Tribunal administratif N° 39982 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 août 2017 chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 11 août 2017 Recours formé par Monsieur ….., …., contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120. L.29.08.2008)
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 39982 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 août 2017 par Maître Nicky STOFFEL, assistée de Maître Bouchra Fahime, les deux avocats à la Cour, inscrites au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ….., déclarant être né le …. en Guinée Bissau et être de nationalité portugaise, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l'Immigration et de l’Asile du 27 juillet 2017 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois à partir de sa notification ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 août 2017 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Anne De Bourcy, en remplacement de Maître Nicky STOFFEL, et Madame le délégué du gouvernement Christiane Martin en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 9 août 2017.
Il résulte d’un acte d’écrou du 31 janvier 2017 délivré par le Centre pénitentiaire de Luxembourg que Monsieur ….. fut condamné par un jugement de la chambre correctionnelle du Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 22 décembre 2016 à une peine privative de liberté de 24 mois dont 12 mois d’emprisonnement ferme, la fin de peine ayant été prévue pour le 5 mai 2017.
Une demande de Monsieur ….. en obtention d’un arrêté de refus d’entrée et de séjour en vue de présenter une demande de libération anticipée lui fut refusée en date du 28 février 2017, au motif qu’il lui faudrait rapporter la preuve de son identité au vu du fait qu’il avait déposé deux cartes d’identité appartenant à deux personnes différentes, dont une portugaise établie au nom de ….., né le 2 mai 1972 et, une autre guinéenne, établie au nom de ….. ….., né le …. .
En date du 4 mai 2017, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », prit à l’égard de Monsieur ….. une décision constatant son séjour irrégulier et lui ordonnant de quitter le territoire, tout en prononçant une interdiction de territoire pour une durée de trois ans. Cette décision, notifiée à l’intéressé le 5 mai 2017, est basée sur les motifs suivants :
« […] Attendu que l’intéressé se trouvait en détention depuis le 11 mai 2016 et a été condamné en date 22 décembre 2016 à une peine d'emprisonnement de 24 mois, dont 12 mois avec sursis ;
Attendu que l’intéressé n'est pas en possession d’un passeport en cours de validité ;
Attendu que l’intéressé n'est pas en possession d'un visa en cours de validité ;
Attendu que l'intéressé fait l’objet d’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire;
Attendu que l’intéressé constitue une menace pour l’ordre public, la sécurité intérieure, la santé publique ou les relations internationales du Grand-Duché de Luxembourg ou de l’un des Etats parties à une convention internationale relative au franchissement des frontières extérieures, liant le Grand-Duché de Luxembourg ;
Attendu que l’intéressé ne justifie pas de ressources personnelles suffisantes, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays d'origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel son admission est garantie ;
Attendu que l’intéressé n'est ni en possession d'une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois ni d'une autorisation de travail ;
Que par conséquent il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé ; […] ».
Par arrêté séparé du même jour, également notifié le 5 mai 2017 à l’intéressé, le ministre ordonna le placement de Monsieur ….. au Centre de rétention, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et considérations suivants :
« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu ma décision de retour du 4 mai 2017 ;
Vu ma décision d'interdiction d’entrée sur le territoire du 4 mai 2017 ;
Attendu que l’intéressé s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de trois mois à compter de son entrée sur le territoire ;
Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;
Attendu que l’intéressé est en possession de deux cartes d’identités différentes, à savoir une carte d’identité portugaise n° ….., établie au nom de ….., né le …., et une carte d’identité bissau-guinéenne n° …., établie au nom de ….. né le …. ;
Attendu que l’intéressé n’a aucune preuve lui confirmant d’être le titulaire légitime de la carte d’identité portugaise ;
Attendu que l’intéressé se trouvait en détention depuis le 11 mai 2016 et a été condamné en date 22 décembre 2016 à une peine d’emprisonnement de 24 mois, dont 12 mois avec sursis ;
Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé ont été engagées ;
Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».
Le recours contentieux introduit par Monsieur ….. contre l’arrêté ministériel du 4 mai 2017 fut rejeté par jugement du tribunal administratif du 26 mai 2017, inscrit sous le numéro 39584 du rôle.
Par arrêté du 31 mai 2017, notifié à l’intéressé en date du 2 juin 2017, le ministre prorogea une première fois la mesure de placement en rétention de Monsieur ….. pour une durée d’un mois à partir de la notification.
Le recours contentieux introduit par Monsieur ….. contre l’arrêté ministériel du 31 mai 2017 fut rejeté par jugement du tribunal administratif du 19 juin 2017, inscrit sous le numéro 39711 du rôle.
Par arrêté du 29 juin 2017, notifié à l’intéressé le 30 juin 2017, le ministre prolongea ladite mesure de placement une nouvelle fois pour un mois supplémentaire.
Le recours contentieux introduit par Monsieur ….. contre l’arrêté ministériel précité du 29 juin 2017 fut rejeté par jugement du tribunal administratif du 19 juillet 2017, inscrit sous le numéro 39867 du rôle.
Par arrêté du 27 juillet 2017, notifié à l’intéressé le 28 juillet 2017, le ministre prolongea ladite mesure de placement une nouvelle fois pour un mois supplémentaire, ledit arrêté étant fondé sur les considérations suivantes :
« Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu mes arrêtés des 5 mai 2017, 31 mai 2017 et 29 juin 2017, notifiés le 5 mai 2017, 2 juin 2017 et 30 juin 2017, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;
Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 4 mai 2017 subsistent dans le chef de l’intéressé ;
Considérant que les démarches en vue de l’éloignement ont été engagées ;
Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;
Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;
Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement ;
Considérant qu’en raison du manque de coopération de l’intéressé en vue de son identification il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement ; […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 3 août 2017, Monsieur ….. a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du 27 juillet 2017 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention.
Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit en l’espèce, qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours, et après avoir rappelé les faits et rétroactes à la base du présent litige, le demandeur reproche tout d’abord au ministre d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en ce que ce dernier prétendrait qu’il serait de nationalité bissau-
guinéenne. Il affirme que la carte d’identité bissau-guinéenne appartiendrait à son frère et qu’il l’aurait portée sur lui en vue d’introduire une demande d’autorisation de séjour au nom et pour le compte de ce dernier, de sorte que la décision déférée ne reflèterait pas sa situation concrète de ressortissant portugais.
Par ailleurs, dans la mesure où l’arrêté de placement initial du 4 mai 2017 ferait expressément référence à sa nationalité portugaise, il serait « inopérant et contradictoire » de mentionner qu’il était de nationalité indéterminée, et ce d’autant plus, en l’absence de preuve invalidant sa carte d’identité portugaise. Il déclare encore que l’extrait du Bureau des Registres centraux de Lisbonne du 17 juillet 2017 confirmerait qu’il aurait acquis la nationalité portugaise.
En invoquant un jugement du tribunal administratif du 6 juin 2005, inscrit sous le numéro 19231 du rôle, le demandeur souligne que l’appréciation faite par l’autorité ministérielle de sa situation personnelle ne cadrerait pas avec les exigences de la jurisprudence rendue en la matière et pointe particulièrement le fait qu’il serait établi qu’il serait de nationalité portugaise.
Le demandeur conclut ensuite à une application erronée de la loi du 29 août 2008, en ce que le ministre aurait retenu, à tort, un risque de fuite dans son chef en soutenant que l’application de l’article 120 de la loi du 29 août 2008 serait subordonnée à un défaut de document d’identité et à l’existence d’un risque de fuite. Il indique ne pas être dépourvu de document d’identité, étant donné qu’il a présenté une carte d’identité portugaise dont la validité n’aurait, par ailleurs, pas été mise en cause par la partie étatique, et affirme que le risque de fuite ne serait pas établi dans son chef. Il pointe que sa nationalité portugaise serait confirmée par l’extrait du Bureau des Registres centraux de Lisbonne du 17 juillet 2017.
Après avoir rappelé les quatre conditions auxquelles une décision de prorogation d’une mesure de placement doit répondre, le demandeur met en exergue le fait qu’il serait constant en cause que les démarches entreprises par le ministre pour l’éloigner auraient connu leurs limites sans que cela ne soit dû à son comportement. Il conteste par ailleurs un défaut de coopération de sa part, alors qu’il aurait donné toutes les informations nécessaires pour que l’autorité ministérielle puisse utilement entrer en contact avec les autorités portugaises. Il aurait encore demandé aux autorités luxembourgeoises de récupérer son passeport portugais.
Par ailleurs, l’arrêté ministériel déféré ne préciserait pas en quoi son comportement serait non coopératif.
Plus particulièrement quant aux diligences entreprises, le demandeur explique avoir toujours soutenu être de nationalité portugaise, sans que cette circonstance n’ait été contestée par le passé par la partie étatique qui se serait, dans un premier temps, borné à relever à l’appui de l’arrêté ministériel de placement initial du 5 mai 2017 l’existence des deux cartes d’identité qu’il aurait détenues, pour ensuite indiquer dans sa décision ce qui suit : « ….. ….., être né le …. au Guinée-Bissau, et être de nationalité indéterminée ». Le ministre s’obstinerait dès lors à vouloir l’éloigner vers un pays avec lequel il n’aurait aucun lien.
Le demandeur reproche encore à l’autorité ministérielle de ne pas avoir entrepris de démarche concrète susceptible de donner lieu à une exécution de la mesure d’éloignement prise à son encontre. Si les autorités luxembourgeoises auraient certes contacté et relancé tant les autorités portugaises que les autorités bissau-guinéennes, ces démarches dateraient cependant de deux mois et demi et n’auraient pas abouti à un résultat. Ainsi, le ministre aurait dû, suite à l’obtention du l’extrait du Bureau des Registres centraux de Lisbonne prouvant qu’en août 2009, il était de nationalité portugaise, le libérer le jour même.
Le demandeur reproche également au ministre une application excessive de la loi du 29 août 2008, alors que le placement en rétention devrait rester une ultima ratio, étant donné qu’elle serait comparable à une incarcération. Il estime qu’une autre mesure moins coercitive aurait dû être envisagée en l’espèce, telle une assignation à résidence. Il n’aurait, en effet, existé aucun élément à la disposition du ministre au jour de la prise de la décision de placement en rétention administrative qui aurait pu être interprété comme étant une absence de garanties suffisantes dans son chef écartant ainsi le recours à une mesure d’assignation à résidence. En effet, le ministre aurait encore pu, conformément à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, l’obliger de se présenter régulièrement auprès des services du ministre après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité.
La rétention administrative serait encore à qualifier d’arbitraire en ce que le ministre aurait violé le principe de proportionnalité entre le but légitimement poursuivi par la mesure de placement en rétention administrative et les moyens utilisés pour atteindre ce but. En effet, il n’existerait en l’espèce aucune perspective de refoulement à destination de son pays d’origine.
Le délégué du gouvernement soutient, quant à lui, que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et conclut au rejet du recours.
En ce qui concerne le moyen fondé sur une appréciation erronée de la situation de fait, notamment quant à l’identité véritable du demandeur, le tribunal maintient son appréciation à cet égard, tel que cela a été retenu dans les jugements précités des 26 mai, 19 juin et 19 juillet 2017 coulés en autorité de chose jugée, suivant laquelle c’est à bon droit que le ministre a, au vu des deux cartes d’identité détenues par le demandeur, douté quant à son identité réelle, d’autant plus que les deux cartes correspondent à des identités et nationalités distinctes. Le tribunal tient encore à préciser que l’extrait du Bureau des Registres centraux de Lisbonne du 17 juillet 2017 n’est pas non plus de nature à établir avec certitude l’identité du demandeur, et cela plus particulièrement au vu du fait que suivant courriel du 26 juillet 2017 du Consulat Général portugais au Luxembourg une enquête fut ouverte pour vérifier l’authenticité tant de la carte d’identité que de l’acte de naissance établi sur base de ladite carte. En effet, ledit Consulat explique que la nationalité portugaise aurait pu être acquise « sur présentation de faux documents » auquel cas le demandeur « perd le droit à la nationalité portugais » et qu’il faut attendre « confirmation de la nationalité portugaise par les autorités centrales qui font l’investigation ». Le tribunal constate donc qu’il demeure toujours des doutes quant à l’identité du demandeur.
Il s’ensuit que le moyen afférent est à rejeter.
Pour le surplus, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, tel que modifié par la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, dénommée ci-après « la loi du 18 décembre 2015 », : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».
En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».
L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment l’identification de l’intéressé, s’il ne dispose pas de documents d’identité, ensuite la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.
En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de trois conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise.
Le tribunal est de prime abord amené à relever, tel que cela a d’ailleurs été retenu dans les jugements précités des 26 mai, 19 juin et 19 juillet 2017, qu’il n’est pas contesté que Monsieur ….., qui a fait l’objet en date du 4 mai 2017 d’une décision de retour comportant ordre de quitter le territoire luxembourgeois et interdiction de territoire, s’y trouve en séjour irrégulier. Sur base de cette considération, le tribunal a, dans les jugements précités des 26 mai, 19 juin et 19 juillet 2017 retenu qu’au regard de l’article 111, paragraphe (3), point c) de la loi du 29 août 2008, sur base duquel le risque de fuite est présumé si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi, que le ministre pouvait valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement sans que celui-ci n’ait renversé la présomption de l’existence d’un risque de fuite dans son chef.
S’il est exact que le demandeur conteste un risque de fuite dans son chef, le tribunal est amené à retenir qu’il ne fournit toujours aucun élément à l’appui de cette contestation, de sorte que la présomption du risque de fuite dans son chef ne saurait se trouver renversée. En effet, il convient de relever qu’il appartient au demandeur de fournir des garanties de représentation suffisantes de nature à renverser cette présomption, ce qu’il reste en défaut de faire, de sorte que son argumentation consistant en substance à reprocher à l’Etat de ne pas avoir prouvé le risque de fuite, est à rejeter dans son ensemble.
Le demandeur n’est pas non plus fondé à soutenir que dans la mesure où il disposerait d’un document d’identité, l’article 120 de la loi du 29 août 2008 ne trouverait pas application.
En effet, au-delà du constat, tel que relevé ci-avant, que la réelle identité du demandeur n’est toujours pas établie à l’exclusion de tout doute, malgré la nouvelle pièce soumise au débat à savoir l’extrait du Bureau des Registres centraux de Lisbonne du 17 juillet 2017, le tribunal relève encore que si certes, conformément à l’article 111, paragraphe (3), point c) de la loi du 29 août 2008, le défaut de disposer d’une carte d’identité valable est un des cas de figure dans lequel le risque de fuite est présumé, le fait de disposer d’une carte d’identité n’exclut pas ipso facto l’existence d’un risque de fuite au regard des autres cas de figure énoncés à l’article 111, paragraphe (3), point c), précité.
S’agissant ensuite de l’argumentation du demandeur selon laquelle la mesure litigieuse serait disproportionnée et arbitraire au motif qu’une autre mesure qu’un placement en rétention aurait dû lui être appliquée, le tribunal relève que l’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, dont le demandeur se prévaut, prévoit ce qui suit : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) [de la loi du 29 août 2008] […].
On entend par mesures moins coercitives :
a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;
b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.
La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;
c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.
Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».
Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1), sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125, paragraphe (1), de sorte que pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité, aucune des autres mesures moins coercitives ne doit entrer en compte au vu des circonstances du cas particulier.
L’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, les trois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3), de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale d’un risque de fuite dans le chef de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.
Or, en l’espèce, le demandeur se limite à fournir des affirmations générales mais ne soumet au tribunal aucun élément concret permettant de retenir que le ministre ait violé les dispositions de la loi en décidant de ne pas recourir à une mesure moins coercitive qu’un placement en rétention et plus particulièrement il ne fournit aucun élément susceptible de constituer des garanties de représentation effectives permettant de prévenir le risque de fuite qui est présumé dans son chef, en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c) de la loi du 29 août 2008, tel que cela a été retenu ci-avant.
Il suit des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce.
En ce qui concerne les contestations soulevées par le demandeur quant aux diligences concrètement accomplies par le ministre en vue d’organiser son éloignement, le tribunal relève, à cet égard, tout d’abord, que dans ses jugements précités des 26 mai, 19 juin et 19 juillet 2017, le tribunal a estimé que les diligences entreprises par les autorités luxembourgeoises jusqu’au moment où il avait été amené à statuer étaient suffisantes pour justifier le maintien du demandeur au Centre de rétention, Depuis le jugement précité du 19 juillet 2017, il ressort d’une pièce du dossier administratif que l’ambassade de Guinée-Bissau a été contactée par téléphone le 20 juillet 2017 afin de connaître l’état d’avancement de la procédure d’identification du demandeur. Il a été convenu de les recontacter dans deux semaines pour convenir une date en vue d’une audition du demandeur. Le ministre a encore contacté l’ambassade de Guinée-Bissau le 2 août 2017, mais le responsable du dossier était absent du bureau. Finalement, le ministre a encore tenté sans succès de joindre l’ambassade de Guinée-Bissau en date du 4 août 2017.
Parallèlement, le ministre a contacté le Consulat général portugais au Luxembourg le 26 juillet 2017 afin de se renseigner sur la teneur exacte des nouvelles pièces soumises par le demandeur, à savoir un acte de naissance portugais et un extrait du Bureau des Registres centraux de Lisbonne, lequel a répondu par courriel du même jour qu’une enquête en vérification de la validité des documents a été ouverte dont il convient d’attendre le résultat.
Le 4 août 2017, un rappel a été adressé audit Consulat en vue de connaître l’état d’avancement du dossier.
1 trib. adm. 6 mai 2016, n° 37829 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.
Au regard des diligences ainsi déployées depuis la prise de la mesure de prorogation du placement en rétention sous analyse à l’égard du demandeur et au vu du fait que les autorités luxembourgeoises sont tributaires de la collaboration et de l’efficacité des autorités portugaises et bissau-guinéennes, le tribunal est amené à retenir que le dispositif d’éloignement est actuellement toujours en cours et est toujours poursuivi avec la diligence requise conformément aux exigences posées par l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008.
Si le demandeur conteste encore tout défaut de collaboration dans son chef, force est de constater, tel que cela a été retenu ci-avant que, des doutes subsistent quant à son identité réelle puisqu’il avait en sa possession deux cartes d’identité distinctes et que son affirmation, selon laquelle une des deux cartes d’identité appartiendrait à son frère, n’est corroborée par aucun élément soumis au tribunal, ce qui a amené le ministre à entreprendre les mesures par rapport auxquelles il reste actuellement dans l’attente d’une réponse des autorités étrangères.
Le moyen afférent est dès lors rejeté.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent, et en l’absence d’autres moyens, que le recours contre l’arrêté ministériel du 27 juillet 2017 ordonnant la prorogation de la mesure de placement en rétention du demandeur est à rejeter comme étant non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours en réformation en la forme;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Anne Foehr, attaché de justice délégué, Emina Softic, attaché de justice délégué, et lu à l’audience publique extraordinaire du 11 août 2017 à 11.00 heures par le premier vice-président, en présence du greffier Monique Thill.
s. Monique Thill s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 11.08.2017 Le greffier du tribunal administratif 10