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23/08/2017 | LUXEMBOURG | N°39808

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 août 2017, 39808


Tribunal administratif N° 39808 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 juin 2017 Chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 23 août 2017 Recours formé par Monsieur …et consorts, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (3), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 39808 du rôle et déposée le 30 juin 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Faisal

Quraishi, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au n...

Tribunal administratif N° 39808 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 juin 2017 Chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 23 août 2017 Recours formé par Monsieur …et consorts, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (3), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 39808 du rôle et déposée le 30 juin 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Faisal Quraishi, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Serbie) et de Madame …, née le … à … (Serbie), agissant en leurs noms personnels, ainsi qu’en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs …, né le … à …, …, né le … à …, …, née le … à …, …, née le … à …, …, née le … à … et …, née le … à … (France), tous de nationalité serbe, déclarant résider à L… et élire domicile en l’étude de leur litismandataire, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 16 juin 2017 par laquelle il a pris la décision de les transférer vers la France, l’Etat membre responsable pour traiter leur demande de protection internationale ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 août 2017 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Linda Maniewski en sa plaidoirie à l’audience publique du 23 août 2017.

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Le 12 mai 2017, Monsieur …et Madame …, accompagnés de leurs enfants mineurs …, …, …, …, … et …, ci-après désignés par « les consorts …», introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les consorts …furent entendus le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur leurs identités et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg. Il s’avéra à cette occasion, suite à la comparaison des empreintes digitales des intéressés avec la base de données EURODAC, que ces empreintes digitales avaient précédemment été enregistrées en Allemagne et en France.

Le 12 mai 2017, Monsieur …et Madame … furent également entendus séparément par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de leur demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-

après désigné par « le règlement Dublin III ».

Sur base du résultat de la recherche effectuée dans la base de données EURODAC, les autorités luxembourgeoises contactèrent les autorités françaises le 19 mai 2017 en vue de la reprise en charge des consorts ….

Le 1er juin 2017, les autorités françaises acceptèrent la reprise en charge des consorts ….

Par décision du 16 juin 2017, notifiée aux intéressés par courrier recommandé expédié le 19 juin 2017, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », sur base de la considération qu’en date du 10 novembre 2015, les consorts … avaient déposé une demande de protection internationale en France et que les autorités françaises ont accepté de reprendre en charge l’examen de celle-ci, les informa de sa décision de les transférer dans les meilleurs délais vers la France sur base de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 18, paragraphe (1), d) du règlement Dublin III.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 30 juin 2017, les consorts …ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 16 juin 2017.

Aucune disposition légale ne prévoit de recours au fond en la présente matière, de sorte que seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision ministérielle précitée du 16 juin 2017.

Le délégué du gouvernement conclut in limine litis à l’irrecevabilité du recours au motif que les consorts …auraient disparu sans laisser d’adresse depuis le 1er juillet 2017, ce qui, au-delà la question du respect des droits de la défense de la partie étatique, poserait un obstacle à l’exécution de la décision de transfert, soit à l’exécution du jugement à intervenir et ceci au vu des délais inscrits au règlement Dublin III. Par ailleurs, la disparition des demandeurs témoignerait de leur manque d’intérêt quant à l’issue de leur procès.

L’article 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives exige que la requête introductive d’instance contienne notamment les « noms, prénoms et domicile du requérant ».

Or, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 29 de la loi du 21 juin 1999 précitée « l’inobservation des règles de procédure n’entraîne l’irrecevabilité de la demande que si elle a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense », l’intention du législateur formulée par l’auteur de la proposition de loi numéro 4326, ayant abouti à la loi du 21 juin 1999 ayant été exprimée en ce sens que la disposition devenue l’article 29, qualifiée « d’importante », « constitue le reflet de l’article 173, alinéa 2 du code de procédure civile. Sa formulation s’entend plus large que celle du code de procédure civile, qui a conduit à des résultats très insatisfaisants en jurisprudence judiciaire, même après la réforme du texte en question par une loi du 7 février 1974. Les juges ne s’abstiendront de prononcer l’irrecevabilité des demandes que si l’omission ou l’irrégularité a effectivement porté atteinte aux droits de la défense. Sont visées, d’une manière générale, les irrégularités affectant la rédaction des mémoires, même des irrégularités qualifiées par les juridictions judiciaires comme étant des nullités de fond, comme les indications erronées ou lacuneuses concernant p. ex. les organes représentant des personnes morales. En tout cas la notion de nullité de fond est à interpréter très restrictivement et ne doit entrer en ligne de compte que s’il y a lésion des droits de la défense. Le non-respect des délais prévus pour l’échange des mémoires et les délais pour exercer les voies de recours, emportant déchéance, est bien entendu excepté. Par ailleurs, l’absence de sanction d’un tel non-respect porterait atteinte aux droits - acquis à ce moment - de la partie adverse1».

Cette position a encore été corroborée par le Conseil d’Etat dans son avis retenant qu’il « ne saurait que soutenir toute initiative tendant à proscrire dans la mesure du possible le recours à des moyens de procédure pour rejeter des prétentions de justiciables. Il ne faut en effet pas perdre de vue que cette approche procédurière à outrance a pour résultat l’incompréhension des justiciables (…). Le Conseil d’Etat rend toutefois attentif au fait qu’il s’agit en l’espèce également d’une question d’approche des magistrats à l’égard de ces problèmes. Le problème, dit de la violation des principes de l’organisation judiciaire (ou administrative), des nullités de fond, irrecevabilités de fond, des fins de non-recevoir et des forclusions, restera entier tant qu’aucun texte n’interdira aux juridictions de prononcer une nullité, irrecevabilité ou forclusion, sauf si un texte déterminé le prévoit expressément2».

L’article 29 sous revue emporte dès lors pour la juridiction saisie une analyse consistant à examiner, au-delà du caractère vérifié d’une inobservation alléguée d’une règle de procédure, si celle-ci a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense ;

en l’absence de pareille atteinte, l’inobservation de la règle de procédure, quelle qu’en soit par ailleurs la qualification, ne saurait entraîner l’irrecevabilité de la demande, étant donné que ce n’est que dans l’hypothèse où l’inobservation vérifiée d’une règle de procédure a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense qu’une analyse supplémentaire s’impose à la juridiction saisie pour déterminer dans ce cas de figure précis dans quelle mesure cette inobservation doit entraîner l’irrecevabilité de la demande3.

En l’occurrence, devant le fait avéré que la partie publique a pu assurer sa défense de façon valable et complète, l’inobservation de la règle de procédure invoquée plus particulièrement au niveau de l’indication du domicile réel et matériel des consorts … n’a pu entraîner une quelconque irrecevabilité de la demande ; il convient dès lors de déclarer le recours recevable de ce point de vue, les éventuels problèmes matériels d’exécution de la décision n’étant pas de nature à affecter la recevabilité du recours.

Dès lors, à défaut de tout autre moyen d’irrecevabilité circonstancié, le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours et en fait, les consorts …donnent à considérer qu’ils auraient déposé une demande de protection internationale en France en date du 10 novembre 2015 qui aurait été rejetée par les autorités françaises sans qu’elles ne l’aient analysée correctement. Ils 1 Doc. parl. 4326, commentaire des articles, ad. article 26 (devenu l’article 29 de la loi) p.19.

2 Doc. parl. 4326², avis du Conseil d’Etat p.7.

3 Cour adm., 14 juillet 2009, n° 25414C, disponible sous www.jurad.etat.lu.

expliquent également qu’ils n’auraient pas pu faire appel à un avocat. Ils estiment dès lors que cette situation témoignerait de leur impossibilité à faire valoir leurs droits par-devant un tribunal français et, par conséquent, une absence d’examen effectif de leur demande de protection internationale par les autorités françaises. Comme ils n’auraient pas pu soumettre utilement leur demande de protection internationale à l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OPFRA), la procédure de demande d’asile en France devrait être déclarée irrégulière, les autorités françaises n’ayant plus particulièrement pas pris en compte l’ensemble des pièces et preuves qui leur aurait été soumis par les demandeurs. Un tel comportement des autorités françaises contreviendrait dès lors aux articles 1er et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Sur base de ces considérations, ils estiment qu’il y aurait lieu d’admettre que les graves problèmes qu’ils auraient rencontrés en France établiraient l’existence de problèmes systémiques dans ce pays en rapport avec leur demande de protection internationale. A cela s’ajouterait que les autorités françaises ne seraient pas à même de pouvoir traiter dans un temps raisonnable le nombre important de demandes d’asile par rapport à ses capacités d’accueil, de sorte que le respect des conditions d’hébergement et d’analyse des demandes de protection internationale présentées n’y serait pas garanti.

Ils soutiennent encore que, même s’ils avaient déposé en date du 10 novembre 2015 une demande de protection internationale en France, ils auraient dès l’origine voulu se rendre au Luxembourg, de sorte que les dispositions de l’article 18, paragraphe 1, d) du règlement Dublin III ne s’appliqueraient pas.

En droit, les demandeurs estiment qu’en se déclarant incompétent pour connaître de leur demande de protection internationale, le ministre aurait fait abstraction du fait que la France aurait manqué d’analyser leur demande de protection internationale de manière effective depuis le 10 novembre 2015 et que, de surcroît, ils auraient prévu de se rendre au Luxembourg depuis leur pays d’origine.

Ils ajoutent que l’absence d’examen effectif de leur demande de protection internationale par les autorités françaises, de même que leur impossibilité de se faire assister par un conseil dans le cadre de leur demande, seraient en tout état de cause contraires aux principes essentiels de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953. Ils réitèrent que leur cas de figure témoignerait d’un manquement grave par les autorités françaises aux articles 1er et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et que, dans ces conditions, il serait impossible de les renvoyer en France où les conditions d’accueil ne seraient manifestement pas remplies au sens de l’article 3, paragraphe 2, alinéa 2 du règlement Dublin III.

Finalement, ils déclarent être prêts à quitter volontairement le Luxembourg dans un délai raisonnable pour ne pas devoir être transférés en France.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Aux termes de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 : « Si, en application du règlement (UE) n°604/2013, le ministre estime qu’un autre Etat membre est responsable de la demande, il sursoit à statuer sur la demande jusqu’à la décision du pays responsable sur la requête de prise ou de reprise en charge. Lorsque l’Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge du demandeur, le ministre notifie à la personne concernée la décision de la transférer vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner sa demande de protection internationale ».

Il s’ensuit que si, en vertu du règlement Dublin III, un autre pays est responsable de l’examen de la demande de protection internationale et si ce pays accepte la reprise en charge, le ministre décide, d’un côté, de transférer la personne concernée vers l’Etat membre responsable et, de l’autre côté, de ne pas examiner la demande de protection internationale introduite au Luxembourg.

Aux termes de l’article 18, paragraphe (1) du règlement Dublin III sur lequel le ministre s’est basé pour conclure à la responsabilité des autorités françaises pour procéder à l’examen de la demande de protection internationale des consorts …: « L’Etat membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : […] d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d’un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre Etat membre. » Le tribunal constate de prime abord qu’en l’espèce, la décision ministérielle déférée est motivée, d’une part, par le fait que les demandeurs ont déposé le 10 novembre 2015 une demande de protection internationale en France et, d’autre part, par le fait que les autorités françaises ont accepté de les reprendre en charge, de sorte que c’est a priori à bon droit que le ministre a décidé de les transférer vers la France et de ne pas examiner leur demande de protection internationale.

Ensuite, il y a lieu de relever qu’en l’espèce, les demandeurs ne contestent pas avoir déposé une demande de protection internationale en France, ni la compétence de principe de l’Etat français, respectivement l’incompétence de principe de l’Etat luxembourgeois, mais ils reprochent en substance au ministre d’avoir violé l’article 3, paragraphe 2, alinéa 2, du règlement Dublin III, aux termes duquel « Lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’État membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’État membre procédant à la détermination de l’État membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable ». Ils estiment, en effet, que leur demande de protection internationale n’aurait pas été analysée de manière effective en France en raison des défaillances systémiques qui y existeraient.

En ce qui concerne la situation où, comme en l’espèce, un Etat membre a accepté la reprise en charge d’un demandeur d’asile, le demandeur ne peut mettre en cause cette décision qu’en invoquant l’existence de défaillances systémiques de la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs d’asile dans cet Etat membre qui constituent des motifs sérieux et avérés de croire que ledit demandeur courra un risque réel d’être soumis à des traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne4. En effet, le système européen commun d’asile a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l’ensemble des Etats y participant qu’ils soient Etats membres ou Etats tiers, respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, ainsi que dans la Convention 4 CJUE, grande chambre, 10 décembre 2013, Abdullahi c. Bundesasylamt, C-394/12, point 62.

européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard5. C’est précisément en raison de ce principe de confiance mutuelle que le législateur de l’Union a adopté le règlement Dublin III en vue de rationaliser le traitement des demandes d’asile et d’éviter l’engorgement du système par l’obligation, pour les autorités des Etats, de traiter des demandes multiples introduites par un même demandeur, d’accroître la sécurité juridique en ce qui concerne la détermination de l’Etat responsable du traitement de la demande d’asile et ainsi d’éviter le «forum shopping» l’ensemble ayant pour objectif principal d’accélérer le traitement des demandes tant dans l’intérêt des demandeurs d’asile que des Etats participants67. Dès lors, comme ce système européen commun d’asile repose sur la présomption que l’ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard, il appartient aux demandeurs de rapporter la preuve matérielle de défaillances avérées8.

En l’espèce, les demandeurs se limitent à reprocher aux autorités françaises pour la première fois dans le cadre du recours sous analyse et de manière abstraite d’avoir « manqué d’analyser la demande en protection internationale de manière effecti[ve] depuis le 10 novembre 2015 », tout en affirmant ne pas avoir pu bénéficier d’un conseil dans le cadre de l’instruction de leur demande de protection internationale déposée en France, ni d’avoir pu utilement « interjeter appel de la décision de rejet du Ministre ».

Or, de telles affirmations vagues et générales, non autrement étayées par un quelconque élément de preuve ni une quelconque explication concrète quant aux raisons pour lesquelles ils estiment que leurs droits auraient été bafoués en France, restent à l’état de pures allégations et ne sont pas à elles seules susceptibles d’établir l’existence de défaillances systémiques en France.

En effet, d’une part, il n’est pas établi que les demandeurs se sont effectivement vu refuser les conseils d’un avocat ou encore, que leurs droits de défense n’ont pas été respectés en France, ni même qu’ils ont fait face à un problème concret avec les autorités françaises ayant pu affecter l’analyse de leur demande de protection internationale, respectivement leurs conditions d’accueil dans ledit pays.

D’autre part, les demandeurs restent en défaut de soumettre au tribunal un quelconque élément de preuve, tels que notamment des rapports internationaux, relatifs aux difficultés prétendument rencontrées par les autorités françaises dans le traitement des demandes de protection internationale et en ce qui concerne les conditions d’accueil des demandeurs d’asile.

Il y a, par ailleurs, lieu de constater que les demandeurs ont déclaré aussi bien auprès de la police grand-ducale que de la direction de l’Immigration qu’après avoir quitté la Serbie 5 CJUE, 21 décembre 2011, N.S. e.a., (C-411/10) et (C-493/10), point 78.

6 ibidem, point 79.

7 voir par exemple trib. adm., 1er juillet 2015, n° 36439 du rôle; trib. adm., 1er juillet 2015, n° 36441 du rôle ;

trib. adm., 14 octobre 2015, n°36966 du rôle ; trib. adm., 21 octobre 2015, n° 36996 du rôle ; trib. adm. 28 octobre 2015, n° 37015 du rôle.

8 Voir aussi Verwaltungsgerichtshof Baden Württemberg, 8 janvier 2015, n° A11 S 858/14.

en 2015, ils ont introduit une demande de protection internationale en Allemagne, mais qu’ils ont quitté ledit pays sans attendre une décision de la part des autorités allemandes pour se rendre en France où ils ont déposé une demande de protection internationale en novembre 2015 qui a été rejetée par décision du 13 mai 2016. Ils sont dès lors en tout état de cause malvenus de reprocher à l’heure actuelle aux autorités françaises, dans le cadre de la procédure contentieuse, de ne pas avoir analysé de manière effective leur demande de protection internationale depuis le 10 novembre 2015. Si à travers le recours sous analyse, les demandeurs affirment encore de manière abstraite et non autrement étayée ne pas avoir eu accès à un avocat ou conseil en France, respectivement ne pas avoir pu utilement contester la décision de rejet de leur demande de protection internationale, le tribunal est amené à constater que cette affirmation, outre, tel que relevé ci-avant, de rester à l’état de pure allégation, est contredite par les déclarations des demandeurs eux-mêmes auprès de la police grand-ducale et de la direction de l’Immigration, puisqu’ils n’y ont pas fait état du moindre problème rencontré en France dans le cadre du traitement de leur demande de protection internationale par les autorités françaises. Par ailleurs, il ressort du rapport de la police grand-

ducale du 12 mai 2017 et de leurs déclarations respectives auprès de la direction de l’Immigration du même jour qu’alors même qu’ils ont fait l’objet d’un ordre de quitter le territoire de la part des autorités françaises, ils n’auraient pas voulu retourner en Serbie après la naissance de leur dernière fille en France en avril 2017, de sorte qu’ils auraient décidé de se rendre au Luxembourg dont ils avaient entendu qu’il s’agirait d’un bon pays.

Au vu de ce qui précède, il y a lieu de retenir qu’il ne se dégage en tout état de cause d’aucun élément du dossier que les demandeurs aient rencontré le moindre problème dans le cadre du traitement de leur demande de protection internationale ni que leur dignité humaine ou leur sécurité n’aient pas été respectées voire assurées par les autorités françaises.

Le tribunal conclut dès lors que les demandeurs manquent d’étayer leurs affirmations par un quelconque élément probant, de sorte qu’ils restent en défaut d’établir une défaillance systémique de la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale dans le prédit pays qui serait de nature à entraîner dans leur chef un risque de traitement inhumain ou dégradant, au sens des articles 1er et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et de l’article 3 (2) alinéa 2 du règlement Dublin III.

En ce qui concerne l’affirmation des demandeurs selon laquelle ils auraient toujours eu l’intention de se rendre au Luxembourg, il y a lieu de rappeler que le règlement Dublin III prévoit des critères objectifs de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale et que ledit règlement a été, entre autres, adopté afin d’éviter le « forum shopping », de sorte que l’intention des demandeurs n’est pas à prendre en considération dans la procédure de détermination de l’Etat responsable de l’examen de leur demande de protection internationale.

Pour être tout à fait complet, et en ce qui concerne la déclaration des demandeurs qu’ils ne souhaiteraient « en aucun cas être transférés vers la France », mais qu’ils seraient prêt « à titre subsidiaire », à quitter volontairement le Luxembourg « dans un délai raisonnable », il échet de constater que dans la mesure où cette déclaration n’est pas à considérer comme constituant un moyen dirigé contre la décision sous examen, le tribunal n’a pas à prendre position y relativement, cette question relevant pour le surplus de l’exécution de cette décision qui n’est pas du ressort des juridictions administratives.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent, et à défaut d’autres moyens, que le recours est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, déclare le recours non justifié, partant en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 23 août 2017 à 16 heures par :

Alexandra Castegnaro, premier juge, Olivier Poos, premier juge, Michèle Stoffel, juge, en présence du greffier Michèle Hoffmann.

s. Michèle Hoffmann s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 23/8/2017 Le Greffier du Tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 39808
Date de la décision : 23/08/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2017-08-23;39808 ?

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