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08/09/2017 | LUXEMBOURG | N°40121

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 septembre 2017, 40121


Tribunal administratif N° 40121 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 août 2017 Chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 8 septembre 2017 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120. L.29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 40121 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 août 2017 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembour

g, au nom de Monsieur …, né le … à … (Algérie), de nationalité algérienne, actuellem...

Tribunal administratif N° 40121 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 août 2017 Chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 8 septembre 2017 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120. L.29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 40121 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 août 2017 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Algérie), de nationalité algérienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l'Immigration et de l’Asile du 17 août 2017 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de sa notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 1er septembre 2017 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Anne de Bourcy, en remplacement de Maître Nicky Stoffel, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience du 6 septembre 2017.

En date du 10 juin 2015, Monsieur … introduisit auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, entretemps abrogée par la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, dénommée ci-après la « loi du 18 décembre 2015 », de laquelle il fut débouté par une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile, dénommé ci-après le « ministre », du 15 juillet 2016.

Un recours contentieux introduit contre la décision précitée du ministre du 15 juillet 2016 fut rejeté comme étant manifestement infondé par un jugement du tribunal administratif du 14 octobre 2016, inscrit sous le numéro 38297 du rôle, le même jugement ayant débouté Monsieur … de sa demande de protection internationale.

Par un jugement du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, chambre correctionnelle, du 20 octobre 2016, inscrit sous le numéro 2721/2016, Monsieur … fut condamné à une peine d’emprisonnement de trente-six mois, dont dix-huit mois avec sursis, pour diverses infractions de vols à l’aide d’effraction et d’escalade.

En date du 20 juin 2017, le ministre prit un arrêté d’interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans à l’égard de Monsieur …, au vu de ses antécédents judiciaires et de sa décision de retour du 15 juillet 2016.

Par arrêté du même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question, afin de préparer l’exécution de la mesure d’éloignement. Cet arrêté, qui fut notifié à l’intéressé le 22 juin 2017, est fondé sur les considérations et motifs suivants :

« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 15 juillet 2016 ;

Vu mon interdiction d'entrée sur le territoire de cinq ans du 20 juin 2017 ;

Attendu que l'intéressé constitue une menace pour l'ordre public ;

Attendu que l'intéressé est dépourvu de tout document d'identité et de voyage valable ;

Attendu que l'identité de l'intéressé n'est pas établie ;

Attendu qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'identification et de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; ».

Un recours contentieux dirigé contre ledit arrêté ministériel de placement en rétention administrative du 20 juin 2017 fut rejeté comme n’étant pas fondé par un jugement du tribunal administratif du 14 juillet 2017, inscrit sous le numéro 39831 du rôle.

Par arrêté du 18 juillet 2017, notifié à l’intéressé le 21 juillet 2017, le ministre prolongea ladite mesure de placement pour un mois supplémentaire.

Par jugement du 4 août 2017 portant le numéro 39942 du rôle, le tribunal déclara non fondé le recours introduit en date du 27 juillet 2017 à l’encontre de ladite mesure.

2Par arrêté du 17 août 2017, notifié à l’intéressé en date du 21 août 2017, le ministre prolongea la mesure de placement pour un mois supplémentaire, ledit arrêté étant fondé sur les considérations et motifs suivants :

« Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mes arrêtés des 20 juin 2017 et 18 juillet 2017, notifiés le 22 juin respectivement le 21 juillet 2017, décidant de soumettre l'intéressé à une mesure de placement ;

Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 20 juin 2017 subsistent dans le chef de l'intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l'identification de l'intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que ces démarches n'ont pas encore abouti ;

Considérant qu'il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure de l'éloignement ; ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 août 2017, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 17 août 2017 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1), de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation.

Le recours en réformation ayant, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, Monsieur … fait tout d’abord plaider en substance que la décision ministérielle déférée ne contiendrait aucune motivation et « ne constituerait qu’une énumération de dispositions légales applicables sans la moindre référence au cas d’espèce et sans précision en quoi [il] n’aurait pas respecté les mesures prises ou qu’il ne disposerait pas des garanties nécessaires ».

Il estime ensuite que « son placement au Centre de rétention résulte[rait] manifestement d’une application disproportionnée sinon erronée et arbitraire de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration ».

Il considère encore que « [l]’arrêté ministériel du 17 août 2017 ne respecterait pas les conditions légales à la mise en œuvre d’une mesure de placement au Centre de Rétention, en raison d’un défaut de justification. En effet, l’arrêté se contente[rait] simplement d’indiquer que « les motifs à la base de la mesure de placement du 20 juin 2017 subsiste[raient] dans le chef de 3l’intéressé » ».

Il met ensuite en doute les diligences effectuées par le ministre pour procéder à son éloignement. Il considère que « le fax [adressé] au Consulat de la République Algérienne [constituerait] une simple démarche « pro forma » motivée par l’unique raison que les juridictions administratives effectue[raient] un contrôle sur les diligences effectuées par le ministre en vue de l’éloignement d’un retenu » et « au niveau efficacité, cette démarche ne vau[drait] rien ».

Il est d’avis que le ministre aurait dû rechercher si d’autres mesures ne pouvaient pas se substituer à son placement en rétention, notamment, des mesures moins coercitives au motif qu’il « mérite[rait] une telle faveur », ayant respecté les conditions de liberté provisoire sous contrôle judiciaire dans le cadre de son affaire pénale.

Enfin, il relève que l’arrêté ministériel déféré serait contraire à l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales « dans la mesure où les diligences n’[auraient] même pas encore été entreprises par les autorités luxembourgeoises pour écourter au maximum sa privation de liberté, l’arrêté indiquant que « toutes les diligences en vue de l’éloignement de l’intéressé [auraient] été entreprises auprès des autorités compétentes ».

Il conclut que « l’arrêté attaqué [serait] disproportionné », qu’« [il] subi[rait] l’inefficacité des démarches entreprises par les autorités luxembourgeoises » et que « [l]’échec de son éloignement vers son pays d’origine ne [devrait] pas lui être imputable ».

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Quant au reproche du demandeur selon lequel la décision déférée ne serait pas suffisamment motivée, le tribunal est amené à conclure que s’il est vrai qu’en vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux et les catégories de décisions y énumérées doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, le cas d’espèce sous examen ne tombe cependant dans aucune des hypothèses énumérées à l’alinéa 2 de l’article 6 précité, de sorte que l’obligation inscrite à l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité ne trouve pas d’application en l’espèce.

Etant donné qu’il n’existe en outre aucun autre texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une décision de prorogation d’une mesure de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé, le ministre n’était pas tenu de motiver spécialement la décision de prorogation, de sorte que le moyen fondé sur un défaut d’indication des motifs doit en tout état de cause être rejeté pour ne pas être fondé.

Par ailleurs, et en tout état de cause, la sanction de l’absence de motivation ne consiste pas dans l’annulation de l’acte visé, mais dans la suspension des délais de recours et celui-ci reste a priori valable, l’administration pouvant produire ou compléter les motifs postérieurement 4et même pour la première fois pendant la phase contentieuse1.

Ainsi, un acte n’est susceptible d’encourir l’annulation qu’au cas où la motivation le sous-tendant ne ressort d’aucun élément soumis au tribunal au moment où l’affaire est prise en délibéré, étant donné qu’une telle circonstance rend tout contrôle de la légalité des motifs impossible.

Or, en l’espèce, force est au tribunal de constater que la décision déférée indique la cause juridique, ainsi que les circonstances de fait à sa base, en se référant aux articles 111 et 120 à 123 de la loi du 29 août 2008 et en précisant l’existence d’un premier arrêté de placement du 20 juin 2017 – ainsi que d’un deuxième arrêté de placement du 18 juillet 2017 -, avec l’indication que les motifs s’étant trouvés à la base de ladite mesure de placement initiale subsistaient dans le chef de l’intéressé, que toutes les diligences en vue de son identification avaient été entreprises auprès des autorités compétentes mais que celles-ci n’avaient pas encore abouti, de sorte que le ministre a, à suffisance de droit, exposé les motifs sous-tendant la décision déférée et que partant le moyen relatif à un défaut de motivation laisse d’être fondé.

Quant au fond, il y a lieu de rappeler que l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée (…). Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) ». En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, « (…) La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise.

Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. (…) ».

Ainsi, l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour la durée maximale d’un 1 Cour adm. 20 octobre 2009, n° 25738C du rôle, Pas. adm. 2017, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 83 et les autres références y citées.

5mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

Il échet encore de rappeler qu’une mesure de rétention s’analyse en une mesure administrative privative de la liberté de mouvement de la personne concernée et qu’elle doit être limitée à la durée strictement nécessaire afin de permettre l’exécution d’une mesure d’éloignement. A cette fin, le ministre est dans l’obligation de faire entreprendre avec la diligence requise toutes les démarches nécessaires afin d’organiser cette mesure d’éloignement.

Il est vrai qu’en présence d’une personne démunie de documents de voyage valables, tel que cela est le cas en l’espèce, le ministre doit s’adresser aux autorités du pays d’origine afin de se faire délivrer des documents de voyage. La nécessité d’accomplir ces démarches supplémentaires entraîne forcément une extension du délai requis pour organiser la mesure d’éloignement et partant la durée admissible de la mesure de rétention.

En ce qui concerne les démarches entreprises en l’espèce par le ministre, le tribunal rappelle que, tant dans son jugement précité du 14 juillet 2017, inscrit sous le numéro 39831 du rôle, que dans son jugement du 4 août 2017 portant le numéro 39942 du rôle, il a retenu que les démarches entreprises dans chaque espèce par les autorités luxembourgeoises étaient suffisantes après avoir constaté que les services du ministère avaient contacté les autorités diplomatiques algériennes dès le 22 juin 2017, soit dès le jour-même de la libération du demandeur du Centre pénitentiaire et de son placement au Centre de rétention, et que celles-ci ont répondu par courrier du 29 juin 2017, réceptionné en date du 5 juillet 2017 par les autorités luxembourgeoises, en informant ces dernières que le processus d’identification du demandeur était en cours. Dans son jugement du 4 août 2017, le tribunal a encore constaté que, par la suite, en date du 14 juillet 2017, le ministre a relancé le Consulat de la République algérienne à Bruxelles, afin de le renseigner sur l’état d’avancement du dossier, que ledit consulat a répondu en date du 15 juillet 2017 en précisant que le dossier afférent était toujours en cours d’identification auprès des services algériens compétents et qu’en date du 31 juillet 2017, le ministre a, une nouvelle fois, relancé lesdites autorités consulaires quant à l’état d’avancement du dossier.

6Depuis la date du prononcé du jugement précité du 4 août 2017 portant le numéro 39942 du rôle, force est au tribunal de relever que les autorités luxembourgeoises ont adressé un rappel aux autorités consulaires algériennes en date du 14 août 2017 en vue de connaître l’état d’avancement de la procédure d’identification du demandeur, lesquelles ont répondu par courriers électroniques des 16 et 25 août 2017 que le dossier était toujours en cours d’identification auprès des services algériens compétents.

Au vu des diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, et des réponses des autorités consulaires algériennes, le tribunal est amené à retenir que les démarches entreprises, en l’espèce, par les autorités luxembourgeoises sont suffisantes étant donné que ces dernières sont tributaires des modalités afférentes au processus d’identification du demandeur telles que mises en place par les autorités consulaires étrangères, lesquelles font, par ailleurs, particulièrement preuve de correction dans le cadre de la présente collaboration diplomatique, de sorte que toutes les allégations du demandeur quant à l’inefficacité des démarches sont à rejeter pour être dénuées de pertinence, étant, par ailleurs, relevé que c’est à juste titre que le délégué du gouvernement fait valoir que le demandeur, qui n’a entrepris aucune démarche pour se procurer des documents d’identité et de voyage auprès de ses autorités nationales, est entièrement responsable de la situation dans laquelle il se trouve en l’absence de toute indication quant à son identité véritable. Il s’ensuit que l’organisation de l’éloignement est toujours en cours et est exécutée avec toute la diligence requise et qu’il existe par ailleurs une chance raisonnable que ledit éloignement puisse être mené à bien.

Au vu de ce qui précède, le moyen relatif à une prétendue absence de diligences du ministre en vue d’organiser l’éloignement rapide du demandeur, ainsi que celui tiré d’une prétendue impossibilité de procéder à son éloignement sont dès lors à rejeter pour ne pas être fondés.

S’agissant de l’argumentation du demandeur selon laquelle il aurait « mérité » « la faveur » d’une mesure moins coercitives que le placement en rétention, le tribunal relève que l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) [de la loi du 29 août 2008] (…).

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé 7par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125 (1) sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125 (1) pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité que si aucune des autres mesures moins coercitives n’entre en compte au vu des circonstances du cas particulier.

L’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008, prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, les trois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3), de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale d’un risque de fuite dans le chef de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes.2.

En l’espèce, le tribunal constate que le demandeur ne disposant ni de documents d’identité ni de voyage se trouve en situation irrégulière sur le territoire luxembourgeois, de sorte 2 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2017, V° Etrangers, n° 832 et les autres références y citées.

8qu’il existe une présomption de risque de fuite dans son chef. Etant donné qu’il n’a pas soumis au tribunal d’éléments de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite dans son chef, tel que retenu ci-avant. C’est, dès lors, à juste titre que le délégué du gouvernement soutient que lesdites mesures ne sont pas envisageables en l’espèce.

Il y a encore lui de retenir que l’argumentation du demandeur tenant à établir un parallèle entre la mesure de mise en liberté provisoire sous contrôle judiciaire dont il aurait pu bénéficier le 25 mai 2016 dans le cadre d’une affaire pénale en se présentant deux fois par mois au commissariat de proximité et le bénéfice de mesures moins coercitives en l’espèce, ne saurait être prise en considération en cause au motif que la finalité de l’article 94 du Code d’instruction criminelle sur pied duquel la mesure de mise en liberté provisoire sous contrôle judiciaire fut adoptée diffère manifestement de l’objectif poursuivi par l’article 125 (1) précité qui a pour objet d’éviter qu’un ressortissant de pays tiers en situation irrégulière n’en vienne à se soustraire à la décision de retour du ministre alors que ce dernier procède à son éloignement du territoire luxembourgeois en collaboration avec les autorités consulaires étrangères, étant encore rappelé qu’il appartient au demandeur, réputé encourir un risque de fuite, de rapporter la preuve de garanties de représentation suffisantes, ce que le demandeur omet de faire en l’espèce. C’est ainsi à juste titre que le délégué du gouvernement relève que la mesure de mise en liberté provisoire dont le demandeur a pu bénéficier s’est soldée par une nouvelle détention le 29 juillet 2016 suite à un mandat de dépôt pour vol. Il est partant manifeste que les deux dispositions précitées poursuivent des objectifs distincts et que le régime prévu par l’une d’entre elles ne saurait être applicable à l’autre. Finalement, il y a encore lieu de relever que la situation décrite par le demandeur remonte à une période éloignée de plus d’un an par rapport à la date à laquelle le tribunal est amené à se prononcer et qu’il n’est pas établi en l’espèce que le demandeur se maintiendrait comme il le prétend « au foyer pour demandeur d’asile », les circonstances tenant à sa situation personnelle ayant évolué depuis cette époque, notamment par le fait de son incarcération au Centre pénitentiaire pour une durée de 36 mois, dont 18 mois avec sursis et dont il ne fut libéré le 22 juin 2017 que pour être directement placé au Centre de rétention, de sorte que le tribunal n’est, à ce stade, pas en mesure d’apprécier, en l’absence de toute information pertinente fournie par le demandeur si ce dernier est autorisé à bénéficier d’un logement dans un foyer pour demandeur d’asile, l’adresse dudit foyer n’ayant, par ailleurs, pas été fournie par le demandeur. Le moyen tenant à l’octroi du bénéfice d’une mesure moins coercitive est ainsi à rejeter pour ne pas être fondé.

Il échet encore de constater que le placement en rétention d’un étranger en situation irrégulière, tel que le demandeur, en vue d’organiser son éloignement, constitue une privation de liberté autorisée par l’article 5, paragraphe (1) f) de la CEDH, le demandeur n’ayant soumis aucun élément au tribunal de nature à contredire ce constat.3 Il se dégage de l’ensemble de ces développements que la mesure litigieuse ne saurait être qualifiée ni de disproportionnée, ni d’erronée, ni d’arbitraire, tel que le demandeur le soutient à tort.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée. Il s’ensuit que le 3 voir trib. adm. 22 mars 1999, n° 11185 du rôle, Pas. adm. 2017, V° Droits de l’Homme et libertés fondamentales, n° 12 et les autres références y citées.

9recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Anne Gosset, premier juge, Daniel Weber, juge, Emina Softic, attaché de justice délégué, et lu à l’audience publique extraordinaire du 8 septembre 2017 à 11.00 heures par le premier juge, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Anne Gosset Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 8 septembre 2017 Le greffier du tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 40121
Date de la décision : 08/09/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2017-09-08;40121 ?

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