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08/09/2017 | LUXEMBOURG | N°40119

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 septembre 2017, 40119


Tribunal administratif N° 40119 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 août 2017 Chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 8 septembre 2017 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120. L.29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 40119 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 août 2017 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Lu

xembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Algérie), de nationalité algérienne, ac...

Tribunal administratif N° 40119 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 août 2017 Chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 8 septembre 2017 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120. L.29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 40119 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 août 2017 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Algérie), de nationalité algérienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l'Immigration et de l’Asile du 23 août 2017 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de sa notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 31 août 2017 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Shirley Freyermuth, en remplacement de Maître Ardavan Fatholahzadeh, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience du 6 septembre 2017.

Il ressort d’un rapport de la Police grand-ducale, Circonscription régionale Luxembourg, Centre d’Intervention Gare du 30 mai 2017 que Monsieur … fut appréhendé dans le hall de la gare de Luxembourg en raison d’un vol pour lequel il fut porté plainte. Il s’avéra à cette occasion que Monsieur … était dépourvu de document d’identité bien qu’affirmant être de nationalité algérienne et être sans domicile fixe. Sur base d’une expertise ordonnée par le Substitut du Procureur, il fut démontré que Monsieur … était âgé de plus de 19 ans.

En date du 30 mai 2017, le ministre prit un arrêté déclarant le séjour de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois irrégulier, lui ordonna de quitter le territoire sans délai à destination du pays dont il a la nationalité, l’Algérie, ou à destination du pays qui lui aura délivré un document 1de voyage en cours de validité, ou à destination d’un autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner et prononça une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans.

Par arrêté du même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question, afin de préparer l’exécution de la mesure d’éloignement. Cet arrêté, qui fut notifié à l’intéressé le 30 mai 2017, est fondé sur les considérations et motifs suivants :

« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le procès-verbal du 30 mai 2017 établi par la Police grand-ducale, CR Luxembourg-

CI Gare ;

Vu ma décision de retour du 30 mai 2017 ;

Attendu que l'intéressé est démuni de tout document de voyage valable ;

Attendu qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse légale au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; ».

Par arrêté du 27 juin 2017, notifié à l’intéressé le 30 juin 2017, le ministre prolongea ladite mesure de placement pour un mois supplémentaire.

Par arrêté du 27 juillet 2017, notifié à l’intéressé le 28 juillet 2017, le ministre prolongea ladite mesure de placement pour un mois supplémentaire.

Par arrêté du 23 août 2017, notifié à l’intéressé en date du 28 août 2017, le ministre prolongea la mesure de placement pour un mois supplémentaire, ledit arrêté étant fondé sur les considérations et motifs suivants :

« Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mes arrêtés des 30 mai, 27 juin et 27 juillet 2017, notifiés le 30 mai, le 30 juin et le 28 juillet 2017, décidant de soumettre l'intéressé à une mesure de placement ;

Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 30 mai 2017 subsistent dans le chef de l'intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l'identification de l'intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que ces démarches n'ont pas encore abouti ;

2Considérant qu'il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure de l'éloignement ; ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 août 2017, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 23 août 2017 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1), de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation.

Le recours en réformation ayant, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, Monsieur … fait valoir que faisant l’objet d’une mesure de placement au Centre de rétention depuis 3 mois, le ministre aurait violé le principe de proportionnalité entre le but poursuivi et les moyens utilisés pour l’atteindre en ce qu’il n’aurait pas pris toutes les mesures relevant de sa compétence pour écourter au maximum l’atteinte portée à sa liberté. Il dénonce ainsi l’absence de visibilité précise quant à son renvoi à destination de son pays d’origine.

Il reproche ensuite à l’autorité ministérielle de ne pas avoir effectué toutes les démarches nécessaires auprès des autorités algériennes.

Enfin, en s’emparant de l’article 15 (1) de la directive 2008/15 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier et de l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008, il fait valoir que « la légalité d’une mesure de rétention administrative devrait s’inscrire dans un contexte permettant d’établir l’existence d’un risque non négligeable de fuite apprécié à la lumière de la situation individuelle de l’étranger, ainsi que le caractère proportionné d’un placement en rétention basé sur ce premier critère et l’inexistence de mesures adéquates moins coercitives ».

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Quant au fond, il y a lieu de rappeler que l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée (…). Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) ». En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, « (…) La rétention ne peut être maintenue qu’aussi 3longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise.

Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. (…) ».

Ainsi, l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour la durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

Il échet encore de rappeler qu’une mesure de rétention s’analyse en une mesure administrative privative de la liberté de mouvement de la personne concernée et qu’elle doit être limitée à la durée strictement nécessaire afin de permettre l’exécution d’une mesure d’éloignement. A cette fin, le ministre est dans l’obligation de faire entreprendre avec la diligence requise toutes les démarches nécessaires afin d’organiser cette mesure d’éloignement.

Il est vrai qu’en présence d’une personne démunie de documents de voyage valables, tel que cela est le cas en l’espèce, le ministre doit s’adresser aux autorités du pays d’origine afin de 4se faire délivrer des documents de voyage. La nécessité d’accomplir ces démarches supplémentaires entraîne forcément une extension du délai requis pour organiser la mesure d’éloignement et partant la durée admissible de la mesure de rétention.

En ce qui concerne les démarches entreprises en l’espèce par le ministre, force est au tribunal de relever que les autorités luxembourgeoises ont, dès le lendemain du jour de la mesure initiale de placement au Centre de rétention, soit le 31 mai 2017, requis la Police grand-ducale de procéder à la prise d’empreintes digitales. Ensuite, elles ont requis le service de police judiciaire en date du 1er juin 2017 d’enquêter sur l’intéressé et de lui tenir rapport ainsi que de lui faire parvenir les résultats des recherches Eurodac et du CCPD quant à l’intéressé. Par courrier du 8 juin 2017, elles ont transmis aux autorités consulaires algériennes le jeu d’empreintes digitales du demandeur et les ont invitées à procéder à son identification. Par courrier du 14 juin 2017, les autorités consulaires algériennes informèrent les autorités luxembourgeoises que le dossier du demandeur était en cours d’identification. Par courrier du 27 juin 2017, les autorités luxembourgeoises relancèrent les autorités consulaires quant à l’état d’avancement du dossier, requête à laquelle les autorités consulaires algériennes répondirent par courrier électronique du 29 juin 2017 en indiquant que le dossier était toujours en cours d’identification auprès des services algériens compétents. Une nouvelle relance des autorités luxembourgeoises fut adressée par courrier du 12 juillet 2017 aux autorités consulaires algériennes, à laquelle il leur fut répondu par courrier électronique du même jour en précisant que le dossier était toujours en cours d’instruction auprès des services algériens compétents. Ce même rappel fut encore adressé par courrier des 28 juillet et 11 août 2017. Les autorités consulaires confirmèrent une fois encore par courrier électronique du 16 août 2017 que le dossier était toujours en cours d’instruction auprès des services algériens compétents. Une nouvelle relance fut encore adressée par courrier du 30 août 2017.

Au vu des diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, et des réponses des autorités consulaires algériennes, le tribunal est amené à retenir que les démarches entreprises, en l’espèce, par les autorités luxembourgeoises sont suffisantes étant donné que ces dernières sont tributaires des modalités afférentes au processus d’identification du demandeur telles que mises en place par les autorités consulaires étrangères, lesquelles font, par ailleurs, particulièrement preuve de correction dans le cadre de la présente collaboration diplomatique, de sorte que toutes les allégations du demandeur quant à l’inefficacité des démarches sont à rejeter pour être dénuées de pertinence, étant, par ailleurs, relevé que c’est à juste titre que le délégué du gouvernement fait valoir que le demandeur ne saurait critiquer l’état d’avancement du dossier dès lors que l’identification d’une personne dépourvue de documents d’identité sur la seule base des empreintes digitales requiert manifestement plus de temps que celle d’une personne dont l’identité est établie à l’exclusion de tout doute. Il s’ensuit que l’organisation de l’éloignement est toujours en cours et est exécutée avec toute la diligence requise et qu’il existe par ailleurs une chance raisonnable que ledit éloignement puisse être mené à bien de sorte que la mesure litigieuse ne saurait être qualifiée de « largement disproportionnée ».

Au vu de ce qui précède, le moyen relatif à une prétendue absence de diligences du ministre en vue d’organiser l’éloignement rapide du demandeur, ainsi que celui tiré d’une prétendue impossibilité de procéder à son éloignement sont dès lors à rejeter pour ne pas être fondés.

5 Enfin quant à l’octroi d’une éventuelle mesure moins coercitive à appliquer en l’espèce en lieu et place de la mesure de placement en rétention, c’est à juste titre que le délégué du gouvernement relève que le demandeur n’indique aucunement de quelle manière les dispositions qu’il invoque devraient être appliquées en l’espèce. Etant donné que le tribunal ne saurait suppléer à des moyens simplement suggérés, l’argumentation du demandeur est à rejeter pour ne pas être fondée.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée. Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Anne Gosset, premier juge, Daniel Weber, juge, Emina Softic, attaché de justice délégué, et lu à l’audience publique extraordinaire du 8 septembre 2017 à 11.00 heures par le premier juge, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Anne Gosset Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 8 septembre 2017 Le greffier du tribunal administratif 6


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 40119
Date de la décision : 08/09/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2017-09-08;40119 ?

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