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08/09/2017 | LUXEMBOURG | N°40125

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 septembre 2017, 40125


Tribunal administratif Numéro 40125 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 août 2017 Chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 8 septembre 2017 Recours formé par Monsieur …, alias …, alias …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 40125 du rôle et déposée le 30 août 2017 au greffe du tribunal administrat

if par Maître Philippe Stroesser, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocat...

Tribunal administratif Numéro 40125 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 août 2017 Chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 8 septembre 2017 Recours formé par Monsieur …, alias …, alias …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 40125 du rôle et déposée le 30 août 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Philippe Stroesser, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité marocaine, alias …, né le …, alias …, né le … à … (Algérie), de nationalité algérienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d'une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 9 août 2017 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 31 août 2017 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Denise Parisi, en remplacement de Maître Philippe Stroesser, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 septembre 2017.

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Il ressort d’un procès-verbal de la Police grand-ducale, Circonscription régionale Esch-sur-Alzette, Unité CPI Differdange - S.I. du 14 juin 2017 portant la référence 2017/22125/425/PO qu’à l’occasion d’un contrôle de vitesse, une voiture fut arrêtée pour excès de vitesse. Il apparut que le passager arrière n’avait pas attaché sa ceinture de sécurité et que ni lui ni le passager avant n’étaient en possession de documents d’identité, ce dernier prétendant se nommer …, de nationalité marocaine bien qu’étant détenteur d’un certificat médical délivré à un dénommé …, né le …, demeurant à F-…, ….

Par arrêté du 14 juin 2017, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé « le ministre », déclara le séjour sur le territoire de Monsieur …, alias …, irrégulier, lui ordonna de quitter sans délai le territoire à destination du pays dont il a la nationalité, le Maroc, ou à destination du pays qui lui aura délivré un document de voyage en cours de validité, ou à destination d’un autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner, ainsi qu’il prononça une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans.

Par arrêté séparé du même jour, également notifié à l’intéressé le 14 juin 2017, le ministre ordonna encore le placement de Monsieur …, alias …, au Centre de rétention pour une durée d’un mois. Ladite décision est basée sur les motifs et considérations suivants :

« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport Nr. :2017/22125/425/PO du 14 juin 2017 établi par la Police grand-

ducale, Circonscription Esch/Alzette, Unité CPI Differdange-S.I.. ;

Vu ma décision de retour du 14 juin 2017 ;

Attendu que l'intéressé est dépourvu de tout document d'identité et de voyage valable ;

Attendu qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’identification et de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 août 2017, Monsieur …, alias …, a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 9 août 2017 ordonnant la prolongation pour la durée d’un mois de son placement au Centre de rétention.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit en l’espèce et qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

Au titre de la légalité externe de la décision, le demandeur conteste tout d’abord la motivation de la mesure de placement, en ce qu’il estime que la faculté réservée au ministre -

et non l’obligation systématique - de placer un individu au Centre de rétention « [devrait] être motivée à suffisance, ce qui ne [serait] pas le cas en l’espèce ».

Le délégué du gouvernement sollicite le rejet de ce moyen.

Le tribunal retient en premier lieu que le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de la décision déférée est à rejeter, étant donné qu’aucun texte légal ou réglementaire n’exige l’indication formelle des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé – l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, n’étant pas applicable à une telle décision, de sorte que le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision litigieuse. Le moyen afférent est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

Au titre de la légalité interne, le demandeur soutient ensuite très succinctement (1) que depuis son placement en rétention, les démarches ne progresseraient pas et (2) qu’il n’existerait, à l’heure actuelle, aucune chance raisonnable de croire que son éloignement puisse être mené à bien, de sorte que son maintien au Centre de rétention ne serait plus justifié.

Le délégué du gouvernement sollicite le rejet desdits moyens pour ne pas être fondés et conclut au rejet du recours.

Force est de constater qu’aux termes de l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) ».

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la loi du 29 août 2008 : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. (…) ».

L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment l’identification de l’intéressé, s’il ne dispose pas de documents d’identité, ensuite la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

Il échet encore de rappeler qu’une mesure de rétention s’analyse en une mesure administrative privative de la liberté de mouvement de la personne concernée et qu’elle doit être limitée à la durée strictement nécessaire afin de permettre l’exécution d’une mesure d’éloignement. A cette fin, le ministre est dans l’obligation de faire entreprendre avec la diligence requise toutes les démarches nécessaires afin d’organiser cette mesure d’éloignement.

Il est vrai qu’en présence d’une personne démunie de documents de voyage valables, tel que cela est le cas en l’espèce, le ministre doit s’adresser aux autorités du pays d’origine afin de se faire délivrer des documents de voyage. La nécessité d’accomplir ces démarches supplémentaires entraîne forcément une extension du délai requis pour organiser la mesure d’éloignement et partant la durée admissible de la mesure de rétention.

En l’espèce, le tribunal rappelle que le demandeur ne dispose pas de documents d’identité et de voyage valables, de sorte que les autorités luxembourgeoises doivent tout d’abord identifier le demandeur avant de pouvoir organiser son rapatriement. Il s’ensuit qu’il leur incombe d’engager les démarches idoines consistant, dans un premier temps, à établir l’identité du demandeur, ainsi qu’à déterminer le pays vers lequel la personne placée au Centre de rétention sera éloignée, pour ensuite solliciter auprès des autorités de ce pays la délivrance des documents de voyage nécessaires, étant relevé que l’arrêté de placement en rétention sous examen est justement fondé sur le constat que les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes mais qu’elles n’ont pas encore abouti.

Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120 (1) précité de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement.

Enfin, quant à la contestation tenant à l’ampleur des diligences réalisées par les autorités luxembourgeoises et la chance raisonnable de mener à bien l’éloignement du demandeur, il échet de relever qu’il ressort des pièces et éléments soumis à l’examen du tribunal que dès le 14 juin 2017, soit dès le jour même de la mesure de placement initiale, le ministre a sollicité de la Police grand-ducale la prise d’empreintes digitales du demandeur -

lesquelles étaient, par ailleurs, disponibles dans le cadre du dossier de Monsieur …, autre alias du demandeur - . Ensuite, les autorités luxembourgeoises s’adressèrent par courrier du 14 juin 2017 au Consulat du Maroc aux fins d’identification du demandeur sous les alias, … et …. Il ressort d’une note au dossier du 4 juillet 2017 que le Consulat du Maroc confirma par entretien téléphonique du même jour que la demande d’identification était en cours d’instruction. Par courriers des 18 juillet et 1er août 2017, les autorités luxembourgeoises relancèrent les autorités consulaires marocaines sur l’état d’avancement du dossier, lesquelles répondirent par télécopie du 10 août 2017 que l’identification du demandeur n’avait pas encore abouti mais que les recherches se poursuivaient. Enfin un nouveau rappel fut adressé par les autorités luxembourgeoises aux autorités consulaires marocaines en date du 24 août 2017.

Au regard des diligences ainsi accomplies à ce jour par le ministre, c’est à tort que le demandeur estime que les démarches n’auraient pas progressé depuis son placement au Centre de rétention et qu’il n’existerait, à l’heure actuelle, aucune chance raisonnable de croire que son éloignement puisse être mené à bien, le ministre ayant, en l’espèce, promptement saisi les autorités consulaires marocaines qui se sont, elles aussi, empressées de donner suite à la requête ministérielle en indiquant que la procédure d’identification de demandeur serait en cours. Il s’ensuit que les contestations afférentes du demandeur sont partant à rejeter pour ne pas être fondées. Il y a lieu de relever en l’espèce que si l’identification du demandeur s’avère certes laborieuse, ce dernier est particulièrement mal placé pour critiquer les diligences étatiques dès lors que non seulement il s’abstient de collaborer avec les autorités étatiques en ne fournissant aucun document permettant de procéder à son identification mais de surcroît il fait usage de plusieurs alias ce qui est manifestement de nature à compromettre la possibilité d’établir promptement sa véritable identité, un jugement du tribunal de céans du 28 octobre 2016 portant le numéro 38613 du rôle ayant déclaré non fondé un recours introduit par le demandeur introduit sous les alias …, alias … alias … à l’encontre d’une décision de prorogation de son placement au Centre de rétention permettant d’illustrer et de retracer les nombreuses démarches entreprises précédemment par la partie étatique aux fins d’identification du demandeur.

Au vu des développements qui précèdent, et en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée. Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Anne Gosset, premierjuge, Daniel Weber, juge, Emina Stoffel, attaché de justice délégué, et lu à l’audience publique extraordinaire du 8 septembre 2017 à 11.00 heures par le premier juge, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Anne Gosset Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 8 septembre 2017 Le greffier du tribunal administratif 6


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 40125
Date de la décision : 08/09/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2017-09-08;40125 ?

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