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11/08/2017 | LUXEMBOURG | N°39983

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 août 2017, 39983


Tribunal administratif Numéro 39983 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 août 2017 chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 11 août 2017 Recours formé par Monsieur ….., …., contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 39983 du rôle et déposée le 3 août 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky Stoffe

l, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mons...

Tribunal administratif Numéro 39983 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 août 2017 chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 11 août 2017 Recours formé par Monsieur ….., …., contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 39983 du rôle et déposée le 3 août 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ….., né le …. à …. (Algérie), de nationalité algérienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 20 juillet 2017 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 août 2017 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Anne De Bourcy, en remplacement de Maître Nicky Stoffel, et Madame le délégué du gouvernement Christiane Martin en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 9 août 2017.

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Le 26 février 2010, Monsieur ….. introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 », entretemps abrogée par la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 »..

Par décision du 27 avril 2011, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration informa Monsieur ….. que sa demande de protection internationale avait été refusée comme non fondée, tout en rendant une décision de retour à son encontre et en lui ordonnant de quitter le territoire.

Par requête déposée le 27 mai 2011 au greffe du tribunal administratif, Monsieur …..

fit introduire un recours tendant à la réformation de la décision ayant rejeté sa demande en obtention d’une protection internationale comme n’étant pas fondée et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision, requête qui fut rejetée définitivement par jugement du tribunal administratif du 15 février 2012, n° 28674 du rôle.

Par jugements des 6 février 2014 et 21 mai 2014, Monsieur ….. fut condamné par la chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement, du chef de vol à l’aide de violences et de menaces respectivement de dénonciation calomnieuse, notamment à différentes peines d’emprisonnement.

Par arrêté du 16 septembre 2014, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », prit à l’encontre de Monsieur ….. une décision d’interdiction de territoire pour une durée de cinq ans.

Par un deuxième arrêté du même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur ….. au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question.

Par requête déposée le 24 septembre 2014 au greffe du tribunal administratif, Monsieur ….. fit introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre ayant ordonné son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois. Par un jugement du tribunal administratif du 3 octobre 2014, inscrit sous le n° 35215 du rôle, le recours fut déclaré non fondé.

Par arrêté du 14 octobre 2014, la prorogation du placement de l’intéressé au Centre de rétention fut prononcée pour une durée d’un mois.

Par décision du ministre de la Justice du 17 novembre 2014, la libération de Monsieur ….. fut ordonnée.

Par arrêté du 10 juillet 2015, le placement de l’intéressé au Centre de rétention pour une durée d’un mois fut prononcé.

Par arrêté du 25 janvier 2016, notifié en main propres le 28 janvier 2016, le ministre ordonna de nouveau le placement de l’intéressé au Centre de rétention pour une durée d’un mois.

Par requête déposée le 2 février 2016 au greffe du tribunal administratif, Monsieur …..

fit introduire un recours tendant à la réformation de la décision de placement en rétention précitée du 25 janvier 2016. Par un jugement du tribunal administratif du 10 février 2016, inscrit sous le n° 37478 du rôle, le recours fut déclaré non fondé.

Suite à une première tentative de rapatriement ayant échoué le 22 février 2016, l’intéressé s’étant opposé physiquement à son embarquement avec une telle ampleur que le personnel de bord avait refusé de le transporter, le ministre notifia le même jour à Monsieur ….. un arrêté ordonnant à nouveau son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois. Le recours tendant à la réformation de la décision de placement en rétention précitée du 22 février 2016, déposé le 18 mars 2016, fut déclaré non fondé par jugement du tribunal administratif du 25 mars 2016, inscrit sous le n° 37696 du rôle.

Par un arrêté du 18 mars 2016, notifié le 22 mars 2016, le ministre ordonna la prorogation du placement au Centre de rétention de Monsieur ….. pour une nouvelle durée d’un mois, et ce notamment au vu du fait qu’une nouvelle tentative de rapatriement de l’intéressé serait prévue pour le 12 avril 2016, la police grand-ducale ayant d’ailleurs confirmé par télécopie du 17 mars 2016 l’achat de billets d’avion pour le demandeur et trois personnes l’accompagnant sur le vol Luxembourg vers Alger du 12 avril 2016.

Le recours introduit le 31 mars 2016 par l’intéressé à l’encontre de la décision de prorogation précitée du 18 mars 2016 fut à son tour rejeté par jugement du 6 avril 2016, n° 37739 du rôle, le tribunal administratif ayant notamment et en particulier retenu que les démarches du ministre en vue de l’organisation d’un rapatriement avaient été faites avec toute la diligence nécessaire, d’autant plus qu’elles avaient, à la date de la prise en délibéré, d’ores-

et-déjà abouti, puisque le vol de retour était prévu pour le 12 avril 2016 et que le ministre n’attendait plus que l’envoi d’un laissez-passer en bonne et due forme de la part des autorités algériennes pour le voyage en question.

Toutefois, le rapatriement du demandeur n’eut pas lieu à la date prévue, étant donné que l’équipe d’escorte n’avait pas obtenu de visa, de sorte que par un itératif arrêté, daté du 20 avril 2016, notifié le 22 avril 2016, le ministre ordonna à nouveau la prorogation du placement au Centre de rétention de Monsieur ….. pour une nouvelle durée d’un mois. Par jugement du 11 mai 2016, n° 37855 du rôle, le tribunal administratif rejeta le recours introduit le 2 mai 2016 par Monsieur ….. à l’encontre de cette décision de prorogation.

Par arrêté du 18 mai 2016, notifié le 20 mai 2016, le ministre ordonna à nouveau la prorogation du placement initial au Centre de rétention de l’intéressé pour une nouvelle durée d’un mois.

Par requête déposée en date du 27 mai 2016, Monsieur ….. fit introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle prémentionnée du 18 mai 2016 ordonnant la prorogation de son placement en rétention, requête qui fut rejetée par jugement du tribunal administratif du 6 juin 2016, inscrit sous le n° 37964 du rôle, jugement non frappé d’appel.

Par arrêté du 17 juin 2016, notifié en date du 20 juin 2016, le ministre prorogea une itérative fois la mesure de placement initiale du 22 février 2016 ; la requête tendant à la réformation de la décision ministérielle prémentionnée du 17 juin 2016 fut rejetée par jugement du tribunal administratif du 29 juin 2016, inscrit sous le n° 38072 du rôle, jugement non frappé d’appel.

Le 26 juillet 2016, Monsieur ….. fut libéré, le ministre ayant épuisé les possibilités de prorogation prévues par la loi.

Le 4 août 2016, le ministre ordonna à nouveau le placement de Monsieur ….. au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question.

Par requête déposée le 16 août 2016 au greffe du tribunal administratif, Monsieur …..

fit introduire un recours tendant à la réformation de la décision de placement en rétention précitée du 4 août 2016, qui fut rejeté par un jugement du tribunal administratif du 24 août 2016, n° 38354 du rôle, jugement non frappé d’appel.

Par arrêté du 1er septembre 2016, notifié en date du 2 septembre 2016, respectivement par arrêté du 28 septembre 2016, notifié le 30 septembre 2016, le ministre prorogea, à chaque fois pour une durée d’un mois, la mesure de placement initiale du 4 août 2016.

Un recours contentieux contre l’arrêté ministériel du 28 septembre 2016, déposé le 11 octobre 2016, fut rejeté par un jugement du tribunal administratif du 19 octobre 2016, inscrit sous le n° 38566 du rôle.

Par un arrêté du 27 octobre 2016, notifié à l’intéressé le lendemain, le ministre prorogea une nouvelle fois la mesure de placement de Monsieur ….. au Centre de rétention.

Par requête déposée le 9 novembre 2016 au greffe du tribunal administratif, Monsieur ….. fit introduire un recours tendant à la réformation de la décision de placement en rétention précitée du 27 octobre 2016. Par un jugement du tribunal administratif du 18 novembre 2016, inscrit sous le numéro 38690 du rôle, le recours fut déclaré fondé et la remise en liberté de Monsieur ….. fut ordonnée.

Le 8 février 2017, Monsieur ….. fut appréhendé par la police, C.I. Gare, qui dressât un procès-verbal, numéro R55075, en date du même jour.

Le 3 mars 2017, Monsieur ….., fut à nouveau appréhendé par la police, C.I. Gare, et un procès-verbal, numéro R55111, fut dressé à son encontre en date du même jour.

Le 26 juin 2017, Monsieur ….. fut appréhendé une troisième fois par la police, C.I.

Gare, et un procès-verbal fut dressé, retenant qu’il était en possession de drogues.

Par arrêté du même jour, notifié en main propres le même jour, le ministre, ordonna de nouveau le placement de l’intéressé au Centre de rétention pour une durée d’un mois.

Par courrier du 27 juin 2017, le ministre commanda les billets d’avion Bruxelles-Alger en vue du rapatriement de Monsieur …… En date du 10 juillet 2016, la police judiciaire fut contacté par téléphone en vue d’organiser le retour de l’intéressé.

Le vol prévu pour le 1er août 2017 ayant été annulé par les autorités algériennes, un nouveau vol de retour fut organisé pour le 27 septembre 2017, information qui fut envoyée au ministre par fax de la police judiciaire, section police des étrangers et des jeux.

Par arrêté du 20 juillet 2017, notifié le 26 juillet 2017, le ministre ordonna la prorogation du placement initial au Centre de rétention de l’intéressé pour une nouvelle durée d’un mois, sur base des motifs et considérations suivants :

« (…)Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté du 26 juin 2017, notifié le même jour, décidant de soumettre l'intéressé à une mesure de placement ;

Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 26 juin 2017 subsistent dans le chef de l'intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l'éloignement de l'intéressé ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que l'éloignement de l'intéressé est prévu pour le 1er août 2017 ;

Considérant qu'il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure de l'éloignement ; (…) ».

Par requête déposée le 3 août 2017 au greffe du tribunal administratif, Monsieur ….. a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision de placement en rétention précitée du 20 juillet 2017.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire.

A l’appui de son recours, le demandeur soulève que les diligences auprès de l’Etat algérien se seraient soldées par un échec manifeste en raison du manque de collaboration des autorités algériennes.

En droit, le demandeur fait plaider en premier lieu, concernant la légalité externe de la décision déférée, que celle-ci souffrirait d’un défaut de motivation, en ce qu’elle ne constituerait qu’une énumération des dispositions légales applicables.

Quant au fond, le demandeur soulève le caractère disproportionné et arbitraire de l’arrêté ministériel du 20 juillet 2017 et souligne encore qu’il incomberait à l’autorité administrative d’engager toutes les démarches requises afin d’écourter au maximum sa privation de liberté. Le demandeur soutient que des mesures moins coercitives auraient pu être prises à son encontre en relevant qu’il n’existerait aucun risque de fuite dans son chef, pour preuve il fait valoir que les autorités luxembourgeoises n’auraient jusqu’à présent pas eu de difficultés à le trouver.

Finalement, le demandeur soutient que l’arrêté déféré, en ne respectant pas les conditions légales applicables à la prorogation d’une mesure de placement au Centre de rétention, accuserait un défaut de justification qui le viderait de tout son fondement, d’autant plus qu’il constituerait une atteinte à sa liberté de circulation protégée par l’article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, dénommée ci-après « la CEDH ». Le demandeur conteste que les diligences des autorités luxembourgeoises soient suffisantes pour écourter le plus possible son placement.

Le délégué du gouvernement estime pour sa part que la décision de placement en rétention serait justifiée en fait et en droit, de sorte que le demandeur serait à débouter de son recours.

En ce qui concerne la légalité externe de l’arrêté ministériel du 20 juillet 2017 ordonnant la prorogation du placement de Monsieur ….. au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question, et plus particulièrement le moyen simplement suggéré, basé sur une prétendue motivation lacunaire dudit arrêté ministériel, ce moyen est à rejeter étant donné qu’il n’existe aucun texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé ; en particulier l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes selon lequel toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux et énumérant les catégories de décisions qui doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce.

Il s’ensuit que le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision de prorogation de placement en rétention sous analyse. Il s’y ajoute que l’arrêté est néanmoins justifié au regard des dispositions légales concernées et qu’il indique que les motifs à la base de la mesure de placement du 26 juin 2017 subsistent dans le chef de l’intéressé. Le moyen est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

Ensuite, et en ce qui concerne la légalité interne de l’arrêté ministériel sous analyse, il convient de relever que l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 dispose que :

« Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée (…). Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) ». En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi : « (…) La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire (…) ».

L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment l’identification de l’intéressé, si, comme en l’espèce, il ne dispose pas de documents d’identité, ensuite la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

A cet égard, l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, tel que cité ci-

avant, permet au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite dans son chef ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement.

En ce qui concerne les contestations du demandeur quant à l’existence d’un risque de fuite dans son chef, force est au tribunal de réitérer son constat, tel que formulé dans ses jugements des 6 et 29 juin 2016, respectivement du 24 août 2016, du 19 octobre 2016 et du 18 novembre 2016, d’une part, qu’il ressort des éléments lui soumis que le demandeur, qui a fait l’objet en date du 27 avril 2011 d’une décision de refus de protection internationale, comportant injonction de quitter le territoire, ainsi qu’en date du 16 septembre 2014 d’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans, ne dispose ni de documents d’identité ni de documents de voyage valables, rendant ainsi nécessaires des démarches de la part des autorités luxembourgeoises en vue de son identification et de l’organisation de son éloignement et, d’autre part, que l’article 111, paragraphe (3) c) de la loi du 29 août 2008 prévoit qu’un risque de fuite est légalement présumé notamment lorsque l’étranger se trouve en séjour irrégulier, de sorte que le risque de fuite résulte en l’espèce d’une présomption légale. Il y a lieu à cet égard de relever qu’au-delà d’une contestation tout à fait générale et non autrement motivée, le demandeur n’a soumis au tribunal aucun élément permettant de renverser cette présomption de risque de fuite, ledit risque de fuite ne se limitant pas au fait que l’intéressé puisse vouloir fuir le territoire luxembourgeois mais visant surtout le fait que l’intéressé puisse tenter de se soustraire à son éloignement, risque, qui en l’espèce, au-delà de la présomption légale précitée, doit encore être considéré comme avéré en fait en raison du comportement non-coopératif du demandeur ayant fait échouer une première tentative de rapatriement. Il s’ensuit que le placement au Centre de rétention est a priori justifié.

En ce qui concerne le reproche du demandeur tenant au fait que le ministre n’a pas prononcé de mesures moins coercitives à son encontre, il échet de souligner, à l’instar des conclusions retenues dans les jugements prémentionnés des 6 et 29 juin 2016, respectivement des 24 août, 19 octobre 2016 et 18 novembre 2016, que si l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit que le ministre peut prendre d’autres mesures moins coercitives et notamment une décision d’assignation à résidence à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour des motifs techniques, cette possibilité présuppose toutefois que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. S’il existe, comme en l’espèce, une présomption légale d’un risque de fuite dans le chef du demandeur, celui-ci doit notamment justifier de garanties de représentation suffisantes de nature à prévenir ce risque.

Or, en l’espèce, l’existence de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) c) de la loi du 29 août 2008 n’est pas vérifiée, alors qu’au-delà d’affirmations et de reproches tout à fait généraux soulevés par le demandeur quant à la possibilité d’une assignation à résidence, celui-ci reste en défaut de fournir des éléments permettant de retenir l’existence de garanties de représentation suffisantes dans son chef.

Quant aux démarches concrètement entreprises par les autorités luxembourgeoises afin d’organiser l’éloignement du demandeur, il ressort du dossier administratif que le lendemain du prononcé de l’arrêté en vue du placement en rétention, à savoir le 27 juin 2017, le ministre contacta l’agence Select Business Travel, en vue de l’émission d’un billet d’avion Bruxelles-Alger. Par transmis du même jour, le service de police judiciaire, section des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, a été chargée d’organiser le départ de l’intéressé. Il ressort d’une note au dossier du 10 juillet 2017, qu’un rappel a été adressée à la police afin d’organiser le rapatriement de l’intéressé. Par télécopie du 18 juillet 2017, la police grand-ducale a informé le ministère que le rapatriement prévu pour le 1er août 2017, avait été annulé par les autorités algériennes et qu’un nouveau vol a été réservé pour le 27 septembre 2017.

Le tribunal est dès lors amené à constater que les démarches du ministre en vue de l’organisation d’un rapatriement n’ont pas été faites avec toute la diligence requise, alors que le vol de retour n’est prévu que pour le 27 septembre 2017, à savoir 2 mois après le placement en rétention.

Au vu de ce qui précède, et plus particulièrement compte tenu du fait que la date pour le vol du retour est fixé à une date lointaine, sans explication afférente, le tribunal est amené à constater qu’au moment où il statue, les diligences du ministre sont à considérer comme insuffisantes afin de pouvoir procéder dans les meilleurs délais à l’éloignement du demandeur du territoire. Le moyen relatif à une prétendue absence de diligences du ministre en vue d’organiser l’éloignement rapide du demandeur est dès lors fondé.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à déclarer fondé et que la libération immédiate du demandeur est à ordonner, sans qu’il n’y ait lieu de prendre position par rapport aux autres moyens soulevés en cause.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

déclare le recours principal en réformation recevable ;

au fond, le déclare justifié, par réformation de l’arrêté du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 20 juillet 2017 dit que Monsieur ….. est à libérer immédiatement du Centre de rétention ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Anne Foehr, attaché de justice délégué, Emina Softic, attaché de justice délégué, et lu à l’audience publique extraordinaire du 11 août 2017 à 11.00 heures par le premier vice-président, en présence du greffier Monique Thill.

s. Monique Thill s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 11.08.2017 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 39983
Date de la décision : 11/08/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2017-08-11;39983 ?

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