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04/08/2017 | LUXEMBOURG | N°39941

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 août 2017, 39941


Tribunal administratif N° 39941 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 juillet 2017 chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 4 août 2017 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile, en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 39941 du rôle et déposée le 27 juillet 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Philippe Stro

esser, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de...

Tribunal administratif N° 39941 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 juillet 2017 chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 4 août 2017 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile, en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 39941 du rôle et déposée le 27 juillet 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Philippe Stroesser, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Géorgie), de nationalité géorgienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 12 juillet 2017 ayant ordonné son placement au Centre de rétention pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 31 juillet 2017 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Denise Parisi, en remplacement de Maître Philippe Stroesser, et Madame le délégué du gouvernement Linda Maniewski en leurs plaidoiries respectives.

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Par transmis du 18 novembre 2016, un agent du greffe du Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig informa le ministère des Affaires étrangères et européennes, service des étrangers, que Monsieur … fut mis en détention préventive.

Suivant une recherche effectuée en date du 23 janvier 2017 dans la banque de données EURODAC, Monsieur … avait été appréhendé à Zurich en Suisse en date du 7 avril 2014 et à Ter Apel aux Pays-Bas en date du 20 mai 2014.

Par arrêté du 12 juillet 2017, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé le « ministre », constata le séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois de Monsieur … et ordonna que celui-ci devra quitter ledit territoire sans délai.

En date du même jour, le ministre prit encore un arrêté de placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question, afin de préparer l’exécution de la mesure d’éloignement. Cet arrêté, qui fut notifié à l’intéressé en date du 14 juillet 2017, est fondé sur les considérations et motifs suivants :

« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la 1libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 12 juillet 2017 ;

Attendu que l'intéressé s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de trois mois à compter de son entrée sur le territoire ;

Attendu qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu que l'intéressé évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d'éloignement ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant qu'il est signalé au système EURODAC comme ayant introduit une demande de protection internationale en Suisse et une aux Pays-Bas ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé ont été engagées ;

Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; ».

Il ressort d’un procès-verbal du service de police des étrangers, de la police judiciaire de la police grand-ducale, du 14 juillet 2017, que Monsieur … a refusé de signer l’arrêté portant ordre de quitter le territoire, ainsi que le procès-verbal de notification de la mesure de placement précitée « en prétendant ne pas accepter la décision du MAE ». A la même occasion, il a déclaré aux agents de police qu’il ne serait pas disposé « de retourner volontairement en Géorgie ». Il s’avèra à cette occasion également qu’il était en possession de son passeport géorgien.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 juillet 2017, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 12 juillet 2017 ordonnant son placement au Centre de rétention.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1), de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Partant, il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, Monsieur … fait plaider que le placement en rétention devrait être considéré comme un ultime remède, alors qu’il porterait atteinte à sa liberté de mouvement, de sorte qu’il ne constituerait qu’une simple faculté pour le ministre, faculté qui ne serait cependant pas discrétionnaire, mais qui devrait être motivée à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

Il fait ensuite valoir que les démarches entreprises par le ministre en vue de son éloignement ne progresseraient pas et il en conclut qu’il n’existerait aucune chance raisonnable que ledit éloignement puisse être mené à bien.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé.

2 Par rapport au reproche du demandeur que la décision déférée ne serait pas suffisamment motivée, le tribunal est amené à conclure que s’il est vrai qu’en vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux et les catégories de décisions y énumérées doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, le cas d’espèce sous examen ne tombe cependant dans aucune des hypothèses énumérées à l’alinéa 2 de l’article 6 précité, de sorte que l’obligation inscrite à l’article 6 alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité, d’ailleurs non invoqué par le demandeur, ne trouve pas d’application en l’espèce. Comme il n’existe en outre aucun autre texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une mesure de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision déférée, de sorte que le moyen fondé sur un défaut d’indication des motifs doit en tout état de cause être rejeté pour ne pas être fondé.

Par ailleurs, en tout état de cause, la sanction de l’absence de motivation ne consiste pas dans l’annulation de l’acte visé, mais dans la suspension des délais de recours et celui-ci reste a priori valable, l’administration pouvant produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois pendant la phase contentieuse1.

Ainsi, un acte n’est susceptible d’encourir l’annulation qu’au cas où la motivation le sous-tendant ne ressort d’aucun élément soumis au tribunal au moment où l’affaire est prise en délibéré, étant donné qu’une telle circonstance rend tout contrôle de la légalité des motifs impossible.

Or, en l’espèce, force est au tribunal de constater que la décision déférée indique la cause juridique, ainsi que les circonstances de fait à sa base, en se référant aux articles 111, 120 à 123 et 125 de la loi du 29 août 2008 et en précisant l’existence d’une décision de retour à l’égard du demandeur, ainsi que le fait que le demandeur se serait maintenu sur le territoire au-delà de la durée de trois mois à compter de son entrée sur le territoire, qu’il existerait un risque de fuite dans son chef du fait qu’il ne disposerait pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg, qu’il éviterait ou empêcherait la préparation de son retour ou de la procédure d’éloignement, qu’une mesure moins coercitive n’aurait pas pu être prise à son encontre, qu’il aurait été signalé au système EURODAC comme ayant introduit une demande de protection internationale en Suisse et aux Pays-Bas et que les démarches nécessaires ont été entamées en vue de son éloignement, de sorte que le ministre a, à suffisance de droit, exposé les motifs sous-tendant la décision déférée et que partant le moyen relatif à un défaut de motivation laisse d’être fondé.

Quant au fond, il y a lieu de rappeler que l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée (…). Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) ». En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, « (…) La rétention ne peut être maintenue 1 Cour adm. 20 octobre 2009, n° 25738C du rôle, Pas. adm. 2016, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 82 et les autres références y citées.

3qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. (…) ».

Ainsi, l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour la durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Or, en ce qui concerne les démarches concrètement entreprises en l’espèce par le ministre pour organiser l’éloignement du demandeur, démarches dont l’efficacité est critiquée par ce dernier, il se dégage des éléments du dossier et des explications fournies par la partie gouvernementale qu’en date du 12 juillet 2017, le Centre de coopération policière et douanière du Luxembourg a sollicité de la part des autorités espagnoles des informations sur la situation administrative du demandeur en Espagne, qui ont répondu qu’il y était enregistré, qu’il avait fait l’objet d’une mesure d’expulsion en date du 2 mars 2016 avec une interdiction d’entrer sur le territoire espagnol pour une durée de deux ans et qu’il y était connu pour vol. Il se dégage par ailleurs du dossier administratif qu’en date du 11 juillet 2017, une demande de reprise en charge du demandeur a été adressée à la Suisse, en application du règlement UE n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par le « règlement Dublin III », au vu des résultats obtenus par une recherche effectuée dans la banque de données EURODAC, suivant lesquels il avait introduit en Suisse une demande de protection internationale en date du 7 avril 2014.

Par courrier du 18 juillet 2017, les autorités suisses ont répondu aux autorités luxembourgeoises qu’elles ne considéraient pas que la Suisse soit l’Etat membre responsable, en application du règlement Dublin III, avec l’information qu’en date du 30 avril 2014, la Pologne avait accepté la prise en charge du demandeur, mais comme il avait disparu entretemps, la Suisse avait sollicité une extension du délai en vue du transfert. Les autorités suisses ont également informé les autorités luxembourgeoises qu’en date du 26 mai 2014, les 4Pays-Bas avaient sollicité la reprise en charge du demandeur par la Suisse, ce qui avait été rejeté en date du 28 mai 2014. Il se dégage enfin des pièces et éléments du dossier qu’en date du 26 juillet 2017, les autorités luxembourgeoises ont soumis une demande de reprise en charge aux Pays-Bas, en application du règlement Dublin III, en se basant sur une information obtenue de la part des autorités néerlandaises en date du 25 juillet 2017 qu’une demande en obtention d’un statut de protection internationale était encore pendante dans ce pays.

Au vu des diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise et en considération que la mesure sous examen constitue la première mesure de placement en rétention administrative, le tribunal est amené à retenir que les démarches entreprises en l’espèce par les autorités luxembourgeoises sont suffisantes, que l’organisation de l’éloignement est toujours en cours et est exécutée avec toute la diligence requise et qu’il existe par ailleurs une chance raisonnable que ledit éloignement puisse être mené à bien.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée. Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Géraldine Anelli, juge, Emina Softic, attaché de justice délégué, et lu à l’audience publique extraordinaire du 4 août 2017 à 10.00 heures par le premier vice-président, en présence du greffier Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4 août 2017 Le greffier du tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 39941
Date de la décision : 04/08/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2017-08-04;39941 ?

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