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30/08/2017 | LUXEMBOURG | N°40101

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 30 août 2017, 40101


Tribunal administratif N° 40101 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 août 2017 chambre de vacation Audience publique de vacation du 30 août 2017 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120. L.29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 40101 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 août 2017 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au n

om de Monsieur …, né le … à … (Maroc), de nationalité marocaine, actuellement retenu ...

Tribunal administratif N° 40101 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 août 2017 chambre de vacation Audience publique de vacation du 30 août 2017 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120. L.29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 40101 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 août 2017 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Maroc), de nationalité marocaine, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 17 août 2017 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de sa notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 août 2017 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan Fatholahzadeh, et Madame le délégué du gouvernement Danitza Greffrath en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de vacation du 30 août 2017.

En date du 23 mai 2017, Monsieur … se rendit au service du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère ».

Suite aux déclarations de l’agent du ministère qui l’aurait informé de son séjour irrégulier au Luxembourg et de ses conséquences, le demandeur aurait acquiescé et n’aurait pas déposé de demande de protection internationale.

Une décision de retour, assortie d’une interdiction de territoire de trois ans, fut prise par le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé le « ministre », le même jour, cette décision qui lui fut notifiée à la même date étant motivée comme suit :

« (…) Vu les articles 100 et 109 à 115 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

1Attendu que l’intéressé n’est pas en possession d’un passeport en cours de validité ;

Attendu que l’intéressé n’est pas en possession d’un visa en cours de validité ;

Attendu que l’intéressé n’est ni en possession d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois ni d’une autorisation de travail ;

Que par conséquent il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé; (…) ».

Par arrêté du même jour notifié également le même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur … en rétention administrative au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question, afin de préparer l’exécution de la mesure d’éloignement, lequel est fondé sur les motifs et les considérations suivants :

« (…) Vu les articles 111, 120 à 123 et 125, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 23 mai 2017, assortie d’une interdiction de territoire de trois ans;

Attendu que l’intéressé est dépourvu de tout document d’identité et de voyage valable ;

Attendu que l’identité de l’intéressé n’est pas établie ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne saurait être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’identification et de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».

Par jugement du tribunal administratif du 16 juin 2017, portant le numéro 39705 du rôle, Monsieur … fut débouté de son recours contentieux introduit à l’encontre de l’arrêté ministériel, précité, du 23 mai 2017 ayant ordonné son placement en rétention.

Par arrêtés des 20 juin et 17 juillet 2017, notifiés respectivement les 22 juin et 21 juillet 2017, le ministre prorogea ladite mesure de placement en rétention, chaque fois pour une durée supplémentaire d’un mois à compter de la notification.

Par jugement du tribunal administratif du 4 août 2017, portant le numéro 39930 du rôle, Monsieur … fut débouté de son recours contentieux introduit à l’encontre de l’arrêté ministériel, précité, du 17 juillet 2017.

Par arrêté du 17 août 2017, notifié à l’intéressé le 21 août 2017, le ministre ordonna la prorogation du placement en rétention de Monsieur … pour une nouvelle durée d’un mois à compter de la notification, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et les considérations suivants :

« (…) Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

2Vu mes arrêtés des 23 mai, 20 juin et 17 juillet 2017, notifiés le 23 mai, le 22 juin et le 21 juillet 2017, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 23 mai 2017 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement ; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 août 2017, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 17 août 2017.

Etant donné que l’article 123 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation.

Le recours principal en réformation ayant, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Il n’y a par conséquent pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur rappelle tout d’abord les faits et rétroactes à la base de la décision ministérielle litigieuse, tels que relevés ci-avant, tout en insistant sur le fait qu’il serait en possession d’une carte d’identité marocaine et qu’il aurait remis à la partie étatique des copies de son passeport, de son acte de naissance et de ceux de ses enfants … et…, ainsi que de sa carte d’identité, le demandeur soulignant encore qu’il aurait collaboré avec les autorités luxembourgeoises aux fins de son retour dans son pays d’origine.

En droit, le demandeur invoque une violation du principe de proportionnalité, en vertu duquel il appartiendrait au ministre d’entreprendre toutes les mesures relevant de sa compétence pour écourter au maximum l’atteinte à sa liberté, ainsi que l’absence de perspectives raisonnables d’un éloignement vers son pays d’origine. A cet égard, il soutient qu’il se trouverait en rétention administrative depuis cinq mois, ce qui serait disproportionné, alors que le ministre serait resté en défaut de « (…) démontrer la moindre visibilité précise quant [à son] renvoi[…] à destination de son pays d’origine (…) ».

Dans le même ordre d’idées, il reproche au ministre de ne pas avoir accompli les diligences légalement requises afin de l’éloigner dans les plus brefs délais du territoire luxembourgeois, en rappelant, de manière générale, l’obligation incombant dans ce contexte au ministre.

Après avoir rappelé que le tribunal devrait apprécier la légalité de la mesure prise au jour de son jugement, et plus particulièrement au regard des diligences entreprises à cette date afin d’écourter au maximum la privation de liberté de l’intéressé, le demandeur déclare qu’au moment 3de la rédaction de la requête introductive d’instance, il lui aurait été impossible de connaître par avance l’étendue exacte des diligences entreprises par l’autorité luxembourgeoise auprès des autorités marocaines au jour de la prise en délibéré de l’affaire, de sorte qu’il se réserverait le droit de prendre position sur ce volet du recours dans le cadre d’un mémoire en réplique et cela au regard des diligences entreprises par la partie gouvernementale jusque-là.

Par ailleurs, après avoir cité les articles 120 et 125 (1) de la loi du 29 août 2008, ainsi que l’article 15 (1) de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ci-après désignée par « la directive 2008/115 », de même que le considérant n° 16 de ladite directive, le demandeur soutient que la légalité d’une mesure de rétention administrative devrait s’inscrire dans un contexte permettant d’établir l’existence d’un risque non négligeable de fuite apprécié à la lumière de la situation individuelle de l’étranger, ainsi que le caractère proportionné d’un placement en rétention basé sur ce premier critère et l’inexistence de mesures adéquates moins coercitives.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Aux termes de l’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 ou d’une demande de transit par voie aérienne en vertu de l’article 127 ou lorsque le maintien en zone d’attente dépasse la durée de quarante-huit heures prévue à l’article 119, l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) » et de l’article 120 (3) de la même loi : « (…) La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire (…) ».

L’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour la durée maximale d’un 4mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120 (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une décision de prorogation d’une mesure de placement en rétention est partant soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

Le tribunal relève qu’il est constant en cause que le demandeur est en situation irrégulière au Luxembourg, qu’il ne possède pas un visa en cours de validité, voire d’autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail et qu’il ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg.

Le tribunal relève ensuite que le demandeur ne remplit pas les conditions inscrites à l’article 34 (2) 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « [Le ressortissant de pays tiers] a le droit d’entrer sur le territoire et d’y séjourner pour une période allant jusqu’à trois mois sur une période de six mois, s’il remplit les conditions suivantes: 1. être en possession d’un passeport en cours de validité et d’un visa en cours de validité si celui-ci est requis (…) », étant donné qu’il ne dispose ni d’un passeport ni d’un visa en cours de validité, de sorte que l’existence, dans son chef, d’un risque de fuite est présumée, en vertu de l’article 111 (3) c) 1. de la même loi, aux termes duquel « (…) le risque de fuite est présumé (…) si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 (…) ». Cette conclusion n’est pas énervée par l’affirmation du demandeur selon laquelle il aurait remis une copie de son passeport aux autorités luxembourgeoises, étant donné qu’outre le fait qu’il ne s’agit que d’une copie d’un passeport, ce dernier a expiré le 16 mai 2016.

Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120 (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement, d’autant plus que le demandeur n’a pas soumis au tribunal des éléments de nature à renverser la présomption du risque de fuite qui existe dans son chef.

Pour autant qu’à travers sa citation de l’article 15 de la directive 2008/115, du considérant n° 16 de ladite directive et de l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008, le demandeur ait entendu se prévaloir des mesures moins coercitives prévues par cette dernière disposition légale, le tribunal relève que celle-ci prévoit ce qui suit : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) [de la loi du 29 août 2008].

On entend par mesures moins coercitives :

5 a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre.

Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125 (1) sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125 (1) pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité que si aucune des autres mesures moins coercitives n’entre en compte au vu des circonstances du cas particulier.

L’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008, prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, les trois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres 6à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111 (3), de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale d’un risque de fuite dans le chef de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes.1 Or, en l’espèce, si le demandeur affirme certes qu’il collaborerait avec les autorités luxembourgeoises en vue de son retour dans son pays d’origine, il ne soumet toutefois aucun élément concret au tribunal permettant de retenir que le ministre ait violé les dispositions de la loi en décidant de ne pas recourir à une mesure moins coercitive qu’un placement en rétention et, plus particulièrement, il ne fournit aucun élément susceptible de constituer des garanties de représentation effectives permettant de prévenir le risque de fuite qui est présumé dans son chef, en vertu de l’article 111 (3) c) de la loi du 29 août 2008, tel que cela a été retenu ci-avant, étant encore rappelé à cet égard qu’il n’est pas contesté en cause qu’il ne dispose pas d’adresse fixe au Luxembourg.

Il suit des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008 ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce.

S’agissant ensuite des diligences entreprises par le ministre, force est de constater que la requête introductive d’instance ne contient aucune contestation précise. Si le demandeur a développé un certain nombre de réflexions d’ordre général quant à l’obligation du ministre d’entreprendre des démarches avec la diligence requise afin que l’éloignement puisse être réalisé, ceci afin d’écourter la durée du placement en rétention, le demandeur s’est limité à se réserver le droit d’y prendre position dans le cadre d’un mémoire en réplique, sans qu’un tel mémoire n’ait cependant été déposé en l’espèce.

En tout état de cause, et en ce qui concerne les démarches entreprises par le ministre, le tribunal relève que dans son jugement, précité, du 4 août 2017, il a constaté (i) qu’en date du 23 mai 2017, le ministre avait contacté le Consulat Général du Royaume du Maroc à Liège en Belgique en vue de l’obtention d’un laissez-passer en faveur du demandeur, en y joignant deux photos d’identité, un jeu d’empreintes digitales, ainsi qu’une copie de sa carte d’identité, (ii) que cette demande avait été rappelée auxdites autorités consulaires par un courrier du ministre du 13 juin 2017, afin de connaître l’état d’avancement du dossier, (iii) que suivant une note au dossier, un contact téléphonique avait pu être établi entre le Consulat du Maroc et un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes en date du 20 juin 2017 dont il ressort que suivant les indications dudit consulat, la demande d’identification était toujours en cours, (iv) qu’il se dégage d’une pièce dudit ministère du 4 juillet 2017 qu’à la date en question, le Vice-Consul du Maroc à Liège avait retiré la carte nationale du demandeur auprès des autorités luxembourgeoises, et ce, « dans un état détérioré », (v) que suivant une note au dossier, à la date du même jour, le Consulat Général du Maroc à Liège avait informé les autorités luxembourgeoises que la demande d’identification était toujours en cours, (vi) qu’en date du 18 juillet 2017, le ministre avait encore une fois rappelé aux autorités marocaines sa demande en obtention d’un laissez-passer en faveur du demandeur et (vii) qu’en date du 28 juillet 2017, des documents supplémentaires avaient été remis par le ministre aux autorités marocaines dans le cadre de l’identification du demandeur et de 1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2017, V° Etrangers, n° 832 et les autres références y citées.

7l’organisation de son rapatriement. Dans le jugement en question, le tribunal a conclu que les démarches ainsi entreprises à l’époque par les autorités luxembourgeoises devaient être considérées comme étant suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008.

Quant aux démarches entreprises depuis lors, le tribunal constate que les autorités luxembourgeoises ont relancé leurs homologues marocains par courriers des 14 et 28 août 2017.

Au vu des démarches ainsi déployées concrètement par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, actuellement tributaire à cet égard de la collaboration des autorités marocaines, le tribunal est amené à retenir que l’organisation de l’éloignement du demandeur est toujours en cours, mais qu’elle n’a pas encore abouti, et que les démarches ainsi entreprises en l’espèce par les autorités luxembourgeoises doivent être considérées comme suffisantes, de sorte qu’il y a lieu de conclure que l’organisation de l’éloignement en cours est exécutée avec toute la diligence requise et que, dès lors, les contestations afférentes du demandeur encourent le rejet.

Par ailleurs, le tribunal retient qu’à défaut d’autres éléments, dont il se dégagerait que les démarches ainsi accomplies par le ministre seraient vouées à l’échec, le simple fait que l’identification du demandeur n’ait pas encore abouti et qu’un laissez-passer n’ait pas encore pu être délivré ne permet pas de conclure qu’il n’existerait pas de chances raisonnables de croire que son éloignement puisse être mené à bien, de sorte que le moyen afférent de Monsieur … est également à rejeter, étant encore précisé, dans ce contexte, qu’il ne saurait être conclu du seul fait que les autorités marocaines se sont, jusqu’à présent, contentées d’informer les autorités luxembourgeoises du fait que l’identification du demandeur était en cours qu’elles refuseraient par principe de collaborer avec l’autorité ministérielle luxembourgeoise.

Dans ces circonstances, le tribunal retient que contrairement à ce que soutient le demandeur, il ne saurait valablement être reproché au ministre d’avoir violé le principe de proportionnalité par la prorogation de la mesure de placement en rétention litigieuse.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent et en l’absence d’autres moyens, le recours en réformation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

8Françoise Eberhard, vice-président, Daniel Weber, juge, Michèle Stoffel, juge, et lu à l’audience publique de vacation du 30 août 2017 par le vice-président, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 30/08/2017 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 40101
Date de la décision : 30/08/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2017-08-30;40101 ?

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