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19/07/2017 | LUXEMBOURG | N°39872

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 juillet 2017, 39872


Tribunal administratif N° 39872 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 juillet 2017 chambre de vacation Audience publique du 19 juillet 2017 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 39872 du rôle et déposée le 13 juillet 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Martine KRIEPS, avocat à

la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, dé...

Tribunal administratif N° 39872 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 juillet 2017 chambre de vacation Audience publique du 19 juillet 2017 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 39872 du rôle et déposée le 13 juillet 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Martine KRIEPS, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Nigéria), et être de nationalité nigériane, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 5 juillet 2017 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 juillet 2017 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Martine KRIEPS et Madame le délégué du gouvernement Christiane MARTIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 juillet 2017.

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Le 11 février 2015, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, entretemps abrogée par la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, de laquelle il fut déboutée par une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après « le ministre » du 25 janvier 2016.

Le recours contentieux introduit contre la décision du ministre du 25 janvier 2016 fut déclaré irrecevable ratione temporis par un jugement du tribunal administratif du 25 mai 2016, inscrit sous le numéro 37608 du rôle.

Par courrier du 10 juin 2016, Monsieur … sollicita, par l’intermédiaire de son mandataire, une autorisation de séjour pour des raisons privées, laquelle lui fut refusée par une décision ministérielle du 19 juillet 2016. Le recours gracieux introduit par courrier du 19 août 2016 fut également rejeté par une décision ministérielle du 10 novembre 2016.

Il ressort ensuite du procès-verbal de la Police Grand-Ducale, Circonscription régionale d’Esch-sur-Alzette, C.P.I Differdange S.I. du 7 mai 2017, que Monsieur … fut appréhendé par les forces de police dans le cadre d’un contrôle routier, étant donné qu’il ne put présenter des documents d’identité.

Par arrêté du 7 mai 2017, le ministre déclara irrégulier le séjour de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois, lui ordonna de quitter ledit territoire sans délai à destination du pays dont il a la nationalité, le Nigéria ou à destination du pays qui lui aura délivré un document de voyage en cours de validité, ou à destination d’un autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner et lui interdit l’entrée sur le même territoire pour une durée de trois ans.

Par arrêté du même jour, notifié à l’intéressé à la même date, le ministre ordonna le placement en rétention de Monsieur … pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question, sur base des articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », ledit arrêté ministériel étant fondé sur les considérations et les motifs suivants :

« […] Vu les articles 111, 120 à 123 et 125, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport N°… du 7 mai 2017 établi par Police grand-ducale ;

Vu ma décision de retour du 7 mai 2017 ;

Attendu que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’identification et de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Par arrêté du 1er juin 2017, notifié à l’intéressé en mains propres en date du 7 juin 2017, le ministre prorogea une première fois la mesure de placement en rétention de Monsieur … pour une durée d’un mois à partir de la notification.

Par arrêté du 5 juillet 2017, notifié à l’intéressé en mains propres en date du 7 juillet 2017, le ministre prorogea une deuxième fois la mesure de placement en rétention de Monsieur … pour une durée d’un mois à partir de la notification, sur base des considérations et motifs suivants :

« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mes arrêtés des 7 mai 2017, notifié le même jour, et 1er juin 2017, notifié le 7 juin 2017, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 7 mai 2017 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que les démarches en vue de l’éloignement ont été engagées ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure d’éloignement ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 juillet 2017, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 5 juillet 2017.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation.

Le recours en réformation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur expose tout d’abord les faits et rétroactes gisant à la base de la décision déférée.

En droit, il conteste que le dispositif d’éloignement serait toujours en cours en soulignant que depuis le 7 mai 2017, seulement deux demandes en vue de son identification auraient été adressées aux autorités nigérianes et que son dossier n’aurait connu aucune évolution depuis lors, de sorte que la mesure de placement devrait encourir la réformation.

Il conteste ensuite que le dispositif d’éloignement serait poursuivi avec la diligence requise, étant donné qu’aucune démarche n’aurait plus été entreprise par les autorités luxembourgeoises depuis le 22 mai 2017.

Finalement, Monsieur … conteste qu’il existerait des chances raisonnables de croire que son éloignement puisse être mené à bien, étant donné que le dispositif d’éloignement ne serait plus en cours et ne serait pas mené avec les diligences nécessaires.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Aux termes de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 ou d’une demande de transit par voie aérienne en vertu de l’article 127 ou lorsque le maintien en zone d’attente dépasse la durée de quarante-huit heures prévue à l’article 119, l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge de l’intéressé.

Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de trois conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours et que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise.

En ce qui concerne les contestations soulevées quant à l’exercice par le ministre des démarches suffisantes pour procéder à l’éloignement du demandeur, il y a lieu de rappeler que s’il est vrai qu’une mesure de rétention s’analyse en une mesure administrative privative de la liberté de mouvement de la personne concernée et qu’elle doit être limitée à la durée strictement nécessaire afin de permettre l’exécution d’une mesure d’éloignement et qu’à cette fin, le ministre est dans l’obligation de faire entreprendre avec la diligence requise toutes les démarches nécessaires afin d’organiser cette mesure d’éloignement, cependant, en présence comme en l’espèce, d’une personne démunie de documents de voyage et même de documents d’identité, laquelle est de surcroit connue sous différentes identifiées et dates de naissances, le ministre doit en premier lieu faire procéder à une vérification de l’identité et de l’origine de celle-ci et à cette fin s’adresser aux autorités du pays d’origine présumé afin d’établir l’identité de la personne concernée et de se faire délivrer des documents de voyage.

La nécessité d’accomplir ces démarches supplémentaires entraîne forcément une extension du délai requis pour organiser la mesure d’éloignement et partant la durée admissible de la mesure de rétention, ceci étant vrai a fortiori dans une situation comme en l’espèce où la personne concernée n’entreprend elle-même aucune démarche afin de contribuer à l’émission des documents de voyage par les autorités de son pays d’origine, de manière que dans ces conditions, la nécessité requise au sens de l’article 120, paragraphe (3), de la loi du 29 août 2008 pour une prorogation de la mesure de rétention peut être admise en principe.

Pour le surplus, force est de constater que si le ministre doit s’assurer que les services sous sa responsabilité accomplissent les démarches avec la diligence requise, il n’a nécessairement pas de mainmise sur les autorités de pays tiers saisies de demandes d’identification et qu’il est tributaire de la collaboration desdites autorités1.

S’agissant des démarches concrètement accomplies en vue de procéder à l’éloignement du demandeur, le tribunal relève qu’il ressort des éléments du dossier administratif que les autorités luxembourgeoises ont, en date du 8 mai 2017, adressé un courrier à l’ambassade du Nigéria à Bruxelles en vue de l’identification du demandeur en y annexant un jeu d’empreintes digitales ainsi qu’une photo du demandeur. Elles ont encore adressé un courrier de rappel à l’ambassade du Nigéria à Bruxelles en date du 22 mai 2017.

En date du 29 juin 2017, l’agent du ministère des Affaire étrangères et européennes a contacté le consul de l’ambassade par téléphone et a encore essayé infructueusement de le contacter en date des 26 juin et 10 juillet 2017.

Ainsi, au vu des démarches déployées concrètement par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, actuellement tributaire à cet égard de la collaboration des autorités 1 Cour adm., 1er mars 2016, n° 37573C du rôle, disponible sur www.ja.etat.lu nigérianes, le tribunal est amené à retenir que l’organisation de l’éloignement du demandeur est toujours en cours, mais qu’elle n’a pas encore abouti, et que les démarches ainsi entreprises en l’espèce par les autorités luxembourgeoises doivent être considérées comme suffisantes, de sorte qu’il y a lieu de conclure que l’organisation de l’éloignement en cours est exécutée avec toute la diligence requise.

Finalement et en ce qui concerne l’affirmation du demandeur, selon laquelle son éloignement ne puisse être mené à bien, celle-ci n’est pas, à l’heure actuelle, de nature à énerver la légalité et le bien-fondé de la décision entreprise, au vu notamment des conclusions retenues ci-avant quant aux diligences accomplies par le ministre et quant au fait que celles-ci sont toujours en cours et qu’il n’existe à l’heure actuelle aucun élément laissant croire qu’elles ne pouvaient pas aboutir. Les reproches ainsi soulevés par le demandeur sont dès lors à écarter pour ne pas être fondés.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause la légalité de la décision déférée. Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu d’analyser le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 juillet 2017 par :

Marc Sünnen, président, Françoise Eberhard, vice-président, Géraldine Anelli, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 19 juillet 2017 Le greffier du tribunal administratif 6


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 39872
Date de la décision : 19/07/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2017-07-19;39872 ?

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