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23/08/2017 | LUXEMBOURG | N°39827

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 août 2017, 39827


Tribunal administratif N° 39827 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 juillet 2017 Chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 23 août 2017 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (3), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 39827 du rôle et déposée le 5 juillet 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Radia Doukhi

, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mo...

Tribunal administratif N° 39827 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 juillet 2017 Chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 23 août 2017 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (3), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 39827 du rôle et déposée le 5 juillet 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Radia Doukhi, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Algérie) et être de nationalité algérienne, affirmant résider à L-… et élire domicile en l’étude de son litismandataire, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 16 juin 2017 par laquelle il a pris la décision de le transférer vers l’Allemagne, l’Etat membre responsable pour traiter sa demande de protection internationale ;

Vu l’ordonnance présidentielle du 12 juillet 2017, inscrite sous le numéro 39828 du rôle ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 août 2017 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Linda Maniewski en sa plaidoirie à l’audience publique du 23 août 2017.

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Le 24 avril 2017, Monsieur … introduisit auprès des autorités luxembourgeoises une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg. Il s’avéra à cette occasion, suite à la comparaison des empreintes digitales de l’intéressé avec la base de données EURODAC, que ses empreintes digitales avaient précédemment été enregistrées en Suisse, en Suède, en Norvège, en Finlande, en Allemagne et aux Pays-Bas, le demandeur s’y étant manifesté sous les identités de …, né le … à …, de nationalité algérienne, alias …, né le … à …, de nationalité algérienne, alias …, né le … à …, de nationalité algérienne, alias …, né le …, de nationalité algérienne, alias …, né le …, de nationalité algérienne, alias …, ainsi que alias …, né le … à …, de nationalité algérienne.

Le même jour, Monsieur … passa encore un entretien auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dénommé ci-après « le règlement Dublin III ».

Après avoir infructueusement contacté les autorités suisses et néerlandaises, les autorités luxembourgeoises contactèrent en date du 2 juin 2017 les autorités allemandes en vue de la prise, respectivement de la reprise en charge de Monsieur …, sur base de la considération que suivant les indications se dégageant de la banque de données EURODAC, l’intéressé aurait précédemment, à savoir le 4 avril 2014, introduit une demande de protection internationale en Allemagne. Cette demande de prise, respectivement de reprise en charge fut explicitement acceptée par les autorités allemandes le 9 juin 2017.

Par décision du 16 juin 2017, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé expédié le 19 juin 2017, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », sur base de la considération qu’en date du 4 avril 2014, Monsieur … avait déposé une demande de protection internationale en Allemagne et que les autorités allemandes ont accepté de reprendre en charge l’examen de celle-ci, l’informa de sa décision de le transférer dans les meilleurs délais vers l’Allemagne sur base de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 18, paragraphe (1), b) du règlement Dublin III.

Par arrêté du 19 juin 2017, lui notifié le 26 juin 2017, le ministre assigna le demandeur à résidence en application des articles 22, paragraphe (2), point d) et 22, paragraphe (3), point a), b) et c) de la loi du 18 décembre 2015 précitée.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 juillet 2017, inscrite sous le numéro 39827 du rôle, Monsieur … a introduit un recours en annulation contre la décision ministérielle précitée du 16 juin 2017. Par requête séparée déposée en date du même jour, inscrite sous le numéro 39828 du rôle, il a encore introduit une demande en institution d’une mesure provisoire tendant, en substance, à voir surseoir à l’exécution de son transfert vers l’Allemagne et à se voir autoriser à séjourner provisoirement au Luxembourg jusqu’au jour où le tribunal administratif aura statué sur le mérite de son recours au fond, cette demande ayant été rejetée comme n’étant pas fondée par une ordonnance présidentielle du 12 juillet 2017.

Etant donné qu’aucune disposition légale ne prévoit de recours au fond en la présente matière, l’article 35, paragraphe (3), de la loi du 18 décembre 2015 prévoyant expressément un recours en annulation contre la décision de transfert visée à l’article 28, paragraphe (1), de la même loi, un recours en annulation a valablement pu être introduit.

Le délégué du gouvernement conclut in limine litis à l’irrecevabilité du recours pour défaut d’indication d’une adresse valable du demandeur, ce dernier ayant disparu depuis le 4 juillet 2017.

L’article 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives exige que la requête introductive d’instance contient notamment les « noms, prénoms et domicile du requérant ».

Or, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 29 de la loi du 21 juin 1999 précitée « l’inobservation des règles de procédure n’entraîne l’irrecevabilité de la demande que si elle a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense », l’intention du législateur formulée par l’auteur de la proposition de loi numéro 4326, ayant abouti à la loi du 21 juin 1999 ayant été exprimée en ce sens que la disposition devenue l’article 29, qualifiée « d’importante », « constitue le reflet de l’article 173, alinéa 2 du code de procédure civile. Sa formulation s’entend plus large que celle du code de procédure civile, qui a conduit à des résultats très insatisfaisants en jurisprudence judiciaire, même après la réforme du texte en question par une loi du 7 février 1974. Les juges ne s’abstiendront de prononcer l’irrecevabilité des demandes que si l’omission ou l’irrégularité a effectivement porté atteinte aux droits de la défense. Sont visées, d’une manière générale, les irrégularités affectant la rédaction des mémoires, même des irrégularités qualifiées par les juridictions judiciaires comme étant des nullités de fond, comme les indications erronées ou lacuneuses concernant p. ex. les organes représentant des personnes morales. En tout cas la notion de nullité de fond est à interpréter très restrictivement et ne doit entrer en ligne de compte que s’il y a lésion des droits de la défense. Le non-respect des délais prévus pour l’échange des mémoires et les délais pour exercer les voies de recours, emportant déchéance, est bien entendu excepté. Par ailleurs, l’absence de sanction d’un tel non-respect porterait atteinte aux droits - acquis à ce moment - de la partie adverse1».

Cette position a encore été corroborée par le Conseil d’Etat dans son avis retenant qu’il « ne saurait que soutenir toute initiative tendant à proscrire dans la mesure du possible le recours à des moyens de procédure pour rejeter des prétentions de justiciables. Il ne faut en effet pas perdre de vue que cette approche procédurière à outrance a pour résultat l’incompréhension des justiciables (…). Le Conseil d’Etat rend toutefois attentif au fait qu’il s’agit en l’espèce également d’une question d’approche des magistrats à l’égard de ces problèmes. Le problème, dit de la violation des principes de l’organisation judiciaire (ou administrative), des nullités de fond, irrecevabilités de fond, des fins de non-recevoir et des forclusions, restera entier tant qu’aucun texte n’interdira aux juridictions de prononcer une nullité, irrecevabilité ou forclusion, sauf si un texte déterminé le prévoit expressément2».

L’article 29 sous revue emporte dès lors pour la juridiction saisie une analyse consistant à examiner, au-delà du caractère vérifié d’une inobservation alléguée d’une règle de procédure, si celle-ci a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense ;

en l’absence de pareille atteinte, l’inobservation de la règle de procédure, quelle qu’en soit par ailleurs la qualification, ne saurait entraîner l’irrecevabilité de la demande, étant donné que ce n’est que dans l’hypothèse où l’inobservation vérifiée d’une règle de procédure a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense qu’une analyse supplémentaire s’impose à la juridiction saisie pour déterminer dans ce cas de figure précis dans quelle mesure cette inobservation doit entraîner l’irrecevabilité de la demande3.

En l’occurrence, devant le fait avéré que la partie publique a pu assurer sa défense de façon valable et complète, l’inobservation de la règle de procédure invoquée plus 1 Doc. parl. 4326, commentaire des articles, ad. article 26 (devenu l’article 29 de la loi) p.19.

2 Doc. parl. 4326², avis du Conseil d’Etat p.7.

3 Cour adm., 14 juillet 2009, n° 25414C, disponible sous www.jurad.etat.lu.

particulièrement au niveau de l’indication du domicile réel et matériel du demandeur, n’a pu entraîner une quelconque irrecevabilité de la demande ; il convient dès lors de déclarer le recours recevable de ce point de vue, les éventuels problèmes matériels d’exécution de la décision n’étant pas de nature à affecter la recevabilité du recours.

Dès lors, à défaut de tout autre moyen d’irrecevabilité circonstancié, le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, Monsieur …, tout en admettant être arrivé en Allemagne au cours du mois d’avril 2014 et y avoir introduit une demande tendant à la reconnaissance d’un statut de protection internationale, soutient que cette demande n’aurait « jamais été examinée par les autorités allemandes compétentes », de sorte qu’afin d’éviter un retour vers son pays d’origine, à savoir l’Algérie, où il risquerait de faire l’objet de mauvais traitements, il se serait vu contraint de quitter l’Allemagne pour s’installer au Grand-Duché de Luxembourg en date du 24 avril 2017.

En droit, le demandeur déclare craindre une violation de l’article 54, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, ainsi que de l’article 33 de la Convention relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951, dénommée ci-après la «Convention de Genève», estimant que son transfert vers l’Allemagne, en application du règlement Dublin III, ne respecterait pas le principe de non-refoulement, tel que consacré par lesdites dispositions de droit national et de droit international et reprises par l’article 19, paragraphe (2) de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Il estime, dans ce contexte, que toutes les mesures n’auraient pas été prises afin d’éviter qu’il ne soit exposé à un traitement contraire à l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, dénommée ci-après la «CEDH», en reprochant aux autorités luxembourgeoises de ne pas avoir évalué les risques réels encourus par lui dans le cadre de son transfert vers l’Allemagne.

En effet, il aurait appartenu au ministre de rechercher si l’Allemagne a pris toutes les garanties nécessaires afin d’éviter qu’il ne soit soumis à un traitement contraire à l’article 3 CEDH. Enfin, il déclare ne pas tomber sous le champ d’application de l’article 54, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, en ce qu’il ne constituerait pas une menace pour la sécurité publique au Luxembourg et qu’il n’aurait pas été condamné en dernier ressort pour un crime particulièrement grave, de sorte à ne pas constituer une menace pour la société luxembourgeoise.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Aux termes de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015: « Si, en application du règlement (UE) n°604/2013, le ministre estime qu’un autre Etat membre est responsable de l’examen de la demande, il sursoit à statuer sur la demande jusqu’à la décision du pays responsable sur la requête de prise ou de reprise en charge. Lorsque l’Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge du demandeur, le ministre notifie à la personne concernée la décision de la transférer vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner sa demande de protection internationale ».

Il s’ensuit que si, en vertu du règlement Dublin III, un autre pays est responsable de l’examen de la demande de protection internationale et si ce pays accepte la reprise en charge de l’intéressé, le ministre décide, d’un côté, de transférer la personne concernée vers l’Etat membre responsable et, de l’autre côté, de ne pas examiner sa demande de protection internationale introduite au Luxembourg.

Aux termes de l’article 18, paragraphe (1) du règlement Dublin III sur lequel le ministre s’est basé pour conclure à la responsabilité des autorités allemandes pour procéder à l’examen de la demande de protection internationale de Monsieur … : « L’Etat membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de: (…) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d’examen et qui a présenté une demande auprès d’un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre État membre (…) » Le tribunal constate de prime abord qu’en l’espèce, la décision ministérielle déférée est motivée, d’une part, par le fait que le demandeur a déposé le 4 avril 2014 une demande de protection internationale en Allemagne et, d’autre part, par le fait que les autorités allemandes ont accepté de reprendre en charge le demandeur, ce qui n’est pas contesté par celui-ci, de sorte que c’est a priori à bon droit que le ministre a décidé de transférer le demandeur vers l’Allemagne et de ne pas examiner sa demande de protection internationale.

Force est ensuite de constater que le demandeur ne conteste pas la compétence de principe de l’Allemagne, respectivement l’incompétence de principe de l’Etat luxembourgeois.

Il ne fait pas non plus valoir l’existence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs en Allemagne, mais il estime, en substance, qu’une éventuelle expulsion vers l’Algérie par les autorités allemandes serait contraire à l’article 3 de la CEDH en vertu duquel « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants », voire à l’article 33 de la Convention de Genève.

Or, le tribunal est d’abord amené à relever que les possibilités légales pour le ministre de ne pas procéder au transfert d’un demandeur de protection internationale et d’examiner sa demande sont prévues par l’article 3, paragraphe (2), 2e alinéa du règlement Dublin III, lequel présuppose l’existence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ainsi que par l’article 17 du même règlement, lequel prévoit les clauses discrétionnaires.

Il y a encore lieu de rappeler que le système européen commun d’asile a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l’ensemble des Etats y participant qu’ils soient Etats membres ou Etats tiers, respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, ainsi que dans la CEDH, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard4. C’est précisément en raison de ce principe de confiance mutuelle que le législateur de l’Union a adopté le règlement Dublin III en vue de rationaliser le traitement des demandes d’asile et d’éviter l’engorgement du système par l’obligation, pour les autorités des Etats, de traiter des demandes multiples introduites par un même demandeur, d’accroître la sécurité juridique en ce qui concerne la détermination de l’Etat responsable du traitement de la demande d’asile et ainsi d’éviter le « forum shopping » l’ensemble ayant pour objectif principal d’accélérer le traitement des demandes tant dans l’intérêt des demandeurs d’asile que des Etats 4 CJUE, 21 décembre 2011, affaires jointes C-411/10 et C-493/10 N.S.contre le Secretary of State for the Home Department et M.E. et autres contre Refugee Applications Commissioner et Ministry of Justice, Equality and Law Reform, point 78.

participants56. Dès lors, comme ce système européen commun d’asile repose sur la présomption - réfragable - que l’ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard, il appartient au demandeur de rapporter la preuve matérielle de défaillances avérées7.

En l’espèce, force est tout d’abord de constater que le ministre n’a pas décidé de refouler le demandeur vers l’Algérie où ce dernier redoute de subir des traitements inhumains et dégradants de la part des autorités algériennes, mais de le transférer en Allemagne, suite à l’accord de reprise en charge des autorités allemandes. Il s’ensuit que le ministre n’avait en tout état de cause pas à prendre en compte les risques de traitements inhumains ou dégradants encourus, le cas échéant, par le demandeur au sens de l’article 3 CEDH en cas de retour en Algérie. Une violation de l’article 54, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 ne saurait pas non plus être reprochée au ministre, étant donné que celui-ci n’a pas décidé de refouler le demandeur vers l’Algérie, tel que cela a été relevé ci-avant.

En ce qui concerne plus particulièrement le transfert prévu en Allemagne, il y a lieu de constater que le demandeur, mise à part l’affirmation que sa demande de protection internationale n’aurait pas été examinée par les autorités allemandes compétentes, affirmation contredite par le fait que l’Allemagne a accepté de le reprendre en charge sur base de l’article 18, paragraphe 1), point b) du règlement Dublin III, disposition qui s’applique au demandeur de protection internationale dont la demande est toujours en cours d’examen dans un Etat membre, ne fait pas état de la moindre défaillance de la procédure d’asile ou des conditions d’accueil des demandeurs d’asile en Allemagne, le demandeur n’invoquant, en effet, pas que sa demande d’asile aurait été traitée de manière inadéquate par les autorités allemandes ni ne se plaignant des conditions d’accueil dans ce pays. Les seules craintes mises en avant par le demandeur ont, en effet, trait aux éventuels traitements inhumains ou dégradants qu’il risquerait de subir en cas d’éloignement par les autorités allemandes vers l’Algérie. Il s’ensuit que le demandeur reste en défaut d’établir, voire seulement d’alléguer, concrètement l’existence en Allemagne de défaillances systémiques de la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs d’asile, et plus spécifiquement le non-respect par les autorités allemandes de l’obligation de non-refoulement, respectivement le défaut de possibilité de recours contre une décision des autorités allemandes qu’il estimerait contraire à ce principe.

Il y a encore lieu de relever que le transfert du demandeur vers l’Allemagne ne constitue que l’exécution matérielle de la décision d’incompétence du ministre et de la décision de compétence des autorités allemandes. Force est encore de constater que l’Allemagne fait partie des Etats signataires de la Convention de Genève. Il s’ensuit que la défense d’expulsion et de refoulement telle qu’ancrée à l’article 33 de ladite convention s’impose, en principe, également en Allemagne. Ainsi, le tribunal est amené à retenir que, par analogie à l’article 30 de la loi du 18 décembre 2015, l’Allemagne peut être considérée comme « pays sûr », dans la mesure où, en tant que signataire de la Convention de Genève, elle doit observer les droits et libertés prévus par la CEDH, le Pacte international des droits civils et politiques, respectivement la Convention des Nations Unies contre la torture et autres 5 ibidem, point. 79.

6 trib. adm., 26 février 2014, n° 33956 du rôle, trib. adm., 17 mars 2014, n° 34054 du rôle, ainsi que trib. adm., 2 avril 2014, n° 34133 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Etrangers, n° 872 et les autre références y citées.

7 Voir aussi Verwaltungsgerichtshof Baden-Württemberg, 8 janvier 2015, n° A11 S 858/14.

peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. De même, elle doit assurer un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés, de sorte que le demandeur doit en principe être en mesure de faire valoir ses droits de façon efficiente en Allemagne. Il ne ressort pas non plus des éléments d’information fournis par le demandeur qu’il existe un risque réel que l’Allemagne l’y expulserait, si sa vie et sa liberté étaient menacées en cas d’éloignement vers l’Algérie, et ce, en violation de l’article 3 CEDH. Il s’ensuit que le ministre a valablement pu partir du principe, non énervé en l’espèce, que l’Allemagne veillera à ce que le demandeur ne soit pas exposé à des traitements contraires à l’article 3 CEDH.

Au vu des considérations qui précèdent, et à défaut d’autre moyen, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, déclare le recours non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 23 août 2017 à 16 heures par :

Alexandra Castegnaro, premier juge, Olivier Poos, premier juge, Michèle Stoffel, juge, en présence du greffier Michèle Hoffmann.

s. Michèle Hoffmann s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 23/8/2017 Le Greffier du Tribunal administratif 7


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 39827
Date de la décision : 23/08/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2017-08-23;39827 ?

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