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04/08/2017 | LUXEMBOURG | N°39728

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 août 2017, 39728


Tribunal administratif N° 39728 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 juin 2017 chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 4 août 2017 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (3), L. 18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 39728 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 13 juin 2017 par Maître Mariame

Yazback, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au no...

Tribunal administratif N° 39728 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 juin 2017 chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 4 août 2017 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (3), L. 18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 39728 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 13 juin 2017 par Maître Mariame Yazback, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Guinée) et être de nationalité guinéenne, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 22 mai 2017 de le transférer vers l’Italie, l’Etat membre compétent pour connaître de sa demande de protection internationale ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 juillet 2017 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Mariame Yazback et Madame le délégué du gouvernement Linda Maniewski en leurs plaidoiries respectives.

Monsieur … arriva sur le territoire luxembourgeois au courant du mois d’octobre 2016.

Par ordonnance du juge des tutelles auprès du tribunal de la jeunesse et des tutelles près le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 7 novembre 2016, prise sur requête du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, Monsieur … se vit désigner en sa qualité de mineur non accompagné Maître Mariame Yazback, avocat à la Cour, en tant qu’administrateur ad hoc.

Le 14 décembre 2016, Monsieur … introduisit une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, dénommée ci-après la « loi du 18 décembre 2015 ».

Il s’avéra à cette occasion que l’intéressé avait précédemment déposé une demande de protection internationale en Italie en date du 3 juillet 2015 où il aurait indiqué comme date de naissance le … .

Le 30 janvier 2017, Monsieur … passa un entretien auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dénommé ci-après « le règlement Dublin III ».

Par décision du 24 février 2017, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé le « ministre », informa Monsieur … que les autorités luxembourgeoises ont pris la décision de le transférer vers la République d’Italie, au motif que le Grand-Duché de Luxembourg n’était pas compétent pour examiner sa demande en reconnaissance d’un statut de protection internationale, en se référant aux dispositions de l’article 28 (1) de la loi du 18 décembre 2015 et à celles de l’article 18, paragraphe 1b), du règlement Dublin III, au motif que ce serait l’Italie qui serait responsable du traitement de sa demande d’asile, du fait qu’il y aurait introduit le 3 juillet 2015 une demande de protection internationale et que les autorités italiennes auraient accepté le 13 février 2017 de reprendre en charge l’examen de sa demande de protection internationale.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 10 mars 2017, inscrite sous le numéro 39241 du rôle, Monsieur … a introduit un recours en annulation contre la décision ministérielle précitée du 24 février 2017.

Par courrier du 20 mars 2017, le ministre informa Monsieur … que son transfert vers l’Italie aura lieu le 3 avril 2017.

Par requête déposée en date du 22 mars 2017, inscrite sous le numéro 39300 du rôle, il a encore introduit une demande en institution d’une mesure provisoire tendant en substance à voir surseoir à l’exécution du transfert vers l’Italie prévu pour le 3 avril 2017 jusqu’au jour où le tribunal administratif aura statué sur le mérite du recours au fond.

Par ordonnance du président du tribunal administratif du 28 mars 2017, la décision ministérielle précitée du 24 février 2017 fut suspendue et Monsieur … fut autorisé à séjourner provisoirement sur le territoire luxembourgeois jusqu’au jour où le tribunal administratif aura statué sur le mérite du recours au fond introduit sous le numéro 39241 du rôle.

Par courriers des 13 et 14 avril 2017, les autorités ministérielles informèrent Maître Mariame Yazback que la décision de transfert du 24 février 2017 serait à considérer comme nulle et non avenue et que le recours au fond serait partant à considérer comme devenu sans objet.

Par courrier du 18 avril 2017, Monsieur … fut toutefois convié à subir un test osseux en vue de déterminer son âge ; le rapport afférent établi le 15 mai 2017 par le DR. P., médecin spécialiste en médecine légale, respectivement par le Dr. D. , médecin spécialiste en radio-diagnostique conclut à ce qu’il résulte des examens médicaux réalisés sur l’intéressé, à savoir la main, le poignet, des dents, la clavicule qu’il est âgé de plus de 18 ans et que par conséquent, il est à considérer comme majeur.

Par décision du 22 mai 2017, notifiée le 29 mai 2017, le ministre informa à nouveau Monsieur … que le Grand-Duché de Luxembourg n’est pas compétent pour examiner sa demande en reconnaissance d’un statut de protection internationale en se référant aux dispositions de l’article 28 (1) de la loi du 18 décembre 2015 et des dispositions de l’article 18§1 b) du règlement Dublin III, au motif que Italie est l’Etat membre responsable pour examiner sa demande de protection internationale, du fait qu’il y aurait précédemment introduit une demande de protection internationale en date du 3 juillet 2015, cette même décision faisant encore état de ce que les autorités italiennes auraient accepté en date du 13 février 2017 de reprendre en charge l’examen de sa demande de protection internationale.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 juin 2017, inscrite sous le numéro 39728 du rôle, Monsieur … a introduit un recours en annulation contre la décision ministérielle précitée du 22 mai 2017.

Par courrier du 29 juin 2017, le ministre informa le mandataire de Monsieur … que son transfert vers Italie serait prévu pour le 6 juillet 2017.

Par requête déposée en date du 5 juillet 2017, inscrite sous le numéro 39833 du rôle, Monsieur … a introduit une demande en institution d’un sursis à exécution par rapport à la décision, ainsi qualifiée, du 29 juin 2017, le dispositif de ladite requête visant explicitement à assortir la décision, ainsi qualifiée, du 29 juin 2017 d’un sursis à exécution, le litismandataire du demandeur ayant toutefois précisé, tel que cela ressort également du corps de sa requête, viser en fait la décision ministérielle de transfert du 22 mai 2017.

Par ordonnance du 5 juillet 2017, n° 39833 du rôle, le président du tribunal administratif ordonna qu’il soit sursis à l’exécution de la décision ministérielle d’incompétence et de transfert du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 22 mai 2017 jusqu’à l’intervention d’une nouvelle ordonnance à rendre après continuation des débats sur le mérite du recours, fixée au lundi, 10 juillet 2017 à 10.00 heures, et ce afin de permettre aux parties d’instruire davantage le dossier, et ce, sur la toile de fond de la minorité éventuelle, voire présumée du demandeur, et ce, notamment en ce qui concerne la fiabilité des examens médicaux destinés à déterminer l’âge et la situation en Italie.

Par ordonnance du président du tribunal administratif du 10 juillet 2017, inscrite sous le numéro 39833a du rôle, le président du tribunal administratif a rejeté le recours en obtention d’une mesure provisoire, au motif notamment que les conclusions du ministre, tablant sur la majorité du demandeur, n’étaient pas, en l’état d’instruction du dossier ainsi soumis au président du tribunal, sérieusement énervées.

De même, le président du tribunal n’a pas pu retenir, au vu des pièces et éléments lui soumis, l’existence de défaillances systémiques existant en Italie dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale et ce, au sens de l’article 3, paragraphe (2), deuxième alinéa du règlement Dublin III. Enfin, le président a retenu que le demandeur n’avait pas valablement fait état d’un préjudice grave et définitif qui risquerait de lui être occasionné du fait d’être transféré vers l’Italie.

Etant donné qu’aucune disposition légale ne prévoit de recours au fond en la présente matière, l’article 35, paragraphe (3), de la loi du 18 décembre 2015 prévoyant expressément un recours en annulation contre la décision de transfert visée à l’article 28, paragraphe (1), de la même loi, un recours en annulation a valablement pu être introduit.

Le recours en annulation est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours et en droit, le demandeur conclut à une violation des articles 6, paragraphes (1) et (3) et 8, paragraphe (4) du règlement Dublin III, en soutenant que contrairement aux conclusions auxquelles a abouti le ministre dans la décision déférée, il ne serait pas à considérer comme majeur. Dans ce contexte, il met en doute les conclusions auxquelles ont abouti les docteurs P. et D. dans leur rapport du 15 mai 2017 intitulé « Rechtsmedizinisches Gutachten zur Altersschätzung im Untersuchungsverfahren zur Person … angegebenes Geburtsdatum : … », dénommé ci-après le « rapport médical du 15 mai 2017 ». Il estime en effet qu’il y aurait lieu d’examiner les résultats des examens radiographiques en vue de déterminer l’âge osseux avec prudence et circonspection, en ce que la maturité de la dentition et du squelette ne permettrait pas de déterminer l’âge exact d’un enfant, mais uniquement de procéder à son estimation, avec une marge d’erreur de 2 à 3 ans. Ainsi, plus particulièrement au cours de l’adolescence, l’âge osseux ne correspondrait pas toujours à l’âge réel, et ceci essentiellement en ce qui concerne la tranche d’âge située entre … et … ans.

Il se réfère dans ce contexte à un rapport établi par le Comité consultatif national d’éthique pour la science de la vie du 22 octobre 2017, suivant lequel il existerait un risque d’erreur majeur en ce qui concerne les enfants non caucasiens, originaires d’Afrique ou d’Asie, ledit rapport soulignant que l’incertitude serait même plus grande entre la tranche d’âge située entre … et … ans.

Par ailleurs, il estime que son âge exact ressortirait d’un jugement de la République de Guinée du 16 avril 2016 qui lui tiendrait lieu d’acte de naissance et dont il ressortirait qu’il serait né le … à …, le demandeur insistant dans ce contexte que ledit jugement aurait fait l’objet d’une transcription au registre d’état civil de la commune de …, tel que cela serait reflété par un certificat de nationalité du 28 avril 2016 attestant encore, pour autant que de besoin, cet acte de naissance. Il soutient que ce document serait « parfaitement authentiques » et ne saurait être énervé par les résultats se dégageant du rapport médical du 15 mai 2017 « dont la fiabilité est incertaine ».

De l’ensemble des éléments ainsi exposés par lui, il y aurait lieu de conclure qu’il devrait être considéré comme « personne vulnérable » au sens de l’article 15 de la loi du 18 décembre 2015 relative à l’accueil des demandeurs de protection internationale et de protection temporaire, de sorte à devoir bénéficier des articles 6, paragraphes (1) et (3) et 8, paragraphe (4) du règlement Dublin III, en application desquels il y aurait lieu de faire droit à son souhait de s’établir au Luxembourg « pour son bien-être et son développement social », en insistant dans ce contexte sur le fait qu’il fréquenterait le Lycée … où il aurait eu un bulletin d’études du premier trimestre de l’année scolaire 2016/2017 dont il ressortirait qu’il aurait « un niveau plus que satisfaisant », le demandeur relevant encore qu’il suivrait également des cours de français et de luxembourgeois afin de faciliter son intégration sur le territoire luxembourgeois.

Par ailleurs, le demandeur déclare ne pas souhaiter retourner en Italie qui ne serait pas en mesure de faire face à un afflux de migrants, en ce qu’il ne disposerait pas des structures d’accueil et des dispositifs de prise en charge nécessaires, de sorte à ce qu’au cas où il serait transféré vers l’Italie, il risquerait d’y être « livré à lui-même », du fait que ce pays ne disposerait pas de foyers en nombre suffisant, ce qui aurait pour conséquence qu’il devrait passer « ses nuits dans la rue, de subir la faim, le froid », et qu’il risquerait en outre de faire l’objet de « la traite des êtres humains ». Il ajoute que l’Italie ne prévoirait aucune scolarisation des mineurs dans le cadre de l’accueil des demandeurs d’asile.

En conclusion, le demandeur soutient qu’il serait dans son intérêt supérieur de ne pas l’éloigner vers l’Italie où il ne posséderait d’ailleurs aucun membre de sa famille, voire d’autres personnes proches qui pourraient s’occuper de lui.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Aux termes de l’article 28, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 « Si, en application du règlement (UE) n°604/2013, le ministre estime qu’un autre Etat membre est responsable de la demande, il sursoit à statuer sur la demande jusqu’à la décision du pays responsable sur la requête de prise ou de reprise en charge. Lorsque l’Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge du demandeur, le ministre notifie à la personne concernée la décision de la transférer vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner sa demande de protection internationale ».

L’article 18, paragraphe (1), point b), du règlement Dublin III, dans le cadre duquel s’inscrit de manière non contestée la décision ministérielle litigieuse, est libellé comme suit :

« L’Etat membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (…) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d’examen et qui a présenté une demande auprès d’un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre Etat membre. » Il s’ensuit que si, en vertu d’un des critères du règlement Dublin III, un autre Etat membre est responsable de l’examen de la demande de protection internationale introduite au Luxembourg par un ressortissant d’un Etat tiers et si ce pays accepte la reprise en charge de ce dernier, le ministre décide de transférer la personne concernée vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner la demande de protection internationale introduite au Luxembourg.

Le tribunal constate qu’en l’espèce, la décision ministérielle déférée du 22 mai 2017 est motivée par le fait, d’une part, que le demandeur a déposé en date du 3 juillet 2015 une demande de protection internationale en Italie, de sorte que les autorités italiennes seraient responsables de sa demande de protection internationale, et, d’autre part, que l’Italie a accepté le 13 février 2017 la prise, respectivement la reprise en charge de l’examen de la demande de protection internationale y déposée par Monsieur ….

Force est à cet égard de relever qu’il n’est pas contesté en cause que le bien-fondé de cette motivation ressort à la fois des résultats des recherches effectuées dans la base de données EURODAC et d’un courrier des autorités compétentes italiennes du 13 février 2017, qui ont accepté la reprise en charge du demandeur, telle qu’elle a été sollicitée par les autorités luxembourgeoises sur le fondement du prédit article 18, paragraphe (1), point b).

C’est dès lors a priori à bon droit que le ministre a constaté que l’Italie est responsable pour connaître de la demande de protection internationale du demandeur et a décidé de le transférer en Italie.

L’article 6, paragraphe (1), du règlement Dublin III, invoqué par le demandeur, dispose que « l’intérêt supérieur de l’enfant est une considération primordiale pour les Etats membres dans toutes les procédures prévues par le présent règlement », le même article disposant dans son paragraphe (3), également invoqué par le demandeur que « lorsqu’ils évaluent l’intérêt supérieur de l’enfant, les Etats membres coopèrent étroitement entre eux et tiennent dûment compte, en particulier, des facteurs suivants :

a) les possibilités de regroupement familial ;

b) le bien-être et le développement social du mineur ;

c) les considérations tenant à la sûreté et à la sécurité, en particulier lorsque le mineur est susceptible d’être une victime de la traite des êtres humains ;

d) l’avis du mineur, en fonction de son âge et de sa maturité ».

Enfin, l’article 8, paragraphe (4), du règlement Dublin III, également invoqué par le demandeur dispose comme suit : « en l’absence de membres de la famille, de frères ou sœurs, ou de proches visés aux paragraphes (1) et (2), l’Etat membre responsable est celui dans lequel le mineur non accompagné a introduit sa demande de protection internationale, à condition que ce soit dans l’intérêt supérieur du mineur ».

Il échet tout d’abord de constater que l’intégralité de l’argumentation développée par le demandeur se base sur le fait qu’il soutient être un mineur, de sorte à ce que les dispositions de droit international précitées auraient dû trouver application en l’espèce.

Il échet partant, dans une première phase, de déterminer si le demandeur est à considérer comme mineur ou majeur, étant donné que ce n’est qu’au cas où il peut valablement être retenu que le demandeur est mineur qu’il échet d’examiner si les dispositions précitées du règlement Dublin III ont été correctement appliquées par les autorités luxembourgeoises.

Or, en ce qui concerne l’âge du demandeur, il échet de se référer au rapport médical du 15 mai 2017 dont il ressort « mit grosser Wahrscheinlichkeit » que le demandeur est âgé de plus de 18 ans. En outre, contrairement à l’argumentation développée par le demandeur, les conclusions se dégageant dudit rapport médical et portant sur l’âge du demandeur ne s’appuient pas uniquement sur un test osseux, mais sur l’examen du développement des signes sexuels extérieurs distinctifs, ainsi que sur un examen du développement de la mâchoire, outre un examen osseux de la main, du poignée et de la clavicule.

Il échet en outre de relever que les critiques exposées par le demandeur mettent en cause la fiabilité des tests osseux, sans mettre en doute la fiabilité des autres tests complémentaires effectués par les médecins ayant élaboré le rapport médical du 15 mai 2017, suivant lesquels il existe un faisceau d’indices permettant d’approcher au mieux l’âge de la personne, tel que précisément l’examen de la pilosité et des organes sexuels ainsi que des dents, et spécifiquement de la troisième molaire.

Il échet encore de constater que si les examens osseux reposent sur l’atlas de Greulich et Pyle qui semblent être critiqués et critiquables, il échet néanmoins de constater que les autres tests pratiqués à la base du rapport médical litigieux reposent sur les méthodes Tanner et Schmeling, non critiquées en l’espèce.

Les conclusions qui se dégagent ainsi du rapport médical précité concluant à la majorité du demandeur ne sauraient être énervées par un jugement du tribunal de première instance de … (République de Guinée) du 16 avril 2016, par un extrait du registre de transcription (naissance) de la Ville de …, commune de …, du 19 avril 2016 et par un certificat de nationalité émis par le tribunal de première instance de … III en date du 28 avril 2016 et ce, au vu d’un rapport de mission en République de Guinée établi par le Royaume de Belgique, la République française et la Confédération Suisse et publié au mois de mars 2012, suivant lequel il est facile de se faire délivrer des documents d’état civil ou de justice ou de police en République de Guinée par les autorités officiellement compétentes, alors que le commerce de « vrais-faux » documents serait courant dans ce pays.

Enfin, en ce qui concerne les reproches, généraux et abstraits, formulés par le demandeur à l’égard des autorités italiennes, auxquelles il est reproché des défaillances systémiques, le demandeur faisant état d’une incapacité desdites autorités de faire face à l’afflux de migrants arrivant en Italie, en critiquant plus particulièrement les conditions d’hébergement et d’alimentation des demandeurs d’un statut de protection internationale, il échet de relever que le demandeur a probablement entendu faire référence à l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2, du règlement Dublin III qui dispose que « Lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’État membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’État membre procédant à la détermination de l’État membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable ».

Or, il échet de constater que le demandeur n’a pas appuyé ses affirmations vagues et abstraites par un élément concret de son propre récit qui serait pertinent par rapport aux reproches soulevés par lui de manière générale ou encore par des rapports internationaux ou une autre source quelconque, permettant ainsi au tribunal d’examiner le bien-fondé de ses allégations.

En conclusion à ce dernier reproche, il échet partant de retenir que le demandeur reste en défaut d’indiquer concrètement quels auraient été les problèmes graves rencontrés par les autorités italiennes, voire quels seraient les défaillances systémiques pour un traitement par lesdites autorités des demandes de protection internationale introduites sur le territoire de l’Italie.

Le tribunal est dès lors amené à conclure que les affirmations selon lesquelles il existerait des graves problèmes systémiques en Italie en ce qui concerne les demandes de protection internationale et l’accueil des demandeurs de protection internationale restent, en l’état du dossier, à l’état de pures allégations, le demandeur étant resté en défaut, d’une part, de faire valoir un problème concret pertinent ayant affecté l’analyse de sa demande de protection internationale, respectivement ses conditions d’accueil et d’hébergement en Italie et, d’autre part, de soumettre au tribunal un quelconque élément de preuve, tels que notamment des rapports internationaux relatifs aux difficultés rencontrées suivant ses affirmations par les autorités italiennes dans le traitement des demandes de protection internationale et en ce qui concerne les conditions d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile.

A cet égard, il y a lieu de souligner qu’afin de pouvoir utilement réformer ou annuler une décision administrative, le tribunal, en tant qu’organe juridictionnel, est appelé à statuer par rapport aux moyens tant en droit qu’en fait qui lui sont soumis par la partie demanderesse, mais il ne lui appartient pas, en l’absence de moyens concrètement soumis,- sous la réserve de moyens d’ordre public qui sont à soulever d’office -, d’instruire de sa propre initiative une demande qui lui est adressée : ainsi l’exposé d’un moyen de droit requiert normalement de désigner la règle de droit qui serait violée, mais également la manière dont celle-ci aurait été violée par l’acte attaqué1.

Par ailleurs, il échet de relever que le système Dublin III est basé sur l’hypothèse que tous les Etats membres de l’Union européenne sont des Etats de droit dans lesquels les demandeurs de protection internationale peuvent faire valoir leurs droits et requérir l’aide des organes étatiques, notamment judiciaires, au cas où ils estiment que leurs droits ont été lésés.

S’il est exact qu’il est admis qu’une acceptation de prise en charge par un Etat membre peut être remise en cause par un demandeur de protection internationale lorsqu’il y existe des défaillances systémiques de la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs 1 trib. adm. 27 mai 2013, n° 32017 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Procédure contentieuse, n° 406 et les autres références y citées.

de protection internationale dans cet Etat membre, il n’en reste pas moins que ces défaillances systémiques requièrent, pour être de nature à s’opposer à un transfert, d’être qualifiées de traitements inhumains et dégradants au sens de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.2 Or, en l’espèce, le demandeur se limite à invoquer des reproches vagues et abstraits en ce qui concerne le traitement des demandes de protection internationale déposées en Italie, voire les conditions d’hébergement des demandeurs de protection internationale, sans étayer ce moyen et sans apporter la preuve qu’il existerait en Italie des défaillances systémiques de la procédure d’asile et des conditions d’accueil et ce, plus particulièrement en raison de l’augmentation récente du nombre de demandeurs de protection internationale dans ce pays.

Il suit des considérations qui précèdent que le moyen du demandeur fondé sur une violation de l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III, est à rejeter pour ne pas être fondé.

Aucun autre moyen n’ayant été soulevé en cause, le recours en annulation est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en annulation ;

au fond, le dit non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Géraldine Anelli, juge, Emina Softic, attaché de justice délégué, et lu à l’audience publique extraordinaire du 4 août 2017 à 10.00 heures par le premier vice-président, en présence du greffier Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4 août 2017 Le greffier du tribunal administratif 2 CJCE, 10 décembre 2013, C-394/12, Shamso Abdullahi c. Bundesasylamt, point 62 9


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 39728
Date de la décision : 04/08/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2017-08-04;39728 ?

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