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06/09/2017 | LUXEMBOURG | N°38214

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 septembre 2017, 38214


Tribunal administratif N° 38214 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 juillet 2016 2e chambre Audience publique de vacation du 6 septembre 2017 Recours formé par Monsieur … et consort, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes et contre un bulletin de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 38214 du rôle et déposée le 22 juillet 2016 au

greffe du tribunal administratif par Maître Gérard A. Turpel, avocat à la Cour, inscrit a...

Tribunal administratif N° 38214 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 juillet 2016 2e chambre Audience publique de vacation du 6 septembre 2017 Recours formé par Monsieur … et consort, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes et contre un bulletin de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 38214 du rôle et déposée le 22 juillet 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Gérard A. Turpel, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et de son épouse, Madame …, demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation, principalement, d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 3 mai 2016 portant rejet de leur réclamation introduite le 5 février 2016 à l’encontre du bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2011, émis le 4 novembre 2015 et, subsidiairement, dudit bulletin d’impôts ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 novembre 2016 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 2 décembre 2016 par Maître Gérard A. Turpel, au nom des demandeurs ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Gérard A. Turpel et Monsieur le délégué du gouvernement Éric Pralong en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 15 mai 2017 ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Gérard A.

Turpel et Monsieur le délégué du gouvernement Sandro Laruccia en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 juin 2017, à laquelle l’affaire avait été refixée pour continuation des débats.

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Le 24 décembre 2012, Monsieur … et son épouse, Madame …, ci-après désignés par « les consorts … », déposèrent auprès du bureau d’imposition Luxembourg Y de l’administration des Contributions directes leur déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2011.

Le 28 décembre 2012, ils introduisirent auprès du même bureau d’imposition une demande de transfert de la plus-value réalisée à l’occasion de la cession d’un immeuble sis à…, d’un montant de … euros, sans cependant indiquer sur le formulaire de demande afférent, daté au 18 décembre 2012, l’immeuble de remplacement sur lequel ils entendaient transférer ladite plus-value.

Par courrier de leur fiduciaire du 23 décembre 2013, ils firent introduire auprès du bureau d’imposition Luxembourg 2 de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », une demande d’« (…) extension (…) » de cette demande de transfert de plus-value.

Par courrier du 28 mai 2015, ladite fiduciaire soumit au bureau d’imposition « (…) les pièces de support par rapport aux coûts engagés (…) jusqu’au 31 décembre 2014 (…) dans le cadre de l’exhaussement de l’immeuble sis à …, pour lequel une demande de transfert de plus-

value [avait] été introduite en date du 18 décembre 2012 (…), ainsi qu’une extension de ladite demande en date du 23 décembre 2013 (…) ».

Par courrier du 2 octobre 2015, le bureau d’imposition informa les consorts … de son intention de s’écarter de la susdite déclaration d’impôts, notamment, sur le point suivant :

« (…) Revenus nets divers : Bénéfice de cession svt art 99ter … … et … Copropriété : …€. Un transfert de la plus-value n’est pas possible étant donné que l’immeuble sur lequel le transfert de la plus-value a été demandé ne correspond pas aux critères du règlement grand-ducal du 17 juin 1992 portant exécution de l’article 102, alinéa 8 de la loi du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu (…) », tout en les invitant à lui faire parvenir leurs objections éventuelles.

Le 4 novembre 2015, le bureau d’imposition émit à l’encontre des consorts … le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2011, aux termes duquel il fut procédé à l’imposition d’un revenu extraordinaire de … euros.

Par courrier de leur fiduciaire du 3 février 2016, réceptionné le 5 février 2016, les consorts … introduisirent auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-

après désigné par « le directeur », une réclamation à l’encontre dudit bulletin d’impôts.

Par décision du 3 mai 2016, le directeur rejeta cette réclamation en les termes suivants :

« (…) Vu la requête introduite le 5 février 2016 par le sieur Gérard Scheiwen de la « Fiduciaire Scheiwen Nickels et Associés s.à r.l. » au nom des époux, le sieur … et la dame …, demeurant à L-…, pour réclamer contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2011, émis en date du 4 novembre 2015 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu’elle est partant recevable ;

Considérant que les réclamants font grief au bureau d’imposition d’avoir refusé leur demande de transfert d’une plus-value réalisée en 2011 ;

2 Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens des réclamants, la loi d’impôt étant d’ordre public ; qu’à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-fondé ;

qu’en l’espèce la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;

Considérant qu’en date du 20 janvier 2011, les réclamants ont procédé à l’aliénation de leur part d’un terrain sis dans la commune de … plus précisément au lieu-dit « … » ; que ce terrain était détenu à raison de 50% par les réclamants ; que l’aliénation de leur quote-part a dégagé un bénéfice de cession au sens de l’article 99ter de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.) se chiffrant à … euros ; que cette plus-value n’est d’ailleurs pas contestée par la présente requête ;

Considérant qu’en date du 28 décembre 2012, les requérants ont demandé le transfert de la plus-value moyennant annexe y relative à la déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2011 ; qu’en date du 27 décembre 2013, les réclamants ont demandé une extension de la prédite demande du transfert de la plus-value ;

Considérant que l’immeuble destinataire du transfert, situé à …, est un immeuble ancien que les réclamants agrandissent à raison de deux étages ; que le prédit exhaussement « est réalisée sur une dalle existante » ;

Considérant qu’aux termes de l’article 102, alinéa 8 un règlement grand-ducal autorise le transfert, sous les conditions et modalités à fixer, des plus-values dégagées par application des articles 99bis et 99ter L.I.R. par la réalisation d’immeubles bâtis et non bâtis faisant partie du patrimoine privé du contribuable ainsi que des terrains agricoles et forestiers sur des catégories d’immeubles de remplacement destinés à des fins soit de logement soit d’exploitation agricole ou forestière à désigner par le même règlement ;

Considérant que le règlement grand-ducal du 17 juin 1992 portant exécution de l’article 102, alinéa 8 L.I.R., tel qu’en vigueur à l’époque, énumère les conditions et modalités réglant le transfert de plus-values ;

Considérant qu’en l’espèce, il s’agit bien d’une plus-value dégagée par application de l’article 99ter L.I.R. ; qu’au vœu de l’article 7 du règlement grand-ducal, les plus-values peuvent être transférées sur les immeubles suivants acquis ou constitués en remplacement et situés au Grand-Duché:

a) les terrains agricoles et forestiers investis dans une exploitation agricole et forestière ;

b) les immeubles bâtis investis dans une exploitation agricole et forestière ;

c) dans les limites prévues à l’article 5 n° 2, les terrains à bâtir sur lesquels un immeuble au sens de la lettre d) ci-dessous sera érigé dans les délais prévus à l’article 8 ;

d) les immeubles bâtis destinés exclusivement au logement locatif s’ils répondent aux conditions des alinéas 2 et 3 ;

3 Considérant que l’alinéa 2 de l’article 7 du prédit règlement prévoit que les immeubles acquis ou constitués en remploi doivent être des immeubles nouvellement construits ;

Considérant qu’en premier lieu, il y a lieu de relever qu’en l’espèce l’immeuble destinataire, sis à …, a été acquis par les réclamants en date du 19 août 2010, i.e. avant l’année d’imposition où la plus-value litigieuse a été réalisée ;

Considérant qu’en outre les immeubles de remplacement doivent être nouvellement construits, c’est-à-dire qu’il faut les acquérir à l’état neuf ou les faire construire ; que par « immeubles nouvellement construits ou acquis à l’état neuf », il y a lieu de comprendre les constructions dont la date d’achèvement se situe au plus tôt au cours de l’année d’imposition pendant laquelle la plus-value transférable est réalisée ; que la rénovation et la transformation d’immeubles ne sont donc pas des investissements sur lesquels une plus-value peut être transférée ;

Considérant, qu’en l’espèce, l’immeuble de remplacement ne constitue pas une nouvelle construction, mais une transformation fût-elle de grande envergure d’une maison existante, du fait que l’immeuble initial n’a pas été démoli, mais exhaussé de deux nouveaux étages ;

Considérant qu’il découle de ce qui précède, qu’en l’espèce, un transfert de la plus-

value ne peut être accordé en vertu des dispositions du règlement grand-ducal du 17 juin 1992 ; que c’est par une juste application de la loi que le bureau d’imposition a dès lors refusé le transfert de la plus-value ;

Considérant à titre superfétatoire, que la décision directoriale du 4 septembre 2014, n° C18205 du rôle, a déjà avisé les réclamants des conditions quant aux immeubles de remplacement dans le cadre d’un transfert d’une plus-value ;

Considérant que pour le surplus, l’imposition est conforme à la loi et aux faits de la cause et n’est d’ailleurs pas autrement contestée ; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 22 juillet 2016, les consorts … ont fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation, principalement, de la décision directoriale, précitée, du 3 mai 2016 et, subsidiairement, du bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2011.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégée « AO », et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre un bulletin d’impôts. Un recours en réformation a, dès lors, valablement pu être introduit à l’encontre de la susdite décision du directeur du 3 mai 2016, ledit recours étant, par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Il n’y a, dès lors, pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation introduit à l’encontre de ladite décision directoriale.

A l’audience publique des plaidoiries du 12 juin 2017, le tribunal a invité les parties à prendre oralement position quant à la recevabilité du recours, pour autant qu’il vise le bulletinde l’impôt sur le revenu pour l’année 2011, compte tenu du fait que la réclamation dirigée à l’encontre de celui-ci a été rejetée par la décision directoriale déférée du 3 mai 2016.

Tant le litismandataire des demandeurs que le délégué du gouvernement se sont rapportés à prudence de justice quant à cette question.

En vertu de l’article 8 (3) 3. de la loi du 7 novembre 1996, un bulletin d’impôt peut uniquement être directement déféré au tribunal administratif lorsqu’une réclamation au sens du paragraphe 228 AO ou une demande en application du paragraphe 131 AO a été introduite et qu’aucune décision directoriale définitive n’est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande. Par contre, lorsque le directeur a statué sur la réclamation par une décision définitive, le recours est irrecevable pour autant qu’introduit directement contre ledit bulletin.1 Dès lors, étant donné que dans sa décision, précitée, du 3 mai 2016, le directeur a statué sur la réclamation introduite par les consorts … à l’encontre du bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2011, le recours est à déclarer irrecevable, dans la mesure où il vise ce dernier bulletin d’impôts.

A l’appui de leur recours et après avoir exposé les faits et rétroactes gisant à la base de la décision directoriale déférée, les demandeurs soutiennent que ce serait à tort que le directeur a rejeté leur réclamation, au motif que l’immeuble de remplacement – qui consisterait, selon la partie étatique, en une maison de rapport sise à L-… –, d’une part, aurait été acquis antérieurement à l’année d’imposition au cours de laquelle la plus-value aurait été réalisée et, d’autre part, ne constituerait pas une nouvelle construction, mais une construction existante ayant fait l’objet d’une transformation.

Quant au premier de ces deux motifs de rejet de leur réclamation, les demandeurs font valoir que l’immeuble de remplacement ne serait pas ledit immeuble de rapport, mais son exhaussement sur deux étages sous la forme de deux unités entièrement neuves. Par ailleurs, l’article 8 du règlement grand-ducal du 17 juin 1992 portant exécution de l’article 102, alinéa 8 de la loi du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu (transfert des plus-values), ci-

après désigné par « le règlement grand-ducal du 17 juin 1992 », exclurait le transfert de plus-

value uniquement en cas de transfert anticipé à charge d’une année d’imposition antérieure à celle au cours de laquelle la plus-value aurait été réalisée, mais non pas dans le cas où l’immeuble de remplacement aurait simplement été acquis antérieurement à la réalisation de la plus-value. Or, en l’espèce, ils auraient sollicité, non pas un transfert anticipé à charge d’une année d’imposition antérieure, mais un transfert à l’année d’imposition au cours de laquelle la plus-value aurait été réalisée, en l’occurrence l’année 2011.

Quant au deuxième de ces deux motifs de rejet de leur réclamation, les demandeurs se prévalent de l’article 102 (8) de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après dénommée « LIR », ainsi que de l’article 7 du règlement grand-ducal du 17 juin 1992 et des travaux préparatoires afférents, pour en déduire que les immeubles de remplacement sur lesquels ils auraient demandé le transfert de plus-value, à savoir deux appartements nouvellement construits dans le cadre de l’exhaussement d’un ancien immeuble, constitueraient des immeubles nouvellement construits, au sens dudit article 7 du règlement grand-ducal du 17 juin 1992. A cet égard, ils font valoir que cet ancien immeuble, qui aurait 1 Trib. adm., 6 janvier 1999, n° 10357 et 10844 du rôle, confirmé par Cour adm., 14 octobre 1999, n° 11126C du rôle, Pas. adm. 2017, V° Impôts, n° 947 et les autres références y citées.été une maison de rapport à trois appartements, aurait fait l’objet d’un exhaussement, dans le cadre duquel deux niveaux d’habitation supplémentaires comprenant chacun un appartement construit à neuf auraient été ajoutés à l’immeuble existant. S’il est exact qu’à la même occasion, l’immeuble initial aurait été entièrement rénové, ils n’auraient demandé le transfert de plus-

value que sur les deux appartements supplémentaires nouvellement construits.

En conclusion, les demandeurs soutiennent que les conditions prévues aux articles 102 (8) LIR et 8 du règlement grand-ducal du 17 juin 1992 seraient remplies en l’espèce, de sorte que la décision directoriale déférée devrait encourir la réformation.

Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs contestent tant l’exactitude que la pertinence de l’affirmation du délégué du gouvernement selon laquelle l’exhaussement de l’immeuble sis à L-… aurait été réalisé sur une dalle existante, en faisant valoir que ledit exhaussement aurait pris appui sur les murs porteurs existants qui auraient, à leur tour, été exhaussés. La dalle existante aurait été recouverte successivement de bandes de bitume, d’un isolant, d’une sous-construction en plaques de bois et d’un parquet. En d’autres termes, les murs porteurs et la dalle existants auraient fait office de « (…) sol d’infrastructure (…) » dans le cadre de l’exhaussement.

Quant à l’argumentation du délégué du gouvernement selon laquelle l’immeuble de remplacement ne constituerait pas un immeuble nouvellement construit, mais une transformation d’une maison existante, compte tenu du fait que l’immeuble initial n’aurait pas été démoli, mais exhaussé de deux nouveaux étages, les consorts … font valoir que l’article 7 du règlement grand-ducal du 17 juin 1992 ne prévoirait pas que l’immeuble initial devrait être démoli pour pouvoir être considéré comme une nouvelle construction. En tout état de cause, en vue de réaliser ledit exhaussement, ils auraient dû procéder à une démolition partielle de l’immeuble initial, en en arrachant le toit et en supprimant les combles. Les demandeurs soulignent encore que les deux appartements supplémentaires auraient été construits entièrement à neuf, qu’à cette fin, ils auraient dû obtenir une autorisation de construire et que l’administration communale de la Ville de Luxembourg aurait subordonné la délivrance de celle-ci au paiement d’une taxe de compensation de deux fois 20.000 euros pour deux emplacements de stationnement manquants, de sorte à avoir reconnu qu’il s’agirait de la construction de deux nouveaux logements nécessitant, à ce titre, chacun, la création d’un emplacement de stationnement.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Le tribunal relève qu’il n’est pas contesté que la plus-value litigieuse tombe dans le champ d’application de l’article 99ter LIR, cité par le directeur dans la décision litigieuse et aux termes duquel « (1) Est imposable aux termes du présent article le revenu provenant de l’aliénation à titre onéreux, plus de deux ans après leur acquisition ou leur constitution, d’immeubles qui ne dépendent ni de l’actif net investi d’une entreprise ni de l’actif net servant à l’exercice d’une profession libérale. (…) ».

Le transfert d’une telle plus-value est régi par les dispositions de l’article 102 (8) LIR, énonçant qu’« Un règlement grand-ducal pris sur avis du Conseil d’État et de l’assentiment de la Commission de travail de la Chambre des députés autorise le transfert, sous les conditions et modalités à fixer, des plus-values dégagées par application des articles 99bis et 99ter par la réalisation d’immeubles bâtis et non bâtis faisant partie du patrimoine privé du contribuable ainsi que des terrains agricoles et forestiers sur des catégories d’immeubles de 6 remplacement destinés à des fins soit de logement soit d’exploitation agricole ou forestière à désigner par le même règlement. ».

Ledit article 102 (8) LIR renvoie, dès lors, à un règlement grand-ducal autorisant un tel transfert et en fixant les conditions et les modalités.

Le règlement grand-ducal pris en application de cette disposition légale est celui du 17 juin 1992, qui a été abrogé par le règlement grand-ducal du 13 juin 2014 abrogeant le règlement grand-ducal du 17 juin 1992 portant exécution de l’article 102, alinéa 8 de la loi du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu (transfert des plus-values) à partir de l’année d’imposition 2015 pour les plus-values réalisées après le 31 décembre 2014, de sorte à rester applicable au présent litige, relatif à l’année d’imposition 2011 et à une plus-value réalisée avant le 31 décembre 2014.

Aux termes de l’article 1 (1) dudit règlement grand-ducal, « Sur demande les plus-

values réalisées au Grand-Duché et dégagées par application des articles 99bis et 99ter de la loi concernant l’impôt sur le revenu peuvent être transférées par le contribuable sur un ou plusieurs immeubles de remplacement aux conditions déterminées aux articles ci-après. ».

Quant aux immeubles de remplacement éligibles, il y a lieu de se référer à l’article 7 du règlement grand-ducal du 17 juin 1992, libellé comme suit :

« (1) Les plus-values peuvent être transférées sur les immeubles suivants acquis ou constitués en remplacement et situés au Grand-Duché:

a) les terrains agricoles et forestiers investis dans une exploitation agricole ou forestière;

b) les immeubles bâtis investis dans une exploitation agricole et forestière;

c) dans les limites prévues à l’article 5, numéro 2, les terrains à bâtir sur lesquels un immeuble au sens de la lettre d) ci-dessous sera érigé dans les délais prévus à l’article 8;

d) les immeubles bâtis destinés exclusivement au logement locatif s’ils répondent aux conditions des alinéas 2 et 3.

(2) Les immeubles acquis ou constitués en remploi doivent être des immeubles nouvellement construits.

(3) Les immeubles doivent appartenir en pleine propriété ou en nue-propriété au contribuable qui doit être propriétaire tant du bâtiment que du terrain sur lequel il est construit. En cas de transfert sur un immeuble en copropriété indivise, les parts du copropriétaire dans le terrain et dans la construction doivent être du même pourcentage. ».

Il s’ensuit que l’immeuble de remplacement doit être un immeuble nouvellement construit.

Les parties sont en désaccord quant à la question de savoir si cette condition est remplie en l’espèce, étant rappelé que les demandeurs souhaitent transférer la plus-value litigieuse sur deux appartements créés dans le cadre de l’exhaussement d’un immeuble existant.

Par « immeubles nouvellement construits », il y a lieu de comprendre les constructions dont la date d’achèvement se situe au plus tôt au cours de l’année d’imposition pendant laquelle la plus-value transférable est réalisée.2 Les rénovations et les transformations d’immeubles existants ne répondent, dès lors, pas au critère d’immeubles nouvellement construits.3 Dans la mesure où l’exhaussement d’un immeuble existant équivaut à une transformation, certes importante, de cet immeuble, des unités de logement supplémentaires en résultant ne remplissent pas le critère d’immeubles nouvellement construits, au sens de l’article 7, précité, du règlement grand-ducal du 17 juin 1992, et ne sauraient, dès lors, servir d’immeubles de remplacement dans le cadre d’un transfert de plus-value.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que la partie étatique a refusé de faire droit à la demande de transfert de plus-value des consorts …, au motif que l’immeuble de remplacement ne constitue pas un immeuble nouvellement construit, au sens de l’article 7 du règlement grand-

ducal du 17 juin 1992.

Dans ces circonstances, le recours en réformation encourt le rejet, sans qu’il n’y ait lieu de statuer plus en avant.

Eu égard à l’issue du litige, la demande des consorts … tendant à l’obtention d’une indemnité de procédure de 2.000 euros est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

déclare irrecevable le recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation du bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2011 ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit à l’encontre de la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 3 mai 2016 ;

au fond, le dit non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation introduit à l’encontre de la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 3 mai 2016 ;

rejette la demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 2.000 euros, telle que formulée par les demandeurs ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

2 Projet de règlement grand-ducal n° 3578, commentaire des articles, p. 31.

3 P. Lauterborn, Régimes d’imposition des plus-values générées par la réalisation de biens du patrimoine privé, Etudes fiscales n° 116 à 119, novembre 1999, p. 132.

Françoise Eberhard, vice-président, Daniel Weber, juge, Michèle Stoffel, juge, et lu à l’audience publique de vacation du 6 septembre 2017 par le vice-président, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 6 septembre 2017 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 38214
Date de la décision : 06/09/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2017-09-06;38214 ?

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