Tribunal administratif N° 38106 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 juin 2016 4e chambre Audience publique du 14 juillet 2017 Recours formé par Monsieur … (…), …, contre une décision du ministre de la Sécurité intérieure en matière de discipline
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 38106 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 juin 2016 par Maître Pierre-Marc Knaff, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … (…), né le … à Esch-sur-Alzette, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Sécurité intérieure du 31 mai 2016 prononçant la peine disciplinaire de la mise à la retraite d’office pour inaptitude professionnelle et disqualification morale ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 28 novembre 2016 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 22 décembre 2016 par Maître Pierre-Marc Knaff pour compte de son mandant ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 18 janvier 2017 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Pierre-Marc Knaff et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives.
Par transmis du 12 juillet 2013, le directeur général de la police grand-ducale, ci-après dénommé le « directeur général », pria le directeur de la circonscription régionale de Luxembourg, dénommé ci-après le « directeur régional », de procéder à une instruction disciplinaire à charge et à décharge de Monsieur … (…), dénommé ci-après « Monsieur … », premier inspecteur et membre du centre d’intervention de Luxembourg, et ce, dans le cadre de l’information judiciaire initiée du chef d’infractions à l’article 141 du code pénal et de deux rapports d’enquête établis par l’Inspection générale de la police grand-ducale.
En date du 9 septembre 2013, Monsieur … accusa réception d’une notification d’ouverture d’une instruction disciplinaire à son encontre, référencée sous le n° 2013/22275/2377, ledit acte de notification étant daté au 19 août 2013, et diligentée à la suite d’une information judiciaire du chef d’infractions à l’article 141 du code pénal et de deux rapports d’enquête établis par l’Inspection générale de la police grand-ducale en date des 29 janvier et 8 mars 2013, portant les numéros 176 et 178.
Par transmis du 6 février 2015, le directeur général adjoint de la police grand-ducale invita le directeur régional à entamer une instruction disciplinaire à charge et à décharge de Monsieur …, et ce, dans le cadre d’une information judiciaire initiée par le parquet auprès du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, mettant en cause son comportement en relation avec des recherches à connotation sexiste, raciste et homophobe dans les banques de données du Centre des technologies de l’information de l’Etat.
En date du 25 février 2015, Monsieur … accusa réception d’une notification du début d’une instruction disciplinaire menée à son encontre, référencée sous le n° 2015/4181/487, ledit acte de notification étant daté au 18 février 2015, et diligentée à la suite d’une information judiciaire initiée par le parquet auprès du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, mettant en cause son comportement en relation avec des recherches à connotation sexiste, raciste et homophobe dans les banques de données du Centre des technologies et de l’information de l’Etat.
En date du 27 mai 2015, le directeur régional adressa au directeur général le rapport d’instruction disciplinaire établi à charge et à décharge de Monsieur …, portant la référence 2013/22275/2015/1112/LR. Suivant ce rapport, Monsieur … aurait contrevenu aux articles 2, 3, paragraphe 5, 9, paragraphe 1, et 12, paragraphe 2, de la loi modifiée du 16 avril 1979 concernant la discipline dans la force publique, dénommée ci-après la « loi du 16 avril 1979 », pour ne pas avoir exécuté promptement et complètement les prescriptions et ordre de service, ne pas avoir soumis l’intérêt personnel à l’intérêt du service, ne pas s’être comporté de façon irréprochable dans le service qu’en dehors du service, ne pas avoir donné l’exemple par la façon de se comporter et d’accomplir ses devoirs, ne pas avoir tenu compte de l’intérêt du service et ne pas s’être abstenu de tout ce qui pourrait nuire à la bonne renommée de la force publique en général et du corps dont il fait partie et avoir accepté ou s’être fait promettre, pour lui ou pour autrui, en raison de sa situation officielle, des dons ou d’autres avantages.
En date du 28 mai 2015, le directeur régional adressa au directeur général le rapport d’instruction disciplinaire portant la référence 2015/4181/1113/LR. Suivant ce rapport, Monsieur … aurait contrevenu aux articles 2, 3, paragraphe 5, et 9, paragraphe 1, de la loi du 16 avril 1979, pour ne pas avoir exécuté promptement et complètement les prescriptions et ordre de service, ne pas avoir soumis l’intérêt personnel à l’intérêt du service, ne pas s’être comporté de façon irréprochable dans le service qu’en dehors du service, ne pas avoir donné l’exemple par la façon de se comporter et d’accomplir ses devoirs, de ne pas avoir tenu compte de l’intérêt du service et de ne pas s’être abstenu de tout ce qui pourrait nuire à la bonne renommée de la force publique en général et du corps dont il fait partie.
Le 11 novembre 2015, Monsieur … accusa réception de la notification des faits fautifs dans le cadre de l’instruction disciplinaire diligentée à son encontre sous le n° 2015/4181/2830/LR.
En date du même jour, Monsieur … accusa réception de la notification des faits fautifs dans le cadre de la procédure disciplinaire diligentée à son encontre, référencée sous le numéro 2013/22275/2015/2818/LR.
En date du 27 janvier 2016, le directeur général saisit le Conseil de discipline de la force publique, dénommé ci-après le « Conseil de discipline », de l’instruction disciplinaire menée à charge et à décharge de Monsieur …, référencée sous le numéro 2013/22275/2015/3316MH.
En date du même jour, le directeur général saisit encore le Conseil de discipline de l’instruction disciplinaire menée à charge et à décharge de Monsieur …, référencée sous le numéro 2015/4181/3340MH.
Il se dégage d’un rapport de la circonscription régionale de Luxembourg de la police grand-ducale du 2 mars 2016, que Monsieur Sven … porte dorénavant le nom de famille …, et ce, à la suite d’un jugement du 24 février 2016 rendu à la suite d’une adoption.
Par une décision du 12 mai 2016, le Conseil de discipline prononça son avis en proposant d’appliquer à Monsieur … la sanction disciplinaire prévue à l’article 19, paragraphe 11 de la loi du 16 avril 1979, à savoir la mise à la retraite d’office pour inaptitude professionnelle et disqualification morale, et ce, aux motifs suivants :
« Vu les dossiers disciplinaires constitués à charge de …, premier inspecteur, né le … à …, demeurant à L-…, transmis le 2 février 2016 au Président du Conseil de discipline de la Force Publique par le Directeur Général de la Police Grand-Ducale;
Vu les convocations de l'inculpé pour l'audience du Conseil de discipline du 21 avril 2016 à 15.30 heures;
Sur le rapport de son président à cette audience;
Entendu l'inculpé …, assisté de son avocat, Maître Pierre-Marc KNAFF, en ses explications et déclarations personnelles;
Par notification du 11 novembre 2015 … s'est vu notifier les faits lui reprochés conformément à l'article 31 de la loi du 16 avril 1979 ayant pour objet la discipline dans la Force Publique. A la suite de cette notification des faits, … n'a pas présenté d'observations écrites.
Dans le cadre de l'instruction disciplinaire, …, a été entendu le 6 mai 2015, quant aux faits. Lors de cette audition … n'a pas contesté la matérialité des faits mis à sa charge.
L'inculpé … se voit reprocher la méconnaissance des devoirs suivants imposés par la loi du 16 avril 1979 :
dossier N° 114/2016 :
de ne pas avoir exécuté promptement et complètement les prescriptions et ordres de service (art. 2) de ne pas avoir soumis son intérêt personnel à l'intérêt du service, la solidarité, le respect et la confiance mutuels (art. 2) de ne pas s'être comporté d'une façon irréprochable tant dans le service qu'en dehors du service (art. 2) de ne pas avoir donné l'exemple par la façon de se comporter et d'accomplir ses devoirs (art. 3§5) de ne pas avoir tenu compte de l'intérêt du service et de ne pas s'être abstenu de tout ce qui pourrait nuire à la bonne renommée de la force publique en général et du corps dont il fait partie (art. 9§1).
dossier N° 115/2016 :
de ne pas avoir exécuté promptement et complètement les prescriptions et ordres de service (art. 2) de ne pas avoir soumis son intérêt personnel à l'intérêt du service, la solidarité, le respect et la confiance mutuels (art. 2) de ne pas s'être comporté d'une façon irréprochable tant dans le service qu'en dehors du service (art. 2) de ne pas avoir donné l'exemple par la façon de se comporter et d'accomplir ses devoirs (art. 3§5) de ne pas avoir tenu compte de l'intérêt du service et de ne pas s'être abstenu de tout ce qui pourrait nuire à la bonne renommée de la force publique en général et du corps dont il fait partie (art. 9§1) d'avoir sollicité, accepté ou s'être fait promettre, pour lui ou pour autrui, en raison de sa situation officielle, des dons ou autres avantages (art. 12§2).
Les faits reprochés à … sont les suivants :
dossier N° 114/2016 :
« Le premier inspecteur … a lancé des recherches à connotations sexistes, racistes et homophobes dans les banques de données du « Centre des technologies de l'information de l'Etat » en relation avec des personnes respectivement des propriétaires de véhicules.
Il a saisi des mots de recherche liés aux idéologies d'extrême droite comme « Hitler » et «Nazi » dans les banques de données du « Centre des technologies de l'information de l'Etat.
Il a sauvegardé deux photos d'une personne se trouvant en cellule au centre d'intervention principal d' … dans un fichier de son téléphone mobile privé.
Il a téléchargé illégalement 134 films sur Internet ».
dossier N° 115/2016 :
« Le premier inspecteur … a entretenu des relations étroites avec l'exploitant … du cabaret « … », lequel était impliqué dans un réseau de proxénétisme. Il avait fréquenté ce cabaret pendant son roulement de service, ainsi qu'en dehors du service, en y consommant gratuitement diverses boissons. Suite à cette entente amicale avec l'exploitant …, le premier inspecteur … n'a contrôlé ni les heures de fermeture du cabaret qui n'ont pas été respectées, ni la prostitution qui s'y était établie.
Pendant une patrouille, le premier inspecteur … et l'inspecteur … se sont rendus dans le cabaret « … ». … leur a raconté comment il avait réussi à s'approprier une voiture de la marque MERCEDES 200C, ayant appartenu à un dénommé …. Ce dernier, simple d'esprit, était un client du cabaret. Ayant connaissance des faits, le premier inspecteur … n'a pas réagi conformément à ses obligations de policier.
Le premier inspecteur … a pendant son service fréquenté des débits de boissons et a consommé des boissons alcoolisées.
Le premier inspecteur … a avoué avoir volontairement conduit en date du 6 décembre 2011 son véhicule de service à plusieurs reprises à travers une grande flaque d'eau. Ce comportement, qui aurait pu causer un accident avec le véhicule de service, avait pour but de faire des enregistrements vidéo de ces actions.
Lors de ces manquements, il était souvent accompagné par l'inspecteur … et dont il était le supérieur hiérarchique.
Il y a lieu de noter que le premier inspecteur …, ainsi que le commissaire … et l'inspecteur …, ont déjà dû se justifier devant le tribunal du chef d'entrave à l'exercice de la justice, mais ont été acquittés par le tribunal.
En date du 17 novembre 2012, le premier inspecteur … et l'inspecteur … ont dû intervenir sur appel de Monsieur … à cause d'une voiture mal garée sur son terrain privé. N'ayant pas la compétence pour intervenir, ils en ont informé Monsieur … et ont quitté les lieux. Après s'être éloignés, ils ont perçu un bruit ressemblant au bruit d'un coup porté contre une voiture. Ils en ont conclu que Monsieur …, qui avait fait des allusions devant eux en ce sens, avait endommagé la voiture mal garée. Au lieu de rebrousser chemin et de procéder à d'éventuelles constatations, ils ont demandé conseil à leur supérieur hiérarchique, le commissaire ….
Sachant que les appels téléphoniques au centre d'intervention sont enregistrés et que la radio est écoutée par les collègues, le premier inspecteur … a décidé d'utiliser son portable privé pour appeler le portable privé de … pour contacter le commissaire …. Ils ignoraient que le téléphone de … se trouvait sur écoute dans le cadre du dossier d'instruction « … ». L'inspecteur … a été présent lors de cet entretien téléphonique.
Le commissaire … leur a donné son accord de quitter les lieux sans procéder aux vérifications.
L'enquête de l'Inspection Générale de la Police n'a pas pu établir si Monsieur … avait causé des endommagements au véhicule ou non.
Malgré ces acquittements, ce comportement n'est pas conforme aux obligations et devoirs déontologiques d'un policier ».
Quant au fait du 17 novembre 2012, consistant pour … et … dans la circonstance qu'ils n'ont pas effectué une vérification sur recommandation spécifique d'un supérieur, il y a lieu de retenir qu'en l'absence de tout autre élément d'appréciation, le fait en question n'est pas à qualifier de faute disciplinaire.
En outre le fait pour … d'avoir à son domicile sur son ordinateur privé téléchargé illégalement 134 films n'est pas, eu égard aux pénalités peu importantes prévues par la législation sur les droits d'auteur, d'une gravité suffisante pour justifier l'application d'une peine disciplinaire.
Devant le conseil de discipline … n'a pas contesté les faits, mais il a tenté de minimiser sa faute, au regard surtout des usages policiers en vigueur à Esch-sur-Alzette au moment des faits.
L'instruction disciplinaire permet de retenir les faits suivants à charge de …:
Avec son coéquipier, l'inculpé a régulièrement et notamment pendant leurs patrouilles nocturnes visité le cabaret « … » exploité par …. L'inculpé s'y est fait offrir des boissons, notamment alcoolisées par l'exploitant. L'inculpé entretenait des relations personnelles suivies avec ce dernier, comme il résulte des nombreuses communications téléphoniques et des nombreux sms échangés. L'inculpé avait également des contacts avec plusieurs des prostituées employées par …. Il a également déposé qu'après la fermeture du cabaret une des prostituées l'avait accompagné à son domicile et qu'il avait une relation intime avec elle. L'inculpé a cru utile de préciser qu'il n'avait pas payé la prostituée pour ces services. Il a cependant ajouté que dans la suite … l'a questionné concernant sa relation avec cette fille.
L'inculpé et son coéquipier n'ont jamais veillé au respect des heures de fermeture du cabaret « … » et … n'a jamais été inquiété par eux pour ces activités de proxénète.
… a expliqué un jour à l'inculpé et à son coéquipier comment il avait réussi à s'approprier une voiture de marque Mercedes quasiment neuve ayant appartenu à un client dont les facultés mentales étaient altérées, en contrepartie de la facturation très exagérée de boissons alcoolisées et de la mise à disposition d'une prostituée.
L'inculpé n'a pas cru nécessaire de constater cette infraction particulièrement odieuse.
Le coéquipier voulait même acquérir ce véhicule à un prix avantageux.
Il est établi que l'inculpé s'est fait filmer alors qu'il traversait avec son véhicule de service une grande flaque d'eau, ce qui était contraire aux règles de prudence les plus élémentaires.
Il résulte encore de l'enquête que l'inculpé et son co-équipier … ont effectué avec leurs codes d'accès personnels dans les banques de données des personnes physiques et des véhicules du CTIE 367 des recherches à connotations sexistes, racistes et homophobes, bien évidemment sans la moindre relation avec son travail.
L'inculpé a, partant, effectué illicitement à de très nombreuses reprises avec son code d'accès personnel des recherches confidentielles à caractère personnel dans les répertoires nationaux.
Finalement l'inculpé ne conteste pas avoir disposé sur son téléphone portable des photos d'une personne se trouvant en cellule du centre d'intervention principal d'….
Il ne peut pas être contesté que la lutte contre le proxénétisme, la traite d'êtres humains et le contrôle des heures de fermeture des heures des débits de boissons font partie des tâches du policier.
Par sa présence régulière dans le cabaret, sans verbaliser l'exploitant pour des faits qui sont indubitablement à qualifier de proxénétisme, l'inculpé a ostensiblement couvert les activités illégales de l'exploitant …. Tant les prostituées que les clients du cabaret ont dès lors nécessairement dû avoir l'impression que les activités de … s'exerçaient sous la protection de la police.
Contrairement à ce qui est allégué par l'inculpé, tous les membres du service dont il faisait partie, n'ont pas participé à ces activités.
Certains, et cela ressort du dossier, ne l'ont pas fait.
Des policiers ayant fait partie du service de l'inculpé ont été condamnés pour des faits similaires notamment du chef de proxénétisme et de corruption passive à de lourdes peines pénales. … a de même été condamné à une lourde peine de prison.
Les faits ci-avant établis à charge de l'inculpé sont d'une gravité extrême. Ils sont absolument inadmissibles et ne peuvent être relativisés sous aucun prétexte.
Les très nombreuses consultations illicites par l'inculpé des données personnelles confidentielles dans les banques de données du CTIE sont parfaitement scandaleuses.
La crédibilité de l'Etat exige le respect le plus scrupuleux de la confidentialité des données personnelles. La moindre tolérance à cet égard mettrait en cause la justification de l'enregistrement des données personnelles dans des bases de données de l'Etat. L'Etat doit partant veiller le plus scrupuleusement possible à ce que la consultation de ces données soit limitée aux cas limitativement prévus par la loi et il se doit de sévir en cas de manquements à ces principes.
Conformément à l'article 22 de la loi du 16 avril 1979 sur la discipline dans la Fonction Publique, l'application des sanctions disciplinaires se règle d'après la gravité de la faute commise, le grade, la nature de l'emploi et les antécédents de l'inculpé.
… est entré au service de la police le 20 septembre 2006. Il a le rang de premier inspecteur depuis le 20 septembre 2012. Il n'a pas d'antécédents disciplinaires.
Il serait inconcevable et il paraîtrait incompréhensible aux yeux du public, qu'un policier, convaincu de manquements aussi flagrants et répétés à ses devoirs les plus élémentaires, puisse continuer à faire partie de la police et exercer une quelconque autorité publique.
Le Conseil de discipline propose dès lors d'appliquer à …, au vu de l'extrême gravité des faits établis à sa charge, la sanction disciplinaire prévue à l'article 19§11, à savoir la mise à la retraite d'office pour inaptitude professionnelle et disqualification morale. (…) ».
L’avis précité du Conseil de discipline du 12 mai 2016 fut notifié à Monsieur … en date du 1er juin 2016.
Par arrêté du 31 mai 2016, le ministre de la Sécurité intérieure, dénommé ci-après « le ministre », prononça à l’encontre de Monsieur … la mise à la retraite d’office pour inaptitude professionnelle et disqualification morale, et ce, avec effet au 1er juin 2016. Cette décision est motivée comme suit :
« Vu l'avis du Conseil de discipline de la Force publique du 12 mai 2016 dont copie ci-
jointe ;
Vu les faits retenus à charge du premier inspecteur …, à savoir :
Avec son coéquipier, l'inculpé a régulièrement et notamment pendant leurs patrouilles nocturnes visité le cabaret « … » exploité par …. L'inculpé s'y est fait offrir des boissons, notamment alcoolisées par l'exploitant. L'inculpé entretenait des relations personnelles suivies avec ce dernier, comme il résulte des nombreuses communications téléphoniques et des nombreux sms échangés. L'inculpé avait également des contacts avec plusieurs des prostituées employées par …. Il a également déposé qu'après la fermeture du cabaret une des prostituées l'avait accompagné à son domicile et qu'il avait une relation intime avec elle. L'inculpé a cru utile de préciser qu'il n'avait pas payé la prostituée pour ces services. Il a cependant ajouté que dans la suite … l'a questionné concernant sa relation avec cette fille.
L'inculpé et son coéquipier n'ont jamais veillé au respect des heures de fermeture du cabaret « … » et … n'a jamais été inquiété par eux pour ces activités de proxénète.
… a expliqué un jour à l'inculpé et à son coéquipier comment il avait réussi à s'approprier une voiture de marque Mercedes quasiment neuve ayant appartenu à un client dont les facultés mentales étaient altérées, en contrepartie de la facturation très exagérée de boissons alcoolisées et de la mise à disposition d'une prostituée.
L'inculpé n'a pas cru nécessaire de constater cette infraction particulièrement odieuse.
Le coéquipier voulait même acquérir ce véhicule à un prix avantageux.
Il est établi que l'inculpé s'est fait filmer alors qu'il traversait avec son véhicule de service une grande flaque d'eau, ce qui était contraire aux règles de prudence les plus élémentaires.
Il résulte encore de l'enquête que l'inculpé et son coéquipier … ont effectué avec leurs codes d'accès personnels dans les banques de données des personnes physiques et des véhicules du CTIE 367 des recherches à connotations sexistes, racistes et homophobes, bien évidemment sans la moindre relation avec son travail.
L'inculpé a, partant, effectué illicitement à de très nombreuses reprises avec son code d'accès personnel des recherches confidentielles à caractère personnel dans les répertoires nationaux.
Finalement l'inculpé ne conteste pas avoir disposé sur son téléphone portable des photos d'une personne se trouvant en cellule du centre d'intervention principal d'Esch-sur-
Alzette.
Les faits ci-avant établis à charge de l'inculpé sont d'une gravité extrême. Ils sont absolument inadmissibles et ne peuvent être relativisés sous aucun prétexte.
Les très nombreuses consultations illicites de l'inculpé des données confidentielles dans les banques de données du CTIE sont parfaitement scandaleuses.
La crédibilité de l'Etat exige le respect le plus scrupuleux de la confidentialité des données personnelles. La moindre tolérance à cet égard mettrait en cause la justification de l'enregistrement des données personnelles dans des bases de données de l'Etat. L'Etat doit partant veiller le plus scrupuleusement possible à ce que la consultation de ces données soit limitée aux cas limitativement prévus par la loi et il se doit de sévir en cas de manquements à ces principes.
Dès lors, il serait inconcevable et il paraîtrait incompréhensible aux yeux du public, qu'un policier, convaincu de manquements aussi flagrants et répétés à ses devoirs les plus élémentaires, puisse continuer à faire partie de la police et exercer une quelconque autorité publique.
Considérant qu'en agissant ainsi, le premier inspecteur … a violé la discipline militaire et les devoirs qui en découlent, et plus particulièrement ceux énoncés aux articles 2,3 alinéa 5, 9 alinéa 1 er et 12 alinéa 2 de la loi modifiée du 16 avril 1979 ayant pour objet la discipline dans la Force publique, à savoir :
ne pas avoir exécuté promptement et complètement les prescriptions et ordres de service ;
ne pas avoir soumis son intérêt personnel à l'intérêt du service, la solidarité, le respect et la confiance mutuels ;
ne pas s'être comporté d'une façon irréprochable tant dans le service qu'en dehors du service ;
ne pas avoir donné l'exemple par la façon de se comporter et d'accomplir ses devoirs ;
ne pas avoir tenu compte de l'intérêt du service et de ne pas s'être abstenu de tout ce qui pourrait nuire à la bonne renommée de la force publique en général et du corps dont il fait partie ;
d'avoir sollicité, accepté ou s'être fait promettre, pour lui ou pour autrui, en raison de sa situation officielle, des dons ou autres avantages ;
Vu l'article 22 de la loi modifiée du 16 avril 1976 sur la discipline dans la Force publique ;
Vu l'article 19 A, numéro 11 de la loi modifiée du 16 avril 1976 sur la discipline dans la Force publique ;
Vu l'article 20, paragraphe 2, point d de la loi modifiée du 16 avril 1976 sur la discipline dans la Force publique ; (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 juin 2016, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 31 mai 2016.
Conformément à l’article 30 de la loi du 16 avril 1979, un recours en réformation est prévu en matière de discipline concernant notamment les membres de la force publique dans les cas où la peine prononcée dépasse la compétence du chef de corps, tel que c’est le cas en l’espèce, de sorte que le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation.
Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
Quant à la recevabilité de son recours, le demandeur entend souligner qu’à son avis l’article 30 de la loi du 16 avril 1979, en ce qu’il prévoit un délai d’un mois pour introduire un recours contentieux en la présente matière, serait contraire à l’article 10bis de la Constitution, en ce qu’il instaurerait un régime différent pour les fonctionnaires de police frappés d’une peine sévère par rapport à ceux frappés d’une peine mineure, sans l’intervention du Conseil de discipline. Il y aurait partant lieu de constater une rupture de l’égalité devant la loi, en ce que la première catégorie de fonctionnaires disposerait d’un délai de recours contentieux d’un mois, alors que ceux de la deuxième catégorie disposeraient d’un délai contentieux de trois mois. Il invite le tribunal de céans à poser une question préjudicielle y relative à la Cour constitutionnelle.
Abstraction faite du constat que le recours sous examen, en ce qu’il a été déposé au greffe du tribunal administratif en date du 30 juin 2016, a été introduit dans le délai de recours contentieux d’un mois, tel que prévu par l’article 30 de la loi du 16 avril 1979, de sorte qu’aucune cause d’irrecevabilité du recours ne saurait être valablement invoquée en cause en raison d’une éventuelle introduction tardive du recours, étant donné que la décision ministérielle critiquée date du 31 mai 2016, il échet de confirmer le délégué du gouvernement dans ses conclusions tendant au rejet de la question ainsi soulevée par le demandeur, au vu de ce que la Cour constitutionnelle, dans un arrêt du 10 juillet 2015, inscrit sous le numéro 00120/15 du registre, a retenu que : « l’article 30 de la loi modifiée du 16 avril 1979 ayant pour objet la discipline dans la Force publique, en tant qu’il prévoit un délai d’un mois pour introduire un recours auprès du tribunal administratif contre une décision prononçant une peine disciplinaire dépassant la compétence du chef de corps, alors que les agents de la force publique sanctionnés d’une peine mineure et les fonctionnaires soumis au statut général sanctionnés d’une peine plus sévère bénéficient d’un délai de trois mois pour introduire un recours contentieux devant le tribunal administratif, n’est pas contraire à l’article 10bis, paragraphe 1er , de la Constitution (…) ».
Pour arriver à cette conclusion, la Cour constitutionnelle a retenu que la différence de traitement des fonctionnaires de la Force publique et des fonctionnaires dépendant du statut général, concernant le délai endéans lequel le recours est à interjeter contre la décision comportant une sanction disciplinaire, répond à une disparité objective, « procédant de la spécificité de leurs missions respectives, les premiers ayant pour mission d’assurer le maintien de l’ordre et de garantir la sécurité publique dans des conditions souvent difficiles, dictées par l’urgence ou l’état de nécessité, tandis que les seconds accomplissent les tâches administratives participant du fonctionnement des divers départements et administrations gouvernementaux », que « cette spécificité des missions incombant aux fonctionnaires de la Force publique et le caractère hiérarchisé de leur carrière impliquent de leur part une diligence particulière dans l’exécution des ordres de leurs supérieurs hiérarchiques, se concrétisant par des règles plus astreignantes et détaillées de leur régime disciplinaire que celles se dégageant du catalogue des devoirs intégré au statut général », que « l’objectif du maintien de l’ordre et de la sauvegarde de la sécurité publique caractérisant les missions des fonctionnaires de la Force publique par rapport à celles, de nature essentiellement administrative, attribuées aux fonctionnaires dépendant du statut général, se traduit nécessairement, au niveau de la procédure et des recours en matière disciplinaire, par des délais adaptés aux exigences de ces missions de la Force publique », qu’une « discipline rigoureuse n’est, en effet, garantie que si les écarts de conduite sont sanctionnés promptement et adéquatement » et qu’il découle de ces considérations que « le régime disciplinaire de la Force publique constitue, en raison des impératifs propres à la mission de ces fonctionnaires, un régime spécifique et autonome, distinct du régime disciplinaire auquel sont soumis les fonctionnaires de l’Etat dépendant du statut général ». La Cour constitutionnelle a encore souligné que « la différence de traitement des fonctionnaires de la Force publique sanctionnés d’une peine sévère et ceux sanctionnés d’une peine mineure concernant le délai de recours administratif s’explique également par la nécessité d’avoir des règles astreignantes en ce qui concerne les délais qui doivent être adaptés aux exigences des missions de la Force publique », que « le délai dans lequel le fonctionnaire sanctionné d’une peine sévère, qui s’est rendu coupable, aux yeux de l’autorité hiérarchique supérieure, d’une faute disciplinaire grave, peut introduire un recours contre la décision le sanctionnant, est plus bref que celui prévu par les fonctionnaires sanctionnés d’une peine mineure, répond à une disparité objective, tenant à la célérité avec laquelle ce dossier doit être traité et évacué aussi bien dans l’intérêt de la hiérarchie, au regard de l’effet dissuasif et exemplaire de la sanction par rapport à la faute disciplinaire commise, que dans celui du fonctionnaire concerné qui doit être fixé au plus vite sur son sort et sur l’évolution de sa carrière qui risque d’être compromise par la peine prononcée », pour conclure que « le fait de ne disposer que d’un mois au lieu de trois mois pour introduire un recours devant le tribunal administratif ne conduit pas, pour le fonctionnaire concerné, à une inégalité de chance de voir reconnaître son droit devant le tribunal ».
Ainsi, au regard des conclusions de la Cour constitutionnelle, il y a lieu de rejeter comme non fondées les réflexions soulevées par le demandeur, qui n’ont d’ailleurs pas été formulées sous la forme d’un moyen juridique, fondées sur une violation du principe d’égalité de traitement entre le fonctionnaire de la force publique sanctionné d’une peine lourde et les agents de la force publique sanctionnés d’une peine mineure, et plus particulièrement sur une non-conformité de l’article 30, alinéa 3 de la loi du 16 avril 1979 à l’article 10bis de la Constitution, de sorte qu’il n’y a pas d’obstacle à ce que le tribunal fasse application de l’article 30 de la loi du 16 avril 1979 dans le cadre de sa vérification quant à l’introduction du présent recours dans le délai légal.
Aucun moyen d’irrecevabilité proprement dit n’ayant été soulevé en cause, il échet de retenir la recevabilité du recours principal en réformation introduit par le demandeur pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
En droit, et en premier lieu, le demandeur invoque une violation des articles 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, dénommée ci-après la « CEDH », et 14 de la Constitution, en soutenant que le principe de la légalité de la peine ne serait pas garanti, au vu du caractère vague des incriminations dirigées contre lui. Ainsi, au vu du caractère éminemment vague des incriminations et le vaste éventail des sanctions, l’administration disposerait d’un pouvoir discrétionnaire, voire arbitraire considérable, incompatible avec l’Etat de droit. Il estime ainsi que les infractions administratives, ainsi que les sanctions correspondantes devraient être prévues de manière précise par un texte de loi, ce qui ne serait pas le cas à l’heure actuelle en droit luxembourgeois en matière de discipline de la force publique. Ainsi, l’énumération d’un certain nombre d’obligations dans un texte de loi ne serait pas suffisante afin de garantir le respect du principe de légalité des sanctions et celui de l’incrimination. Il estime, d’ailleurs, dans ce contexte que le fait que l’avis du Conseil de discipline ne serait que consultatif, de sorte que « l’Administration » n’aurait pas l’obligation de le suivre, ne ferait que confirmer cette « impression ».
L’article 7, paragraphe 1er de la CEDH dispose comme suit : « Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De même il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise ».
L’article 14 de la Constitution prévoit quant à lui que « Nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu’en vertu de la loi ».
C’est à bon droit que le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen pris en son double volet, en se référant tout d’abord à un arrêt de la Cour constitutionnelle du 3 décembre 2004, inscrit sous le numéro 23/04 du registre, dans lequel celle-ci a affirmé que «le droit disciplinaire tolère dans la formulation des comportements illicites et dans l’établissement des peines à encourir une marge d’indétermination, sans que le principe de la spécification de l’incrimination et de la peine n’en soit affecté, si des critères logiques, techniques et d’expérience professionnelle permettent de prévoir avec une sûreté suffisante la conduite à sanctionner et la sévérité de la peine à appliquer ». Ce principe a d’ailleurs été rappelé dans un arrêt subséquent de la Cour constitutionnelle du 14 décembre 2007, inscrit sous le numéro 41/07 du registre, qui a précisé que « le principe de la légalité des peines ne fait pas obstacle à ce qu’en matière disciplinaire les infractions soient définies par référence aux obligations légales et réglementaires auxquelles est soumise une personne en raison des fonctions qu’elle exerce, de la profession à laquelle elle appartient ou de l’institution dont elle relève ». La Cour constitutionnelle a encore précisé dans ledit arrêt que l’éventail très large des sanctions disciplinaires n’est pas de nature à être considéré comme étant contraire à l’article 14 de la Constitution à partir du moment où il est possible d’appliquer des sanctions sur base des critères tirés de la gravité de la faute commise, de la nature et du grade des fonctions, ainsi que des antécédents du fonctionnaire inculpé, le tout se situant dans une marge d’appréciation admise dans toute poursuite pénale ou disciplinaire.
En l’espèce, il échet de constater que les articles 2, 3, alinéa 5, 9, alinéa 1er, et 12, alinéa 2 de la loi du 16 avril 1979, dont la violation a été reprochée au demandeur, prévoient de manière suffisamment explicite et détaillée un certain nombre de devoirs et d’obligations incombant notamment aux membres de la police grand-ducale et que l’article 19 A, ainsi que l’article 22 de la même loi prévoient avec suffisamment de précision les sanctions qu’un membre de la police grand-ducale risque d’encourir en cas de violation des devoirs et obligations se dégageant de la loi en question, de sorte à respecter ainsi le prescrit des articles 7 CEDH et 14 de la Constitution. En effet, la circonstance que la loi du 16 avril 1979 prévoit un certain nombre de devoirs et d’obligations incombant notamment aux membres de la police grand-ducale et que, par ailleurs, la même loi prévoit un catalogue de sanctions disciplinaires, n’est pas contraire au principe de la légalité des peines, dans la mesure où les devoirs sont décrits avec suffisamment d’objectivité et où l’arbitraire des sanctions à appliquer est évité par le biais de l’article 22 de la loi du 16 avril 1979, qui impose que l’application des sanctions disciplinaires doit se régler notamment d’après la gravité de la faute commise, le grade, la nature de l’emploi et les antécédents notamment du personnel policier. Pareillement, la circonstance que le Conseil de discipline n’a qu’un rôle consultatif ne signifie pas ipso facto qu’il existe, au regard du libellé des devoirs des membres de la force publique, un risque d’arbitraire dans l’application des sanctions. En effet, tel que relevé ci-avant, l’autorité compétente pour prononcer la sanction disciplinaire est tenue d’analyser les faits reprochés à la lumière du grade de l’intéressé, de sa fonction et de ses antécédents disciplinaires, le tout sous le contrôle du tribunal administratif.
En tout état de cause, l’argumentation fondée sur l’affirmation qu’en pratique, les sanctions disciplinaires appliquées aux différents membres du corps de la police grand-ducale ne seraient pas cohérentes, tout comme la demande de communiquer les sanctions disciplinaires prononcées dans d’autres affaires, par lesquelles le demandeur entend corroborer son moyen, sont à rejeter comme n’étant pas pertinentes par rapport au moyen fondé sur une violation du principe de la légalité des peines. En effet, cette contestation relève de l’application de la sanction en l’espèce et partant de l’appréciation du caractère proportionné de la sanction, examen qui sera fait ci-après, mais elle n’est pas de nature à admettre que la loi en tant que telle violerait le principe de la légalité des peines. Il s’ensuit que le fait que, le cas échéant, d’autres fonctionnaires ont été sanctionnés de façon différente pour des faits similaires n’est pas de nature à admettre l’application arbitraire des dispositions de l’article 22 de la loi du 16 avril 1979 en l’espèce. Par ailleurs, force est encore de retenir qu’en droit disciplinaire, le choix d’une peine dans le catalogue des peines prévues par le législateur est forcément conditionné par une marge d’appréciation de l’auteur de la décision, qui est en définitive soumise au contrôle du juge1.
Il suit de l’ensemble de ces développements que ce premier moyen est à rejeter comme n’étant pas fondé.
Le demandeur relève ensuite un certain nombre d’irrégularités au niveau de la procédure disciplinaire au regard des principes généraux du droit tenant au respect des droits de la défense et du procès équitable et au regard de l’article 6 de la CEDH.
A titre liminaire, il conclut à l’applicabilité de l’article 6 de la CEDH dans le domaine disciplinaire en se référant à un arrêt Dubus c/ France de la Cour européenne des droits de l’Homme.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen.
Aux termes de l’article 6, paragraphe 1er de la CEDH : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (…) ».
Force est de constater que la procédure disciplinaire qui est critiquée en l’espèce par le demandeur, au regard des impératifs découlant de l’article 6 de la CEDH, en l’occurrence l’intervention du directeur régional, voire du directeur général adjoint et la poursuite de l’instruction devant le Conseil de discipline ayant rendu son avis, ne constituent que des étapes d’un processus décisionnel et ne revêtent en elles-mêmes pas un caractère juridictionnel, mais ont une nature purement administrative.
Si l’article 6, précité, impose certes des impératifs à respecter en matière de procès équitable, les garanties afférentes n’ont néanmoins pas pour autant vocation à s’appliquer au niveau d’une procédure disciplinaire purement administrative, en ce qu’elles n’entrent en ligne de compte qu’à un stade ultérieur, au niveau de l’instance juridictionnelle compétente pour connaître du recours dirigé contre la décision administrative traduisant l’aboutissement de ladite procédure disciplinaire.
Il s’ensuit que les moyens avancés par le demandeur, basés sur une violation alléguée de l’article 6 de la CEDH au niveau de la procédure disciplinaire administrative ayant précédé la décision déférée sous examen, tant en ce qu’ils sont dirigés contre l’instruction menée par le directeur régional, voire par le directeur général adjoint, qu’en ce qu’ils sont dirigés contre la procédure devant le Conseil de discipline, laissent d’être fondés.
Or, même si l’autorité administrative n’est pas formellement soumise au respect de l’article 6 de la CEDH, elle est néanmoins tenue d’observer les principes généraux de droit, tels 1 trib. adm. 21 mai 2014, n° 32235 du rôle, confirmé par Cour adm. 26 février 2015, n° 34682C du rôle, disponibles sous www.jurad.etat.lu que le principe d’équitable procédure, le principe du respect des droits de la défense ou encore le principe général d’impartialité, et ce, même en l’absence d’un texte exprès2.
En premier lieu, le demandeur soutient que la procédure disciplinaire serait viciée en raison d’un manque d’impartialité objective dans le chef du directeur régional, voire du directeur général adjoint.
En effet, les principes généraux du respect des droits de la défense et du droit à un procès équitable, ensemble l’article 6 de la CEDH proscriraient que l’autorité ayant marqué son accord avec le déclenchement des poursuites disciplinaires instruise également les faits dont elle est saisie. La personne initiant les poursuites et qui par là même considérerait les faits comme suffisamment graves pour faire l’objet d’une procédure disciplinaire, ne pourrait pas être chargée pour instruire ces mêmes faits.
Or, en l’espèce, le directeur régional aurait initié les poursuites dirigées contre le demandeur, mené l’enquête et aurait proposé de renvoyer le dossier devant le Conseil de discipline.
Le demandeur relève dans ce contexte qu’il y aurait lieu de retenir un préjugé négatif dans le chef de l’ancien directeur régional, à savoir Monsieur …, qui serait entre-temps devenu directeur général adjoint, alors qu’il aurait été à l’initiative de la première affaire disciplinaire diligentée à son encontre au courant du mois de janvier 2012, étant relevé que cette procédure aurait été classée sans suite par le directeur général en date du 11 janvier 2013. En effet, Monsieur … aurait, dans sa qualité de directeur général adjoint, ordonné en date du 6 février 2015 au directeur régional d’entamer une nouvelle instruction disciplinaire à son encontre dans le cadre d’une instruction pénale menée à son encontre par le Parquet auprès du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg. Le demandeur met partant en doute l’impartialité dudit directeur général adjoint, en soutenant que celui-ci n’aurait pas pu ignorer que deux ans auparavant, il aurait déjà initié une instruction disciplinaire à son encontre, à une époque à laquelle il aurait d’ailleurs été son chef hiérarchique.
Il fait valoir que le directeur régional aurait également exercé les fonctions de personne poursuivante, ce qui corroborerait son manque d’indépendance et d’impartialité.
Quant à l’exigence d’une impartialité objective dans le cadre d’une instruction disciplinaire, il échet d’une manière générale d’assurer que l’enquête disciplinaire soit conduite par une personne compétente à condition que son impartialité ne soit pas contestable. Ainsi, à part le fait que l’organe enquêteur chargé de l’instruction de l’affaire disciplinaire doit être impartial d’un point de vue subjectif, en ce qu’il ne soit pas intervenu dans le cadre des prises de position antérieures de nature à préjuger du résultat de la procédure disciplinaire, il est exigé que, d’un point de vue objectif, ledit enquêteur ne puisse pas être soupçonné de partialité objective, la partialité objective pouvant découler de conditions structurelles ou organisationnelles qui autoriseraient à suspecter l’impartialité d’un organe.
Les contestations du demandeur se résument en substance, d’une part, au reproche selon lequel le directeur régional aurait diligenté toute la procédure disciplinaire, et, d’autre part, que Monsieur …, en sa qualité de directeur général adjoint, aurait donné des instructions au directeur 2 cf. trib. adm. 12 mars 2008, n°21852a du rôle, Pas. adm. 2016, V° Fonction publique, n° 221, et autres références y citées.
régional d’entamer une nouvelle instruction disciplinaire, alors que lui-même aurait déjà été à l’initiative d’une affaire disciplinaire antérieure classée sans suite, et que ces mêmes personnes auraient proposé de renvoyer le dossier au Conseil de discipline.
Force est tout d’abord de constater qu’en application de l’article 31 de la loi du 16 avril 1979, le directeur régional a été chargé, dans les deux affaires disciplinaires menées contre le demandeur, ayant abouti à l’avis du Conseil de discipline précité du 12 mai 2016, ainsi qu’à la décision sous examen du ministre du 31 mai 2016, par des transmis lui adressés en date du 12 juillet 2013 par le directeur général … et en date du 6 février 2015 par le directeur général adjoint …, ayant agi en remplacement du directeur général, et ce, en sa qualité de chef hiérarchique, afin de mener les deux instructions disciplinaires ordonnées à l’encontre du demandeur.
Il est encore exact que les deux rapports d’instruction disciplinaire datés des 27 et 28 mai 2015 ont été rédigés par le directeur régional actuel et que les instructions ont été diligentées par celui-ci. C’est également le même directeur régional qui a notifié les faits fautifs au demandeur.
Force est cependant de constater que d’après les dispositions du point 2 de l’article 31, précité, le chef hiérarchique procède à une instruction à charge et à décharge et qu’en vertu du point 5 dudit article 31, il transmet le dossier avec ses conclusions au chef de corps qui peut alors prendre une des trois décisions y figurant suivant les options y posées, consistant soit à classer l’affaire, soit à appliquer une sanction lorsqu’il estime que les faits établis par l’instruction constituent des manquements mineurs à sanctionner par les peines du bas de l’échelle y énoncées, soit encore à transférer le dossier au Conseil de discipline, lorsqu’il estime que les mêmes faits établis par l’instruction constituent des manquements devant être sanctionnés par des sanctions plus sévères.
Il se dégage de ces dispositions que la mission du chef hiérarchique est limitée à l’instruction du dossier disciplinaire. Or, en instruisant à charge et à décharge, il n’est pas amené à prendre de décision sur la sanction à appliquer. La seule circonstance qu’il donne son appréciation sur la sanction à appliquer lorsqu’il transmet le dossier au chef de corps ne permet pas de retenir une partialité objective, le chef de corps restant en toute hypothèse libre de statuer suivant les trois options lui conférées par l’article 31 (5) de la loi du 16 avril 1979. Pareillement, la circonstance que le chef hiérarchique a déclenché, en l’espèce, la procédure disciplinaire n’implique pas un manque d’impartialité objective dans son chef, dans la mesure où la loi requiert en toute hypothèse qu’il instruise à charge et à décharge.
S’y ajoute que, dans l’hypothèse, comme en l’espèce, où une peine plus sévère est susceptible d’être prononcée, l’avis du Conseil de discipline, un organe collégial, est requis conformément à l’article 33 de la loi du 16 avril 1979. Dans cette hypothèse, la procédure disciplinaire menée par le chef hiérarchique est dédoublée d’une procédure disciplinaire devant le Conseil de discipline, devant lequel peuvent, en application de l’article 38 de la loi du 16 avril 1979, être prises toutes mesures d’instruction complémentaires susceptibles d’éclairer les faits, soit d’office, soit à la demande de l’intéressé, et notamment il peut être procédé à l’audition de témoins. L’intéressé a en outre le droit de se faire assister, lors de l’instruction et lors du débat devant le conseil, par un défenseur de son choix. Il s’ensuit que la procédure disciplinaire est organisée par la loi de manière à ce que l’instruction ne se passe pas devant le seul chef hiérarchique.
Il échet encore de relever que le demandeur, assisté de son avocat, a été auditionné par le Conseil de discipline, de sorte qu’à ce stade également ses droits de la défense ont pu être sauvegardés.
Les conclusions retenues ci-avant ne sauraient être énervées par le fait, non établi d’ailleurs sur base des pièces et éléments soumis au tribunal administratif dans le cadre de la présente instance, que le directeur général adjoint …, ayant initié, par son transmis du 6 février 2015, précité, pris au nom du directeur général qu’il a remplacé, l’une des deux procédures disciplinaires ayant mené à la décision sous examen, aurait été à l’initiative d’une première affaire disciplinaire diligentée à l’encontre du demandeur au cours du mois de janvier 2012, ayant, d’après les explications fournies par le demandeur, été classée sans suite par le directeur général en date du 11 janvier 2013, et ce, en son ancienne qualité de directeur régional, c’est-
à-dire de chef hiérarchique du demandeur à l’époque, étant donné que cette seule circonstance n’est pas de nature à mettre en doute son impartialité subjective, alors que, comme il vient d’être relevé ci-avant, les instructions disciplinaires sont à mener à charge et à décharge en vertu de l’article 31, point 2 de la loi du 16 avril 1979, la régularité de celle-ci étant par la suite contrôlée par le Conseil de discipline et qu’à cette occasion, l’intéressé a la possibilité de faire valoir ses droits de la défense, ledit avis du Conseil de discipline étant par la suite transmis au ministre qui est le seul à être compétent pour prendre une sanction disciplinaire plus sévère que celle pouvant être prise par le chef de corps. En outre, c’est à bon droit que le délégué du gouvernement soutient dans son mémoire en réponse, d’une part, que le directeur général adjoint … n’a agi que par délégation du directeur général et, d’autre part, que le simple fait, pour le directeur général adjoint d’avoir agi en la qualité précitée et d’avoir été à l’origine d’une autre instruction disciplinaire à l’encontre du demandeur à une époque où celui-ci se trouvait directement sous ses ordres, du fait qu’à cette époque ledit directeur général adjoint aurait exercé la fonction de directeur régional, ne saurait, à lui seul, et en l’absence de tout autre élément, être considéré comme étant la preuve d’une partialité subjective, et ce, d’autant plus qu’il n’est pas rapporté en cause que les faits ayant fait l’objet de cette ancienne instruction disciplinaire, ayant d’ailleurs mené à une décision de classement, aient été identiques à ceux faisant l’objet des deux instructions disciplinaires ayant mené à la décision actuellement litigieuse.
Il s’ensuit que les procédures des instructions disciplinaires telles qu’elles sont organisées par la loi du 16 avril 1979 ne relèvent pas une partialité objective dans le chef ni du directeur régional, en tant que chef hiérarchique du demandeur, menant l’instruction, ni dans celui du directeur général adjoint. Par ailleurs, le tribunal ne dispose pas d’éléments permettant de conclure à une partialité subjective dans le chef tant du directeur régional que du directeur général adjoint, étant entendu que le simple fait d’être intervenu préalablement en qualité de supérieur hiérarchique dans le cadre d’une procédure disciplinaire, peu importe sur quels faits elle porte, n’est pas per se synonyme de partialité subjective.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que les moyens fondés sur une violation du droit à un procès équitable et du respect des droits de la défense en tant que principe général de droit sont à rejeter comme étant non fondés.
En troisième lieu, le demandeur invoque des irrégularités au niveau de l’instruction disciplinaire menée par le Conseil de discipline, en relevant une absence d’impartialité objective dans la composition du Conseil de discipline.
Il soutient, dans ce contexte, que comme le Conseil de discipline est composé en vertu de l’article 34 de la loi du 16 avril 1979 également par des fonctionnaires de la carrière supérieure, l’impartialité ne serait pas garantie d’un point de vue structurel et organisationnel, puisqu’il serait difficilement concevable que des fonctionnaires de la carrière supérieure puissent juger un de leurs collèges, d’autant plus que le ministre, qui prend la décision, serait représenté par son conseiller et que la direction de police le serait par le « directeur adjoint » susceptible de remplacer le directeur général. L’impartialité objective ne serait pas non plus garantie par l’intervention d’un sous-officier dans l’hypothèse où l’inculpé ne relève pas de la carrière supérieure.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen.
Il se dégage de l’article 34 de la loi du 16 avril 1979 que le Conseil de discipline a été institué d’une manière telle qu’il est composé autour d’un magistrat de l’ordre judiciaire, qui en est le président. D’autre part, il est composé de manière paritaire, en ce qu’il comporte des représentants à la fois de l’employeur public, à savoir un fonctionnaire de la carrière supérieure de l’administration gouvernementale, et des fonctionnaires concernés, à savoir un officier de l’Armée, un membre du cadre supérieur du corps de la Police grand-ducale et un membre du cadre supérieur de l’Inspection générale de la Police.
Le tribunal est amené à retenir que cette composition paritaire de fonctionnaires issus de différents corps de la force publique, voire de l’administration gouvernementale, indépendants les uns des autres, sous la présidence d’un magistrat, répondant par essence aux exigences d’indépendance et d’impartialité, donne toutes les garanties d’impartialité requises pour garantir une procédure répondant aux principes d’équitable procédure précités.
Dans ce contexte, la Cour administrative a retenu que le fait de déduire un caractère non objectif de la composition du Conseil de discipline du simple fait de l’appartenance d’un ou de deux représentants appartenant à la sphère de l’employeur public reviendrait à consacrer l’arrêt de mort de toute juridiction fonctionnant d’après le système de l’échevinage, lequel a jusque lors été, à juste titre, regardé comme étant celui qui conciliait au mieux la représentation des deux parties intéressées en matière de conflits du travail et de sécurité sociale au sens large, sous la présidence d’un ou de plusieurs magistrats de l’ordre judiciaire appelés à garantir la continuité de l’application adéquate du droit en la matière3.
Il s’ensuit que le moyen fondé sur un défaut d’impartialité objective de la part des membres du Conseil de discipline est à rejeter comme n’étant pas fondé.
En quatrième lieu, le demandeur invoque en outre une violation de l’article 4, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », en ce que l’avis du Conseil de discipline ne ferait pas référence aux arrêtés de nomination des différentes personnes présentes ni à leur qualité de magistrat, officier ou sous-
officier, de sorte que l’avis ne renfermerait pas les conditions de sa légalité.
Plus particulièrement, il ne résulterait pas de la composition indiquée dans l’avis si les conditions de l’article 34, alinéa 2 de la loi du 16 avril 1979 auraient été respectées.
3 cf. Cour adm. 17 décembre 2009, n° 25839C du rôle, Pas. adm. 2016, V° Fonction publique, n° 239.
Pareillement, l’avis serait vicié puisque, contrairement aux exigences de l’article 4, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, il ne renseignerait pas le nombre des voix exprimées en sa faveur.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce quatrième moyen comme n’étant pas fondé.
Aux termes de l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 « Les avis des organismes consultatifs pris préalablement à une décision doivent être motivés et énoncer les éléments de fait et de droit sur lesquels ils se basent.
Lorsqu’il s’agit d’un organisme collégial, l’avis doit indiquer la composition de l’organisme, les noms des membres ayant assisté à la délibération et le nombre de voix exprimées en faveur de l’avis exprimé. Les avis séparés éventuels doivent être annexés, sans qu’ils puissent indiquer les noms de leurs auteurs. ».
Le tribunal constate que si l’avis d’un organisme consultatif doit indiquer la composition de l’organe et les noms des membres ayant assisté à la délibération, il ne se dégage pas de cette disposition que l’avis doit formellement renseigner l’arrêté de nomination de membres de l’organe consultatif et la qualité en laquelle ils ont assisté à la délibération, mais il suffit que ces caractéristiques soient en cas de contestation retraçables au plus tard devant les juridictions administratives.
Force est de constater que l’avis du Conseil de discipline mentionne les noms de ses membres ayant assisté à la délibération, de sorte que le prescrit de l’article 4 précité a été respecté en l’espèce, sans qu’il ne soit nécessaire de vérifier les arrêtés de nomination des différentes personnes composant ledit Conseil de discipline.
Il s’ensuit que cette branche de ce quatrième moyen est à rejeter comme n’étant pas fondée.
En ce qui concerne l’indication du nombre des voix exprimées, le tribunal constate qu’il se dégage de l’expédition de l’avis du Conseil de discipline du 12 mai 2016, que tous les membres ayant assisté à la délibération ont signé ledit avis. La seule circonstance que l’avis d’un organe consultatif n’indique pas de manière chiffrée le nombre des voix favorables exprimées n’est pas de nature à vicier l’avis, alors que tous les membres présents ont signé l’avis et qu’à défaut de mentionner une quelconque voix contre, leurs signatures conjointes sont à interpréter comme traduisant nécessairement l’unanimité du vote4.
Il s’ensuit que cette deuxième branche de ce quatrième moyen est également à rejeter comme n’étant pas fondée.
En cinquième lieu, le demandeur estime que la décision sous examen du 31 mai 2016 violerait le principe non bis in idem, en raison, d’une part, du fait qu’il aurait fait l’objet d’un ordre de détachement en date du 8 février 2013, ayant pris effet en date du 13 février de la même année, qui devrait être considéré comme une sanction disciplinaire déguisée du fait qu’une telle mesure conservatoire n’existerait pas en matière de discipline dans la force publique et, d’autre part, de ce que les faits visés par la décision ministérielle sous examen 4 cf. trib. adm. 10 juillet 2006, n° 21069 du rôle, conf. Cour adm. 5 décembre 2006, n° 21823C du rôle, Pas. adm.
2016, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 35.
auraient déjà fait l’objet d’un examen, voire d’une décision par les juridictions pénales, respectivement les autorités judiciaires, étant donné que, d’une part, certains des faits qui sont à la base de la sanction disciplinaire litigieuse n’auraient fait l’objet que d’une ordonnance de clôture par le juge d’instruction directeur sans autres suites judiciaires et, d’autre part, la deuxième série de faits litigieux aurait fait l’objet d’un arrêt rendu par la Cour d’appel, siégeant en matière correctionnelle, en date du 10 décembre 2014, inscrit sous le n° 529/14 X.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen, en ce qu’il se réfère à l’ordre de détachement du 8 février 2013, en soutenant que du fait que le demandeur n’aurait pas contesté celui-ci, il ne lui serait, à l’heure actuelle, plus possible d’introduire un recours implicite contre ledit ordre de détachement, dans le cadre de la présente instance. Il s’ensuivrait que le tribunal administratif n’aurait pas à se prononcer, dans le cadre de la présente instance, sur l’ordre de détachement précité, alors qu’il serait uniquement saisi du contrôle de la légalité de la sanction disciplinaire litigieuse du 31 mai 2016. Le représentant gouvernemental ajoute que le détachement en question aurait eu lieu avant l’ouverture des instructions disciplinaires ayant abouti à la décision litigieuse du 31 mai 2016 et que de ce fait, il ne serait pas « directement lié à [ces] instruction[s] ». En substance, le délégué du gouvernement conteste que ledit ordre de détachement constituerait « une quelconque sanction ».
Dans son mémoire en réplique, le demandeur persiste dans son argumentation suivant laquelle l’ordre de détachement litigieux du 8 février 2013 constituerait une décision disciplinaire déguisée, du fait que celui-ci aurait été pris à la suite des informations reçues par le parquet auprès du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg dans le cadre d’une enquête judiciaire menée à son encontre. Du fait qu’il aurait ainsi déjà fait l’objet d’une sanction disciplinaire pour les mêmes faits que ceux faisant l’objet de la décision ministérielle sous examen du 31 mai 2016, il y aurait lieu d’annuler celle-ci pour violation du principe non bis in idem. Le demandeur insiste encore, dans ce contexte, sur la circonstance que les faits ayant justifié l’ordre de détachement seraient les mêmes que ceux ayant motivé l’ouverture d’une instruction disciplinaire à son encontre, ayant abouti à la décision ministérielle sous examen du 31 mai 2016.
Le principe non bis in idem a été repris tant par l’article 4 du Protocole n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dénommé ci-
après « le Protocole n° 7 », dont le paragraphe (1) est libellé comme suit : « Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat » que par l’article 14-7 du Pacte des Nations Unies relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966, dénommé ci-après « le Pacte », en vertu duquel « Nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de chaque pays ».
Il échet de conclure de ces textes de droit international qu’il s’agit d’un principe consacré dans les grands systèmes internationaux de protection des droits de l’homme. Ce principe répond à une exigence de justice et de sécurité juridique. Il a d’ailleurs été repris par la jurisprudence administrative française comme étant un principe général de droit, s’appliquant, au-delà du domaine relevant strictement du droit pénal, dans le domaine des sanctions administratives, y compris dans le cadre de la discipline des agents de l’Etat5. D’après 5 Conseil d’Etat français, 5 mars 1954, Banque alsacienne privée et D., Rec. p. 144 et Conseil d’Etat français, 23 avril 1958, Commune du Petit-Quevilly, Rec. p. 394, AJDA 1958. 383.
la jurisprudence française, ce principe commande qu’« un même manquement ne peut donner lieu qu’à une seule sanction administrative, sauf si la loi en dispose autrement »6.
Le Conseil d’Etat belge a lui aussi fait application de ce principe en matière disciplinaire7, à condition toutefois qu’il s’agisse de deux sanctions disciplinaires définitives8, et non pas temporaires.
Le principe non bis in idem fait ainsi obstacle à ce que l’administration puisse sanctionner deux fois la même personne en raison des mêmes faits. Il s’ensuit qu’en matière de contentieux disciplinaire, une même faute commise par un fonctionnaire ne peut être sanctionnée qu’une seule fois sur le plan disciplinaire.
En l’espèce, il échet tout d’abord de relever qu’en date du 8 février 2013, le directeur général a émis un ordre de détachement à l’égard du demandeur, par lequel il a été transféré du Centre d’intervention d’Esch-sur-Alzette à « l’Unité de Garde et de Réserve Mobile, Groupe des Inspecteurs adjoints et Brigadiers », et ce, avec effet au 13 février 2013 jusqu’à ordre contraire, « pour raisons d’intérêt de service et en particulier en attendant l’issue de l’enquête judiciaire entamée à l’encontre de l’intéressé ».
Il échet encore de relever qu’il n’est pas contesté en cause, comme l’a relevé le demandeur, que les faits ayant motivé l’ordre de détachement litigieux du 8 février 2013 sont les mêmes que ceux qui se sont trouvés à la base des deux instructions disciplinaires menées à son encontre ayant abouti à la décision actuellement sous examen.
Par ailleurs, il échet de relever que la loi du 16 avril 1979 ne connaît pas de détachement conservatoire, seule la suspension du fonctionnaire peut être ordonnée pendant tout le cours de la procédure disciplinaire jusqu’à la décision définitive, et ce, en application de l’article 20 de la loi du 16 avril 1979.
S’il est vrai, comme l’a souligné le délégué du gouvernement, que le recours sous examen n’est pas dirigé contre l’ordre de détachement précité du 8 février 2013, mais exclusivement contre l’arrêté ministériel précité du 31 mai 2016, il n’en demeure pas moins que se pose la question de savoir si la décision ministérielle litigieuse constitue une deuxième sanction pour les faits ayant déjà justifié l’ordre de détachement, auquel cas le principe non bis in idem aurait été violé.
Il échet partant d’examiner si ledit ordre de détachement est à considérer comme une sanction disciplinaire, le cas échéant déguisée, prise à l’encontre du demandeur.
D’après les termes employés par le directeur général dans sa décision précitée du 8 février 2013 portant détachement du demandeur, celle-ci s’analyse en ordre de détachement provisoire. Il est encore constant que tout comme pour un changement d’affectation de fonction opéré d’office, un détachement provisoire peut être décidé s’il s’inscrit soit dans l’intérêt du service dans lequel la nouvelle affectation doit être faite, le service d’accueil, soit en celui du service où le fonctionnaire était affecté avant son détachement, le service de départ, la 6 Conseil d’Etat français, 29 octobre 2009, Société Air France c/ ACNUSA, Conseil d’Etat français, 30 décembre 2016 ACNUSA 7 Conseil d’Etat belge, 18 mai 2000, El Miliani, n° 87.358 8 ibidem différence essentielle résultant dans le fait qu’un détachement n’est par nature que temporaire alors qu’un changement d’affectation ou de fonction est censé être opéré à titre définitif9.
L’analyse du tribunal est à mener avec d’autant plus de circonspection dans l’hypothèse où ce sont les mêmes faits qui se trouvent à la base à la fois de l’ordre de détachement prononcé et de l’instruction disciplinaire déclenchée et où les deux procédures se trouvent intimement liées dans le temps. Ces deux dernières hypothèses se trouvent vérifiées en l’espèce, comme il vient d’être relevé ci-avant.
Il est encore constant, comme il vient d’être relevé ci-avant, que lorsqu’une instruction disciplinaire est déclenchée, la loi du 16 avril 1979 ne prévoit, au titre de mesures conservatoires pouvant être prises à l’encontre du fonctionnaire faisant l’objet de pareilles instructions, que la seule suspension. Cette mesure comprend nécessairement que le fonctionnaire suspendu est appelé à ne pas exercer ses fonctions pendant tout le cours de la procédure jusqu’à la décision définitive, tout en restant cependant entièrement rémunéré. La suspension s’entend en tant que régime de protection à la fois du fonctionnaire faisant l’objet d’une instruction disciplinaire et du service dont il relève, et ce, pendant toute la procédure disciplinaire.
Il échet encore de relever, comme il vient également d’être rappelé ci-avant, que la loi du 16 avril 1979 ne prévoit pas la possibilité de détachement d’un fonctionnaire faisant l’objet d’une instruction disciplinaire, ce même quelque puissent être sur un plan pragmatique les mérites de pareille mesure. Cependant, le point 6 de l’article 19 de la même loi prévoit au titre des sanctions pour les membres de carrière de la force publique, le déplacement, en précisant que cette mesure consiste ou bien dans un changement de résidence ou bien dans un changement d’emploi avec ou sans changement de résidence.
Dans le cas particulier d’un ordre de détachement provisoire prononcé parallèlement ou dans le contexte immédiat de l’ouverture d’une instruction disciplinaire, basés l’un et l’autre, sur les mêmes faits, mais également de manière générale pour tout ordre de détachement prononcé dans le contexte d’une instruction disciplinaire, se pose la question si l’ordre de détachement prononcé ne s’analyse pas en une sanction disciplinaire déguisée au vu notamment de la proximité des effets des deux mesures.
Suivant ce qui a été retenu ci-avant, le principe non bis in idem ne peut trouver application qu’au cas où il existe deux ou plusieurs sanctions disciplinaires définitives.
Il échet partant d’examiner si l’ordre de détachement du 8 février 2013 est à considérer comme une mesure définitive.
Or, il se dégage dudit ordre de détachement une nécessité d’éloigner le demandeur provisoirement de son service d’origine, à savoir le centre d’intervention d’Esch-sur-Alzette, afin que sa présence n’entrave pas le bon fonctionnement de ce service, eu égard aux faits lui reprochés dans le cadre des deux instructions disciplinaires menées à son encontre, ayant abouti à la décision ministérielle sous examen du 31 mai 2016. Il est encore patent que si les faits pour lesquels une enquête judiciaire, voire une instruction disciplinaire ont été engagées parallèlement contre le demandeur ne s’étaient pas passés, son détachement provisoire n’aurait pas été prononcé et il n’aurait ainsi pas été transféré à l’Unité de Garde et de Réserve Mobile.
9 Cour adm. 3 juillet 2014, n° 33840C du rôle, www.jurad.etat.lu Il se dégage encore de l’ordre de détachement que celui-ci n’a manifestement qu’un caractère provisoire, puisqu’il est censé prendre fin à l’issue de l’enquête judiciaire y visée.
S’agissant ainsi d’un ordre de détachement prononcé dans le contexte immédiat d’une procédure judiciaire et, éventuellement, d’une procédure disciplinaire engagée contre l’intéressé, il ne saurait être question d’une sanction disciplinaire anticipée, voire déguisée, et ce d’autant plus, qu’il peut être considéré comme ayant été manifestement dans l’intérêt du service d’origine du demandeur de l’en écarter, afin de faciliter ainsi les instructions menées contre le demandeur. Il s’ensuit que cette première branche de ce moyen est à rejeter pour ne pas être fondé.
Quant à la deuxième branche de ce cinquième moyen ayant trait à une prétendue violation du principe non bis in idem, en ce que les faits visés par la décision ministérielle sous examen auraient déjà fait l’objet d’un examen, voire d’une décision par les juridictions pénales, respectivement par les autorités judiciaires, étant donné que, d’une part, certains des faits qui sont à la base de la sanction disciplinaire litigieuse auraient fait l’objet d’une ordonnance de clôture par le juge d’instruction directeur sans autre suite judiciaire et, d’autre part, la deuxième série de faits litigieux aurait fait l’objet d’un arrêt rendu par la Cour d’appel, siégeant en matière correctionnelle, en date du 10 décembre 2014, il échet de confirmer le délégué du gouvernement dans sa conclusion suivant laquelle cette deuxième branche de ce cinquième moyen doit également être rejetée comme n’étant pas fondée, étant donné que le principe non bis in idem ne s’oppose pas à ce qu’il soit infligé, à raison des mêmes faits, une sanction pénale et une sanction administrative, dès lors que la mise en place de chacun de ces types de sanctions repose sur un objet différent, de nature à assurer la sauvegarde de valeurs ou d’intérêts qui ne se confondent pas10. Ainsi, le principe de nécessité des délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l’objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature administrative ou pénale en application de corps de règles distincts11. Ainsi, le cumul d’une sanction administrative et d’une sanction pénale se justifie également lorsque les deux sanctions n’ont pas la même nature. Il échet partant de vérifier si les poursuites pénales dont a fait l’objet le demandeur et la sanction disciplinaire dont il a fait l’objet poursuivent le même objet.
A cet égard, il échet tout d’abord de constater que c’est le législateur lui-même qui a décidé d’établir un corps de règles spécifiques en matière disciplinaire applicables aux fonctionnaires de l’Etat, respectivement aux agents de la force publique et une législation pénale ayant pour objectif d’incriminer certains comportements jugés comme étant contraires aux intérêts de la société.
Au-delà de la distinction ainsi établie par le législateur lui-même, il échet de constater que les deux catégories de dispositions légales poursuivent des objectifs différents, en ce qu’en matière disciplinaire, il a été estimé nécessaire par le pouvoir législatif d’assurer un certain comportement de la part des fonctionnaires de l’Etat, afin d’assurer non seulement une bonne image de la fonction publique, mais également l’efficacité du travail de celle-ci, en incriminant certains comportements qui, même s’ils ne sont pas de nature à être contraires à une loi pénale, sont néanmoins susceptibles de nuire aux objectifs fixés par le législateur dans le cadre d’une bonne gestion du personnel de la fonction publique. Rien ne s’oppose partant à ce qu’en principe, un même comportement adopté par un fonctionnaire de l’Etat puisse être puni tant au niveau disciplinaire qu’au niveau pénal, ce qui n’enlève pas à l’administration le pouvoir de 10 Conseil d’Etat français, avis, section de l’intérieur, 29 avril 2004, n° 370.136 11 Conseil constitutionnel français, 18 mars 2015, n°s 2014-453/454 QPC et 2015-462 QPC ; Conseil constitutionnel français, 24 juin 2016, n° 2016-546 QPC tenir compte de sanctions pénales prononcées antérieurement contre le même fonctionnaire pour les mêmes faits litigieux, et ceci dans le cadre de l’appréciation de la proportionnalité de la sanction administrative. Le droit pénal, quant à lui, a pour objectif d’incriminer des comportements susceptibles d’être commis par l’ensemble de la population résidant sur un territoire déterminé pour considérer ceux-ci comme étant contraires aux intérêts de la société, quelle que soit la qualité de la personne ayant été à l’initiative du comportement incriminé. Il y a partant lieu de conclure que le droit disciplinaire et le droit pénal poursuivent des objectifs différents, de sorte à ne pas s’opposer à ce qu’un même comportement puisse, sans violer le principe non bis in idem, faire l’objet tant d’une sanction administrative que d’une sanction pénale12.
Il suit encore de l’ensemble des développements qui précèdent que cette deuxième branche de ce cinquième moyen est également à rejeter pour ne pas être fondée.
En sixième lieu, le demandeur conclut à une violation de ses droits de la défense du fait qu’il n’aurait pas été informé de son droit de se faire assister d’un avocat lors de son audition du 15 mars 2012 dans le cadre de l’affaire « … ». S’il est vrai que le demandeur admet qu’à ce moment-là, il n’aurait pas encore été informé du fait qu’une procédure disciplinaire, voire une instruction judiciaire aurait été ouverte à son encontre, il ne ferait toutefois aucun doute que son audition précitée aurait été faite dans le but de recueillir sa position par rapport à des faits considérés comme étant fautifs par sa hiérarchie, voire par l’Inspection générale de la police, de sorte que les agents enquêteurs auraient dû l’informer tant de son droit de se taire que de son droit de se faire assister par un avocat de son choix du fait que ses réponses auraient pu être susceptibles de lui porter grief et utilisées à son encontre. Il estime partant que son audition du 15 mars 2012 devrait être « annulée », de même que l’intégralité de la procédure administrative subséquente, en ce qu’elle se serait basée sur l’audition en question, dont l’avis précité du Conseil de discipline du 12 mai 2016.
Le délégué du gouvernement soutient que le rapport d’audition critiqué du 15 mars 2012 aurait été établi dans le cadre d’une affaire pénale pour être transmis à un juge d’instruction.
Pour le surplus, il soutient que la pièce en question aurait figuré dans le dossier soumis au Conseil de discipline et aurait fait l’objet d’un débat devant ledit conseil, de sorte qu’aucun vice de procédure ne saurait être retenu, alors que si tel avait été le cas, le Conseil de discipline « aurait normalement écarté cette pièce », ce qui n’aurait toutefois pas été le cas. Il conclut partant au rejet de ce sixième moyen.
Dans son mémoire en réplique, et tout en maintenant ses développements et conclusions antérieurs, le demandeur soutient que la présence d’un avocat aurait en tout état de cause dû lui être proposée afin de lui permettre de se concerter avec celui-ci pour déterminer la stratégie à suivre, après avoir été mis au courant des faits fautifs lui reprochés. Ainsi, en ne garantissant pas la présence d’un avocat tout au long de l’instruction, celle-ci serait viciée, de sorte à encourir l’annulation. Le demandeur soutient, dans ce contexte, qu’il lui aurait « toujours été fortement suggéré (…) ne pas recourir aux services d’un avocat ».
Dans son mémoire en duplique, le représentant gouvernemental soutient que lors de son interrogatoire par le premier commissaire divisionnaire … en date du 6 mai 2015, le demandeur aurait été informé « du contexte dans lequel ses déclarations étaient recueillies », en ayant été rendu attentif à ce moment sur le fait qu’il aurait été en droit de se faire assister par un avocat 12 trib. adm. 11 juin 2001, n° 12473 du rôle, conf. Cour adm. 11 décembre 2001, n° 13705C du rôle, Pas. adm.
2016, V° Fonction publique, n° 201 et autres références y citées tout au long de la procédure. Le délégué du gouvernement relève qu’à cette occasion, le demandeur aurait déclaré « Ich bleibe bei meinen Aussagen, die ich am 8. Januar 2013 bei der IGP gemacht habe », de sorte qu’au cas où il aurait estimé qu’à cette date, ses droits de la défense n’auraient pas été respectés dans le cadre de son interrogatoire par l’Inspection générale de la police, il n’aurait pas confirmé lesdites déclarations lors de son interrogatoire précité du 6 mai 2015. En outre, le délégué du gouvernement soutient qu’il ressortirait du procès-verbal d’audition du demandeur du 8 janvier 2013 qu’il aurait été informé à cette date du contexte dans lequel il aurait été entendu, et ce, en application de l’article 76 de la loi du 16 avril 1979, en ce qu’il aurait été informé de ce que ses déclarations seraient recueillies à la demande du juge d’instruction et du procureur d’Etat du fait qu’il aurait été soupçonné d’avoir eu connaissance de certaines infractions pénales, de les avoir tolérées, respectivement de ne pas les avoir dénoncées.
Le représentant gouvernemental estime encore que le demandeur aurait été informé de son droit de se faire assister par un avocat, mais qu’il aurait toutefois renoncé à exercer le droit en question.
En outre, il est d’avis qu’en tant que policier, le demandeur aurait dû savoir qu’il aurait pu bénéficier de la possibilité de se faire assister par un avocat, auquel cas son interrogatoire aurait été reporté.
Pour l’ensemble des motifs exposés ci-avant, le délégué du gouvernement estime que ce serait à tort que le demandeur ferait valoir qu’il aurait dû être informé au moment de la convocation en quelle qualité il serait entendu.
Il échet de constater qu’il ressort des pièces et éléments du dossier administratif qu’en date du 15 mars 2012, le demandeur a fait l’objet d’un interrogatoire par des agents de l’Inspection générale de la police, le compte-rendu dudit interrogatoire figurant comme annexe numéro 5 à un procès-verbal numéro 178/2013 du 8 mars 2013, au cours duquel il a été interrogé sur des faits qui, par la suite, ont également fait l’objet des instructions disciplinaires menées à son encontre, ayant abouti à la décision ministérielle sous examen.
Il se dégage, par ailleurs, de l’acte de notification précité du 19 août 2013, réceptionné par le demandeur en date du 9 septembre de la même année, que ledit rapport d’enquête de l’Inspection générale de la police du 8 mars 2013 portant le numéro 178 a fait l’objet de l’instruction disciplinaire menée à son encontre, ayant finalement abouti à la décision sous examen du 31 mai 2016. D’ailleurs, le même procès-verbal est visé par le directeur général dans son transmis du 12 juillet 2013, par lequel il a chargé le directeur régional de procéder à l’instruction disciplinaire contre le demandeur. Il échet encore de relever, dans ce contexte, que ledit rapport numéro 178/2013 a été transmis en date du 8 mars 2013 par l’Inspection générale de la police au juge d’instruction, dans le cadre d’une instruction menée contre trois autres agents de police, le demandeur non compris, dans le cadre de laquelle non seulement les trois personnes visées par les instructions en question ont été interrogées, mais en outre trois autres personnes, dont le demandeur. Les questions qui ont été posées au demandeur par les agents de l’Inspection générale de la police ont notamment visé des faits auxquels avait participé le demandeur.
S’il est vrai que ledit interrogatoire du 15 mars 2012 a eu lieu dans le cadre d’une instruction pénale menée à l’encontre de trois collègues de travail du demandeur, de sorte qu’a priori, le demandeur pouvait estimer avoir été interrogé en tant que témoin des faits en question, il n’en demeure pas moins que des faits qui faisaient l’objet de l’instruction pénale en question visaient incidemment également le demandeur. Force est néanmoins de constater que le demandeur a répondu sans réserves aux questions qui lui ont été posées par les agents instructeurs, du fait qu’il lui a été reproché par après d’avoir sauvegardé deux photos d’un détenu sur son téléphone portable privé, réponses auxquelles il renvoie sans réserve lors de la procédure disciplinaire diligentée à son encontre.
Ceci étant relevé, il échet de constater que le demandeur n’invoque aucune base légale qui aurait été violée du fait qu’il n’aurait pas été rendu attentif, lors de son interrogatoire du 15 mars 2012, à la possibilité lui réservée de se faire assister d’un avocat, et en l’absence pour le tribunal d’avoir pu constater la violation d’une quelconque disposition légale ou réglementaire, le moyen afférent est à rejeter pour ne pas être fondé, étant relevé qu’il n’appartient pas au tribunal de pallier la carence des parties et de rechercher lui-même les moyens en droit susceptibles d’être invoqués par elles.
En septième lieu, le demandeur invoque une violation du principe du délai raisonnable, en se référant à l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dénommée ci-après « CEDH », en soutenant que du fait que les faits lui reprochés se seraient produits entre 2010 et 2012 et entre le mois d’avril 2012 et le mois de septembre 2013, et qu’il n’aurait été informé du début d’une enquête disciplinaire qu’en date des 9 septembre 2013 et 25 février 2015 respectivement, les rapports d’instruction n’ayant été finalisés qu’en dates des 27 et 28 mai 2015, il devrait en être conclu à un dépassement du délai raisonnable dans le cadre des instructions disciplinaires menées à son encontre, devant entraîner l’annulation de la sanction disciplinaire prononcée à son encontre par la décision ministérielle sous examen. Subsidiairement, il conclut que la sanction disciplinaire prononcée à son encontre devrait être réduite « à une plus juste proportion », en raison de la violation dudit principe.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement fait état de ce qu’à côté de la procédure disciplinaire sous examen, se seraient déroulées des procédures devant les juridictions répressives, dans le cadre desquelles « un certain nombre d’auditions ont été réalisées et des devoirs d’instruction ont été effectués », le représentant gouvernemental faisant encore référence à « la taille du dossier ». Du fait que le dossier en question aurait eu une certaine « complexité », il y aurait lieu de conclure que le délai d’instruction du dossier disciplinaire ne saurait être considéré comme étant déraisonnable.
Du fait que les comportements lui reprochés se seraient déroulés au cours des années 2012 et 2013 et qu’il n’aurait été sanctionné qu’en date du 31 mai 2016, le demandeur fait état, dans son mémoire en réplique, de ce qu’il aurait vécu dans un contexte difficile pendant une période de trois ans, au cours de laquelle il aurait été détaché au commissariat de police de Luxembourg où il aurait pu remplir ses missions « avec dévouement, sans erreurs, sans fautes et sans aucun comportement susceptible de critique», en restant toutefois dans l’ignorance du sort qui serait réservé aux instructions disciplinaires menées à son encontre due aux « lenteurs inadmissibles ».
Il estime ainsi qu’il serait inadmissible que les cinq faits lui finalement reprochés, qui n’auraient nécessité aucune instruction compliquée, aient fait l’objet d’une instruction disciplinaire pendant une période de trois ans, non justifiable.
Il convient tout d’abord de souligner que même en l’absence de texte prévoyant un délai déterminé, toute autorité disciplinaire a, dès qu’elle a connaissance de faits susceptibles de donner lieu à sanction, l’obligation d’entamer et de poursuivre la procédure disciplinaire avec célérité, afin que sa décision intervienne dans un délai raisonnable. En effet, le respect du délai raisonnable s’impose notamment pour assurer la sécurité juridique et pour éviter une trop longue incertitude sur l’issue de la procédure disciplinaire. Le caractère raisonnable du délai s’apprécie dans chaque cas et aux divers stades de la procédure, en fonction des circonstances de la cause, de la nature de l’affaire, du comportement de l’agent et de celui de l’autorité13. Il échet dans ce contexte de relever que l’article 6 CEDH invoqué par le demandeur ne saurait trouver application en l’espèce, du fait qu’il ne vise que les instances contentieuses se déroulant devant un tribunal, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, étant donné que c’est la durée de la procédure pré-contentieuse qui est critiquée en l’occurrence.
Il y a cependant encore lieu de relever qu’un dépassement du délai raisonnable n’est pas de nature à entraîner la nullité de la procédure, mais il permet au fonctionnaire qui en aurait souffert, de saisir éventuellement la juridiction compétente d’une demande de réparation et doit être pris en compte, le cas échéant, lors de l’appréciation de la sanction, de sorte à être susceptible d’aboutir à un allègement de la sanction à prononcer par le tribunal siégeant en tant que juge de la réformation.
En l’espèce, il ressort des pièces et éléments du dossier administratif que par transmis du 12 juillet 2013, le directeur général a saisi le directeur régional aux fins de procéder à une instruction disciplinaire à l’encontre du demandeur et que l’ouverture d’une nouvelle instruction disciplinaire a été décidée par le directeur général adjoint en date du 6 février 2015, cette dernière procédure étant liée à une information judiciaire initiée par le parquet auprès du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg. Il y a encore lieu de relever que malgré le fait que les deux instructions disciplinaires ont fait l’objet de deux rapports distincts dressés par le directeur régional en dates respectivement des 27 et 28 mai 2015, ils ont fait l’objet d’un avis unique du Conseil de discipline, à savoir celui, précité, du 12 mai 2016. Il échet par conséquent de constater que non seulement deux instructions disciplinaires avaient été menées à l’encontre du demandeur, mais qu’en outre, l’une de ces procédures disciplinaires portait sur des faits qui ont également fait l’objet d’une instruction pénale à l’encontre du demandeur, de sorte à rendre ainsi la procédure plus complexe, et ce, d’autant plus, qu’à part le demandeur, étaient impliqués d’autres agents du corps de la police grand-ducale au sujet de certains des faits également reprochés au demandeur, ayant pour conséquence non seulement un dossier très volumineux, mais également complexe. S’il est vrai que certains des faits reprochés au demandeur remontent à l’année 2012, il suit néanmoins des pièces et éléments du dossier administratif versés au tribunal que l’enquête menée par l’Inspection générale de la police au bénéfice du juge d’instruction directeur a été clôturée par un rapport d’enquête qui n’a été transmis audit juge d’instruction directeur qu’en date du 29 janvier 2013, l’instruction menée par ledit juge d’instruction directeur ayant été clôturée en date du 30 septembre 2014. Il ressort encore d’un courrier adressé en date du 16 décembre 2014 par le procureur d’Etat auprès du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg au directeur général, que le parquet n’estimait pas opportun de poursuivre devant un tribunal correctionnel les éventuelles infractions commises par le demandeur, tout en laissant au directeur général le soin d’apprécier s’il souhaitait procéder « par la voie disciplinaire ».
Une deuxième série de faits reprochés au demandeur avait fait l’objet d’un rapport établi par l’Inspection générale de la police adressé en date du 31 janvier 2014 au juge d’instruction, et qui ont donné lieu à un arrêt de la Cour d’appel, siégeant en matière correctionnelle, du 10 13 trib. adm. 12 mars 2008, n° 22010a du rôle, conf. Cour adm. 1er novembre 2008, n° 24324C du rôle, Pas. adm.
2016, V° Fonction publique, n° 229 décembre 2014 ayant confirmé un jugement du tribunal d’arrondissement de Luxembourg du 4 décembre 2013 ayant acquitté notamment le demandeur du chef de l’infraction lui reprochée.
Il échet encore de relever que d’autres faits reprochés au demandeur remontent à l’année 2010 et qu’ils concernent plus particulièrement l’établissement « … » situé à Esch-sur-Alzette et que dans ce contexte, l’exploitant dudit établissement a été condamné par le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg à une peine d’emprisonnement de 36 mois dont 24 mois avec sursis et à une peine pénale de 10 000 €, étant toutefois relevé que le parquet auprès du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg n’a pas mis le demandeur en accusation à ce sujet. Il échet enfin de relever que les faits en question se sont déroulés du mois de juillet 2010 jusqu’au 11 décembre 2012, période pendant laquelle la personne ainsi condamnée a exploité l’établissement litigieux.
Au vu des éléments qui précèdent, il échet de retenir que s’il est vrai que l’instruction disciplinaire visait des faits remontant en partie jusqu’à l’année 2010, de sorte qu’un délai de presque cinq ans s’était écoulé entre la commission des faits en question et le rapport d’instruction disciplinaire afférent, voire un délai encore plus long jusqu’à la date du présent jugement, et qu’un tel délai peut a priori être considéré comme anormalement long, il convient cependant de prendre en compte les circonstances particulières de l’espèce. En effet, comme il vient d’être relevé ci-avant, il échet de constater que deux instructions disciplinaires avaient été menées à charge et à décharge du demandeur, que l’une d’elles se trouvait être dédoublée d’une instruction pénale menée également à l’encontre du demandeur et que la deuxième instruction disciplinaire visait des faits au sujet desquels des collègues de travail du demandeur faisaient l’objet d’une instruction pénale, le parquet auprès du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg ayant décidé de faire abstraction d’une telle instruction pénale en ce qui concerne le demandeur. Au vu de l’ensemble de ces éléments, il convient de retenir la complexité des diverses instructions menées visant une multitude de faits qui ont valablement pu expliquer un délai d’instruction anormalement long, sans que cette prolongation soit imputable aux autorités chargées de l’instruction disciplinaire. Il échet ainsi de constater que les différents actes de la procédure disciplinaire ont été posés avec la diligence nécessaire.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, force est au tribunal de constater que compte tenu des circonstances particulières de l’espèce, la durée de la procédure disciplinaire n’est pas à considérer comme déraisonnablement longue, de sorte que ce septième moyen est à rejeter comme n’étant pas fondé.
En dernier lieu, et quant au fond, le demandeur soutient que la sanction prononcée à son égard serait disproportionnée, et ce, en considération de ce qu’il n’aurait eu qu’un mois pour introduire le présent recours, délai qu’il estime être « extrêmement court » au vu « de l’importance du dossier disciplinaire qui totalise plus d’une centaine de pages », de la violation de l’article 6 CEDH, de la non-poursuite des faits lui reprochés par le juge d’instruction ,voire par le parquet auprès du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg et de ce qu’il aurait acquitté ses missions à l’entière satisfaction de ses collègues de travail et de son chef de groupe.
Enfin, le demandeur estime que les faits lui reprochés dans le cadre des deux instructions disciplinaires menées à son égard devraient être relativisés, alors qu’il aurait été mal encadré par ses chefs d’unité, en relevant que « toute la hiérarchie du commissariat principal d’Esch-
sur-Alzette » aurait eu connaissance des faits lui reprochés en ce qui concerne plus particulièrement l’exploitation de l’établissement « … ». Il ne saurait partant lui être reproché d’avoir eu une « attitude de spectateur passif d’un « système » largement couvert, sinon instauré par les supérieurs hiérarchiques du CIP d’Esch-sur-Alzette ».
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement soutient que le demandeur aurait eu un comportement qui ne saurait être toléré au sein du corps de la police grand-ducale et il estime qu’au vu de la gravité des faits commis par lui, son maintien au sein dudit corps «paraîtrait incompréhensible aux yeux du public », de sorte que la sanction prononcée à son encontre devrait être considérée comme étant proportionnée.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur relève encore qu’avant la décision ministérielle sous examen, il n’aurait jamais fait l’objet d’une quelconque sanction disciplinaire et qu’il n’y aurait par ailleurs aucune inscription dans son casier judiciaire. Il rappelle toutefois que tout au long de la procédure ayant abouti à la décision sous examen, il aurait reconnu « avoir dans quelques situations agi avec une probante légèreté, parfois sans suffisamment de rigueur, ceci surtout lors de son affectation au CIP d’Esch-sur-Alzette ». Or, à cette époque, il n’aurait été qu’un « jeune policier » qui aurait fait ses débuts dans le corps de la police « dans un commissariat difficile à Esch-sur-Alzette ». Ainsi, il se serait laissé influencer par le comportement « de ses supérieurs hiérarchiques », en relevant qu’au sein du commissariat de police auquel il aurait ainsi été affecté, il n’aurait jamais été « à l’ordre du jour d’effectuer des contrôles à outrance, notamment en ce qui concerne les heures de fermeture des débits de boissons alcooliques ».
Il échet tout d’abord de souligner qu’il ressort de l’instruction disciplinaire, des actes de procédure produits dans le cadre de la présente instance, ainsi que des considérations de l’avis du Conseil de discipline du 12 mai 2016, que le demandeur ne conteste ni la matérialité des faits qui lui sont reprochés, ni les violations afférentes des devoirs lui reprochés, mais se limite, au fond, à mettre en cause la proportionnalité de la sanction disciplinaire prononcée par rapport aux faits reprochés.
Ainsi, plus particulièrement, le demandeur estime que les faits devraient être sanctionnés par une peine disciplinaire d’une gravité moindre, en reprochant au ministre de ne pas avoir pris en compte sa situation personnelle et professionnelle, telle qu’elle a existé au moment des faits.
En ce qui concerne tout d’abord le reproche tiré d’une violation de l’article 6 CEDH, il échet de rappeler qu’aucune violation de ladite disposition de droit international n’a pu être retenue, tel que cela ressort des développements ci-avant, aucun élément nouveau à cet égard n’ayant été soulevé par le demandeur dans le cadre de ce dernier moyen.
En ce qui concerne le délai de recours contentieux que le demandeur estime comme étant anormalement court, notamment par rapport au dossier volumineux que son litismandataire aurait dû étudier afin de préparer le recours sous examen, il échet tout d’abord de rappeler, au vu des considérations qui précèdent, que le délai de recours contentieux prévu par l’article 30 de la loi du 16 avril 1979 est conforme à l’article 10bis de la Constitution, de sorte qu’abstraction faite de toute autre considération, la durée du délai contentieux ne saurait avoir une quelconque influence sur la proportionnalité de la sanction prononcée à l’égard du demandeur.
En ce qui concerne plus spécifiquement la proportionnalité de la peine disciplinaire prononcée à l’égard du demandeur, il échet tout d’abord de rappeler les termes de l’article 22 de la loi du 16 avril 1979, libellé comme suit :
« L’application des sanctions disciplinaires se règle notamment d’après la gravité de la faute commise, le grade, la nature de l’emploi et les antécédents du militaire inculpé. (…)».
Il s’ensuit que le choix de la peine disciplinaire à prononcer dépend tant de la gravité de la faute commise, que des critères personnels à l’agent, comme son grade, la nature de son emploi et ses antécédents.
Il échet encore de relever qu’une multitude d’infractions disciplinaires peut témoigner d’une attitude inadmissible d’un agent à l’égard de son travail et justifier une sanction plus grave, alors même que pris isolément certains des comportements ainsi adoptés par l’intéressé ne revêtent pas nécessairement un caractère de gravité caractérisé, dès lors que l’ensemble des comportements adoptés par celui-ci implique dans le chef de l’administration dont l’agent relève une perte de confiance définitive dans ses capacités professionnelles ou ses qualifications morales.
En l’espèce, il échet de relever que les comportements adoptés par le demandeur à l’égard de l’exploitant de l’établissement « … » à Esch-sur-Alzette sur une période assez longue, consistant notamment dans le défaut de contrôler les heures d’ouverture dudit établissement, dans l’acceptation de boissons lui gratuitement offertes par ledit exploitant et dans l’absence de contrôle de certaines personnes se trouvant dans ledit établissement, supposées s’adonner à la prostitution sont de nature à porter gravement atteinte à l’image du corps de la police grand-
ducale et constituent une violation flagrante et extrêmement grave des devoirs auxquels se trouve soumis un membre dudit corps, d’autant plus qu’il est en aveu d’avoir eu une relation privée tant avec le patron de l’établissement en question qu’avec l’une des prostituées, sans que ces comportements ne puissent être excusés par des comportements similaires adoptés tant par les supérieurs hiérarchiques du demandeur que par ses collègues de travail, ni par la qualité de « jeune officier » du demandeur au moment de la commission des faits, dès lors qu’il y a raisonnablement lieu d’attendre d’une jeune recrue dans les rangs de la police qu’elle suive scrupuleusement les consignes d’éthique afférentes à l’exercice de la force publique ayant vocation à assurer aux citoyens la garantie du respect des valeurs caractérisant un Etat de droit.
Ainsi, la peine disciplinaire de la mise à la retraite d’office pour inaptitude professionnelle et disqualification morale se justifie par les comportements adoptés par le demandeur à l’égard de l’exploitant de l’établissement « … », pris ensemble avec les autres faits reprochés au demandeur qui dénotent une insouciance et une méprise fondamentalement inacceptable du rôle dévolu aux forces de police au sein de la société. Il suit partant de ces considérations que la sanction disciplinaire retenue de la mise à la retraite pour inaptitude professionnelle et disqualification morale n’est pas disproportionnée par rapport à la situation du demandeur qui, par ses comportements adoptés à l’égard de l’exploitation précitée, a encore gravement nui à la réputation du corps de la police et a violé les devoirs auxquels il a été soumis en tant que policier, comme l’a relevé à bon droit tant le Conseil de discipline dans son avis du 12 mai 2016 que le ministre dans la décision litigieuse, de sorte à ébranler de manière définitive la confiance dont il a pu bénéficier antérieurement et sans que ce constat ne soit énervé par la circonstance que son travail depuis les faits litigieux n’a pas fait l’objet de critiques.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en réformation est à rejeter comme non fondé.
Eu égard à l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure de 1.250 € formulée par le demandeur est à rejeter comme n’étant pas fondée.
Par ces motifs le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure de 1.250 € formulée par le demandeur ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Anne Gosset, premier juge, Olivier Poos, premier juge, et lu à l’audience publique du 14 juillet 2017 par le premier vice-président, en présence du greffier Marc Warken.
s. Marc Warken s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 14 juillet 2017 Le greffier du tribunal administratif 30