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21/09/2017 | LUXEMBOURG | N°38597

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 septembre 2017, 38597


Tribunal administratif N° 38597 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 octobre 2016 2e chambre Audience publique du 21 septembre 2017 Recours formé par Madame ….. et consorts, …., contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 38597 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 octobre 2016 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscr

it au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame ….., née le …. à … (Ir...

Tribunal administratif N° 38597 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 octobre 2016 2e chambre Audience publique du 21 septembre 2017 Recours formé par Madame ….. et consorts, …., contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 38597 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 octobre 2016 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame ….., née le …. à … (Iran), de nationalité iranienne, de sa fille majeure, Madame ….., née le …. à …, de nationalité luxembourgeoise, et de l’époux de cette dernière, Monsieur ….., né le …. à …. (Iran), de nationalité luxembourgeoise, demeurant ensemble à L-…., tendant à l’annulation, d’une part, d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 26 août 2016 refusant d’accorder à Madame ….. une autorisation de séjour en qualité de membre de famille d’un ressortissant de l’Union européenne, respectivement une autorisation de séjour pour raisons privées et ayant déclaré irrégulier le séjour de cette dernière et, d’autre part, d’une décision du même ministre du 21 septembre 2016 refusant d’accorder à Madame ….. un sursis à l’éloignement et portant à son égard ordre de quitter le territoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 20 janvier 2017 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 17 février 2017 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, au nom des demandeurs ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 mars 2017 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan Fatholahzadeh et Madame le délégué du gouvernement Linda Maniewski en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 juillet 2017.

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Par courrier de leur litismandataire du 22 juin 2016, Monsieur ….. et son épouse, Madame ….., ci-après désignés par « les époux ….. », introduisirent auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande tendant à l’obtention, par la mère de Madame ….., Madame ….., d’une autorisation de séjour sur base de l’article 12 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », respectivement de l’article 78 de la même loi, sinon d’un sursis à l’éloignement.

1 Par décision du 26 août 2016, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », rejeta la demande des époux ….. dans la mesure où elle tendait à l’octroi, à Madame ….., d’une autorisation de séjour en qualité de membre de famille d’un citoyen de l’Union européenne, respectivement d’une autorisation de séjour pour des motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité, déclara irrecevable leur demande tendant à l’obtention, par Madame ….., d’une autorisation de séjour pour raisons privées et déclara irrégulier le séjour de l’intéressée sur le territoire luxembourgeois, tout en annonçant son intention de soumettre leur demande de sursis à l’éloignement dans le chef de Madame ….. au médecin délégué du Service Médical de l’Immigration de la Direction de la Santé, ci-après désigné par « le médecin délégué », pour avis, cette décision étant libellée comme suit :

« (…) J’ai l’honneur d’accuser bonne réception de votre courrier reprenant l’objet sous rubrique qui m’est parvenu en date du 27 juin 2016.

Je suis toutefois au regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de faire droit à votre requête, alors que votre mandante est en situation irrégulière sur le territoire luxembourgeois.

En effet, d’après les dispositions de l’article 13, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, les membres de la famille définis à l’article 12 qui sont ressortissants d’un pays tiers et qui accompagnent ou rejoignent le citoyen de l’Union ont le droit d’entrer sur le territoire du Grand-duché de Luxembourg et d’y séjourner pour une période allant jusqu’à trois mois s’ils sont munis d’un passeport en cours de validité et le cas échéant du visa requis pour l’entrée sur le territoire.

Or, force est de constater que votre mandante séjourne au Luxembourg depuis plus de trois mois sans bénéficier d’une autorisation de séjour ou d’un visa en cours de validité. Par conséquent, son séjour sur le territoire luxembourgeois est considéré comme irrégulier, conformément à l’article 100, paragraphe (1), a), b) et c) de la loi du 29 août 2008 précitée.

Au vu de ce qui précède, votre mandante ne remplit pas les conditions afin de pouvoir bénéficier du droit de séjour de membre de famille d’un citoyen de l’Union.

En ce qui concerne votre demande en vertu de l’article 78, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 précitée, votre demande est irrecevable alors qu’une demande en obtention d’une autorisation de séjour doit être introduite et avisée favorablement avant l’entrée sur le territoire conformément à l’article 39, paragraphe (1) de la loi. Il en est de même pour toute demande en obtention d’une autorisation de séjour dont les différentes catégories sont fixées à l’article 38 de la loi.

Vu que vous ne mentionnez pas de base légale précise en sollicitant une autorisation de séjour pour des raisons privées, je me permets d’ajouter que la situation de votre mandante n’est pas à considérer comme humanitaire d’une exceptionnelle gravité au sens de l’article 78, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008 précitée. L’autorisation de séjour pour des motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité lui est de ce fait refusée conformément à l’article 101, paragraphe (1), point 1. de la loi.

Étant donné que votre mandante se trouve en séjour irrégulier, elle est susceptible de faire l’objet d’une décision de retour conformément à l’article 111 de la loi du 29 août 2008 2précitée.

(…) Vu le certificat médical joint à votre demande, je saisis toutefois le médecin délégué du Service Médical de l’Immigration de la Direction de la Santé conformément à l’article 131, paragraphe (2) de la loi du 29 août 2008 précitée afin de solliciter son avis quant à l’octroi éventuel d’un sursis à l’éloignement.

Je ne manquerai pas de vous renseigner sur la suite réservée à votre demande en obtention d’un sursis à l’éloignement dans le chef de votre mandante. (…) ».

Par décision du 21 septembre 2016, le ministre refusa d’accorder à Madame ….. un sursis à l’éloignement et émit un ordre de quitter le territoire à son égard, ladite décision étant libellée comme suit :

« (…) J’ai l’honneur de me référer à ma décision du 26 août 2016 refusant le droit de séjour de membre de famille d’un citoyen de l’Union et une autorisation de séjour pour des raisons privées à Madame …… Je vous avais informé que le séjour de l’intéressée est irrégulier en application de l’article 100, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, qu’elle est susceptible de faire l’objet d’une décision de retour sur base de l’article 111 de la loi et que je saisis le médecin délégué de la Direction de la Santé afin, de vérifier si votre mandante remplit les conditions en vue de bénéficier d’un sursis à l’éloignement sur base des articles 130 et suivants de la loi.

Suivant avis du médecin délégué de la Direction de la Santé-Division de l’Inspection Sanitaire du 5 septembre 2016 auquel je me rallie, je suis toutefois au regret de vous informer que le sursis à l’éloignement est refusé à Madame ….. conformément aux articles 130 et 131 de la loi du 29 août 2008 précitée.

En effet, il ressort du prédit avis dont vous trouvez une copie en annexe de la présente, que, je cite : « La patiente a consulté initialement (12.08.2015) pour asthénie ; une arythmie cardiaque non spécifiée fut découverte. Autres pathologies : hypertension artérielle, insuffisance coronaire (CCS ??), diabète sucré II, dyslipidémie traitées par médicaments usuels ; rhizartrose main gauche. A l’examen clinique la patiente fut asymptomatique, coopérative avec fonctions vitales stables (TA 155/63, FC 76/min, rythme cardiaque régulier, Sa02 0.21 97%). Considérant que la prise en charge de ….. peut être réalisée dans le pays d’origine ; l’état de santé de ….. ne nécessite pas de prise en charge médicale dispensée au Luxembourg dont le défaut entraînerait pour elle/lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, par conséquent, ….. ne remplit pas les conditions médicales pour bénéficier d’un sursis à l’éloignement.» Vu ma décision du 26 août 2016 et les développements qui précèdent, l’intéressée est obligée de quitter le territoire endéans un délai de trente jours après la notification de la présente, soit à destination du pays dont elle la nationalité, l’Iran, soit à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité, soit à destination d’un autre pays dans lequel elle est autorisée à séjourner conformément à l’article 111, paragraphes (1) et (2) de la loi du 29 août 2008 précitée.

3 À défaut de quitter le territoire volontairement, l’ordre de quitter sera exécuté d’office et elle sera éloignée par la contrainte. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 21 octobre 2016, les époux ….. et Madame ….., ci-après désignés par « les consorts ….. », ont fait introduire un recours tendant à l’annulation des décisions ministérielles, précitées, des 26 août et 21 septembre 2016.

Etant donné qu’aucune disposition légale ne prévoit de recours au fond en la présente matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation, lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A titre liminaire, le tribunal précise que les demandeurs ne formulent aucun moyen à l’encontre du volet de la décision du ministre du 26 août 2016 de ne pas accorder à Madame ….. une autorisation de séjour pour des motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité, au sens de l’article 78 (3) de la loi du 29 août 2008, de sorte que le tribunal ne prendra pas position quant à ce volet de ladite décision.

Toujours à titre liminaire, le tribunal constate que les points litigieux des décisions déférées concernent, d’une part, le refus du ministre d’accorder à Madame ….. une autorisation de séjour, ainsi que la décision de retour prise à l’encontre de celle-ci (I), et, d’autre part, le refus d’un sursis à l’éloignement au profit de Madame ….. (II).

I) Quant au refus d’octroi d’une autorisation de séjour et quant à la décision de retour Les demandeurs soutiennent en premier lieu que ce serait à tort que le ministre a refusé d’accorder à Madame ….. une autorisation de séjour en qualité de membre de famille d’un ressortissant de l’Union européenne, alors qu’elle remplirait les conditions prévues par l’article 12 (1) d) de la loi du 29 août 2008. En effet, la fille de l’intéressée, Madame ….., de même que l’époux de cette dernière, seraient ressortissants de l’Union européenne, en ce qu’ils auraient la nationalité luxembourgeoise. Depuis le décès du père de Madame ….., les époux ….. prendraient en charge les besoins financiers et médicaux de Madame ….., étant donné qu’elle serait âgée de 73 ans, que son état de santé continuerait à se dégrader et qu’avant son arrivée au Luxembourg, elle aurait vécu seule et sans ressources dans son pays d’origine, alors qu’elle ne recevrait aucune indemnité ou pension de retraite et que les revenus de ses enfants majeurs vivant en Iran ne leur permettraient pas de subvenir aux besoins de leur mère, les demandeurs renvoyant, dans ce contexte, à diverses attestations testimoniales versées en cause. Depuis son arrivée au Luxembourg, Madame ….. vivrait auprès de sa fille, qui prendrait personnellement soin d’elle et continuerait, ensemble avec son mari, de subvenir à ses besoins, les demandeurs soulignant que ce dernier disposerait de ressources suffisantes pour ce faire. En se prévalant d’un certificat médical du Dr. S. R.-W. du 23 mars 2016, attestant de ce qui suit : « (…) la patiente est venue me consulter le 12/08/2015 pour asth[é]nie. Elle présente une arythmie non connue auparavant nécessitant un bilan cardiaque.

L’état de santé de la patiente n[é]cessit[e] de rester auprès de sa fille jusqu’à régularisation de son [état] de santé. Il s’agit d’une maladie chronique, sur un terrain multipathologique (diab[è]te[,] hypertension, sciatiques invalidantes…) (…) », les demandeurs font valoir que Madame ….. devrait impérativement s’occuper de sa mère pour des raisons de santé graves, au sens de l’article 12 (2) 2. de la loi du 29 août 2008. En conclusion, ils soutiennent que 4Madame ….. serait à qualifier de membre de famille d’un citoyen de l’Union européenne, de sorte que les décisions déférées seraient à annuler.

Les demandeurs soutiennent ensuite que ce serait à tort que le ministre a refusé de faire droit à leur demande tendant à l’octroi, à Madame ….., d’une autorisation de séjour pour raisons privées, étant donné que l’intéressée, qui ne serait une menace ni pour l’ordre public ni pour la sécurité publique, serait une femme âgée et malade, qui n’aurait que sa fille et son gendre qui lui viendraient en aide, en lui offrant un logement approprié, une assurance maladie et tout ce dont elle aurait besoin d’un point de vue matériel, sans recourir aux deniers publics, de sorte que sa situation rentrerait dans les prévisions de l’article 78 (1) a) de la loi du 29 août 2008. Par ailleurs, Madame ….. remplirait les conditions inscrites à l’article 78 (1) c) de la même loi, étant donné que compte tenu de ses liens familiaux, de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, le refus de lui autoriser le séjour porterait, à son droit au respect de la vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée et déraisonnable.

Par ailleurs, ils soutiennent que les décisions déférées devraient encourir l’annulation, au motif que le ministre n’aurait pas tenu compte des éléments d’appréciation visés à l’article 77 (1) de la loi du 29 août 2008, à savoir la nature et la solidité des liens familiaux, la durée du séjour sur le territoire et le degré d’intégration dans la société luxembourgeoise, ainsi que l’existence d’attaches familiales, culturelles ou sociales avec le pays d’origine. A cet égard, ils insistent sur le fait (i) que dans la mesure où Madame ….. serait la mère de Madame ….., la nature et la solidité des liens familiaux existant entre elles ne seraient pas contestables, (ii) que l’intéressée résiderait au Luxembourg depuis plus d’une année et (iii) qu’elle ne disposerait plus d’attaches avec son pays d’origine, compte tenu du décès de son mari et de l’incapacité de ses fils vivant en Iran de prendre soin d’elle.

Dans la mesure où le ministre n’aurait pas respecté les dispositions de l’article 77 de la loi du 29 août 2008, ce serait à tort qu’il a émis un ordre de quitter le territoire à l’égard de Madame ….., en se fondant sur l’article 100 (1) a), b) et c) de la même loi, les consorts …..

donnant encore à considérer, dans ce contexte, que dans la mesure où les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour en qualité de membre de famille d’un citoyen de l’Union européenne seraient remplies dans le chef de Madame ….., l’absence de pareille autorisation ne lui serait pas imputable.

En outre, ce serait à tort que le ministre aurait fait application des dispositions de l’article 111 (1) et (2) de la loi du 29 août 2008, étant donné qu’ils « (…) conteste[raient] la décision de refus de séjour déclarant illégal le séjour de Madame ….. (…) ».

Finalement, les demandeurs soutiennent que les décisions déférées devraient encourir l’annulation, au motif, en substance, que le refus d’octroi d’une autorisation de séjour à Madame ….. violerait l’article 205 du Code civil, en ce qu’il empêcherait Madame …..

d’exécuter ses obligations alimentaires envers sa mère.

Dans leur mémoire en réplique, quant à l’argumentation du délégué du gouvernement selon laquelle ils n’auraient pas pris position quant au motif de refus d’une autorisation de séjour en qualité de membre de famille d’un citoyen de l’Union européenne tiré du non-

respect des conditions inscrites à l’article 13 de la loi du 29 août 2008, les demandeurs soulignent que Madame ….. serait entrée régulièrement sur le territoire luxembourgeois et que ce serait en raison de son âge et de son état de santé qu’une autorisation de séjour n’aurait pas été demandée depuis son pays d’origine. En tout état de cause, le ministre aurait violé les 5dispositions de l’article 29 de la loi du 29 août 2008, en ce qu’il n’aurait pas tenu compte des éléments y visés, à savoir la durée de séjour de Madame ….. sur le territoire luxembourgeois, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle dans le pays et l’intensité de ses liens avec son pays d’origine.

Dans la mesure où le ministre n’aurait pas respecté les dispositions dudit article 29 de la loi du 29 août 2008, ce serait à tort qu’il a émis un ordre de quitter le territoire à l’égard de Madame ….., en se fondant sur l’article 100 (1) a), b) et c) de la même loi.

A l’appui de leur moyen tiré d’une violation de l’article 205 du Code civil, les demandeurs soulignent, en substance, que « (…) la réalité et la condition physique (…) » de Madame ….. s’opposeraient à ce que Madame ….. puisse exécuter son obligation alimentaire à l’égard de sa mère, dans l’hypothèse où celle-ci ne séjournerait pas au Luxembourg.

Le délégué du gouvernement soutient que ce serait à juste titre que le ministre aurait refusé d’accorder une autorisation de séjour à Madame ….., aurait déclaré irrégulier son séjour et lui aurait ordonné de quitter le territoire.

A titre liminaire, le tribunal retient que l’argumentation des demandeurs ayant trait à une violation des dispositions de l’article 29 de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « Avant de prendre une décision d’éloignement du territoire pour des raisons d’ordre public ou de sécurité publique, le ministre tient compte notamment de la durée du séjour de la personne concernée sur le territoire luxembourgeois, de son âge, de son état de santé, de sa situation familiale et économique, de son intégration sociale et culturelle dans le pays et de l’intensité de ses liens avec son pays d’origine. », est à écarter pour défaut de pertinence, étant donné, d’une part, que cette disposition légale ne s’applique qu’aux décisions d’éloignement du territoire prises pour des raisons d’ordre public ou de sécurité publique et, d’autre part, qu’en l’espèce, une telle décision n’a pas été prise par le ministre.

La même conclusion s’impose en ce qui concerne le reproche selon lequel le ministre n’aurait pas respecté les dispositions de l’article 77 (1) de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « En cas de refus du séjour, de retrait ou de refus de renouvellement du titre de séjour et d’une prise de décision d’éloignement du territoire du regroupant ou des membres de sa famille, il est tenu compte de la nature et de la solidité des liens familiaux, de la durée du séjour sur le territoire et du degré d’intégration dans la société luxembourgeoise, ainsi que de l’existence d’attaches familiales, culturelles ou sociales avec le pays d’origine. », étant donné, d’une part, que cette disposition relève de la sous-section 6 de la section 2 du chapitre 3 de ladite loi, relative à l’autorisation de séjour en qualité de membre de famille d’un ressortissant de pays tiers, et, d’autre part, que les décisions déférées et, par conséquent, le présent recours n’ont pas pour objet le refus de délivrance d’une telle autorisation de séjour.

Toujours à titre liminaire, le tribunal retient que le moyen tiré d’une violation de l’article 205 du Code civil, aux termes duquel « Les enfants doivent des aliments à leurs parents ou autres ascendants qui sont dans le besoin. (…) », est également à écarter pour défaut de pertinence, étant donné que si cet article met à la charge des enfants une obligation alimentaire à l’égard de leurs parents ou autres ascendants qui sont dans le besoin, il ne crée aucun droit de séjour au profit des créanciers de cette obligation.

S’agissant ensuite plus particulièrement de la décision ministérielle refusant d’accorder à Madame ….. une autorisation de séjour en qualité de membre de famille d’un 6citoyen de l’Union européenne, le tribunal relève que le droit de séjour des membres de famille d’un citoyen de l’Union européenne est régi par les articles 12 et suivants de la loi du 29 août 2008.

Force est au tribunal de constater que les demandeurs se bornent à soutenir que l’intéressée remplirait les conditions de l’article 12 (1) d) et (2) 2. de ladite loi, aux termes duquel « (1) Sont considérés comme membres de la famille: (…) d) les ascendants directs à charge du citoyen de l’Union et les ascendants directs à charge du conjoint ou du partenaire visé au point b).

(2) Le ministre peut autoriser tout autre membre de la famille, quelle que soit sa nationalité, qui n’est pas couvert par la définition figurant au paragraphe (1) à séjourner sur le territoire, s’il satisfait à l’une des conditions suivantes: (…) 2. le citoyen de l’Union doit impérativement et personnellement s’occuper pour des raisons de santé graves du membre de la famille concerné. (…) ».

Cependant, la décision de refus déférée n’est pas motivée par la considération selon laquelle Madame ….. ne remplirait pas les conditions de l’article 12 de la loi du 29 août 2008, mais par celle selon laquelle elle serait en situation irrégulière au Luxembourg, étant donné qu’elle ne respecterait pas les dispositions de l’article 13 (1) de la même loi, aux termes duquel « Sans préjudice des dispositions concernant les documents de voyage applicables aux contrôles aux frontières, telles qu’elles résultent de conventions internationales et de la réglementation communautaire, les membres de la famille définis à l’article 12, qui sont ressortissants d’un pays tiers et qui accompagnent ou rejoignent le citoyen de l’Union, ont le droit d’entrer sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg et d’y séjourner pour une période allant jusqu’à trois mois s’ils sont munis d’un passeport en cours de validité et le cas échéant du visa requis pour l’entrée sur le territoire. », dans la mesure où elle séjournerait au Luxembourg depuis plus de trois mois sans bénéficier d’une autorisation de séjour ou d’un visa en cours de validité, de sorte que son séjour serait irrégulier, en vertu de l’article 100 (1) a), b) et c) de la même loi.

Dès lors, dans la mesure où, d’une part, les demandeurs n’ont pas pris position quant à l’argumentation du ministre consistant à dire, en substance, que l’obtention, par un ressortissant de pays tiers se trouvant sur le territoire luxembourgeois, d’une autorisation de séjour en qualité de membre de famille d’un citoyen de l’Union européenne pour une durée supérieure à trois mois serait conditionnée par la régularité de son séjour au Luxembourg, au regard de l’article 13 (1) de la loi du 29 août 2008 – relatif au droit de séjour des membres de la famille d’un citoyen de l’Union européenne pour une durée allant jusqu’à trois mois –, respectivement de l’article 100 de la même loi, et d’autre part, il est constant en cause qu’au jour de la prise de la décision déférée, Madame ….. séjournait effectivement au Luxembourg depuis plus de trois mois sans disposer d’une autorisation de séjour ou d’un visa en cours de validité, de sorte que son séjour était irrégulier tant au regard de l’article 13 (1) que de l’article 100 (1) a), b) et c)1 de la loi du 29 août 2008, le tribunal, appelé à statuer dans le 1 « (1) Est considéré comme séjour irrégulier sur le territoire donnant lieu à une décision de retour, la présence d’un ressortissant de pays tiers:

a) qui ne remplit pas ou plus les conditions fixées à l’article 34;

b) qui se maintient sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, au-delà de la durée de trois mois à compter de son entrée sur le territoire;

c) qui n’est pas en possession d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois ou d’une autorisation de travail si cette dernière est requise; ».

7cadre des moyens lui soumis pour contrer les motifs de refus spécifiques à l’acte déféré, sans devoir procéder à un réexamen général et global de la situation des demandeurs2, ne saurait remettre en cause la légalité de la décision ministérielle portant refus de délivrance d’une autorisation de séjour en qualité de membre de famille d’un citoyen de l’Union européenne.

Quant à la décision du ministre de déclarer irrecevable la demande tendant à l’octroi, à Madame ….., d’une autorisation de séjour pour raisons privées, au sens de l’article 78 (1) de la loi du 29 août 2008, le tribunal relève que l’article 39 (1) de la même loi, dont le ministre s’est prévalu, à cet égard, prévoit ce qui suit : « La demande en obtention d’une autorisation de séjour visée à l’article 38, point 1, à l’exception des autorisations régies par les articles 78, paragraphe (3) et 89, doit être introduite par le ressortissant d’un pays tiers auprès du ministre et doit être favorablement avisée avant son entrée sur le territoire. La demande doit sous peine d’irrecevabilité être introduite avant l’entrée sur le territoire du ressortissant d’un pays tiers. (…) », l’article 38, point 1 y cité visant notamment l’autorisation de séjour pour raisons privées, prévue par l’article 78 (1), telle que sollicitée par Madame …… Il y a d’abord lieu de souligner d’une manière générale que si l’exigence imposée par l’article 39 de la loi du 29 août 2008 peut sembler éventuellement inopportune dans certains cas d’espèce, compte tenu des antécédents d’un demandeur et notamment de son entrée régulière au Luxembourg, il n’en demeure pas moins que ledit article reflète la volonté du législateur d’établir le principe selon lequel le ressortissant de pays tiers qui a l’intention de séjourner sur le territoire luxembourgeois pour une durée supérieure à trois mois, doit disposer d’une autorisation de séjour avant son entrée au Grand-Duché de Luxembourg, un ressortissant de pays tiers qui se trouve déjà sur le territoire ne pouvant que dans certains cas exceptionnels, indiqués aux paragraphes 2 et 3 de cet article, solliciter une autorisation de séjour, le souci du législateur ayant précisément été d’éviter que le ministre soit placé devant le fait accompli.3 Il est constant en cause qu’au moment de l’introduction de sa demande tendant à l’octroi d’une autorisation de séjour pour raisons privées, en l’occurrence le 27 juin 2016, Madame ….. séjournait déjà au Luxembourg, et ce depuis le 9 juillet 2015, de sorte que c’est a priori à bon droit que le ministre a déclaré la demande en question irrecevable sur base de l’article 39 (1) de la loi du 29 août 2008.

Pour autant qu’à travers leur argumentation vague et non circonstanciée selon laquelle Madame ….. n’aurait pas été en mesure d’introduire sa demande à partir de son pays d’origine, compte tenu de son âge avancé et de ses problèmes de santé, les demandeurs aient entendu se prévaloir des cas prévus aux paragraphes (2) et (3) de l’article 39 de la loi du 29 août 2008, dans lesquels un ressortissant de pays tiers se trouvant déjà sur le territoire luxembourgeois est exceptionnellement admis à solliciter une autorisation de séjour pour une durée supérieure à trois mois, le tribunal relève que ces dispositions sont libellées comme suit :

« (2) Dans des cas exceptionnels, le ressortissant de pays tiers séjournant régulièrement sur le territoire pour une période allant jusqu’à trois mois, peut être autorisé à introduire endéans ce délai auprès du ministre une demande en obtention d’une autorisation 2 Trib. adm., 6 décembre 2006, n° 21591 du rôle, Pas. adm. 2017, V° Recours en annulation, n° 28 et les autres références y citées.

3 Trib. adm., 28 avril 2010, n° 26201 du rôle, confirmé par Cour adm., 28 juillet 2010, n° 26955C du rôle, Pas.

adm. 2017, V° Etrangers, n° 322 et les autres références y citées.

8de séjour pour une durée supérieure à trois mois, s’il rapporte la preuve qu’il remplit toutes les conditions exigées pour la catégorie d’autorisation qu’il vise, et si le retour dans son pays d’origine constitue pour lui une charge inique.

(3) Par dérogation au paragraphe (1) qui précède, le bénéficiaire d’une autorisation de séjour supérieure à trois mois, à l’exception des personnes visées à la sous-section 4 et sans préjudice de l’article 59, peut avant l’expiration de son titre de séjour faire la demande en obtention d’une autorisation à un autre titre auprès du ministre, s’il remplit toutes les conditions exigées pour la catégorie qu’il vise. ».

Force est au tribunal de constater qu’en application de l’article 39 (2) de la loi du 29 août 2008, un ressortissant de pays tiers se trouvant sur le territoire luxembourgeois peut, dans des cas exceptionnels, être autorisé à introduire une demande tendant à l’obtention d’une autorisation de séjour pour une durée supérieure à trois mois, à condition (i) qu’il séjourne régulièrement sur le territoire luxembourgeois pour une période allant jusqu’à trois mois, (ii) que sa demande soit introduite endéans ce délai de trois mois, (iii) qu’il rapporte la preuve du respect des conditions exigées pour la catégorie d’autorisation de séjour visée et (iv) qu’il démontre que le retour dans son pays d’origine constitue une charge inique, ces conditions étant cumulatives et non point alternatives.

S’agissant du paragraphe (3) de l’article 39 de la loi du 29 août 2008, cette disposition permet à un ressortissant de pays tiers se trouvant sur le territoire de solliciter une autorisation de séjour pour une durée supérieure à trois mois sous les conditions cumulatives (i) qu’il soit d’ores et déjà bénéficiaire d’une autorisation de séjour pour une durée supérieure à trois mois, (ii) que sa demande, qui doit viser l’obtention d’une autorisation de séjour à un autre titre, soit introduite avant l’expiration de son titre de séjour et (iii) qu’il remplisse toutes les conditions exigées pour la catégorie d’autorisation de séjour qu’il vise.

Etant donné qu’il est constant en cause qu’au jour de l’introduction de sa demande tendant à l’obtention d’une autorisation de séjour pour raisons privées, au sens de l’article 78 (1) de la loi du 29 août 2008, en l’occurrence le 27 juin 2016, Madame ….. séjournait déjà au Luxembourg depuis le 9 juillet 2015, soit depuis plus de trois mois, sans être titulaire d’une autorisation de séjour pour une durée supérieure à trois mois, elle n’est pas fondée à se prévaloir des dispositions dérogatoires prévues par les paragraphes (2) et (3) de l’article 39 de la loi du 29 août 2008, de sorte que c’est à bon droit que le ministre a déclaré irrecevable la demande en question.

Dans ces circonstances et dans la mesure où il est constant en cause que Madame …..

se maintient sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa et ne dispose ni d’une autorisation de séjour de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois ni d’une autorisation de travail, le ministre a valablement pu déclarer irrégulier le séjour de l’intéressée, en application de l’article 100 (1) a) b) et c), précité, de la loi du 29 août 2008.

Etant donné (i) que l’article 111 (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit que « Les décisions de refus visées aux articles 100, 101 et 102, déclarant illégal le séjour d’un étranger, sont assorties d’une obligation de quitter le territoire pour l’étranger qui s’y trouve, comportant l’indication du délai imparti pour quitter volontairement le territoire, ainsi que le pays à destination duquel l’étranger sera renvoyé en cas d’exécution d’office. (…) », de sorte que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique de la prise d’une décision déclarant irrégulier le séjour d’un ressortissant de pays tiers, (ii) que l’article 111 (2) de la 9même loi prévoit que « (2) Sauf en cas d’urgence dûment motivée, l’étranger dispose d’un délai de trente jours à compter de la notification de la décision de retour pour satisfaire volontairement à l’obligation qui lui a été faite de quitter le territoire et il peut solliciter à cet effet un dispositif d’aide au retour. Si nécessaire, le ministre peut accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée du séjour, l’existence d’enfants scolarisés et d’autres liens familiaux et sociaux. » et (iii) que les demandeurs n’ont pas soutenu que le ministre aurait, en l’espèce, dû faire application de sa faculté d’accorder à Madame ….. un délai de départ volontaire supérieur à trente jours, le tribunal retient que c’est à bon droit que le ministre a ordonné à l’intéressée de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation est à rejeter, dans la mesure où il vise les volets des décisions ministérielles déférées portant refus d’octroi, à Madame ….., d’une autorisation de séjour, déclarant irrégulier son séjour et portant à son égard ordre de quitter le territoire.

II) Quant au refus d’octroi d’un sursis à l’éloignement A l’appui de ce volet de leur recours, les demandeurs se prévalent du certificat médical, précité, du Dr. S. R.-W. du 23 mars 2016, dont le libellé a été reproduit ci-avant, pour en déduire que l’état de santé de Madame ….. nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait pour elle des conséquences d’une exceptionnelle gravité. En effet, les pathologies dont elle souffrirait seraient telles qu’elle nécessiterait des soins médicaux et infirmiers réguliers, ainsi que la présence d’une tierce personne pour l’assister dans sa vie quotidienne, en lui procurant des repas adaptés à son état de santé et en l’aidant lorsqu’elle souffrirait de sciatiques invalidantes ou en cas de survenance de problèmes cardiaques, de sorte qu’elle devrait rester sur le territoire luxembourgeois, afin que sa fille puisse prendre soin d’elle. L’absence d’une telle prise en charge aurait pour conséquence une dégradation de son état de santé, voire une réduction de son espérance de vie.

En se prévalant d’un rapport intitulé « The diabetes challenge in the Islamic republic of Iran », publié sur le site internet « www.novonordisk.com », dont il se dégagerait qu’en Iran, de nombreuses personnes souffrant de diabète ne bénéficieraient pas de soins médicaux adaptés, les demandeurs font valoir que Madame ….. ne pourrait bénéficier de soins médicaux appropriés dans son pays d’origine.

Ils sollicitent encore l’institution « (…) d’une mesure d’instruction complémentaire contradictoire par la nomination d’un expert médical en application de l’article 14 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives [avec la mission de se prononcer sur la question] de l’existence d’un danger ou non dans le chef de [Madame …..] en cas de refoulement dans son pays d’origine ».

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce volet du recours.

L’article 130 de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « Sous réserve qu’il ne constitue pas une menace pour l’ordre public ou la sécurité publique, l’étranger ne peut être éloigné du territoire s’il établit au moyen de certificats médicaux que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, et s’il rapporte la preuve qu’il ne peut effectivement bénéficier d’un traitement approprié dans le pays vers lequel il est susceptible d’être éloigné ».

10 L’article 131 de la même loi précise que : « (1) L’étranger qui satisfait aux conditions énoncées à l’article 130 peut obtenir un sursis à l’éloignement pour une durée maximale de six mois. Ce sursis est renouvelable, sans pouvoir dépasser la durée de deux ans ».

Il ressort de ces dispositions que pour pouvoir bénéficier d’un sursis à l’éloignement, l’étranger qui ne doit pas présenter une menace pour l’ordre public ou la sécurité publique, doit remplir deux conditions cumulatives, à savoir, en premier lieu, établir que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité et, ensuite, rapporter la preuve qu’il ne peut effectivement pas bénéficier d’un traitement approprié et suffisamment accessible dans le pays vers lequel il est susceptible d’être éloigné.

Quant à la maladie susceptible d’être prise en compte aux termes de l’article 130, précité, il convient de se référer aux travaux préparatoires ayant abouti à la loi du 29 août 20084 qui renseignent au sujet de l’article 131 que : « Les personnes ne résidant pas ou plus légalement sur le territoire ne peuvent être éloignées, malgré une décision d’éloignement à leur égard, si elles sont atteintes d’une maladie grave qui nécessite impérativement une prise en charge médicale dont elles ne pourront bénéficier dans le pays vers lequel elles sont susceptibles d’être éloignées. La maladie qui est prise en compte est celle qui, sans traitement ou soins médicaux, entraîne des conséquences d’une exceptionnelle gravité pour la personne concernée, notamment celle qui peut causer la mort de la personne, réduire son espérance de vie ou entraîner un handicap grave. La question de savoir s’il existe un traitement approprié et suffisamment accessible dans le pays d’origine devra s’analyser au cas par cas, en tenant compte de la situation individuelle du demandeur ».

En l’espèce, il ressort de l’avis du médecin délégué du 5 septembre 2016, sur lequel le ministre s’est basé pour refuser la demande des époux ….. tendant à l’octroi, à Madame ….., d’un sursis à l’éloignement, que l’état de santé de cette dernière ne nécessiterait pas une prise en charge médicale dispensée au Luxembourg dont le défaut entraînerait pour elle des conséquences d’une exceptionnelle gravité.

S’il se dégage du certificat médical susvisé, ainsi que de l’avis du médecin délégué que Madame ….. souffre de nombreuses pathologies, à savoir d’asthénie, d’hypertension artérielle, d’arythmie cardiaque, d’insuffisance coronaire, de sciatiques invalidantes, de diabète sucrée de type II, de dyslipidémie et de rizarthrose au niveau de la main gauche, force est au tribunal de constater que sauf en ce qui concerne le diabète, les demandeurs, sur lesquels repose la charge de la preuve, n’ont pas produit le moindre élément probant quant aux possibilités de traitement de ces pathologies en Iran.

Quant au diabète, le tribunal constate que les extraits du susdit rapport cités dans la requête introductive d’instance ne sont pas de nature à établir qu’un traitement adéquat de cette pathologie ne serait pas suffisamment disponible et accessible en Iran. En effet, ces extraits font état de la « Rule of Halves », qui, aux termes du même rapport, n’est rien d’autre qu’un « (…) general model (…) »5, qui « (…) estimates the global diabetes situation (…) »6 et dont le principe est décrit comme suit : « (…) the Rule of Halves suggests that half of all 4 doc. parl. n° 5802, p. 86, sous ad article 131 5 Iran Diabetes Leadership Forum – Teheran 2015, The diabetes challenge in the Islamic Republic of Iran, publié le 17 novembre 2015 sur www.novonordisk.com », p. 5.

6 Ibid..

11people with diabetes are not diagnosed. Of those who are diagnosed, only half receive treatment, of whom only half achieve treatment targets. What the rule means is that only a tiny proportion manage to live full lives free of complications (…) »7, ledit rapport précisant expressément que « (…) Actual rates of diagnosis, treatment, targets and outcomes vary in different countries (…) »8. Dès lors, si le même rapport précise : « In Iran, 4.6 million people are currently estimated to have diabetes, of them only 60% are diagnosed (2.7 million).

Applying the Rule of Halves, it is possible to hypothesise that of those people diagnosed with diabetes, approximately 50% (1.4 million) receive treatment, of whom half (675,000) achieve treatment targets. Potentially, just over 6% (337,500) of all people with diabetes in Iran achieve desired outcomes and avoid diabetes-related complications. (…) »9, ces données concernant le traitement dont bénéficient les personnes ayant reçu un diagnostic de diabète, telles que la demanderesse, ne sont qu’une estimation et résultent de l’application à la population iranienne d’un modèle de calcul susceptible d’être appliqué à n’importe quel autre pays, de sorte qu’il ne saurait en être déduit que le système de santé iranien serait défaillant à tel point que Madame ….. ne pourrait bénéficier d’un traitement suffisamment efficace et accessible dans son pays d’origine, ce d’autant plus qu’il ressort du même rapport que « (…) The healthcare system in Iran provides universal and comprehensive services for diabetes care and treatment – the percentage of the costs covered by the healthcare system is up to 90 % (…) »10.

Dans ces circonstances, le tribunal retient que les demandeurs, sur lesquels repose la charge de la preuve, n’ont pas établi que Madame ….. ne pourrait pas bénéficier d’un traitement approprié et suffisamment accessible dans son pays d’origine, de sorte que l’une des conditions d’octroi d’un sursis à l’éloignement, telles que prévues par l’article 130 de la loi du 29 août 2008, n’est pas remplie en l’espèce. Dès lors, l’examen de la question de savoir si l’état de santé de l’intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait pour elle des conséquences d’une exceptionnelle gravité devient surabondant, les deux conditions posées par l’article 130 de la loi du 29 août 2008 étant cumulatives, tel que retenu ci-avant.

Si les demandeurs offrent certes de rapporter les preuves manquantes par l’institution d’une mesure d’instruction complémentaire sous la forme d’une expertise médicale, il convient cependant de rappeler qu’aux termes de l’article 351 du Nouveau code de procédure civile – applicable dans le cadre du présent litige, au motif que dans la mesure où le règlement de procédure applicable devant les juridictions administratives n’y déroge pas, les prescriptions du Nouveau code de procédure civile sont à suivre en la matière11 – une mesure d’instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l’allègue ne dispose pas d’éléments suffisants pour le prouver, une mesure d’instruction ne pouvant en aucun cas être ordonnée en vue de suppléer à la carence d’une partie dans l’administration de la preuve.

Au vu des développements qui précèdent, desquels il ressort que les demandeurs n’ont pas rapporté la preuve que Madame ….. ne pourrait pas bénéficier d’un traitement approprié et suffisamment accessible dans son pays d’origine, il y a partant lieu de rejeter la demande en institution d’une mesure d’instruction complémentaire, telle que formulée par les demandeurs.

7 Ibid..

8 Ibid..

9 Ibid..

10 Ibid., p. 16.

11 En ce sens : Trib. adm., 30 octobre 1997, n° 8936 du rôle, Pas. adm. 2017, V° Procédure contentieuse, n° 302 et les autres références y citées.

12 Il s’ensuit que les demandeurs sont également à débouter du volet de leur recours tendant à l’annulation de la décision du ministre portant refus d’octroi, à Madame ….., d’un sursis à l’éloignement.

Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le recours en annulation est à rejeter dans son intégralité.

Eu égard à l’issue du litige, la demande des consorts ….. tendant à l’obtention d’une indemnité de procédure de 1.500 euros est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu d’ordonner une mesure d’instruction complémentaire ;

rejette la demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 1.500 euros, telle que formulée par les demandeurs ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, vice-président, Daniel Weber, juge, Michèle Stoffel, juge, et lu à l’audience publique du 21 septembre 2017 par vice-président, en présence du greffier Goreti Pinto.

s. Goreti Pinto s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 21.09.2017 Le greffier du tribunal administratif 13


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 38597
Date de la décision : 21/09/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2017-09-21;38597 ?

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