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04/08/2017 | LUXEMBOURG | N°39942

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 août 2017, 39942


Tribunal administratif N° 39942 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 juillet 2017 chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 4 août 2017 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120. L.29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 39942 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 juillet 2017 par Maître Philippe Stroesser, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembou

rg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Algérie), de nationalité algérienne, actuellem...

Tribunal administratif N° 39942 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 juillet 2017 chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 4 août 2017 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120. L.29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 39942 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 juillet 2017 par Maître Philippe Stroesser, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Algérie), de nationalité algérienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l'Immigration et de l’Asile du 18 juillet 2017 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de sa notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 31 juillet 2017 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Denise Parisi, en remplacement de Maître Philippe Stroesser, et Madame le délégué du gouvernement Linda Maniewski en leurs plaidoiries respectives.

En date du 10 juin 2015, Monsieur … introduisit auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, entretemps abrogée par la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, dénommée ci-après la « loi du 18 décembre 2015 », de laquelle il fut débouté par une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile, dénommé ci-après le « ministre », du 15 juillet 2016.

Un recours contentieux introduit contre la décision précitée du ministre du 15 juillet 2016 fut rejeté comme étant manifestement infondé par un jugement du tribunal administratif du 14 octobre 2016, inscrit sous le numéro 38297 du rôle, le même jugement ayant débouté Monsieur … de sa demande de protection internationale.

Par un jugement du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, chambre correctionnelle, du 20 octobre 2016, inscrit sous le numéro 2721/2016, Monsieur … fut condamné à une peine d’emprisonnement de trente-six mois, dont dix-huit mois avec sursis, pour diverses infractions de vols à l’aide d’effraction et d’escalade.

En date du 20 juin 2017, le ministre prit un arrêté d’interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans à l’égard de Monsieur …, au vu de ses antécédents judiciaires et de sa décision de retour du 15 juillet 2016.

Par arrêté du même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question, afin de préparer l’exécution de la mesure d’éloignement. Cet arrêté, qui fut notifié à l’intéressé le 22 juin 2017, est fondé sur les considérations et motifs suivants :

« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 15 juillet 2016 ;

Vu mon interdiction d'entrée sur le territoire de cinq ans du 20 juin 2017 ;

Attendu que l'intéressé constitue une menace pour l'ordre public ;

Attendu que l'intéressé est dépourvu de tout document d'identité et de voyage valable ;

Attendu que l'identité de l'intéressé n'est pas établie ;

Attendu qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'identification et de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; ».

Un recours contentieux dirigé contre ledit arrêté ministériel de placement en rétention administrative du 20 juin 2017 fut rejeté comme n’étant pas fondé par un jugement du tribunal administratif du 14 juillet 2017, inscrit sous le numéro 39831 du rôle.

Par arrêté du 18 juillet 2017, notifié à l’intéressé le 21 juillet 2017, le ministre prolongea ladite mesure de placement pour un mois supplémentaire, ledit arrêté étant fondé sur les considérations et motifs suivants :

« Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

2Vu mon arrêté du 20 juin 2017, notifié le 22 juin 2017, décidant de soumettre l'intéressé à une mesure de placement ;

Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 20 juin 2017 subsistent dans le chef de l'intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l'identification de l'intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que ces démarches n'ont pas encore abouti ;

Considérant qu'il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure de l'éloignement ; ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 juillet 2017, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 18 juillet 2017 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1), de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation.

Le recours en réformation ayant, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, Monsieur … fait plaider que le placement en rétention devrait être considéré comme un ultime remède, alors qu’il porterait atteinte à sa liberté de mouvement, de sorte qu’il ne constituerait qu’une simple faculté pour le ministre, faculté qui ne serait cependant pas discrétionnaire, mais qui devrait être motivée à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

Il fait ensuite valoir que les démarches entreprises par le ministre en vue de son éloignement ne progresseraient pas et il en conclut qu’il n’existerait aucune chance raisonnable que ledit éloignement puisse être mené à bien, en soulignant qu’une seule démarche aurait été effectuée auprès des autorités algériennes dans le cadre de la tentative de son éloignement vers ce pays.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Par rapport au reproche du demandeur que la décision déférée ne serait pas suffisamment motivée, le tribunal est amené à conclure que s’il est vrai qu’en vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux et les catégories de décisions y énumérées doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, le cas d’espèce sous examen ne tombe cependant dans aucune des hypothèses 3énumérées à l’alinéa 2 de l’article 6 précité, de sorte que l’obligation inscrite à l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité, d’ailleurs non invoqué par le demandeur, ne trouve pas d’application en l’espèce. Comme il n’existe en outre aucun autre texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une décision de prorogation d’une mesure de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision de prorogation, de sorte que le moyen fondé sur un défaut d’indication des motifs doit en tout état de cause être rejeté pour ne pas être fondé.

Par ailleurs, et en tout état de cause, la sanction de l’absence de motivation ne consiste pas dans l’annulation de l’acte visé, mais dans la suspension des délais de recours et celui-ci reste a priori valable, l’administration pouvant produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois pendant la phase contentieuse1.

Ainsi, un acte n’est susceptible d’encourir l’annulation qu’au cas où la motivation le sous-tendant ne ressort d’aucun élément soumis au tribunal au moment où l’affaire est prise en délibéré, étant donné qu’une telle circonstance rend tout contrôle de la légalité des motifs impossible.

Or, en l’espèce, force est au tribunal de constater que la décision déférée indique la cause juridique, ainsi que les circonstances de fait à sa base, en se référant aux articles 111 et 120 à 123 de la loi du 29 août 2008 et en précisant l’existence d’un premier arrêté de placement du 20 juin 2017, avec l’indication que les motifs s’étant trouvés à la base de ladite mesure de placement initiale subsistaient dans le chef de l’intéressé, que toutes les diligences en vue de son identification avaient été entreprises auprès des autorités compétentes mais que celles-ci n’avaient pas encore abouti, de sorte que le ministre a, à suffisance de droit, exposé les motifs sous-tendant la décision déférée et que partant le moyen relatif à un défaut de motivation laisse d’être fondé.

Quant au fond, il y a lieu de rappeler que l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée (…). Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) ». En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, « (…) La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise.

Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. (…) ».

1 Cour adm. 20 octobre 2009, n° 25738C du rôle, Pas. adm. 2016, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 82 et les autres références y citées.

4 Ainsi, l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour la durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

Il échet encore de rappeler qu’une mesure de rétention s’analyse en une mesure administrative privative de la liberté de mouvement de la personne concernée et qu’elle doit être limitée à la durée strictement nécessaire afin de permettre l’exécution d’une mesure d’éloignement. A cette fin, le ministre est dans l’obligation de faire entreprendre avec la diligence requise toutes les démarches nécessaires afin d’organiser cette mesure d’éloignement.

Il est vrai qu’en présence d’une personne démunie de documents de voyage valables, tel que cela est le cas en l’espèce, le ministre doit s’adresser aux autorités du pays d’origine afin de se faire délivrer des documents de voyage. La nécessité d’accomplir ces démarches supplémentaires entraîne forcément une extension du délai requis pour organiser la mesure d’éloignement et partant la durée admissible de la mesure de rétention.

En ce qui concerne les démarches entreprises en l’espèce par le ministre, le tribunal rappelle que, dans son jugement précité du 14 juillet 2017, inscrit sous le numéro 39831 du rôle, il a constaté que les services du ministère avaient contacté les autorités diplomatiques 5algériennes dès le 22 juin 2017, soit dès le jour-même de la libération du demandeur du Centre pénitentiaire et de son placement au Centre de rétention, et que celles-ci ont répondu par courrier du 29 juin 2017, réceptionné en date du 5 juillet 2017 par les autorités luxembourgeoises, en informant ces dernières que le processus d’identification du demandeur était en cours.

En ce qui concerne les démarches concrètement entreprises par les services du ministère postérieurement audit jugement, force est de constater qu’il ressort des pièces versées en cause qu’en date du 14 juillet 2017, le ministre a relancé le Consulat de la République algérienne à Bruxelles, afin de le renseigner sur l’état d’avancement du dossier, que ledit consulat a répondu en date du 15 juillet 2017 avec l’information que le dossier afférent était toujours en cours d’identification auprès des services algériens compétents et qu’en date du 31 juillet 2017, le ministre a, une nouvelle fois, relancé lesdites autorités consulaires quant à l’état d’avancement du dossier.

Au vu des diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, et des réponses des autorités consulaires algériennes, le tribunal est amené à retenir que les démarches entreprises en l’espèce par les autorités luxembourgeoises sont suffisantes, que l’organisation de l’éloignement est toujours en cours et est exécutée avec toute la diligence requise et qu’il existe par ailleurs une chance raisonnable que ledit éloignement puisse être mené à bien.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée. Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Géraldine Anelli, juge, Emina Softic, attaché de justice délégué, 6et lu à l’audience publique extraordinaire du 4 août 2017 à 10.00 heures par le premier vice-président, en présence du greffier Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4 août 2017 Le greffier du tribunal administratif 7


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 39942
Date de la décision : 04/08/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2017-08-04;39942 ?

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