La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/08/2017 | LUXEMBOURG | N°39929

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 août 2017, 39929


Tribunal administratif N° 39929 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 juillet 2017 chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 4 août 2017 Recours formé par Madame …, alias …, alias …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile, en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 39929 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 25 juillet 20

17 par Maître Philippe Stroesser, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats...

Tribunal administratif N° 39929 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 juillet 2017 chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 4 août 2017 Recours formé par Madame …, alias …, alias …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile, en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 39929 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 25 juillet 2017 par Maître Philippe Stroesser, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, alias …, déclarant être née le … et être de nationalité mongolienne, alias …, déclarant être née le … et être de nationalité chinoise, actuellement retenue au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 10 juillet 2017 portant placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 28 juillet 2017 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Denise Parisi, en remplacement de Maître Philippe Stroesser, et Madame le délégué du gouvernement Linda Maniewski en leurs plaidoiries respectives.

___________________________________________________________________________

Par télécopie du 13 janvier 2017, un agent du greffe du Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig informa le ministère des Affaires étrangères et européennes, service des étrangers, que Madame …, alias …, alias …, dénommée ci-après « Madame … », se trouvait en détention préventive audit centre pénitentiaire, sans se trouver en possession d’une pièce d’identité.

En date du 20 janvier 2017, le Centre de coopération policière et douanière du Grand-Duché de Luxembourg sollicita des renseignements auprès de ses collègues français quant à la situation administrative notamment de Madame …, dans le cadre de la vérification de son identité, et ce, au motif qu’elle ne disposerait « d’aucun document d’identité ».

La réponse des autorités françaises précisa que cette personne était inconnue en France et qu’aucun visa n’aurait été émis en sa faveur, voire sollicité par elle.

Il ressort d’un procès-verbal du service de police judiciaire de la police grand-ducale du 31 janvier 2017, que Madame … avait introduit une demande de protection internationale en France, suivant le résultat des recherches menées dans la banque de données EURODAC et qu’elle y était connue sous deux identités différentes, à savoir celle indiquée dans la requête 1sous examen et une deuxième identité, à savoir celle de …, déclarant être née le … en Chine et être de nationalité chinoise.

Il se dégage encore dudit procès-verbal que suivant un arrêté de la préfecture du Finistère du 22 avril 2013, elle aurait eu l’obligation de quitter le territoire français, de sorte qu’elle ne se trouverait plus en séjour régulier en France.

En date du 10 juillet 2017, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé le « ministre », prit une décision de retour à l’encontre de Madame …, de même qu’un arrêté de placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question, afin de préparer l’exécution de la mesure d’éloignement. Cet arrêté est fondé sur les considérations et motifs suivants :

« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 10 juillet 2017 ;

Attendu que l'intéressée est démunie de tout document d'identité et de voyage valable ;

Considérant que l'intéressée se trouvait en détention préventive depuis le 12 janvier 2017 ;

Attendu qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressée, alors qu'elle ne dispose pas d'une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu que l'intéressée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d'éloignement ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que l'intéressée est signalée au système EURODAC comme ayant déposée deux demandes de protection internationale en France en date du 30 mai 2007 et en date du 6 août 2015 ;

Considérant qu'une demande de reprise en charge en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 sera adressée aux autorités compétentes dans les meilleurs délais ;

Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; ».

Il ressort, d’une part, d’un courriel adressé en date du 10 juillet 2017 par un agent du Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig à un fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, que Madame … serait libérée en date du 11 juillet 2017 dudit Centre pénitentiaire et, d’autre part, d’une réponse dudit fonctionnaire du ministère qu’elle serait transférée en date du même 11 juillet 2017 du Centre pénitentiaire au Centre de rétention au Findel.

En date du 12 juillet 2017, les autorités luxembourgeoises sollicitèrent la reprise en charge par la France de Madame …, sur base du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dit « règlement Dublin III », au motif que l’intéressée avait introduit une demande de protection internationale en France en date du 6 août 2015 et qu’il n’existait aucun indice que depuis lors elle avait quitté le territoire des Etats membres pour une durée supérieure à trois 2mois. Il ressort par ailleurs de ladite demande de reprise que l’intéressée avait déclaré avoir une adresse de résidence à F-56120 Josselin.

Par courrier du 17 juillet 2017, les autorités françaises se déclarèrent d’accord avec la reprise en charge de Madame …, sur base de l’article 18, paragraphe (1), point d) du règlement Dublin III.

Par arrêté du 24 juillet 2017, le ministre décida de transférer Madame … vers la France, sur base du règlement Dublin III, sur base de sa décision de retour précitée du 10 juillet 2017 et de la reprise accordée par les autorités françaises en date du 21 juillet 2017.

Par un transmis adressé en date du 24 juillet 2017 au service de police judiciaire de la police grand-ducale, le ministre pria ce dernier de procéder au transfert de Madame … vers la France, avec l’indication qu’en application de l’article 27, paragraphe (2) du règlement Dublin III, ledit transfert ne pourrait pas être organisé avant le 10 août 2017.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 25 juillet 2017, Madame … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 10 juillet 2017 ordonnant son placement au Centre de rétention.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1), de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Partant, il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, Madame … déclare avoir été placée sous mandat de dépôt en date du 13 janvier 2017, après avoir été inculpée du chef de vol, et que par jugement du 1er juin 2017, elle aurait été condamnée à une peine d’emprisonnement de douze mois dont six mois assortis du sursis.

En droit, la demanderesse fait plaider que le placement en rétention devrait être considéré comme ultime remède, alors qu’il porterait atteinte à sa liberté de mouvement, de sorte qu’il ne constituerait qu’une simple faculté pour le ministre, faculté qui ne serait cependant pas discrétionnaire, mais qui devrait être motivée à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

Elle conteste en outre le constat du ministre suivant lequel elle éviterait ou empêcherait la préparation de son retour, voire une procédure d’éloignement initiée à son encontre, en soutenant que le ministre n’aurait aucune preuve de nature à attester ce comportement.

En outre, la demanderesse soutient qu’il serait faux de prétendre qu’elle serait démunie de tout document d’identité, alors qu’elle disposerait d’une carte d’identité mongolienne en cours de validité, telle que versée en photocopie en annexe au recours sous examen.

3Par ailleurs, la demanderesse estime qu’une mesure moins coercitive qu’un placement en rétention administrative aurait pu être envisagée en l’espèce, du fait qu’elle serait non seulement titulaire d’un document d’identité, mais qu’elle disposerait en outre d’une adresse stable en France, à savoir à F-…, où vivrait d’ailleurs son compagnon, Monsieur …, ensemble avec son fils. Elle soutient avoir la possibilité d’habiter également à l’adresse en question.

Enfin, elle conteste que le ministre ait entamé les démarches légalement requises afin de procéder à son éloignement du territoire luxembourgeois, en soutenant qu’aucune demande de prise, voire de reprise en charge n’aurait été adressée aux autorités françaises.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé, en relevant que le simple fait qu’une erreur matérielle se serait glissée dans la décision ministérielle sous examen, en ce qu’il y serait faussement indiqué que la demanderesse serait démunie de tout document d’identité, ne saurait énerver la légalité et le bien-fondé de la décision en question.

Par rapport au reproche de la demanderesse que la décision déférée ne serait pas suffisamment motivée, le tribunal est amené à conclure que s’il est vrai qu’en vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux et les catégories de décisions y énumérées doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, le cas d’espèce sous examen ne tombe cependant dans aucune des hypothèses énumérées à l’alinéa 2 de l’article 6 précité, de sorte que l’obligation inscrite à l’article 6 alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité, d’ailleurs non invoqué par la demanderesse, ne trouve pas d’application en l’espèce. Comme il n’existe en outre aucun autre texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressée, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision de placement, de sorte que le moyen fondé sur un défaut d’indication des motifs doit en tout état de cause être rejeté pour ne pas être fondé.

Par ailleurs, en tout état de cause, la sanction de l’absence de motivation ne consiste pas dans l’annulation de l’acte visé, mais dans la suspension des délais de recours et celui-ci reste a priori valable, l’administration pouvant produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois pendant la phase contentieuse1.

Ainsi, un acte n’est susceptible d’encourir l’annulation qu’au cas où la motivation le sous-tendant ne ressort d’aucun élément soumis au tribunal au moment où l’affaire est prise en délibéré, étant donné qu’une telle circonstance rend tout contrôle de la légalité des motifs impossible.

Or, en l’espèce, force est au tribunal de constater que la décision déférée indique la cause juridique, ainsi que les circonstances de fait à sa base, en se référant aux articles 111, 120 à 123 et 125 de la loi du 29 août 2008 et en précisant l’existence d’une décision de retour à l’égard de la demanderesse, ainsi que le fait que la demanderesse serait dépourvue de documents d’identité et de voyage valables et qu’il existerait un risque de fuite dans son chef, de sorte que le ministre a, à suffisance de droit, exposé les motifs sous-tendant la décision 1 Cour adm. 20 octobre 2009, n° 25738C du rôle, Pas. adm. 2016, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 82 et les autres références y citées.

4déférée et que partant le moyen relatif à un défaut de motivation laisse d’être fondé.

Dans ce contexte, il échet de relever que le seul fait, comme l’a admis le délégué du gouvernement dans son mémoire en réponse, qu’une erreur matérielle s’est glissée dans la décision en question du fait que contrairement aux indications y figurant, la demanderesse dispose de documents d’identité, ne saurait énerver la conclusion qui précède.

Quant au fond, il y a lieu de rappeler que l’article 120 paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée (…). Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) ». En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, « (…) La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. (…) ».

Ainsi, l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour la durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

S’agissant tout d’abord des contestations de la demanderesse quant au risque de fuite, le tribunal constate que la demanderesse fait l’objet d’une décision de retour du 10 juillet 2017, telle que précitée, par laquelle a été constatée son séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois et son obligation de quitter celui-ci sans délai, et ce, au motif qu’elle ne se trouvait pas en possession ni d’un passeport en cours de validité ni d’un visa en cours de validité ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois ni d’une autorisation de travail et qu’elle ne justifiait pas non plus l’objet et les conditions de son séjour, tel qu’envisagé au Luxembourg, de sorte qu’il existait un risque de fuite dans son chef.

5 Au vu de cet arrêté ministériel, qui ne fait pas l’objet de la présente instance contentieuse, il échet partant de retenir qu’un risque de fuite est présumé dans le chef de la demanderesse, en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c) de la loi du 29 août 2008, de sorte qu’il aurait appartenu à la demanderesse de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption, en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite.

Or, la demanderesse n’a fourni aucun élément permettant de renverser la présomption du risque de fuite dans son chef, étant relevé que le simple fait d’être en possession d’une carte d’identité mongolienne en cours de validité n’est pas de nature à renverser cette présomption, et ce, d’autant plus que ce document d’identité n’est pas de nature à l’autoriser à séjourner sur le territoire luxembourgeois. En outre, il échet de retenir que la simple contestation du risque de fuite est insuffisante, alors qu’il aurait appartenu à la demanderesse de fournir au tribunal des explications concrètes susceptibles de renverser la présomption du risque de fuite.

Le moyen afférent est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

S’agissant ensuite de l’argumentation de la demanderesse, selon laquelle une mesure moins coercitive que son placement en rétention, telle qu’une assignation à résidence auprès de son compagnon aurait dû lui être appliquée, le tribunal relève que l’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, prévoit ce qui suit : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) [de la loi du 29 août 2008] (…).

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les 6consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1), sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125, paragraphe (1), de sorte que pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité, aucune des autres mesures moins coercitives ne doit entrer en compte au vu des circonstances du cas particulier.

L’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, les trois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3), de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale d’un risque de fuite dans le chef de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes2.

En l’espèce, il échet de relever que le simple fait que la demanderesse déclare bénéficier d’un logement en France où elle pourrait séjourner avec son compagnon et son fils, et ce, sur base d’un contrat de bail versé à l’appui de la requête sous examen, daté au 19 juillet 2017, de même que le simple fait d’être en possession d’une carte d’identité mongolienne en cours de validité, sont insuffisants pour conclure que le ministre ait violé les dispositions de la loi en décidant de ne pas recourir à une mesure moins coercitive qu’un placement en rétention. Ces éléments ne sont dès lors pas susceptibles de constituer des garanties de représentation effectives permettant de prévenir le risque de fuite qui est présumé dans le chef de la demanderesse, en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c) de la loi du 29 août 2008, étant donné que le fait de disposer, le cas échéant, d’un domicile ou d’une résidence en France, à savoir dans un pays étranger, n’est pas de nature à établir que la demanderesse se trouve à la disposition des autorités luxembourgeoises afin de procéder à son éloignement du territoire luxembourgeois.

Il s’ensuit que le moyen afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.

Au regard des diligences déployées par le ministre à l’égard de la demanderesse, telles qu’elles ressortent du dossier administratif soumis au tribunal, le tribunal est amené à retenir 2 trib. adm. 6 mai 2016, n° 37829 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.

7que le dispositif d’éloignement est actuellement en cours et poursuivi avec la diligence requise, conformément aux exigences posées par l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008. A cet égard, il échet de relever que déjà en date du 20 janvier 2017, les autorités luxembourgeoises ont entamé les premières démarches afin d’identifier la demanderesse pour connaître sa situation administrative, qu’en date du 31 janvier 2017, il a pu être découvert que la demanderesse avait introduit deux demandes de protection internationale en France, sous deux identités différentes et qu’en date du 12 juillet 2017, les autorités françaises ont été contactées en vue d’une reprise en charge de la demanderesse, sur base du règlement Dublin III, démarche qui a donné lieu à une réponse desdites autorités françaises en date du 17 juillet 2017, par laquelle elles ont marqué leur accord avec une reprise en charge de la demanderesse, sur base dudit règlement communautaire. Il échet enfin de constater que l’organisation du transfert de la demanderesse vers la France est en cours, tel que cela ressort du transmis précité du 24 juillet 2017, dont il ressort que suivant la règlementation communautaire applicable, ledit transfert ne pourra pas avoir lieu avant le 10 août 2017.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Géraldine Anelli, juge, Emina Softic, attaché de justice délégué, et lu à l’audience publique extraordinaire du 4 août 2017 à 10.00 heures par le premier vice-président, en présence du greffier Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4 août 2017 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 39929
Date de la décision : 04/08/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2017-08-04;39929 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award