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14/09/2017 | LUXEMBOURG | N°40140

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 septembre 2017, 40140


Tribunal administratif Numéro 40140 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 septembre 2017 chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 14 septembre 2017 Recours formé par Monsieur …, alias …, alias …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 22, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 40140 du rôle et déposée le 4 septembre 2017 au greffe du tribunal admini

stratif par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre ...

Tribunal administratif Numéro 40140 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 septembre 2017 chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 14 septembre 2017 Recours formé par Monsieur …, alias …, alias …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 22, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 40140 du rôle et déposée le 4 septembre 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Maroc) et être de nationalité marocaine, alias …, déclarant être né le … à … (Maroc) et être de nationalité marocaine, alias …, déclarant être né le …, alias …, déclarant être né le … à … (Syrie) et être de nationalité syrienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’un arrêté du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 29 août 2017 ayant ordonné son placement au Centre de rétention pour une durée maximale de trois mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 septembre 2017 ;

Vu le mémoire en réplique déposée au greffe du tribunal administratif le 8 septembre 2017 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, au nom du demandeur ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 septembre 2017 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan Fatholahzadeh et Madame le délégué du gouvernement Danitza Greffrath en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de vacation du 13 septembre 2017.

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Le 14 juin 2017, Monsieur …, alias …, alias …, ci-après désigné par « Monsieur … », introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Une recherche effectuée le même jour dans la base de données EURODAC révéla que Monsieur … avait introduit des demandes de protection internationale en Autriche le 24 avril 2014, en Allemagne le 28 mai 2014, en Suède le 7 avril 2015, en Finlande le 16 avril 2015, en Norvège le 12 mai 2015 et aux Pays-Bas le 18 avril 2017.

Par arrêté du 14 juin 2017, notifié à l’intéressé à la même date, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », sur base des articles 22, paragraphe (2), point d) et 22, paragraphe (3), points a), b) et c) de la loi du 18 décembre 2015, assigna Monsieur … à résidence à la structure d’hébergement d’urgence sise à L-1734 Luxembourg, 11, rue Carlo Hemmer pour une durée de trois mois, avec l’obligation de se présenter durant cette période quotidiennement à 20.00 heures du soir et à 8.00 heures du matin à la réception de ladite structure, tout en l’informant qu’en cas de non-respect de cette obligation ou en cas de risque de fuite, ladite mesure sera révoquée et son placement en rétention sera ordonnée, tel que prévu par l’article 22, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015.

Le 21 juin 2017, les autorités luxembourgeoises adressèrent aux autorités norvégiennes une demande de reprise en charge de Monsieur … en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dénommé ci-après « le règlement Dublin III », demande à laquelle lesdites autorités refusèrent de faire droit, aux termes d’un courrier du même jour.

Faisant suite à une demande afférente leur adressée par les autorités luxembourgeoises le 4 juillet 2017, les autorités allemandes acceptèrent, en date du 7 juillet 2017, la reprise en charge de Monsieur … sur base de l’article 18, paragraphe (1), point d) du règlement Dublin III.

Le 2 août 2017, le ministre, sur base de la considération selon laquelle, d’une part, l’intéressé avait déposé une demande de protection internationale en Allemagne le 28 mai 2014 et, d’autre part, en date du 7 juillet 2017, les autorités allemandes ont accepté de prendre, respectivement de reprendre en charge l’examen de sa demande d’asile, informa Monsieur … de sa décision de le transférer dans les meilleurs délais vers l’Allemagne, sur base de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 18, paragraphe (1), point d) du règlement Dublin III.

Le 10 août 2017, le service de police judiciaire, unité police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale informa le ministre de l’impossibilité d’effectuer le transfert de Monsieur … vers l’Allemagne, prévu pour le 11 septembre 2017, au motif que l’intéressé avait disparu depuis le 14 juin 2017.

Par arrêté du 29 août 2017, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre ordonna le placement en rétention de Monsieur … pour une durée maximale de trois mois à compter de la notification de la décision en question, ledit arrêté ministériel étant fondé sur les considérations et les motifs suivants :

« (…) Vu l’article 22 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport N°SPJ/15/2017/61311/1/GURO du 14 juin 2017 établi par le Service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux ;

Vu le rapport N°SPJ/15/2017/61311/3/SPJ du 10 août 2017 établi par le Service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux ;

Vu ma décision de transfert du 2 août 2017 ;

Attendu que l’intéressé est connu sous différentes identités en Allemagne ;

Vu mon arrêté du 14 juin 2017, notifié le 14 juin 2017, assignant l’intéressé à résidence ;

Attendu que la mesure moins coercitive prévue à l’article 22, (3), point a) ne peut être efficacement appliquée, alors que le demandeur ne dispose d’aucun document d’identité et de voyage valable ;

Attendu que la mesure moins coercitive prévue à l’article 22, (3), point b) ne peut être efficacement appliquée, alors que le demandeur ne présente pas des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite ;

Attendu que la mesure moins coercitive prévue à l’article 22, (3), point c) ne peut être efficacement appliquée, alors que le demandeur n’est pas en mesure de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros ;

Attendu que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 22, paragraphe (3), points a), b) et c) susmentionnées de la loi du 18 décembre 2015 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite non négligeable dans le chef de l’intéressé comme défini à l’article 22, (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015 précitée ;

Par conséquent la décision de placement s’avère nécessaire ;

Considérant que l’intéressé a introduit une demande de protection internationale au Luxembourg ;

Considérant qu’il est signalé au système EURODAC comme ayant introduit une demande de protection internationale en Allemagne, une en Autriche, une en Suède, une en Finlande, une en Norvège et une aux Pays-Bas ;

Considérant qu’une demande de prise/reprise en charge en vertu de l’article 18§1b du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 a été adressée aux autorités allemandes ;

Considérant que les autorités allemandes ont marqué leur accord de prise/ reprise en charge ;

Considérant qu’il est établi que le demandeur a l’intention de se soustraire aux autorités dans le seul but de faire obstacle à une mesure d’éloignement l’Allemagne; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 septembre 2017, Monsieur … a fait introduire un recours tendant, aux termes de son dispositif, à la réformation, sinon à l’annulation d’une « (…) décision du Ministre des Affaires Etrangères rendue en date du 20 juillet 2012 (…) ».

Dans son mémoire en réplique, le demandeur soutient, en substance, que la référence à cette « (…) décision du Ministre des Affaires Etrangères rendue en date du 20 juillet 2012 (…) », telle que figurant au dispositif de la requête introductive d’instance, constituerait une erreur matérielle.

Dans ces circonstances, et compte tenu des développements figurant au corps de la requête introductive d’instance, ainsi que des pièces y annexées, dont il ressort clairement que le demandeur a entendu viser l’arrêté ministériel, précité, du 29 août 2017 ordonnant son placement en rétention pour une durée maximale de trois mois à compter de la notification de la décision en question, le tribunal retient qu’il est saisi en l’espèce d’un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de ce dernier arrêté ministériel, le délégué du gouvernement ne s’étant, d’ailleurs, pas mépris quant à la décision faisant l’objet du recours.

Dans la mesure où l’article 22, paragraphe (6) de la loi du 18 décembre 2015 institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation.

Dans le cadre de son mémoire en réplique, le demandeur déclare, en substance, maintenir son recours dans la limite des moyens de légalité invoqués, dans l’hypothèse où son transfert a eu lieu au jour du prononcé du présent jugement, cette déclaration ayant encore été confirmée à l’audience des plaidoiries sur question afférente du tribunal.

Etant donné qu’il ressort des explications du délégué du gouvernement, non contestées sur ce point par le demandeur, que ce dernier a été transféré en Allemagne le 11 septembre 2017 et que, par conséquent, l’arrêté ministériel déféré a, au jour du prononcé du présent jugement, cessé de produire ses effets, de sorte que le tribunal n’est plus en mesure, au stade actuel de la procédure contentieuse, de faire droit à la demande tendant à la libération du demandeur du Centre de rétention, le contrôle du tribunal ne peut désormais plus que porter sur les moyens de légalité invoqués dans le cadre du recours en réformation.

Au vu des considérations qui précèdent, le recours principal en réformation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, est recevable dans la limite des moyens d’annulation invoqués et doit être déclaré sans objet pour autant qu’il conclut à la libération du demandeur, étant précisé, dans ce contexte, que, contrairement à ce que soutient le demandeur, le délégué du gouvernement n’a pas soulevé l’irrecevabilité du recours pour libellé obscur, de sorte que le tribunal ne prendra pas position sur les contestations afférentes de Monsieur ….

Il n’y a, dès lors, pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours et en se prévalant de trois jugements du tribunal administratif rendus les 24 janvier 1997, 12 juin 1997 et 20 février 1998, portant respectivement les numéros 9774, 10044 et 10576 du rôle, le demandeur soutient que les conditions requises pour prononcer une mesure de placement en rétention administrative feraient défaut en l’espèce, étant donné qu’au jour du dépôt du recours sous analyse, aucune circonstance de fait n’aurait empêché les autorités luxembourgeoises de l’éloigner vers l’Allemagne, sans passer par le biais d’une mesure de placement au Centre de rétention, étant donné que les autorités allemandes auraient accepté sa reprise en charge.

Après avoir rappelé que le tribunal devrait apprécier la légalité de la mesure prise au jour de son jugement, et plus particulièrement au regard des diligences entreprises à cette date afin d’écourter au maximum sa privation de liberté, le demandeur déclare qu’au moment de la rédaction de la requête introductive d’instance, il lui aurait été impossible de connaître par avance l’étendue exacte des diligences entreprises par l’autorité luxembourgeoise au jour de la prise en délibéré de l’affaire, de sorte qu’il se rapporterait à prudence de justice quant à ce moyen.

En conclusion, il soutient que la décision déférée serait tant injustifiée que mal fondée, qu’elle serait entachée d’illégalité, d’excès et de détournement de pouvoir et qu’elle violerait la loi, ainsi que les formes destinées à protéger les intérêts privés.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur soutient que le port de menottes lui imposé au cours de son transport vers le Centre de rétention, mais aussi dans le cadre de son transfert ultérieur vers l’Allemagne serait de nature à « (…) l’humilier gravement devant autrui et à le soumettre à un discrédit social (…) », de sorte à être constitutif d’un traitement inhumain et dégradant, contraire aux articles 3 et 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH ». De ce fait, la décision déférée devrait encourir l’annulation, le demandeur soutenant encore, de manière plus générale, que ladite décision devrait être annulée pour violation de la loi, pour erreur manifeste d’appréciation des faits et pour excès de pouvoir, au motif qu’elle méconnaîtrait les principes de proportionnalité et de confiance légitime.

Par ailleurs, il insiste sur le fait que la prise d’une décision de placement en rétention présupposerait l’impossibilité d’exécuter l’éloignement projeté en raison de circonstances de fait, le demandeur soulignant que malgré le fait qu’elle daterait des années ‘90, la jurisprudence invoquée, dans ce contexte, dans la requête introductive d’instance garderait toute sa pertinence dans le cadre de la législation actuellement en vigueur. Or, en l’espèce, les autorités allemandes auraient déjà donné leur accord de reprise en charge le 7 juillet 2017, alors que son transfert n’aurait eu lieu que deux mois plus tard.

En outre, le demandeur invoque le caractère incohérent de la motivation de la décision déférée, en faisant valoir que le ministre l’aurait, dans un premier temps, assigné à résidence à la structure d’hébergement d’urgence sise à L-1734 Luxembourg, 11, rue Carlo Hemmer pour une durée de trois mois, avec l’obligation de se présenter durant cette période quotidiennement à 20.00 heures du soir et à 8.00 heures du matin à la réception de ladite structure, malgré le fait qu’il n’aurait pas été en mesure de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros, pour ensuite constater qu’il « (…) ne représente[rait] pas des garanties financières (…) » au sens de l’article 22, paragraphe (3), points a), b) et c) de la loi du 18 décembre 2015, pour justifier le placement en rétention litigieux.

Monsieur … fait encore plaider, en substance, que dans la mesure où, d’une part, sa demande de protection internationale déposée en Allemagne aurait été rejetée et, d’autre part, la décision ministérielle du 2 août 2017 « (…) déclarant sa demande irrecevable (…) » aurait acquis force de chose décidée, il aurait, au jour de la prise de la décision déférée, possédé, non pas la qualité de demandeur de protection internationale, au sens de l’article 2 b) de la loi du 18 décembre 2015, mais celle d’étranger en situation irrégulière, au sens des articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, de sorte que ce serait à tort que le ministre a ordonné son placement en rétention sur base de l’article 22 de la loi du 18 décembre 2015.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Quant à la légalité externe de la décision déférée, le tribunal retient que l’affirmation non autrement étayée du demandeur selon laquelle ladite décision violerait les formes destinées à protéger les intérêts privés est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence du demandeur et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions.

Quant au fond, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 22, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015, « Un demandeur ne peut être placé en rétention que :

(…) d) conformément à l’article 28 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride et lorsqu’il existe un risque de fuite basé sur un faisceau de circonstances établissant que le demandeur a l’intention de se soustraire aux autorités dans le seul but de faire obstacle à une mesure d’éloignement ; (…) ».

En vertu de l’article 22, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015, « La décision de placement en rétention indique les motifs de fait et de droit sur lesquelles elle est basée. Elle est prise pour une durée la plus brève possible ne dépassant pas trois mois. Sans préjudice des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 en matière de rétention, la mesure de placement en rétention peut être reconduite par le ministre chaque fois pour une durée de trois mois tant que les motifs énoncés au paragraphe 2, sont applicables, mais sans que la durée de rétention totale ne puisse dépasser douze mois.

Les procédures administratives liées aux motifs de rétention énoncés au paragraphe (2) sont exécutées avec toute la diligence voulue. Les retards dans les procédures administratives qui ne sont pas imputables au demandeur ne peuvent justifier une prolongation de la durée de rétention. (…) ».

L’article 22, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015, qui renvoie à l’article 28 du règlement Dublin III, permet dès lors de placer un demandeur de protection internationale en rétention administrative pour une durée maximale de trois mois en vue de garantir les procédures de transfert prévues par ledit règlement, sous condition, (i) qu’il existe un risque de fuite non négligeable dans le chef de cette personne, basé sur un faisceau de circonstances établissant que l’intéressé a l’intention de se soustraire aux autorités dans le seul but de faire obstacle à une mesure d’éloignement, (ii) que le placement en rétention soit proportionnel et, (iii) que d’autres mesures moins coercitives ne peuvent être effectivement appliquées.

L’article 22, paragraphe (3) de la même loi ajoute que le placement en rétention ne peut être ordonné que si aucune des mesures moins coercitives prévues à ses points a), b) et c) – à savoir, (i) l’obligation pour le demandeur de se présenter régulièrement, à des intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, (ii) l’assignation à résidence et, (iii) le dépôt d’une garantie financière d’un montant de cinq mille euros – ne peut être efficacement appliquée.

L’article 22, paragraphe (4) de la même loi précise, par renvoi au règlement Dublin III, que la mesure de rétention est prise pour une durée la plus brève possible ne dépassant pas trois mois et que son maintien est conditionné par le fait que le dispositif de transfert soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter le transfert dans les meilleurs délais et que le placement ne se prolonge pas au-delà du délai raisonnable nécessaire pour accomplir les procédures administratives requises. Cette mesure de placement en rétention peut être reconduite, chaque fois pour une durée de trois mois, tant que les motifs énoncés à l’article 22, paragraphe (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 sont applicables, mais sans que la durée de rétention totale ne puisse dépasser douze mois.

Quant à l’argumentation du demandeur selon laquelle la décision déférée reposerait sur une base légale erronée, au motif qu’il n’aurait plus eu la qualité de demandeur de protection internationale au jour de la prise de la décision en question, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 2 c) de la loi du 18 décembre 2015, est un demandeur de protection internationale « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride ayant présenté une demande de protection internationale sur laquelle aucune décision finale n’a encore été prise », l’article 2 e) de la même loi définissant la notion de « décision finale » comme étant « toute décision établissant si le ressortissant d’un pays tiers ou l’apatride se voit accorder le statut de réfugié ou le statut conféré par la protection subsidiaire et qui n’est plus susceptible d’un recours conformément à la présente loi, que ce recours ait ou n’ait pas pour effet de permettre à un demandeur de demeurer sur le territoire en attendant son aboutissement ». Il est constant en cause que Monsieur … a déposé une demande de protection internationale en date du 14 juin 2017, de sorte à avoir acquis la qualité de demandeur de protection internationale à cette date. Or, contrairement à ce que soutient le demandeur, il n’a pas perdu cette qualité au jour de la prise de la décision déférée, ni d’ailleurs au cours de l’exécution de la mesure de placement litigieuse, étant donné que sa demande du 14 juin 2017 n’a pas encore fait l’objet d’une décision finale, au sens dudit article 2 e) de la loi du 18 décembre 2015, nonobstant la circonstance selon laquelle la décision ministérielle du 2 août 2017 est passée en force de chose décidée. En effet, cette dernière décision ne constitue pas une décision d’irrecevabilité de la demande d’asile de Monsieur … du 14 juin 2017, tel qu’affirmé, à tort, par le demandeur, ni, de manière plus générale, une « décision établissant si le ressortissant d’un pays tiers ou l’apatride se voit accorder le statut de réfugié ou le statut conféré par la protection subsidiaire », mais une décision de transfert, au sens de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes de laquelle le ministre a décidé de transférer l’intéressé vers l’Allemagne, en tant qu’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale, et de ne pas examiner la demande en question, de sorte qu’il appartiendra aux autorités allemandes de prendre une décision finale par rapport à cette demande. Il y a donc lieu de conclure qu’en tout état de cause, le demandeur conserve la qualité de demandeur d’asile tant que les autorités allemandes compétentes pour l’examen de sa demande de protection internationale n’ont pas adopté de décision finale à son encontre, étant précisé, dans ce contexte, que si le demandeur a déjà fait l’objet d’une décision de refus de protection internationale de la part des autorités allemandes, cette décision portait sur une demande d’asile antérieure à celle déposée au Luxembourg et distincte de celle-ci. Dans ces circonstances, le tribunal retient que l’argumentation sous analyse est à rejeter.

Le tribunal constate ensuite que le demandeur n’a pas contesté le constat du ministre ayant trait à l’existence, dans son chef, d’un risque de fuite non négligeable, lequel étant d’ailleurs confirmé au regard des éléments soumis à l’appréciation du tribunal, étant donné, d’une part, qu’il est constant en cause que le demandeur, qui est connu sous plusieurs alias et qui a déposé des demandes de protection internationale dans plusieurs pays, avait, avant la prise de la mesure litigieuse, fait l’objet des mesures moins coercitives prévues par l’article 22, paragraphe (3), points a) et b) de la loi du 18 décembre 2015, en ce qu’il a été assigné à résidence à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg sise à L-1734 Luxembourg, 11, rue Carlo Hemmer pour une durée de trois mois, avec l’obligation de se présenter quotidiennement durant cette période à 20.00 heures du soir et à 8.00 heures du matin à la réception de ladite structure, ainsi que cela ressort de l’arrêté ministériel, précité, du 14 juin 2017 et, d’autre part, que l’intéressé n’a pas respecté les obligations lui imposées dans le cadre de cet arrêté en ce qu’il s’est enfui de ladite structure d’hébergement le jour même de la notification de l’arrêté en question, tel que relevé ci-

avant. Ainsi, c’est a priori à bon droit que le ministre a ordonné le placement en rétention du demandeur sur base de l’article 22, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015.

Quant au moyen du demandeur selon lequel les conditions d’un placement en rétention ne seraient pas remplies en l’espèce, au motif qu’aucune circonstance de fait n’aurait empêché les autorités luxembourgeoises de l’éloigner vers l’Allemagne suite à l’accord de reprise en charge des autorités allemandes, il convient de relever que, contrairement à ce qui est soutenu par le demandeur, l’article 22, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015 ne soumet pas le placement en rétention à la condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement soit impossible en raison de circonstances de fait, la mesure de placement prévue à cette disposition légale pouvant, en effet, être ordonnée, tel que relevé ci-avant, en vue de garantir les procédures de transfert prévues par le règlement Dublin III, lorsqu’il existe un risque de fuite non négligeable dans le chef de la personne concernée, basé sur un faisceau de circonstances établissant que l’intéressé a l’intention de se soustraire aux autorités dans le seul but de faire obstacle à une mesure d’éloignement, et uniquement si le placement en rétention est proportionnel et que d’autres mesures moins coercitives ne peuvent être effectivement appliquées. Le moyen sous analyse encourt, dès lors, le rejet.

En ce qui concerne ensuite l’argumentation du demandeur selon laquelle la décision déférée violerait les articles 3 et 7 de la CEDH, compte tenu du port de menottes lui imposé au cours de son déplacement vers le Centre de rétention, mais aussi dans le cadre de son transfert ultérieur vers l’Allemagne, le tribunal relève que le choix des policiers de menotter une personne retenue pendant un certain laps de temps en vue de son placement au Centre de rétention, respectivement de son transfert vers l’Etat responsable de l’examen de sa demande d’asile n’est pas de nature à énerver la légalité de la décision de placement en rétention prise à l’encontre de la personne concernée, étant donné qu’une telle mesure ne fait pas l’objet de la décision de placement, mais peut tout au plus être qualifiée de mesure d’exécution de celle-ci, respectivement de la décision de transfert dont l’intéressé a fait l’objet, de sorte que l’argumentation sous analyse est à écarter. A titre superfétatoire, le tribunal précise encore que si le port de menottes imposé à une personne retenue au cours de son déplacement vers le Centre de rétention, respectivement au cours de l’exécution d’une mesure de transfert pouvait éventuellement être ressenti comme une humiliation par la personne concernée, une telle mesure, d’une part, n’est, en tant que telle, pas d’une gravité suffisante pour être qualifiée d’acte de torture ou de traitement ou sanction inhumain ou dégradant, au sens de l’article 3 de la CEDH, aux termes duquel « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » et, d’autre part, ne constitue pas une peine destinée à sanctionner une certaine action ou omission la part de l’intéressé, au sens de l’article 7 de la CEDH, aux termes duquel « (1) Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De même il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise. (…) », mais tend à assurer la présence physique de la personne concernée en vue de l’exécution des mesures de police des étrangers envisagées.1 Dès lors, l’argumentation sous analyse est également à rejeter sous cet angle.

S’agissant ensuite du prétendu caractère incohérent de la motivation de la décision déférée aux termes de laquelle les mesures moins coercitives prévues par l’article 22, paragraphe (3), points a), b) et c) ne sauraient être efficacement appliquées, le tribunal relève que le dépôt d’une garantie financière de 5.000 euros constitue en tant que tel l’une de ces trois mesures moins coercitives que le placement en rétention, à savoir celle visée par le point c) dudit article, mais ne conditionne pas l’applicabilité des deux autres mesures moins coercitives, visées aux points a) et b) de cette disposition légale, à savoir, d’une part, l’obligation pour la personne concernée de se présenter régulièrement, à des intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui et, d’autre part, l’assignation à résidence, tel que suggéré par le demandeur, étant encore précisé que ces trois mesures moins coercitives que le placement en rétention peuvent être appliquées soit conjointement, soit séparément, ainsi que cela se dégage du dernier alinéa de l’article 22, paragraphe (3), précité. Ainsi, c’est sans se contredire que le ministre a, dans un premier temps, pu assigner le demandeur à résidence à la structure d’hébergement d’urgence sise à L-1734 Luxembourg, 11, rue Carlo Hemmer pour une durée de trois mois, avec l’obligation de se présenter durant cette période quotidiennement à 20.00 heures du soir et à 8.00 heures du matin à la réception de ladite structure, de sorte à l’avoir soumis aux mesures moins coercitives que le placement en rétention visées aux points a) et b) dudit article 22, paragraphe (3), 1 Voir, sur ce dernier point : Cour adm., 25 octobre 2016, n° 38585C du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.

malgré le fait qu’il ne remplissait pas les conditions requises pour bénéficier de la mesure moins coercitive que le placement en rétention visée par le point c) dudit article, en ce qu’il n’était pas en mesure de déposer une garantie financière de 5.000 euros, pour ensuite retenir à l’appui de son arrêté de placement en rétention déféré « (…) que la mesure moins coercitive prévue à l’article 22, (3), point c) ne peut être efficacement appliquée, alors que le demandeur [ne serait] pas en mesure de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros (…) ».

En tout état de cause, le tribunal vient de constater, d’une part, qu’il est constant en cause que le demandeur, qui est connu sous plusieurs alias et qui a déposé des demandes de protection internationale dans plusieurs pays, avait, avant la prise de la mesure litigieuse, fait l’objet des mesures moins coercitives prévues par l’article 22, paragraphe (3), points a) et b) de la loi du 18 décembre 2015, en ce qu’il a été assigné à résidence à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg sise à L-1734 Luxembourg, 11, rue Carlo Hemmer pour une durée de trois mois, avec l’obligation de se présenter durant cette période quotidiennement à 20.00 heures du soir et à 8.00 heures du matin à la réception de ladite structure, ainsi que cela ressort de l’arrêté ministériel, précité, du 14 juin 2017 et, d’autre part, que l’intéressé n’a pas respecté les obligations lui imposées dans le cadre de cet arrêté en ce qu’il s’est enfui de ladite structure d’hébergement le jour même de la notification de l’arrêté en question. Dans ces circonstances, c’est à bon droit que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues à l’article 22, paragraphe (3), points a) et b) de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent être efficacement appliquées, à défaut, par le demandeur, de présenter des garanties de représentation suffisantes de nature à prévenir le risque de fuite existant dans son chef, tel que retenu ci-avant. Etant donné que le demandeur ne conteste pas ne pas pouvoir déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros, il ne saurait non plus bénéficier de la mesure moins coercitive visée par l’article 22, paragraphe (3), point c) de ladite loi. Il s’ensuit que le ministre a valablement pu retenir, sur base de l’article 22, paragraphe (3) de la loi du 18 décembre 2015, qu’aucune mesure moins coercitive que le placement en rétention ne pouvait être efficacement appliquée en la cause.

Sur base des mêmes considérations, le ministre a encore valablement pu retenir la présence d’un faisceau d’indices établissant l’intention du demandeur « de se soustraire aux autorités dans le seul but de faire obstacle à une mesure d’éloignement » conformément à l’article 22, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015.

Il s’ensuit que le ministre pouvait valablement ordonner le placement en rétention du demandeur, sans violer le principe de proportionnalité, étant relevé qu’en tout état de cause, le placement en rétention est la conséquence légale du non-respect des obligations édictées par les mesures moins coercitives appliquées au demandeur, ainsi que cela ressort du dernier alinéa de l’article 22, paragraphe (3) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes duquel « (…) En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. (…) », ce principe ayant été repris dans l’article 2 de l’arrêté ministériel du 14 juin 2017 qui dispose que « : « La personne susvisée est informée qu’en cas de défaut de respect de l’obligation imposée ou en cas de risque de fuite, la mesure sera révoquée et le placement en rétention sera ordonnée comme prévu à l’article 22, paragraphe (2) d) de la loi du 18 décembre 2015 précitée. ».

S’agissant ensuite des diligences entreprises par le ministre, force est au tribunal de constater que la requête introductive d’instance ne contient aucune contestation précise à cet égard, le demandeur s’étant, en effet, limité à se rapporter à prudence de justice quant à ce moyen.

Quant aux démarches concrètement entreprises par le ministre, le tribunal relève qu’à la suite de l’acceptation, par les autorités allemandes, en date du 7 juillet 2017, de la demande de reprise en charge leur adressée par leurs homologues luxembourgeois le 4 juillet 2017, le ministre a pris une décision de transfert vers l’Allemagne à l’encontre du demandeur en date du 2 août 2017.

Par courrier du même jour, le ministre a chargé le service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale de la mission de procéder au transfert du demandeur et de lui communiquer par écrit les modalités de transfert, avec la précision qu’en vertu de l’article 27, paragraphe (2) du règlement Dublin III, le transfert ne pourrait avoir lieu avant le 21 août 2017.

Le transfert du demandeur a finalement eu lieu le 11 septembre 2017, alors que l’arrêté de placement en rétention litigieux ne lui a été notifié que le 29 août 2017, de sorte que sa privation de liberté était d’une durée inférieure à deux semaines, durée qui ne saurait manifestement être qualifiée d’excessive. Dans ces circonstances, le tribunal retient que les démarches ainsi accomplies par le ministre en vue du transfert du demandeur ont été effectuées avec la diligence requise, de sorte que les contestations afférentes du demandeur encourent le rejet.

Finalement, le tribunal retient que le moyen tiré d’une violation du principe de la confiance légitime, de même que celui ayant trait à un détournement de pouvoir sont à rejeter, faute pour le demandeur d’avoir fourni la moindre précision quant aux raisons pour lesquelles il estime que le ministre aurait violé ledit principe et commis un détournement de pouvoir, étant rappelé, dans ce contexte, qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence du demandeur et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en réformation introduit à l’encontre de l’arrêté ministériel du 29 août 2017 ayant ordonné le placement en rétention du demandeur est à rejeter pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

déclare le recours principal en réformation recevable dans la limite des moyens de légalité invoqués et le déclare sans objet pour le surplus ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Annick Braun, vice-président, Anne Gosset, premier juge, Daniel Weber, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 14 septembre 2017, à 16.00 heures, par le vice-

président, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 14 septembre 2017 Le greffier du tribunal administratif 12


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 40140
Date de la décision : 14/09/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2017-09-14;40140 ?

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