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08/09/2017 | LUXEMBOURG | N°40127

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 septembre 2017, 40127


Tribunal administratif N° 40127 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 août 2017 Chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 8 septembre 2017 Recours formé par Monsieur …, alias …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 40127 du rôle et déposée le 31 août 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître

Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxemb...

Tribunal administratif N° 40127 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 août 2017 Chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 8 septembre 2017 Recours formé par Monsieur …, alias …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 40127 du rôle et déposée le 31 août 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le 10 janvier 1978 à Constantine (Algérie), de nationalité algérienne, alias …, déclarant être né le … à … (Algérie), de nationalité algérienne, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 9 août 2017 ayant ordonné son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er septembre 2017 ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 4 septembre 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan Fatholahzadeh, préqualifié, au nom de Monsieur …, alias … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Shirley Freyermuth, en remplacement de Maître Ardavan Fatholahzadeh, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 septembre 2017.

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Il ressort d’un procès-verbal de la Police grand-ducale, Circonscription Régionale Luxembourg, Centre d’Intervention Gare du 24 février 2017 que Monsieur … fit l’objet d’un contrôle anti-drogue dans un établissement, contrôle au cours duquel il apparut qu’il était sans domicile fixe et sans revenu au Luxembourg.

Par arrêté du même jour, notifié également ce jour-là, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », constata le séjour irrégulier de Monsieur …sur le territoire luxembourgeois, lui ordonna de quitter ledit territoire sans délai à destination du pays dont il a la nationalité, l’Algérie, ou à destination du pays qui lui aura délivré un document de voyage en cours de validité, ou à destination d’un autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner et lui interdit l’entrée sur le même territoire pour une durée de trois ans.

Par arrêté du même jour, notifié à la même date, le ministre prit à l’encontre de Monsieur …une mesure de placement en rétention sur base des motifs et considérations suivants :

« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le procès-verbal N° R55102 du 24 février 2017 établi par la Police grand-ducale CR Luxembourg CI Gare ;

Vu ma décision de retour du 24 février 2017 ;

Attendu que l’intéressé est démuni de tout document de voyage valable ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse légale au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».

Cette mesure de placement en rétention fut prorogée à cinq reprises, chaque fois pour la durée d’un mois, par arrêtés ministériels des 21 mars, 19 avril, 18 mai, 19 juin et 18 juillet 2017, notifiés respectivement les 24 mars, 24 avril, 24 mai, 22 juin et 21 juillet 2017.

Par courrier du 3 juin 2017, les autorités algériennes informèrent les autorités luxembourgeoises qu’elles marquaient leur accord sur la délivrance d’un laissez-passer aux fins de l’éloignement de Monsieur …dont il s’avéra, par ailleurs, à cette occasion, que son identité réelle est Monsieur …, né le … à ….

Il ressort d’un rapport du service de Police judiciaire, Unité Police des étrangers et des jeux, de la Police Grand-ducale du 10 août 2017, portant la référence SPJ15/2017/59014/15/SPJ que la tentative des autorités luxembourgeoises de procéder à l’éloignement de Monsieur … vers l’Algérie en date du 9 août 2017 se solda par un échec en raison du refus opposé par le demandeur d’embarquer à bord de l’aéronef.

Suite à l’échec de la procédure d’éloignement, le ministre prit, en date du même jour, un nouvel arrêté de placement en rétention à l’égard de Monsieur …. Ledit arrêté, notifié à l’intéressé à la même date, est fondé sur les considérations suivantes :

« (…) Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 24 février 2017, assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire de trois ans ;

Considérant que l’éloignement de l’intéressé était prévu pour le 9 août 2017 ;

Considérant que l’intéressé s’est opposé à son éloignement de sorte que l’opération d’éloignement a dû être interrompue ;

Considérant que l’éloignement immédiat de l’intéressé est impossible en raison de circonstances de fait ; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 31 août 2017, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de de la décision ministérielle, précitée du 9 août 2017.

Etant donné que l’article 123 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, Monsieur … expose les faits et rétroactes gisant à la base de l’arrêté ministériel déféré.

En droit, il soutient qu’aux termes de l’arrêté ministériel déféré, la durée maximale de rétention de six mois aurait été dépassée. Il estime que l’échec de l’éloignement vers son pays d’origine ne constituerait en aucune manière une interruption du délai légal maximal de six mois de placement. Quant aux démarches effectuées par les autorités luxembourgeoises, il prétend « qu’il [lui] [serait] impossible de connaître par avance l’étendue exacte des diligences entreprises par les autorités luxembourgeoises auprès de ses homologues algériens au jour de la prise en délibéré du présent recours ».

Il complète son argumentation par voie de réplique en faisant valoir que ce serait à tort que l’autorité ministérielle considérerait avoir entamé toutes les diligences nécessaires en vue de son éloignement alors qu’il lui aura fallu plus de 5 mois et demi pour organiser son retour vers son pays d’origine tout en ayant néanmoins disposé de l’accord des autorités algériennes depuis le 3 juin 2017. Il conteste l’application en l’espèce des principes tirés de la jurisprudence citée par la partie étatique au motif, d’une part, qu’« [i]l ne résulte[rait] pas de [son] dossier administratif qu’[il] [se serait] comporté violemment envers les agents l’escortant, mais qu’il [aurait] simplement refusé de monter à bord et que le commandant de l’avion [aurait] refusé son embarquement au motif qu’il ne souhaitait pas y monter » et, d’autre part, que « la loi ne prévoi[rait] pas la délivrance d’une nouvelle mesure de placement en cas d’échec du renvoi d’un retenu ».

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Le tribunal relève qu’aux termes de l’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 ou d’une demande de transit par voie aérienne en vertu de l’article 127 ou lorsque le maintien en zone d’attente dépasse la durée de quarante-huit heures prévue à l’article 119, l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) » et de l’article 120 (3) de la même loi : « (…) La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire (…) ».

L’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour la durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120 (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais. Il ressort de la même disposition légale qu’une mesure de rétention administrative est susceptible de faire l’objet d’un maximum de cinq prolongations d’une durée, chacune, d’un mois, de sorte que la durée maximale d’une telle mesure est de six mois, prolongations comprises, et non pas de quatre mois, tel que le soutient le demandeur.

A l’instar du délégué du gouvernement, le tribunal constate qu’il ressort clairement du libellé de l’arrêté ministériel déféré que celui-ci n’a pas pour objet la prorogation de la mesure de rétention ordonnée par l’arrêté ministériel, précité, du 24 février 2017, mais bien la soumission de l’intéressé à une nouvelle mesure de rétention administrative – laquelle est, a priori, en application de l’article 120 (3), précité, de la loi du 29 août 2008, susceptible de faire l’objet de cinq prolongations au maximum tel que relevé ci-avant –, suite à l’échec de son éloignement vers l’Algérie.

Il s’ensuit que le moyen selon lequel la mesure de rétention administrative du 24 février 2017 aurait été prorogée au-delà du délai légal se dégageant de l’article 120 (3) de la loi du 29 août 2008 est à rejeter en ce qu’il se base sur une prémisse erronée, à savoir celle selon laquelle le ministre aurait, à travers l’arrêté litigieux, ordonné la prorogation de la susdite mesure de rétention administrative du 24 février 2017 et non pas la soumission de l’intéressé à une nouvelle mesure de rétention.

Par ailleurs, si le demandeur remet certes en cause la faculté du ministre d’ordonner une nouvelle mesure de rétention administrative suite à l’échec d’une tentative d’éloignement effectuée dans le cadre de l’exécution d’une précédente mesure de rétention administrative en raison de l’absence de violences qu’il aurait opposées au moment de l’embarquement dans l’aéronef, il n’en demeure pas moins que la subtile distinction établie par le demandeur tenant à l’existence ou non de violences au moment de l’embarquement comme critère de justification pour l’adoption d’une nouvelle mesure de placement est manifestement dénuée de tout fondement et de toute pertinence, la Cour administrative ayant retenu de manière explicite qu’il n’existe aucune disposition de nature à limiter la fréquence des mesures de placement sous réserve que les conditions légales soient remplies, de même qu’il n’existe aucune condition de délai à respecter entre la prise d’une nouvelle mesure de placement, après qu’une mesure de placement précédente soit arrivée à son terme après avoir été prorogée le nombre maximal de fois légalement prévu par la loi1.

Il y a encore lieu de rappeler qu’il est constant en cause que l’intéressé, qui est en séjour irrégulier au Luxembourg, ne dispose pas de documents d’identité ou de voyage en cours de validité, de sorte que l’existence, dans son chef, d’un risque de fuite est présumée, en vertu de l’article 111 (3) c), point 6. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « (…) Le risque de fuite est présumé (…) si l’étranger ne peut justifier de la possession de documents d’identité ou de voyage en cours de validité (…) ». Partant, force est au tribunal de conclure que le ministre pouvait valablement ordonner son placement en rétention sur base d’une nouvelle mesure de placement afin de réorganiser son éloignement, sur base de l’article 120 (1), précité, de la loi du 29 août 2008.

Enfin, quant aux contestations du demandeur relatives à l’efficacité des démarches entreprises par les autorités luxembourgeoises auxquelles il aura fallu plus de 5 mois et demi pour organiser son retour vers son pays d’origine alors qu’elles auraient disposé de l’accord des autorités algériennes dès le 3 juin 2017 et que son vol de retour n’aurait été organisé que le 9 août 2017, soit plus de deux mois après l’émission du laissez-passer, c’est à juste titre que le délégué du gouvernement fait remarquer que nonobstant l’identification du demandeur par les autorités algériennes - malgré l’utilisation par ses soins d’un autre alias - , en date du 3 juin 2017, le laissez-passer, qui n’a qu’une durée de validité d’un mois, ne fut émis que le 8 août 2017, soit la veille du vol de retour du demandeur, de sorte qu’aucun reproche n’est à formuler à l’encontre des autorités luxembourgeoises qui ont promptement effectué toutes les démarches requises en parfaite collaboration avec les autorités algériennes.

Partant, le moyen fondé sur une absence de diligences du ministre en vue d’organiser l’éloignement rapide du demandeur est à rejeter pour ne pas être fondé.

Au vu des développements qui précèdent, en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée. Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

1 Cour adm. 28 février 2017, n° 39129C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Anne Gosset, premier juge, Daniel Weber, juge, Emina Softic, attaché de justice délégué, et lu à l’audience publique extraordinaire du 8 septembre 2017 à 11.00 heures par le premier juge, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Anne Gosset Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 8 septembre 2017 Le greffier du tribunal administratif 6


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 40127
Date de la décision : 08/09/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2017-09-08;40127 ?

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