretien) et pour qu’aucun lien ne pourrait être établi avec le Luxembourg. En retournant en Russie, elle aurait été interrogée par la police fédérale russe, qui aurait voulu avoir des informations à votre égard. Ayant effacé toutes les photos dans son téléphone portable avant de retourner en Russie, rien n’aurait pu prouver votre séjour au Luxembourg.

Monsieur, je suis au regret de vous informer qu’en vertu des dispositions de l’article 28 (2) d) de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, votre demande de protection internationale est irrecevable au motif que vous n’avez présenté aucun élément ou fait nouveau relatifs à l’examen visant à déterminer si vous remplissez les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale.

En effet, conformément à l’article 32 (4) de la loi du 18 décembre 2015, l’examen d’une demande ultérieure est poursuivi si les éléments ou faits nouveaux indiqués augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale, à condition que le demandeur concerné a été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de les faire valoir, au cours de la précédente procédure y 3compris durant la phase contentieuse. Or, notons qu’il est évident que vous n’étiez pas dans l’incapacité de faire valoir vos motifs de fuite dans le cadre de votre première demande de protection internationale.

Vous confirmez d’ailleurs que vous avez délibérément caché votre histoire et que votre avocat vous aurait conseillé de ne pas en parler. Vous déclarez ne pas avoir dissimulé ces informations par manque de confiance, mais que « c’est quelque chose intérieur dans moi qui m’a empêché d’en parler » (p.7 du rapport d’entretien). Aussi, vous auriez eu peur de parler du fait d’avoir été contacté par les renseignements russes « car cela constituerait un danger pour moi et ma famille » (p.7 du rapport d’entretien).

Or, force est de constater que vous restez manifestement en défaut de fournir une quelconque excuse valable pour justifier de ne pas avoir dit la vérité lors de votre première demande. En effet, vous avez été convoqué à des entretiens complémentaires et des rendez-

vous, lors desquels les agents du Ministère vous ont confronté avec le passeport russe établi à votre nom et vous ont posé des questions quant à votre vécu en Russie, et vous n’avez à aucun moment évoqué un quelconque problème en Russie. Lors de votre entretien du 10 mars 2016 vous déclarez même que « si j’avais eu des documents, je serais allé en Russie » (p.6 du rapport d’entretien du 10 mars 2016). En l’espèce, il est établi que vous avez délibérément induit les autorités luxembourgeoises en erreur en ce qui concerne votre vécu en dissimulant des informations pertinentes qui auraient pu influencer la décision dans un sens défavorable. Vous avez profité de la situation actuelle en Syrie afin d’augmenter vos chances à obtenir le statut de réfugié. Or, vos craintes ne sauraient être perçues comme nouvelles au sens dudit article par le seul fait que vous auriez décidé de ne pas en faire état au cours de votre première demande de protection internationale.

De toute façon, le récit de votre fuite que vous présentez lors de votre entretien du 25 avril 2017 constitue un concours de circonstances étonnant au point qu’on est amené à le situer à la lisière de l’absurde. En effet, votre nouveau récit comprend des contradictions flagrantes qui ne sauraient trouver d’explication logique.

Ainsi, vous signalez que d’un côté votre épouse aurait dû supprimer toutes les photos de son portable et aurait voyagé au Luxembourg avec une escale en Suisse, histoire de « tout concentrer » sur ce pays et éviter que les autorités russes découvrent que vous vous trouvez au Luxembourg. De même, vous prétendez que votre épouse aurait été interrogée par les autorités russes dans le but de découvrir où vous vous trouveriez.

De l’autre côté vous expliquez toutefois qu’il ne serait pas nécessaire que votre épouse cache le visa établi par les autorités luxembourgeoises dans son passeport parce que « Pourquoi l’effacerait-elle ? C’est une Russe. Ils ne vont pas traiter une compatriote comme un étranger comme moi » (p.10 du rapport d’entretien). Or, étant donné que votre épouse aurait subi un interrogatoire de la part des autorités russes dans l’unique but de découvrir votre lieu de résidence, votre réponse ne donne aucun sens. En effet, il ne fait aucun sens que votre épouse ait dû se donner la peine d’effacer toute information compromettante de son portable mais n’aurait pas jugé nécessaire de cacher un élément clé pour pouvoir vous localiser, à savoir son visa établi par les autorités luxembourgeoises.

D’autant plus que vous voulez également faire croire au ministre que vous auriez évité toute pratique susceptible d’être surveillé par les autorités russes et auriez limité vos contacts avec votre épouse à des appels téléphoniques ou via skype. Dans ce contexte, on peut également 4soulever qu’hormis le fait que vous soyez vous-même d’avis que les services secrets russes font partie des plus compétents au monde, il s’agit surtout de soulever qu’il ne devrait pas constituer le moindre problème à un service secret « si performant » de tracer un appel. Ajoutons aussi que de toute façon, votre trajet officiel depuis la Russie devrait être connu par les autorités russes puisqu’il ressort clairement de votre billet d’avion que vous avez acheté un ticket pour le trajet « Moscou Istanbul — Luxembourg — Marrakech ».

Relevons dans le même contexte que, en étant vraiment recherché par les autorités russes, vous n’auriez certainement pas permis au Ministère des Affaires étrangères et européennes de contacter ces mêmes autorités afin de clarifier votre statut en Russie.

Finalement, ajoutons aussi qu’il n’est pas crédible que les autorités polonaises, après avoir déclaré votre passeport comme « faux », vous l’auraient tout de même rendu parce qu’il « était très très bien, c’était un vrai » (p.7 du rapport d’entretien). Il semble improbable que les autorités polonaises auraient eu des doutes quant à l’authenticité de votre passeport russe, mais vous l’auraient finalement rendu et vous auraient laissé partir parce que vous auriez refusé de leur donner plus d’informations.

Toutes ces incohérences confortent l’avis du ministre selon lequel vous n’auriez pas été victime de persécution en Russie et que vous avez changé votre récit dans le seul but de tenter une deuxième chance à l’obtention du statut de réfugié au Luxembourg.

Enfin, il paraît évident que vous avez décidé d’introduire une nouvelle demande de protection internationale environ deux semaines après que votre première décision soit devenue définitive, dans le seul et unique but d’éviter un rapatriement en Russie. De plus, il convient de rappeler que vous n’avez pas contesté les conclusions découlant de la décision ministérielle du 20 février 2017 alors que vous avez choisi de ne pas introduire de recours contre la prédite décision.

Or, conformément à l’article 9 de la loi du 18 décembre 2015, il est dérogé au droit de rester sur le territoire lorsqu’une personne n’a introduit une première demande ultérieure considérée comme irrecevable, qu’afin de retarder ou d’empêcher l’exécution d’une décision qui entraînerait son éloignement imminent du territoire. Il ressort de votre dossier qu’une décision de retour a été prise en date du 23 février 2017 et que vous ne souhaitez manifestement pas l’honorer.

Par conséquent la prédite dérogation au droit de rester sur le territoire luxembourgeois s’applique en l’espèce.

Votre nouvelle demande en obtention d’une protection internationale est dès lors déclarée irrecevable au sens des articles 28 (2) d) et 32(4). (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 23 août 2017, Monsieur… a fait introduire un recours tendant à l’annulation, d’une part, de la décision ministérielle, précitée, du 7 août 2017 et, d’autre part, de l’ordre de quitter le territoire qui serait inclus dans le même acte.

A l’audience publique des plaidoiries, le tribunal a invité les parties à prendre oralement position quant à la recevabilité du recours introduit contre l’ordre de quitter le territoire qui serait inclus dans la décision ministérielle déférée du 7 août 2017.

5 Ni le délégué du gouvernement, ni le mandataire du demandeur n’ont spécifiquement pris position par rapport à cette question.

Force est au tribunal de constater que dans sa décision du 7 août 2017, le ministre n’a pas prononcé d’ordre de quitter le territoire à l’encontre du demandeur, mais s’est limité à rappeler à l’intéressé qu’il a d’ores et déjà fait l’objet d’une décision de retour en date du 20 février 2017 – soit d’un ordre de quitter le territoire, étant donné que la notion de « décision de retour » est définie par l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015 comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire » – et à l’informer du fait qu’il serait dérogé à son droit de rester sur le territoire au cours de la procédure d’asile, en application de l’article 9 de la loi du 18 décembre 2015, aux termes duquel « (1) Les demandeurs sont autorisés à rester au Grand-Duché de Luxembourg, aux seules fins de la procédure, jusqu’à ce qu’une décision du ministre soit intervenue. (2) Par exception au paragraphe (1), il est dérogé au droit de rester sur le territoire: (…) b) lorsqu’une personne n’a introduit une première demande ultérieure considérée comme irrecevable, qu’afin de retarder ou d’empêcher l’exécution d’une décision qui entraînerait son éloignement imminent du territoire (…) ». Par ailleurs, s’il ressort de l’article 34 (2) de la loi du 18 décembre 2015 qu’« une décision du ministre vaut décision de retour. (…) » et s’il se dégage de la jurisprudence constante des juridictions administratives qu’il y a lieu d’admettre que cette disposition vise les décisions négatives du ministre, de sorte que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique d’un refus de protection internationale, existant même sans être exprimé formellement dans la décision1, tel n’est pas le cas en ce qui concerne les décisions d’irrecevabilité prises sur le fondement de l’article 28 (2) d) de la loi du 18 décembre 2015, telles que la décision déférée, étant donné qu’aux termes de l’article 34 (2) de la même loi, le législateur a expressément prévu une exception au principe selon lequel une décision négative du ministre vaut décision de retour.

Il suit de ces considérations qu’aucun ordre de quitter le territoire n’est inclus dans la décision déférée, de sorte que le recours tendant à l’annulation de pareil ordre de quitter le territoire est à déclarer irrecevable pour être dépourvu d’objet.

Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre de déclarer irrecevable la demande de protection internationale de Monsieur… sur le fondement de l’article 28 (2) d) de la loi du 18 décembre 2015, le tribunal retient que dans mesure où l’article 35 (3) de ladite loi prévoit un recours en annulation en matière de demandes de protection internationale déclarées irrecevables sur base de l’article 28 (2) de la même loi, un recours en annulation a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle déférée, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur expose les faits et rétroactes gisant à la base de la décision déférée. Plus particulièrement, il explique qu’en sa qualité de citoyen syrien né en Syrie, il aurait étudié la médecine en Russie et qu’il aurait conservé sa nationalité syrienne, nonobstant son mariage à une ressortissante russe. Suite au rejet de sa précédente demande de protection internationale et dans le but de rapporter la preuve de sa nationalité syrienne, il aurait, en date du 7 avril 2017, soumis au ministre de nouveaux documents lui envoyés par sa famille en Syrie, à savoir l’original de son passeport syrien, un extrait du registre civil syrien, son carnet militaire syrien, un extrait du registre civil syrien concernant sa famille, ainsi que deux 1 Trib. adm., 11 juillet 2016, n° 38055 du rôle, Pas. adm. 2017, V° Etrangers, n° 91 et l’autre référence y citée.

6convocations de l’armée syrienne, le demandeur insistant sur le fait que l’authenticité des quatre premiers de ces documents aurait été attestée par la police grand-ducale, tandis que celle des susdites convocations n’aurait pas pu être vérifiée, en l’absence de matériel de comparaison.

En droit, le demandeur soutient que la décision déférée violerait les articles 13 (1) et (2), 28 (2) d) et 32 (4) de la loi du 18 décembre 2015, étant donné, d’une part, que les entretiens des 12 et 25 avril 2017, sur lesquels ladite décision s’appuierait, auraient eu pour objet la détermination, non pas de la recevabilité de sa demande, mais du bien-fondé de celle-ci, ainsi que cela se dégagerait tant d’un courrier adressé par le ministre à son litismandataire pour l’informer de la date de son audition que des explications lui fournies par l’agent ministériel l’ayant auditionné, et, d’autre part, qu’il n’aurait, au cours de ces entretiens, pas été informé des cas d’irrecevabilité prévus par la loi, contrairement aux obligations ministérielles découlant de l’article 13 (1) de la loi du 18 décembre 2015, en vertu duquel le ministre doit (i) informer le demandeur de l’objet de l’entretien – à savoir, la détermination de la recevabilité de sa demande de protection internationale –, (ii) le rendre attentif sur les différents cas d’irrecevabilité énumérés à l’article 28 (2) de la loi du 18 décembre 2015, (iii) lui indiquer quel cas d’irrecevabilité y énuméré serait, le cas échéant, susceptible de s’appliquer, et (iv) lui demander son point de vue concernant l’application, par le ministre, de ce cas d’irrecevabilité, à sa situation particulière. A cet égard, le demandeur se prévaut d’un jugement du tribunal administratif du 13 juillet 2016, inscrit sous le numéro 37990 du rôle.

Quant au fond, il soutient que dans la mesure où le ministre l’aurait soumis à des entretiens portant, non pas sur la recevabilité de sa demande de protection internationale, mais sur le bien-fondé de celle-ci, alors qu’en vertu de l’article 28 (2) d) de la loi du 18 décembre 2015, il aurait eu la possibilité de prononcer l’irrecevabilité de sa demande, sans vérifier si les conditions d’octroi d’un statut de protection internationale sont remplies, dès son « (…) analyse préliminaire (…) » du 7 avril 2017 et sans avoir été obligé de le convoquer à un entretien sur la recevabilité de sa demande, tel que cela se dégagerait d’une lecture combinée des articles 13 (1) et 32 (3) de la loi du 18 décembre 2015, la recevabilité de sa demande devrait être considérée comme étant acquise aux jours desdits entretiens, en l’occurrence les 12 et 25 avril 2017. Cette présomption serait renforcée par le fait que le rapport dressé à l’occasion de son audition n’évoquerait pas la question de la recevabilité de sa demande.

Dans ce même ordre d’idées, le demandeur soutient qu’en le soumettant à des entretiens portant sur les conditions d’octroi de la protection internationale, le ministre aurait « (…) créé une situation administrative acquise de demande ultérieure recevable qui [ferait] l’objet d’un examen sur le fond (…) », de sorte qu’en déclarant sa demande irrecevable nonobstant le fait qu’il aurait, ainsi, acquis le droit d’en voir examiner le bien-fondé, le ministre aurait violé le principe de la confiance légitime et son droit au respect des droits acquis.

Par ailleurs, le demandeur fait valoir que contrairement à ce qu’aurait retenu le ministre, sa demande devrait être déclarée recevable au regard des conditions inscrites à l’article 28 (2) d) de la loi du 18 décembre 2015. En effet, il aurait présenté de nouveaux documents qui prouveraient incontestablement qu’il serait de nationalité syrienne et qu’il serait recherché par l’armée syrienne pour ne pas s’être présenté à la convocation de se présenter au service militaire. Par ailleurs, il aurait été dans l’incapacité de produire ces documents à un stade antérieur de la procédure de demande de protection internationale, étant donné que l’obtention desdits documents aurait été indépendante de sa volonté et de sa capacité. En effet, seule sa famille résidant en Syrie aurait été en mesure de se les procurer et de les lui envoyer au 7Luxembourg. D’ailleurs, l’ensemble de ces documents, qu’il n’aurait reçus qu’en avril 2017, aurait été émis postérieurement à la prise de la décision ministérielle du 20 février 2017.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

S’agissant de la légalité externe de la décision déférée et, plus particulièrement du moyen tiré de la violation des articles 13, 28 (2) d) et 32 (4) de la loi du 18 décembre 2015, au motif que le demandeur n’aurait pas fait l’objet d’une audition portant sur la recevabilité de sa demande, au cours de laquelle il aurait été informé des cas d’irrecevabilité prévus par la loi, le tribunal relève que l’article 13 de la loi du 18 décembre 2015 est libellé comme suit :

« (…) (1) Avant que le ministre ne prenne une décision sur la recevabilité d’une demande de protection internationale, le demandeur est autorisé à exposer son point de vue concernant l’application des motifs visés à l’article 28, paragraphe (2) à sa situation particulière. A cette fin, et sans préjudice de l’entretien individuel prévu à l’article 5 du règlement UE n° 604/2013, un entretien personnel sur la recevabilité de la demande est mené par un agent du ministre, sauf l’exception prévue à l’article 32 dans le cas d’une demande ultérieure.

(2) Le demandeur a le droit à un entretien personnel sur le fond de sa demande de protection internationale avec un agent du ministre, sans préjudice des articles 28 et 32. (…) ».

S’il ressort de l’article 13 (1) de la loi du 18 décembre 2015 qu’avant de prendre une décision d’irrecevabilité d’une demande de protection internationale, le ministre est obligé de mener un entretien personnel avec le demandeur de protection internationale sur la recevabilité de sa demande de protection internationale et dédié spécifiquement à cette question, il se dégage de la même disposition légale que cette obligation ne s’applique pas en présence d’une demande ultérieure, au sens de l’article 32 de la loi du 18 décembre 2015, c’est-à-dire d’une « (…) nouvelle demande de protection internationale présentée après qu’une décision finale a été prise sur une demande antérieure, y compris le cas dans lequel le demandeur a explicitement retiré sa demande et le cas dans lequel le ministre a rejeté une demande à la suite de son retrait implicite, conformément à l’article 23, paragraphes (2) et (3). (…) ».

Dès lors, dans la mesure où il est constant en cause que le demandeur a déposé sa demande de protection internationale le 7 avril 2017, soit après le rejet définitif de sa précédente demande par décision ministérielle du 20 février 2017, de sorte que ladite demande s’analyse en une demande ultérieure, au sens de l’article 32 de la loi du 18 décembre 2015, le ministre n’était pas obligé, avant de prendre la décision d’irrecevabilité litigieuse, de mener un entretien personnel avec le demandeur portant spécifiquement sur la question de la recevabilité de sa demande, de sorte que l’argumentation du demandeur tiré d’une violation des articles 13, 28 (2) d) et 32 (4) de la loi du 18 décembre 2015, au motif qu’il n’aurait pas fait l’objet d’une audition portant sur la recevabilité de sa demande, au cours de laquelle il aurait été informé des cas d’irrecevabilité prévus par la loi, est à rejeter pour reposer sur une prémisse erronée.

Quant au fond, le tribunal relève que l’article 28 (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit que « (…) le ministre peut prendre une décision d’irrecevabilité, sans vérifier si les conditions d’octroi de la protection internationale sont réunies, dans les cas suivants: (…) d) la demande concernée est une demande ultérieure, dans laquelle n’apparaissent ou ne sont présentés par le demandeur aucun élément ou fait nouveau relatifs à l’examen visant à 8déterminer si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale (…) ».

Aux termes de l’article 32 de la même loi, « (1) Constitue une demande ultérieure une nouvelle demande de protection internationale présentée après qu’une décision finale a été prise sur une demande antérieure, y compris le cas dans lequel le demandeur a explicitement retiré sa demande et le cas dans lequel le ministre a rejeté une demande à la suite de son retrait implicite, conformément à l’article 23, paragraphes (2) et (3).

(2) Lorsqu’une personne qui a demandé à bénéficier d’une protection internationale fait de nouvelles déclarations ou présente une demande ultérieure, ces nouvelles déclarations ou les éléments de la demande ultérieure sont examinés dans le cadre de l’examen de la demande antérieure par le ministre ou, si la décision du ministre fait l’objet d’un recours juridictionnel en réformation, par la juridiction saisie.

(3) Le ministre procède à un examen préliminaire des éléments ou des faits nouveaux qui ont été présentés par le demandeur, afin de prendre une décision sur la recevabilité de la demande en vertu de l’article 28, paragraphe (2), point d). Le ministre peut procéder à l’examen préliminaire en le limitant aux seules observations écrites présentées hors du cadre d’un entretien.

(4) Si les éléments ou faits nouveaux indiqués augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale, l’examen de la demande est poursuivi, à condition que le demandeur concerné a été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de les faire valoir, au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse. (…) ».

Il ressort de ces dispositions que le ministre peut déclarer irrecevable une demande ultérieure – c’est-à-dire une demande de protection internationale introduite après qu’une décision finale a été prise sur une demande antérieure émanant de la même personne, y compris, notamment, le cas dans lequel le demandeur a explicitement retiré sa demande –, sans vérifier si les conditions d’octroi de la protection internationale sont réunies, dans le cas où le demandeur n’invoque aucun élément ou fait nouveau relatifs à l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale. Saisi d’une telle demande ultérieure, le ministre effectue un examen préliminaire des éléments ou des faits nouveaux qui ont été présentés par le demandeur, afin de prendre une décision sur la recevabilité de la demande en question. L’examen de la demande n’est poursuivi que si les éléments ou faits nouveaux indiqués augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale et à condition que le demandeur concerné ait été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de les faire valoir, au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse. Dans le cas contraire, la demande est déclarée irrecevable.

Il s’ensuit que la recevabilité d’une demande ultérieure est soumise à trois conditions cumulatives, à savoir, premièrement, que le demandeur invoque des éléments ou des faits nouveaux, deuxièmement, que les éléments ou les faits nouveaux présentés augmentent de manière significative la probabilité qu’il remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale et, troisièmement, qu’il ait été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de se prévaloir de ces éléments ou de ces faits nouveaux au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse.

9 De prime abord, le tribunal relève qu’il ne saurait partager l’argumentation du demandeur selon laquelle la recevabilité de sa demande serait acquise ou présumée au jour de ses auditions des 12 et 25 avril 2017, au motif que ces auditions auraient porté, non pas sur la recevabilité de sa demande de protection internationale, mais sur le bien-fondé de celle-ci, alors qu’en vertu de l’article 28 (2) d) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre aurait eu la possibilité de prononcer l’irrecevabilité de sa demande, sans vérifier si les conditions d’octroi d’un statut de protection internationale sont remplis, dès son « (…) analyse préliminaire (…) » du 7 avril 2017 et sans avoir été obligé de le convoquer à un entretien sur la recevabilité de sa demande, tel que cela se dégagerait d’une lecture combinée des articles 13 (1) et 32 (3) de la loi du 18 décembre 2015.

En effet, étant donné (i) que le tribunal vient de retenir qu’en présence d’une demande ultérieure, le ministre n’est pas obligé, avant de prendre une décision quant à la recevabilité de la demande, de procéder à un entretien portant spécifiquement sur la question de la recevabilité de la demande, (ii) que l’article 32 (3) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit que, saisi d’une demande ultérieure, le ministre procède à un examen préliminaire des éléments ou des faits nouveaux qui ont été présentés par le demandeur, afin d’apprécier la recevabilité de la demande, (iii) que celle-ci se détermine, notamment, en fonction de la question de savoir si les éléments ou faits nouveaux augmentent ou non de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale, tel que relevé ci-avant, de sorte que dans la cadre dudit examen préliminaire, le ministre est amené à procéder à une certaine appréciation quant au fond de la demande ultérieure, et (iv) qu’aucune disposition légale n’interdit au ministre d’effectuer cet examen préliminaire sur base de déclarations du demandeur actées au cours d’un entretien portant sur les motifs gisant à la base de sa demande, le fait qu’un demandeur ayant présenté une demande ultérieure ait été entendu sur le fond de sa demande dans le cadre d’un entretien individuel ne permet de conclure ni à une présomption, ni à un acquiescement de la part de l’administration quant à la recevabilité de sa demande, ni a fortiori à un droit acquis dans le chef de l’administré de voir déclarer sa demande recevable.

L’argumentation en question encourt dès lors le rejet.

Pour les mêmes motifs, cette conclusion s’impose également en ce qui concerne le moyen tiré d’une violation du principe de la confiance légitime et du droit au respect des droits acquis. En effet, un administré ne peut prétendre au respect d’un droit acquis que si, au-delà de ses expectatives, justifiées ou non, l’autorité administrative a créé à son profit une situation administrative acquise et a réellement reconnu ou créé un droit subjectif dans son chef et ce n’est qu’à cette condition – non remplie en l’espèce, au regard des considérations qui précèdent –, que peut naître dans le chef d’un administré la confiance légitime que l’administration respectera la situation par elle créée, les deux notions de droits acquis et de légitime confiance étant voisines2. Le moyen afférent est partant rejeté.

S’agissant de la légalité du constat du ministre selon lequel le demandeur n’a pas présenté des éléments ou faits nouveaux augmentant de manière significative la probabilité qu’il remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale, sans qu’il n’ait été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de les faire valoir, au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse, force est de constater que l’argumentaire du demandeur se fonde en substance sur la production d’un certain nombre de documents censés 2 Trib. adm. 25 janvier 2010, n° 25548 du rôle, conf. par Cour adm. 18 mai 2010, n° 26683C du rôle, Pas. adm.

2017, V° Lois et Règlements, n° 34 et autres références y citées.

10prouver sa nationalité syrienne, d’une part, et sur l’affirmation qu’il lui aurait été impossible de fournir ces documents plus tôt, d’autre part.

Force est de constater qu’à l’appui de sa demande de protection internationale déposée le 2 septembre 2015, le demandeur a déclaré avoir quitté la Syrie puisqu’il y aurait été convoqué pour effectuer le service militaire et puisque l’Etat syrien serait à sa recherche, et de peur que des groupes de l’opposition puissent requérir son aide en tant que médecin dans les hôpitaux de régions sous leur contrôle. Il a encore déclaré avoir quitté la Syrie puisqu’il aurait été enlevé par des inconnus à ….

La première demande de protection internationale a été refusée, suivant décision du 20 février 2017, pour défaut de crédibilité, le ministre s’étant appuyé sur la considération selon laquelle le demandeur disposerait d’un passeport international russe et d’un passeport interne russe et qu’il aurait induit les autorités luxembourgeoises en erreur en ce qui concerne sa nationalité, en ce qu’il a dissimulé des éléments pertinents susceptibles d’influencer sur la décision, à savoir le fait qu’il aurait la nationalité russe. A cet égard, le ministre a encore souligné que l’acquisition de la nationalité russe impliquerait nécessairement la renonciation à l’ancienne nationalité de l’intéressé, le ministre en déduisant que le demandeur aurait nécessairement dû renoncer à sa nationalité syrienne afin de pouvoir acquérir la nationalité russe.

Se fondant sur la prémisse que le demandeur est de nationalité russe, le ministre a encore estimé que sa demande devrait être examinée par rapport à sa situation en Russie, pays à l’égard duquel il n’a pas fait état de difficultés.

A l’appui de sa nouvelle demande de protection internationale introduite le 7 avril 2017, le demandeur a déclaré avoir fait état d’un faux récit lors de sa première demande de protection internationale, le demandeur ayant déclaré qu’en réalité, il aurait exposé le récit de quelqu’un d’autre3.

Ainsi, à l’appui de sa nouvelle demande de protection internationale, le demandeur déclare avoir été contacté par un officier du service de la sécurité fédérale russe qui lui aurait indiqué qu’il aurait été choisi comme médecin d’origine syrienne chargé de rejoindre une équipe de médecins destinée de se rendre en Syrie pour venir en aide aux équipes russes œuvrant au retour de la paix et de la stabilité en Syrie. Le demandeur déclare avoir quitté la Russie, étant donné qu’il ne voulait pas participer à cette mission.

Force est de constater que le ministre a fondé sa décision d’irrecevabilité de la nouvelle demande de protection internationale du demandeur plus particulièrement sur le constat selon lequel celui-ci n’aurait pas été dans l’incapacité de faire valoir les motifs de fuite actuellement invoqués dans le cadre de sa première demande de protection internationale.

Conformément à l’article 32, (4) de la loi du 18 décembre 2015, et tel que cela a été retenu ci-avant, la recevabilité d’une demande ultérieure est notamment soumise à la condition selon laquelle l’intéressé ait été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de se prévaloir des éléments et faits nouveaux fournis au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse.

3 page 7 du rapport d’entretien : « Oui ce n’est pas moi qui l’ait vécu. C’est arrivé à quelqu’un d’autre et j’ai repris son histoire » 11Or, indépendamment de la question de l’authenticité des documents d’identité syriens actuellement produits par le demandeur et de leur pertinence par rapport aux autres conditions de recevabilité d’une demande ultérieure de protection internationale, force est de constater que le demandeur est en aveu d’avoir, de façon délibérée, présenté un récit ne correspondant pas à la réalité. Dans ces conditions, il n’est pas fondé à argumenter à l’heure actuelle qu’il aurait été dans l’impossibilité, sans faute de sa part, de présenter, au cours de la précédente procédure, non seulement le récit invoqué à l’appui de sa demande ultérieure, qui d’après lui correspondrait à la réalité, mais encore les documents attestant de la réalité de sa nationalité syrienne, le fait d’avoir menti à propos de son récit étant à lui seul suffisant pour retenir que le ministre a, à bon droit, pu conclure que le demandeur n’a pas été dans l’incapacité, sans faute de sa part, de se prévaloir des éléments et faits nouveaux fournis à l’appui de la présente demande de protection internationale.

A cet égard, la déclaration du demandeur suivant laquelle il aurait été dans l’impossibilité de se procurer les documents actuellement produits à un stade antérieur, puisque seule sa famille résidant en Syrie aurait été en mesure de se les procurer et de les lui envoyer au Luxembourg, est peu convaincante puisqu’elle est contredite par ses propres déclarations faites antérieurement. En effet, s’agissant de son passeport syrien, il a déclaré lors de son audition du 25 avril 2017 que le document en question se serait trouvé chez son épouse en Russie.

Il convient encore de relever que, contrairement à ce qui est affirmé par le demandeur, les documents n’ont pas tous été établis postérieurement à sa première demande de protection internationale. Même si certains des documents produits actuellement par lui et censés établir sa nationalité syrienne n’avaient été émis qu’après que sa première demande de protection internationale a été définitivement tranchée, il s’agit d’extraits de registres, qu’il aurait aussi pu se procurer avant et au plus tard durant la phase d’instruction de sa première demande de protection internationale qui a duré 18 mois. En toute hypothèse, la circonstance que certains des extraits produits actuellement par le demandeur sont postérieurs à sa première demande de protection internationale est sans pertinence dans la mesure où le demandeur a de façon délibérée menti sur son vécu et qu’il a même persisté dans ses mensonges malgré la circonstance qu’il a été convoqué à plusieurs reprises à des entretiens dans l’optique de clarifier son récit. Le fait d’avoir menti à propos de son récit est à lui seul suffisant pour retenir que le ministre ait à bon droit pu conclure que le demandeur n’a pas été dans l’incapacité, sans faute de sa part, de présenter les éléments qu’il produit à l’heure actuelle à l’appui de sa demande ultérieure de protection internationale.

Les contestations afférentes du demandeur sont partant à rejeter.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et à défaut d’autres moyens, que le recours est rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

déclare le recours en annulation irrecevable pour autant qu’il est dirigé à l’encontre d’un ordre de quitter le territoire qui serait inclus dans la décision ministérielle du 7 août 2017 ;

reçoit en annulation en la forme pour le surplus ;

12 au fond le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Annick Braun, vice-président, Anne Gosset, premier juge, Daniel Weber, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 5 octobre 2017, à 10.00 heures, par le vice-

président, en présence du greffier Michèle Hoffmann.

s. Michèle Hoffmann s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 5/10/2017 Le Greffier du Tribunal administratif 13


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 40084
Date de la décision : 05/10/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2017-10-05;40084 ?

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