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15/09/2017 | LUXEMBOURG | N°40157

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 septembre 2017, 40157


Tribunal administratif Numéro 40157 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 septembre 2017 chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 15 septembre 2017 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 40157 du rôle et déposée le 8 septembre 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître

Elisabeth Kohll, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembo...

Tribunal administratif Numéro 40157 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 septembre 2017 chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 15 septembre 2017 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 40157 du rôle et déposée le 8 septembre 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Elisabeth Kohll, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … (Algérie) et être de nationalité algérienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 9 août 2017 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 septembre 2017 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Elisabeth Kohll et Madame le délégué du gouvernement Danitza Greffrath en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 juin 2017.

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Le 11 août 2011, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères une demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après la « loi du 5 mai 2006 », entretemps abrogée par la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Après que Monsieur … a été transféré une première fois vers l’Allemagne, l’Etat membre compétent pour connaître de sa demande de protection internationale en application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers, en date du 11 avril 2013, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration ordonna, suite à la réapparition de l’intéressé sur le territoire luxembourgeois, son placement au Centre de rétention sur base de l’article 10 de la loi du 5 mai 2006 par une décision du 26 novembre 2013.

En date du 27 novembre 2013, et après avoir accordé la mainlevée de la décision de placement du 26 novembre 2013 précitée, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration ordonna le placement en rétention de Monsieur … sur base des articles 111 et 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 ». En date du même jour, le ministre déclara encore le séjour de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois irrégulier, lui ordonna de quitter ledit territoire sans délai et lui interdit l’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans.

En date du 6 décembre 2013, Monsieur … fut transféré une deuxième fois vers l’Allemagne.

Monsieur … fut intercepté sur le territoire luxembourgeois par la Police grand-ducale en date du 31 janvier 2014.

En date du 1er février 2014, le Ministre de l’Immigration et de l’Asile, entretemps en charge du dossier, ci-après le « ministre », prit à l’encontre de Monsieur … un arrêté de placement au Centre de rétention sur base des articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi du 29 août 2008. Le même jour, le ministre prit encore à l’égard de Monsieur … une décision de retour, l’intéressé étant obligé de quitter le territoire sans délai.

Le 7 février 2014, Monsieur …, qui se trouvait à ce moment l’hôpital, s’évada, et fut signalé à la Police grand-ducale.

Monsieur … fut de nouveau intercepté par la Police grand-ducale en date du 15 mars 2014.

Le ministre prit en date du 11 juillet 2014 une décision d’interdiction de territoire pour une durée de trois ans à l’encontre de Monsieur …. En date du même jour, le ministre ordonna encore son placement au Centre de rétention sur base des articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi du 29 août 2008.

En date du 23 juillet 2014, Monsieur … fut transféré une troisième fois vers l’Allemagne.

Le 18 mai 2015, Monsieur … fut de nouveau intercepté sur le territoire luxembourgeois par la Police grand-ducale qui le laissa cependant prendre le train vers l’Allemagne.

Le 30 mai 2015, Monsieur … fut à une itérative reprise intercepté par la Police grand-

ducale sur le territoire luxembourgeois. Il fut placé au Centre de rétention le 1er juin 2015 sur base de l’article 28 (2) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

En date du même jour, et après avoir accordé la mainlevée de la décision de placement du 1er juin 2015 précitée, le ministre ordonna le placement au Centre de rétention de Monsieur … sur base des articles 111 et 120 à 123 et 125 (1) de la loi du 29 août 2008.

Monsieur … fut transféré une quatrième fois vers l’Allemagne en date du 24 juin 2015.

En date du 9 juillet 2015, le ministre fut informé du fait que Monsieur … se trouvait en détention préventive au Centre pénitentiaire de Luxembourg. Il fut ensuite informé du fait que Monsieur … avait été condamné à plusieurs peines d’emprisonnement, dont la fin a été prévue pour le 31 décembre 2016.

Le requérant fut de nouveau intercepté par la Police grand-ducale le 13 mai 2017.

Par arrêté du 13 mai 2017, notifié à l’intéressé à la même date, le ministre ordonna le placement en rétention de Monsieur … pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question, sur base des articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi du 29 août 2008, ledit arrêté ministériel étant fondé sur les considérations et les motifs suivants :

« (…) Vu les articles 111, 120 à 123 et 125, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le procès-verbal n°21578 du 13 mai 2017 établi par la Police grand-ducale, CR Luxembourg CI Luxembourg — GR2 ;

Vu ma décision de retour du 1er février 2014 ;

Attendu que l’intéressé est démuni de tout document de voyage valable ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse légale au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».

Monsieur … fut débouté de son recours contentieux introduit à l’encontre de l’arrêté ministériel, précité, du 13 mai 2017 par un jugement du tribunal administratif du 21 juin 2017, portant le numéro 39725 du rôle.

Par arrêtés des 7 juin, 10 juillet et 9 août 2017, notifiés respectivement les 13 juin, 13 juillet et 11 août 2017, le ministre prorogea ladite mesure de placement en rétention, chaque fois pour une durée supplémentaire d’un mois à compter de la notification, l’arrêté ministériel, précité, du 9 août 2017 étant fondé sur les motifs et considérations suivants :

« (…) Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mes arrêtés des 13 mai, 7 juin et 10 juillet 2017, notifiés le 13 mai, le 13 juin et le 13 juillet 2017, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 13 mai 2017 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement ; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 8 septembre 2017, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 9 août 2017.

Etant donné que l’article 123 (1) de la loi du 29 août 2008 institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours pour être dépourvu d’objet et pour défaut d’intérêt à agir dans le chef du demandeur, au motif que la décision déférée aurait été notifiée à ce dernier le 11 août 2017, de sorte qu’elle ne sortirait plus ses effets au jour de la prise en délibéré de l’affaire. A cet égard, le délégué du gouvernement explique qu’en date du 6 septembre 2017, le ministre aurait pris un nouvel arrêté de prorogation du placement en rétention du demandeur, lequel aurait été notifié au plus tard le 11 septembre 2017.

Sur question afférente du tribunal à l’audience des plaidoiries, le litismandataire du demandeur a déclaré maintenir son recours dans les limites des moyens de légalité.

L’arrêté ministériel du 9 août 2017 a été notifié au demandeur le 11 août 2017, de sorte à avoir cessé de produire ses effets au jour où le tribunal statue. Il se dégage, par ailleurs, du dossier administratif que le 6 septembre 2017, le ministre a pris un nouvel arrêté portant prorogation du placement en rétention du demandeur pour une durée d’un mois à compter de la notification, laquelle est intervenue le 11 septembre 2017. Il s’ensuit que le demandeur ne se trouve actuellement plus placé en rétention sur le fondement de l’arrêté ministériel déféré du 9 août 2017, mais bien sur celui de l’arrêté ministériel du 6 septembre 2017. Force est, dès lors, au tribunal de constater qu’il n’est plus en mesure, au stade actuel de la procédure contentieuse, de faire droit à la demande tendant à la libération du demandeur du Centre de rétention. Contrairement aux conclusions du délégué du gouvernement, le recours n’en devient cependant pas pour autant sans objet et il n’est pas non plus à déclarer irrecevable pour défaut d’intérêt à agir dans le chef du demandeur. En revanche, le contrôle du tribunal ne peut désormais plus que porter sur les moyens de légalité invoqués dans le cadre du recours en réformation.

Au vu des considérations qui précèdent, le recours principal en réformation est recevable dans la limite des moyens d’annulation invoqués et doit être déclaré sans objet pour autant qu’il conclut à la libération du demandeur.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur soulève le caractère excessif de la mesure de placement en rétention litigieuse, en soutenant qu’il ne présenterait aucun risque de fuite et qu’il n’éviterait ou n’empêcherait pas la préparation de son retour ou de la procédure d’éloignement, de sorte que les conditions auxquelles l’article 120 de la loi du 29 août 2008 subordonnerait la prise d’une telle mesure ne seraient pas remplies en l’espèce. A cet égard, il souligne qu’il souhaiterait quitter, aussi rapidement que possible, le territoire luxembourgeois, afin de rejoindre sa copine en France, tout en soulignant qu’il serait dans l’esprit tant de la loi du 29 août 2008 que de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier de donner priorité à un retour volontaire, le demandeur se prévalant à cet égard encore d’un jugement du tribunal administratif du 12 novembre 2001, portant le numéro 14130 du rôle, aux termes duquel « (…) la privation de la liberté par l’incarcération dans un centre pénitentiaire doit justifier une mesure d’exception à appliquer seulement en cas d’absolue nécessité et il échet d’éviter une telle mesure dans tous les cas où la personne visée par une mesure de placement ne constitue pas un danger pour la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics et qu’elle peut être retenue et surveillée par le gouvernement d’une autre manière afin d’éviter qu’elle ne se soustraie à son éloignement ultérieur (…) ».

Par ailleurs, en s’emparant d’un jugement du tribunal administratif du 27 février 1997, portant le numéro 9601 du rôle, ainsi que de l’article 109 (1) de la loi du 29 août 2008, le demandeur soulève l’insuffisance de la motivation de la décision déférée. A cet égard, il reproche au ministre de ne pas avoir procédé à une quelconque individualisation et de s’être limité à énoncer des formules brèves et de pure forme et à renvoyer à la motivation de l’arrêté de placement en rétention initial du 13 mai 2017.

Ensuite, il soutient que les autorités luxembourgeoises resteraient en défaut d’établir avec précision les mesures entreprises en vue de son éloignement, ainsi que les conditions dans lesquelles interviendraient la réponse des autorités étrangères compétentes et la délivrance d’un document de voyage. Or, une mesure de rétention serait indissociable de l’attente de l’exécution de l’éloignement, de sorte que l’autorité ministérielle devrait faire état et documenter les démarches qu’elle est en train d’exécuter afin d’écourter au maximum la privation de liberté, ce qu’elle serait restée en défaut de faire en l’espèce.

En outre, Monsieur … soutient que le ministre n’aurait pas été suffisamment diligent et réactif dans le cadre de la préparation de son éloignement, le demandeur insistant, dans ce contexte, sur le fait que près de quatre mois se seraient écoulés depuis la prise de l’arrêté de placement en rétention initial du 13 mai 2017, tout en soulignant que contrairement à la motivation figurant dans l’arrêté ministériel déféré, aucune mesure susceptible d’être qualifiée de diligente et de sérieuse n’aurait été entreprise par le ministre afin d’organiser son éloignement.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

S’agissant d’abord de la légalité externe de la décision déférée et, plus particulièrement, du moyen tiré d’une insuffisance de motivation de ladite décision, le tribunal relève que la référence, faite par le demandeur, dans ce contexte, à l’article 109 (1) de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « (…) Les décisions de refus visées respectivement aux articles 25 et 27 et aux articles 100, 101 et 102 sont prises par le ministre et dûment motivées. (…) », est à rejeter pour défaut de pertinence, en ce que la disposition légale en question s’applique aux décisions de refus de séjour prévues par les articles de la loi du 29 août 2008 y visés et non pas aux décisions de placement en rétention administrative, prises sur base de l’article 120 de la même loi, telles que la décision litigieuse. Dans la mesure où aucun autre texte légal ou réglementaire n’exige l’indication formelle des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement en rétention, l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base n’étant pas applicable à une telle décision, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision déférée, de sorte que le moyen sous analyse est à rejeter.

Quant au fond, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 ou d’une demande de transit par voie aérienne en vertu de l’article 127 ou lorsque le maintien en zone d’attente dépasse la durée de quarante-huit heures prévue à l’article 119, l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) » et de l’article 120 (3) de la même loi : « (…) La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire (…) ».

L’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour la durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120 (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une décision de prorogation d’une mesure de placement en rétention est partant soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

Le tribunal relève qu’il est constant en cause que le demandeur est en situation irrégulière au Luxembourg.

Dans la mesure où il est, par ailleurs, constant en cause qu’il ne dispose pas de documents d’identité ou de voyage en cours de validité, l’existence, dans son chef, d’un risque de fuite est présumée, en vertu de l’article 111 (3) c), point 6. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « (…) Le risque de fuite est présumé (…) si l’étranger ne peut justifier de la possession de documents d’identité ou de voyage en cours de validité (…) ».

Etant donné que Monsieur … n’a pas fourni d’éléments probants de nature à renverser la présomption de risque de fuite existant dans son chef, son argumentation non autrement étayée selon laquelle il souhaiterait quitter le Luxembourg le plus rapidement possible afin de rejoindre sa copine, non identifiée, en France étant, au contraire, de nature à confirmer l’existence d’un risque de fuite, le ministre pouvait valablement, sur base de l’article 120 (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement, de sorte que le moyen tiré du caractère excessif de la mesure litigieuse est à rejeter pour ne pas être fondé.

Cette conclusion n’est pas énervée par l’argumentation du demandeur, non appuyée par une référence à une disposition normative précise, selon laquelle il faudrait donner priorité au retour volontaire, étant relevé, dans ce contexte, qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions.

Ladite conclusion n’est pas non plus énervée par la référence, faite par le demandeur, au jugement susmentionné du tribunal administratif du 12 novembre 2001, aux termes duquel une mesure de placement en rétention devrait être évitée dans tous les cas où la personne concernée ne constitue pas un danger pour la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics et qu’elle peut être retenue et surveillée par le gouvernement d’une autre manière afin d’éviter qu’elle ne se soustraie à son éloignement ultérieur. A cet égard, le tribunal relève en premier lieu que le demandeur n’a pas contesté le constat de la partie étatique selon lequel les mesures moins coercitives qu’un placement en rétention, telles que visées à l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008, ne sont pas envisageables en l’espèce, le tribunal venant, par ailleurs, de retenir que le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments de nature à renverser la présomption légale de risque de fuite existant dans son chef. En second lieu, le tribunal précise que l’exigence, se dégageant dudit jugement, selon laquelle une mesure de placement en rétention supposerait que la personne en question constitue un danger pour la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics n’est, sous l’empire de la loi du 29 août 2008, pas une condition légale d’une telle mesure, pareille exigence ayant trouvé son fondement dans la loi du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers qui a été abrogée par celle du 29 août 2008. Il s’ensuit que la référence, faite par le demandeur, au jugement en question est sans incidence sur le bien-fondé et la légalité de la décision déférée, le demandeur n’en ayant, d’ailleurs, tiré aucune conclusion par rapport au cas d’espèce.

S’agissant ensuite de la prétendue insuffisance des démarches entreprises par le ministre en vue de procéder à l’éloignement du demandeur, le tribunal précise que dans son jugement, précité, du 21 juin 2017, il a constaté que les autorités luxembourgeoises étaient en contact régulier avec diverses ambassades afin d’identifier Monsieur …, en relevant qu’après avoir été informé par les ambassades respectives le 1er octobre 2015, respectivement le 12 janvier 2016 que le demandeur n’était ni un ressortissant tunisien ni un ressortissant algérien, le ministre avait, par courrier du 16 mai 2017 contacté les autorités marocaines en vue de l’identification du demandeur et que cette demande avait encore été réitérée par un courrier du 6 juin 2017.

Dans le jugement en question, le tribunal a conclu que les démarches ainsi entreprises jusqu’à la date du prononcé dudit jugement par les autorités luxembourgeoises devaient être considérées comme suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008.

Quant aux démarches entreprises depuis lors, le tribunal relève qu’il ressort de deux notes au dossier administratif qu’en date des 20 juin et 4 juillet 2017, les autorités marocaines ont informé leurs homologues luxembourgeois par voie téléphonique du fait que la demande d’identification du demandeur était toujours en cours. Par courrier du 14 juillet 2017, le ministre a adressé une demande d’identification du demandeur aux autorités tunisiennes, en leur proposant d’auditionner l’intéressé soit en se déplaçant au Centre de rétention, soit par vidéo-conférence. Par courriers des 18 juillet et 1er août 2017, l’autorité ministérielle luxembourgeoise a relancé les autorités marocaines. Par courrier du 10 août 2017, le consulat général du Royaume du Maroc à Liège a informé les autorités luxembourgeoises du fait que la demande d’identification du demandeur n’avait pas encore reçu de réponse de la part des autorités marocaines compétentes, tout en s’engageant à les tenir au courant des suites réservées à ladite demande. De nouveaux rappels ont été adressés aux autorités marocaines les 24 août et 6 septembre 2017. Par courrier du 8 septembre 2017, le consulat général du Royaume du Maroc à Liège a informé les autorités luxembourgeoises du fait que, d’une part, « (…) le[…] relevé[…] décadactylaire[…] [de Monsieur …] n’[a] pas de correspondant dans la base de données du système d’identification par empreintes digitales AFIS (Automatic Finger Input System (…) » et, d’autre part, « (…) une recherche d’identification par la méthode de codification dans le système semi automatisé est en cours (…) », tout en soulignant que « (…) toute information complémentaire sur [cette] personne[…] pourra contribuer à [l’]identifier dans les plus brefs délais (…) ».

Au vu des diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, actuellement tributaire de la collaboration des autorités tunisiennes et marocaines, et compte tenu du fait qu’il ressort des susdits courriers du consulat général du Royaume du Maroc à Liège des 10 août et 8 septembre 2017 que les autorités marocaines entreprennent des démarches concrètes en vue de l’identification du demandeur, le tribunal retient que la procédure d’éloignement du demandeur est toujours en cours, mais qu’elle n’a pas encore abouti, et que les démarches ainsi entreprises en l’espèce par les autorités luxembourgeoises doivent être considérées, à ce stade, comme suffisantes pour justifier la prorogation de la mesure de placement en rétention litigieuse, de sorte qu’il y a lieu de conclure que l’organisation de l’éloignement est exécutée avec toute la diligence requise. Il s’ensuit que les contestations afférentes du demandeur encourent le rejet.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée. Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation dans la limite des moyens de légalité invoqués et le déclare sans objet pour le surplus ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation :

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Annick Braun, vice-président, Anne Gosset, premier juge, Daniel Weber, juge, et lu à l’audience publique de extraordinaire du 15 septembre 2017, à 11.00 heures, par le vice-président, en présence du greffier Arny Schmit.

Arny Schmit Annick Braun 9


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 40157
Date de la décision : 15/09/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2017-09-15;40157 ?

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