Tribunal administratif N° 39930 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 juillet 2017 chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 4 août 2017 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120. L.29.08.2008)
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 39930 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 juillet 2017 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Maroc), de nationalité marocaine, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l'Immigration et de l’Asile du 17 juillet 2017 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de sa notification ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 juillet 2017 ;
Vu le mémoire en réplique déposé en date du 31 juillet 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan Fatholahzadeh au nom et pour le compte de Monsieur … ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er août 2017 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Shirley Freyermuth, en remplacement de Maître Ardavan Fatholahzadeh, et Madame le délégué du gouvernement Linda Maniewski en leurs plaidoiries respectives.
En date du 23 mai 2017, Monsieur … se rendit au service du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère ».
Suite aux déclarations de l’agent du ministère qui l’aurait informé de son séjour irrégulier au Luxembourg et de ses conséquences, le demandeur aurait acquiescé et n’aurait pas déposé de demande de protection internationale.
1Une décision de retour, assortie d’une interdiction de territoire de trois ans, fut prise par le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé le « ministre », le même jour, cette décision qui lui fut notifiée à la même date étant motivée comme suit :
« (…) Vu les articles 100 et 109 à 115 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Attendu que l’intéressé n’est pas en possession d’un passeport en cours de validité ;
Attendu que l’intéressé n’est pas en possession d’un visa en cours de validité ;
Attendu que l’intéressé n’est ni en possession d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois ni d’une autorisation de travail ;
Que par conséquent il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé; (…) ».
Par arrêté du même jour notifié également le même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur … en rétention administrative au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question, afin de préparer l’exécution de la mesure d’éloignement, lequel est fondé sur les motifs et les considérations suivants :
« (…) Vu les articles 111, 120 à 123 et 125, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu ma décision de retour du 23 mai 2017, assortie d’une interdiction de territoire de trois ans;
Attendu que l’intéressé est dépourvu de tout document d’identité et de voyage valable ;
Attendu que l’identité de l’intéressé n’est pas établie ;
Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;
Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne saurait être efficacement appliquées ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’identification et de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;
Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 juin 2017, Monsieur … fit introduire un recours en réformation qui fut toutefois rejeté comme n’étant pas fondé par un jugement du tribunal administratif du 16 juin 2017, inscrit sous le numéro 39705 du rôle.
Par arrêté du 20 juin 2017, notifié à l’intéressé le 22 juin 2017, le ministre prolongea ladite mesure de placement pour un mois supplémentaire, ledit arrêté étant fondé sur les considérations suivantes :
« Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
2Vu mon arrêté du 23 mai 2017, notifié le même jour, décidant de soumettre l'intéressé à une mesure de placement ;
Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 23 mai 2017 subsistent dans le chef de l'intéressé ;
Considérant que toutes les diligences en vue de l'identification de l'intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;
Considérant que ces démarches n'ont pas encore abouti ;
Considérant qu'il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure de l'éloignement ; (…) ».
Par un nouvel arrêté pris par le ministre en date du 17 juillet 2017, notifié à l’intéressé en date du 21 juillet 2017, la mesure de rétention administrative prise à l’égard de Monsieur … fut à nouveau renouvelée pour une période supplémentaire d’un mois, ledit arrêté étant basé sur les considérations suivantes :
« Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu mes arrêtés des 23 mai et 20 juin 2017, notifiés le 23 mai respectivement le 22 juin 2017, décidant de soumettre l'intéressé à une mesure de placement ;
Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 23 mai 2017 subsistent dans le chef de l'intéressé ;
Considérant que toutes les diligences en vue de l'identification de l'intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;
Considérant que ces démarches n'ont pas encore abouti ;
Considérant qu'il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure de l'éloignement ; (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 25 juillet 2017, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 17 juillet 2017 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention.
Etant donné que l’article 123, paragraphe (1), de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation.
Le recours principal en réformation ayant, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
Il n’y a par conséquent pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours, le demandeur rappelle tout d’abord les faits et rétroactes à la base de la décision ministérielle litigieuse, tels que relevés ci-avant.
3En droit, le demandeur reproche tout d’abord au ministre de ne pas avoir accompli les diligences légalement requises afin de l’éloigner dans les plus brefs délais du territoire luxembourgeois, en rappelant, de manière générale, l’obligation incombant dans ce contexte au ministre.
Après avoir rappelé que le tribunal devra apprécier la légalité de la mesure prise au jour de son jugement, et plus particulièrement au regard des diligences entreprises à cette date afin d’écourter au maximum la privation de liberté de l’intéressé, le demandeur déclare qu’au moment de la rédaction de la requête introductive d’instance, il lui aurait été impossible de connaître par avance l’étendue exacte des diligences entreprises par l’autorité luxembourgeoise auprès des autorités marocaines au jour de la prise en délibéré de l’affaire, de sorte qu’il se réserverait le droit de prendre position sur ce volet du recours dans le cadre d’un mémoire en réplique et cela au regard des diligences entreprises par la partie gouvernementale jusque-là.
En deuxième lieu, le demandeur estime que le ministre aurait pu ordonner à son égard une mesure moins coercitive qu’une mesure de placement en rétention administrative, en soutenant qu’il n’existerait aucun risque de fuite dans son chef. Il soutient dans ce contexte qu’il aurait marqué son intention de retourner volontairement dans son pays d’origine, ce qui ne correspondrait pas au comportement normalement adopté par une personne cherchant à fuir. Il estime partant qu’une mesure d’assignation à résidence aurait pu être prise à son égard.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.
Aux termes de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 ou d’une demande de transit par voie aérienne en vertu de l’article 127 ou lorsque le maintien en zone d’attente dépasse la durée de quarante-huit heures prévue à l’article 119, l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) ».
Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».
L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la 4procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.
En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de trois conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours et que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise.
Le tribunal relève qu’il est constant en cause que le demandeur est en situation irrégulière au Luxembourg, qu’il ne possède pas un visa en cours de validité, voire d’autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail et qu’il ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg.
Dans la mesure où il est, par ailleurs, constant en cause qu’il ne dispose pas de documents de voyage en cours de validité, du fait de ne pas disposer d’un visa et d’un passeport en cours de validité, aux termes de l’article 34, paragraphe (2), point 1 de la loi du 29 août 2008, l’existence, dans son chef, d’un risque de fuite est présumé, en vertu de l’article 111, paragraphe (3), c), point 6 de la même loi, aux termes duquel « (…) le risque de fuite est présumé (…) si l’étranger ne peut justifier de la possession des documents d’identité ou de voyage en cours de validité (…) ».
Il échet dans ce contexte de relever que contrairement aux allégations du demandeur dans son mémoire en réplique, la preuve qu’il soit en possession d’un passeport en cours de validité ne ressort pas du dossier administratif.
Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement, d’autant plus que le demandeur n’a pas soumis au tribunal des éléments de nature à renverser la présomption du risque de fuite qui existe dans son chef, tel que retenu ci-avant, le simple fait d’être en possession d’une carte d’identité marocaine en cours de validité n’étant pas de nature à énerver les conclusions qui précèdent.
5En ce qui concerne le moyen du demandeur relatif au fait que le ministre aurait pu ordonner une assignation à résidence à son encontre, le tribunal relève que l’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) [de la loi du 29 août 2008] (…).
On entend par mesures moins coercitives :
a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;
b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.
La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;
c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.
Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».
Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1), sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant 6qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125, paragraphe (1), de sorte que pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité, aucune des autres mesures moins coercitives ne doit entrer en compte au vu des circonstances du cas particulier.
L’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, les trois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3), de la même loi. Ainsi, s’il existe, comme en l’espèce, une présomption légale d’un risque de fuite dans le chef de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.
Or, en l’espèce, si le demandeur affirme certes qu’il n’aurait pas l’intention de s’opposer à son rapatriement vers le Maroc, il ne soumet toutefois aucun élément concret au tribunal permettant de retenir que le ministre ait violé les dispositions de la loi en décidant de ne pas recourir à une mesure moins coercitive qu’un placement en rétention et plus particulièrement il ne fournit aucun élément susceptible de constituer des garanties de représentation effectives permettant de prévenir le risque de fuite qui est présumé dans son chef, en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c) de la loi du 29 août 2008, tel que cela a été retenu ci-avant, étant encore rappelé à cet égard qu’il n’est pas contesté en cause qu’il ne dispose pas d’adresse fixe au Luxembourg.
Il suit des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce.
S’agissant ensuite des diligences entreprises par le ministre, force est de constater que la requête introductive d’instance ne contient aucune contestation précise. Si le demandeur a développé un certain nombre de réflexions d’ordre général quant à l’obligation du ministre d’entreprendre des démarches avec la diligence requise afin que l’éloignement puisse être réalisé, ceci afin d’écourter la durée du placement en rétention, le demandeur s’est limité à se réserver d’y prendre position dans le cadre d’un mémoire en réplique, dans lequel il ne se réfère toutefois qu’à une entrevue avec le vice-consul du Maroc en date du 4 juillet 2017, à la remise de certaines pièces au ministre et à sa collaboration active avec les autorités luxembourgeoises.
En tout état de cause, et en ce qui concerne les démarches entreprises par le ministre, le tribunal relève qu’en date du 23 mai 2017, le ministre a contacté le Consulat Général du Royaume du Maroc à Liège en Belgique en vue de l’obtention d’un laissez-passer en faveur du demandeur, en y joignant deux photos d’identité, un jeu d’empreintes digitales, ainsi qu’une copie de sa carte d’identité. Cette demande fut rappelée auxdites autorités consulaires par un courrier du ministre du 13 juin 2017, afin de connaître l’état d’avancement du dossier et, suivant une note au dossier, un contact téléphonique a pu être établi entre le Consulat du Maroc et un 1 trib. adm. 6 mai 2016, n° 37829 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.
7agent du ministère des Affaires étrangères et européennes en date du 20 juin 2017 dont il ressort que suivant les indications dudit consulat, la demande d’identification était toujours en cours. En outre, il se dégage d’une pièce dudit ministère du 4 juillet 2017, qu’à la date en question, le Vice-Consul du Maroc à Liège a retiré la carte nationale du demandeur auprès des autorités luxembourgeoises, et ce, « dans un état détérioré ». Suivant une note au dossier, à la date du même jour, le Consulat Général du Maroc à Liège a informé les autorités luxembourgeoises que la demande d’identification était toujours en cours.
Par ailleurs, il échet de relever qu’en date du 18 juillet 2017, le ministre a encore une fois rappelé aux autorités marocaines sa demande en obtention d’un laissez-passer en faveur du demandeur.
Enfin, il échet de noter qu’en date du 28 juillet 2017, des documents supplémentaires ont été remis par le ministre aux autorités marocaines dans le cadre de l’identification du demandeur et de l’organisation de son rapatriement.
Ainsi, au vu des démarches ainsi déployées concrètement par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, actuellement tributaire à cet égard de la collaboration des autorités marocaines, le tribunal est amené à retenir que l’organisation de l’éloignement du demandeur est toujours en cours, mais qu’elle n’a pas encore abouti, et que les démarches ainsi entreprises en l’espèce par les autorités luxembourgeoises doivent être considérées comme suffisantes, de sorte qu’il y a lieu de conclure que l’organisation de l’éloignement en cours est exécutée avec toute la diligence requise.
Le certificat médical déposé au greffe du tribunal administratif avant l’audience des plaidoiries, ayant trait à l’état de santé du demandeur, n’est pas de nature à amener le tribunal à mettre en doute le bien-fondé de la décision sous examen, et ce, d’autant plus qu’il tend, d’après les explications de son litismandataire, à mettre en doute la possibilité de l’éloigner du territoire luxembourgeois, une telle argumentation visant la mesure d’éloignement prise à l’égard du demandeur, non attaquée dans le cadre de la présente instance.
Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent et en l’absence d’autres moyens, le recours en réformation est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
8Carlo Schockweiler, premier vice-président, Géraldine Anelli, juge, Emina Softic, attaché de justice délégué, et lu à l’audience publique extraordinaire du 4 août 2017 à 10.00 heures par le premier vice-président, en présence du greffier Xavier Drebenstedt.
s. Xavier Drebenstedt s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4 août 2017 Le greffier du tribunal administratif 9