Tribunal administratif Nos 37931 et 38551 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits le 18 mai 2016, 4e chambre respectivement le 5 octobre 2016 Audience publique du 30 juin 2017 Recours formés par Monsieur …, Luxembourg, contre deux décisions du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu des personnes physiques
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JUGEMENT
I) Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 37931 et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 18 mai 2016 par Maître Matthieu Fettig, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation 1) des bulletins de l’impôt rectificatifs sur le revenu des personnes physiques des années 2008 à 2013, émis à son encontre en date des 9 et 16 mars 2016, et 2) d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 29 février 2016 par laquelle il a déclaré non fondées ses deux réclamations datées du 14 juillet, respectivement du 28 août 2015 dirigées contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des personnes physiques des années 2010 à 2013, respectivement 2008 à 2009 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 octobre 2016 ;
Vu le mémoire en réplique déposé par Maître Matthieu Fettig au greffe du tribunal administratif le 10 novembre 2016 au nom de son mandant ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Matthieu Fettig et Monsieur le délégué du gouvernement Eric Pralong en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 mars 2017 ;
Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 11 avril 2017 par Maître Matthieu Fettig au nom de son mandant ;
Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 18 avril 2017 par le délégué du gouvernement ;
II) Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 38551 et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 5 octobre 2016 par Maître Matthieu Fettig, préqualifié, au nom de Monsieur …, préqualifié, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation 1) du bulletin de l’impôt rectificatif sur le revenu des personnes physiques de l’année 2007, émis à son encontre en date du 9 mars 2016, et 2) d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 10 août 2016 par laquelle le directeur a déclaré non fondée sa réclamation datée du 17 mai 2016 dirigée contre le bulletin de l’impôt sur le revenu des personnes physiques de l’année 2007 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif 5 janvier 2017 ;
Vu le mémoire en réplique déposé par Maître Matthieu Fettig au greffe du tribunal administratif le 6 février 2017 au nom de son mandant ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Matthieu Fettig et Monsieur le délégué du gouvernement Eric Pralong en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 mars 2017 ;
Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 11 avril 2017 par Maître Matthieu Fettig au nom de son mandant ;
Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 18 avril 2017 par le délégué du gouvernement ;
I) et II) Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions directoriales critiquées ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Matthieu Fettig et Monsieur le délégué du gouvernement Eric Pralong en leurs plaidoiries complémentaires respectives à l’audience publique à laquelle l’affaire avait été fixée pour la continuation des débats.
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En date du 29 avril 2015, le préposé du bureau d’imposition Luxembourg 4 informa Monsieur …, dans le cadre des années d’imposition 2007 à 2009, que « suite à une intervention du Service de révision auprès de vos employeurs … SA et …, il m’a été communiqué que vous avez reçu à part votre salaire de … SA et …, des rémunérations supplémentaires de la part de sociétés de droit étranger pour le travail effectué auprès de votre client final.
Ces revenus sont imposables au Luxembourg en tant que revenus d’une profession libérale.
Afin de régulariser votre situation fiscale, je vous invite dès lors à me déclarer pour le 22 mai 2015, les revenus supplémentaires. (…) ».
En date du même jour, le préposé du bureau d’imposition Luxembourg 4 informa Monsieur … que « le bureau d'imposition procédera prochainement à l'établissement d'impositions rectificatives de votre revenu imposable pour les années d'imposition 2010 et 2011, ceci en application du paragraphe 222 (1) n°1 AO.
Vous avez reçu, à part de votre salaire de la société …, des revenus supplémentaires de la part de sociétés de droit étranger pour le travail effectué auprès de votre client final. Les montants reçus sont imposables au Luxembourg en tant que revenu d'une profession libérale.
Année 2010 Année 2011 … € … € Au cas où vous le jugez nécessaire, je vous prie de nous faire connaître vos observations avant le 22 mai 2015 au plus tard. Ce délai passé, les impositions des exercices en question seront établies compte tenu des redressements envisagés. (…) ».
Un autre courrier du même jour à la teneur semblable a été adressés à Monsieur … pour les années d’imposition 2012 à 2013, renseignant des montants supplémentaires à imposer de l’ordre de … et … euros.
En date du 9 juin 2015, le préposé du bureau d’imposition Luxembourg 4 informa Monsieur … que « le bureau procédera prochainement à l'établissement d'impositions rectificatives de votre revenu imposable pour les années 2008 & 2009, et ceci en application du paragraphe 222,1N° A.O.
À côté de votre salaire auprès de …, vous avez reçu des revenus supplémentaires de la part de sociétés de droit étranger pour le travail effectué auprès de votre client final.
Les montants touchés seront imposés en tant que revenus provenant d'une profession libérale.
Il y a lieu de faire des ajoutes de l'ordre de € ….- [-…] pour 2008, et de € ….- pour 2009.
En cas d'objections, prière de les formuler par écrit jusqu'au 22 juin 2015 au plus tard.
Dépassé ce délai, les impositions rectificatives seront établies.
En ce qui concerne les années 2006 et 2007, je vous rappelle qu'aucune déclaration pour 2006 ne nous est parvenue ! (…) ».
Par un courrier de son mandataire du 12 juin 2015, Monsieur … prit position quant à ces courriers en contestant avoir touché des rémunérations supplémentaires et partant avoir soumis des déclarations incomplètes pour les années 2006 à 2013.
En date du 10 juin 2015, le bureau d’imposition Luxembourg 4 émit deux bulletins de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2010, respectivement 2011 précisant, sous la rubrique intitulée « détail concernant l’imposition », avoir procédé à l’« Ajoute [de] recettes non déclarées svt contrôle de … par le service de révision : + … – … (=forfait pour frais) », respectivement « ajoute [de] recettes + … – … svt info Service de Révision. ».
En date du 1er juillet 2015, le bureau d’imposition Luxembourg 2 émit deux bulletins de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2012, respectivement 2013, en précisant que « L’imposition tient compte des redressements communiqués par notre courrier du 03.06.2015 en vertu du paragraphe 205(3) de la loi générale d’impôts (A.O.). ».
En date du 5 août 2015, le bureau d’imposition Luxembourg 4 émit deux bulletins de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2008, respectivement 2009, précisant, sous la rubrique intitulée « détail concernant l’imposition », avoir procédé à l’« ajoute [de] recettes non déclarées svt … contrôlé par le service de révision + … – … (=forfait pour frais) », respectivement « ajoute [de] recettes non déclarées : … – … (= forfait pour frais) ».
En dates des 7 juillet 2015 et 25 août 2015, le mandataire de Monsieur … adressa au directeur de l’administration des Contributions directes, dénommé ci-après « le directeur », deux réclamations contre les bulletins d’imposition 2008-2009, respectivement 2010-2013.
En date du 28 octobre 2015, le service de révision du bureau d'imposition Sociétés 2, dénommé ci-après « le service de révision », émit un compte-rendu sur la vérification, dans le cadre du contrôle des sociétés appelées « payroll companies », des livres et documents comptables de la société anonyme … S.A., dénommée ci-après « la société … », portant sur les exercices 2010 à 2013 inclusivement, aux termes duquel il conclut que, sur base de la comptabilité tenue moyennant un système informatique avec des comptabilisations faites de manière régulière, dans « le présent cas, le consultant informatique exerçant son activité au Luxembourg touche pour l'accomplissement de sa mission :
un salaire officiel payé par … SA une partie non officielle payée par diverses sociétés étrangères gérées par les sociétés … Ltd (UK) et …(IRL) L'analyse des documents remis aux réviseurs n'a pas permis de détecter le système frauduleux utilisé par le groupe ….
Cependant, les différents modes opératoires ont été révélés aux réviseurs lors d'entrevues avec plusieurs consultants informatiques qui ont aussi travaillées pour … SA (rapport 1782) et/ou …SA (compte rendu 1778).
Les administrateurs de … ont pu être persuadés, suites à plusieurs entrevues avec les réviseurs, à fournir les bonus payés pour les différents consultants et ceci pour les années 2010 à 2013. (…) Les données reçues de … ont été analysées et transmises aux différents bureaux d'imposition concernés afin de redresser la situation fiscale des contribuables.
En respectant la prescription décennale applicable dans le cas de déclaration incomplète, les consultants ont été invités par les bureaux d'imposition à déclarer les bonus reçus. Ceci explique que les redressements couvrent une période dépassant la période initialement contrôlée par les réviseurs. (…) ».
En date du 29 février 2016, le directeur prit la décision suivante :
« (…) Vu la requête (C21086) introduite le 14 juillet 2015 par Me Arnaud Freulet, au nom du sieur …, demeurant à L-…, pour réclamer contre les bulletins rectificatifs de l'impôt sur le revenu des personnes physiques des années 2010, 2011, tous émis le 10 juin 2015, ainsi que contre les bulletins rectificatifs de l'impôt sur le revenu des personnes physiques des années 2012 et 2013, tous émis le 1er juillet 2015 ;
Vu la requête (C21346) introduite le 28 août 2015 par Me Arnaud Freulet, au nom du sieur …, demeurant à L-1213 Luxembourg, pour réclamer contre les bulletins rectificatifs de l'impôt sur le revenu des personnes physiques des années 2008 et 2009, tous émis le 5 août 2015 ;
Vu le dossier fiscal ;
Vu les paragraphes 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;
Considérant de même que l'introduction par une requête unique de plusieurs demandes distinctes, mais néanmoins semblables, empiète sur le pouvoir discrétionnaire du directeur des contributions de joindre des affaires connexes, mais n'est pas incompatible en l'espèce avec les exigences d'une procédure ordonnée ni dommageable à une bonne administration de la loi, qu'il est, en principe, loisible au directeur des contributions de joindre ou non des affaires qui lui paraissent suffisamment connexes ;
Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit, dans les forme et délai de la loi ; qu'elles sont partant recevables ;
Considérant que le réclamant fait grief au bureau d'imposition d'avoir imposé des bénéfices provenant de l'exercice d'une profession libérale au titre des années 2008 et 2009, i.e. des revenus qu'il n'aurait jamais perçus ;
Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, la loi d'impôt étant d'ordre public ;
qu'à cet égard le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-
fondé ;
qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique ;
Considérant qu'il résulte du dossier fiscal que le bureau d'imposition a procédé à des impositions rectificatives pour les années 2010 à 2012 sur pied du paragraphe 222 alinéa 1 numéro 1 AO ;
Considérant que le paragraphe 222 alinéa 1er n° 1 AO autorise le bureau d'imposition à procéder à une imposition rectificative en présence de faits ou moyens de preuve nouveaux justifiant une augmentation de la cote d'impôt, pour autant que l'impôt n'est pas prescrit ;
Considérant qu'il ressort du dossier fiscal que le bureau d'imposition a majoré le revenu en augmentant le revenu imposable des années 2008, 2009, 2010, 2011, 2012 et 2013 des montants respectifs de … euros, de … euros, de … euros, de … euros, de … euros et de … euros sur base de données lui soumises par le service de révision en relation avec une enquête menée envers une société dénommée … ;
Considérant que l'instruction au contentieux a révélé que la comptabilité de la société …, avec siège social à L-2269 Luxembourg, a fait l'objet d'une vérification au sens du § 162 AO par le service de révision des contributions pour les années 2010, 2011, 2012 et 2013 ;
Considérant que la société … a pour objet le conseil économique; qu'elle fournit plus particulièrement des conseils dans le domaine de l'organisation et de la gestion d'entreprises;
qu'elle a pour objet toutes activités se rapportant directement ou indirectement à la prise de participations sous quelque forme que ce soit, dans toute société anonyme, association, sociétés en participations ou sociétés privées ainsi que l'administration, la gestion, le contrôle et le développement de telles participations; qu'elle peut notamment employer ses fonds à la création, à la gestion, à la mise en valeur et à la liquidation d'un portefeuille se composant de tous titres, participer à la création, au développement et au contrôle de toutes entreprises, acquérir par voie d'apport, de souscription, de prise ferme ou d'option d'achat et de toute autre manière, tous titres, les réaliser par voie de vente, de cession, d'échange, accorder tous concours, prêts, avances ou garanties à toute société dans laquelle elle dispose d'un intérêt direct ou indirect; qu'en général, elle peut effectuer toute activité patrimoniale, mobilière ou immobilière, commerciale, industrielle ou financière ainsi que toutes transactions ou opérations de nature à promouvoir et à faciliter directement ou indirectement la réalisation de l'objet social ou son extension;
Considérant que lors de ce contrôle de la société …, les renseignements transmis aux réviseurs ont été fournis par les administrateurs, la dame … et le sieur … ;
Considérant que l'instruction au service de révision que dans le système « Payroll » le consultant informatique accomplit une mission pour le client final ;
qu'au lieu d'être directement payé par le client, le consultant exerçant sa mission au Luxembourg devient « salarié » d'une société appelée « Payroll Company » ;
Considérant qu'en l'occurrence, le consultant informatique exerçant son activité au Luxembourg touche pour l'accomplissement de sa mission d'un salaire officiel payé par …, ainsi que d'une partie non officielle payée par diverses sociétés étrangères gérées par les sociétés dénommées « … Ltd » et « …» ;
Considérant que les administrateurs de la société … ont communiqué les bonus payés pour ses consultants aux réviseurs ;
Considérant que les paiements non déclarés en faveur des consultants informatiques travaillant au Grand-Duché de Luxembourg ont été communiqués aux bureaux d'imposition compétents par le service de révision ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 133-1 du Code du travail, est interdite l'activité exercée, en dehors des règles régissant le travail intérimaire et le prêt temporaire de main d'œuvre, qui consiste à mettre des travailleurs engagés dans le cadre d'un contrat de travail à la disposition de tiers qui utilisent ces travailleurs et qui exercent sur ceux-ci une part de l'autorité administrative et hiérarchique réservée normalement à l'employeur ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que ladite société « payroll » … a dès lors activement « encouragé » ses conseillers au « split salarial » et que le groupe a mis en place tout un système d'emploi et de facturation dans le seul but de frauder des impôts ;
Considérant finalement que le schéma suivant qui fait partie intégrante du compte-
rendu du réviseur, illustre le système mis en place par le groupe … afin d'éluder des impôts :
*graphique 1* Considérant qu'aux termes du paragraphe 396 alinéa 5 AO, si la fraude porte sur un montant significatif d'impôt soit en montant absolu soit en rapport avec l'impôt annuel dû et a été commise par l'emploi systématique de manœuvres frauduleuses tendant à dissimuler des faits pertinents à l'autorité ou à lui persuader des faits inexacts, elle sera punie comme escroquerie fiscale d'un emprisonnement d'un mois à cinq ans et d'une amende de cinquante mille francs à un montant représentant le décuple des impôts éludés ;
Considérant qu'il y a lieu de relever que les montants non déclarés s'élèvent à respectivement … euros, de … euros, de … euros, de … euros, de … euros et de … euros, alors que les salaires imposés au titre des années litigieuses s'élèvent à … euros, à … euros, à … euros, à … euros, à … euros et à … euros ;
Considérant que le directeur des contributions n'est pas lié par les moyens invoqués par le réclamant (§ 243 al. 2 AO), mais a le devoir de procéder d'office à un réexamen intégral de la cause (§ 243 al. 1er AO), tant en faveur qu'en défaveur du réclamant ;
Considérant que la circulaire n° 94/3 du 24 juin 2008 vise les contribuables, personnes physiques, qui exercent à côté de leur activité principale une activité accessoire exercée à titre indépendant dont l'application se limite néanmoins aux activités accessoires qui ne font l'objet d'aucune autre circulaire du directeur des contributions ;
Considérant cependant qu'en l'espèce, le réclamant n'a pas exercé d'activité accessoire ; qu'il a touché, d'une part, un salaire de la part de son employeur … et, d'autre part, des revenus en provenance d'une société de droit étranger, montants d'ailleurs assez élevés par rapport aux revenus provenant de l'exercice d'une occupation salariée ; qu'il n'est dès lors pas susceptible de rentrer parmi les personnes auxquelles s'applique la dite circulaire et bénéficier du forfait de … euros ;
Considérant que c'est dès lors à bon droit que le bureau d'imposition a majoré le revenu imposable des années 2008, 2009, 2010, 2011, 2012 et 2013 des prestations non déclarées et touchées en raison de son activité professionnelle de conseiller ;
Considérant que les bénéfices provenant de l'exercice d'une profession libérale pour les années 2008, 2009, 2010, 2011, 2012 et 2013 sont dès lors établis à respectivement … euros, à … euros, à … euros, à … euros, à … euros et à … euros ;
Considérant que pour le surplus, les impositions sont conformes à la loi et aux faits de la cause et ne sont d'ailleurs pas contestées ;
PAR CES MOTIFS reçoit les réclamations en la forme, réformant in pejus, fixe l'impôt sur le revenu de l'année 2008, y compris la contribution au fonds pour l'emploi, à … euros, fixe l'impôt sur le revenu de l'année 2009, y compris la contribution au fonds pour l'emploi, à … euros, fixe l'impôt sur le revenu de l'année 2010, y compris la contribution au fonds pour l'emploi, à … euros, fixe l'impôt sur le revenu de l'année 2011, y compris la contribution au fonds pour l'emploi, à … euros, fixe l'impôt sur le revenu de l'année 2012, y compris la contribution au fonds pour l'emploi, à … euros, fixe l'impôt sur le revenu de l'année 2013, y compris la contribution au fonds pour l'emploi, à … euros, renvoie au bureau d'imposition pour exécution, notamment pour imputation des retenues. (…) ».
En exécution de cette décision directoriale du 29 février 2016, l’administration des Contributions directes émit, en dates des 9 et 16 mars 2016, les bulletins de l’impôt sur le revenu rectificatifs pour les années 2008 et 2009, respectivement 2010 à 2013 à l’encontre de Monsieur ….
En date du 9 mars 2016, le bureau d’imposition Luxembourg 4 émit un bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2007 en indiquant, sous la rubrique « l’imposition diffère de la déclaration sur les points suivants », avoir procédé à l’« ajoute [d’] indemnités … svt rapport Service de révision et par analogie aux années postérieures ».
En date du 13 mai 2016, le mandataire de Monsieur … adressa au directeur une réclamation contre le bulletin d’imposition de l’année 2007.
En date du 10 août 2016, le directeur prit la décision suivante : « (…) Vu la requête introduite le 17 mai 2016 par Madame …, au nom du sieur …, demeurant à L-…, pour réclamer contre le bulletin rectificatif de l'impôt sur le revenu des personnes physiques de l'année 2007, émis le 9 mars 2016 ;
Vu le dossier fiscal ;
Vu les paragraphes 228 et 301 de la loi générale des impôts (A0) ;
Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit, dans les forme et délai de la loi ; qu'elle est partant recevable, Considérant que le réclamant fait grief au bureau d'imposition d'avoir imposé des bénéfices provenant de l'exercice d'une profession libérale au titre de l'année 2007 ;
Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, la loi d'impôt étant d'ordre public ;
qu'à cet égard le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-
fondé ;
qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique ;
Considérant qu'il résulte du dossier fiscal que le bureau d'imposition a procédé à des impositions rectificatives pour les années 2010 à 2012 sur pied du paragraphe 222 alinéa 1 numéro 1 AO ;
Considérant que le paragraphe 222 alinéa 1er n° 1 AO autorise le bureau d'imposition à procéder à une imposition rectificative en présence de faits ou moyens de preuve nouveaux justifiant une augmentation de la cote d'impôt, pour autant que l'impôt n'est pas prescrit ;
Considérant qu'il ressort du dossier fiscal que le bureau d'imposition a majoré le revenu en augmentant le revenu imposable de l'année 2007 d'un montant de … euros sur base de données lui soumises par le service de révision en relation avec une enquête menée envers une société dénommée … ;
Considérant que l'instruction au contentieux a révélé que la comptabilité de la société …, avec siège social à L-2269 Luxembourg, a fait l'objet d'une vérification au sens du § 162 AO par le service de révision des contributions pour les années 2010, 2011, 2012 et 2013 ;
Considérant que la société … a pour objet le conseil économique; qu'elle fournit plus particulièrement des conseils dans le domaine de l'organisation et de la gestion d'entreprises;
qu'elle a pour objet toutes activités se rapportant directement ou indirectement à la prise de participations sous quelque forme que ce soit, dans toute société anonyme, association, sociétés en participations ou sociétés privées ainsi que l'administration, la gestion, le contrôle et le développement de telles participations; qu'elle peut notamment employer ses fonds à la création, à la gestion, à la mise en valeur et à la liquidation d'un portefeuille se composant de tous titres, participer à la création, au développement et au contrôle de toutes entreprises, acquérir par voie d'apport, de souscription, de prise ferme ou d'option d'achat et de toute autre manière, tous titres, les réaliser par voie de vente, de cession, d'échange, accorder tous concours, prêts, avances ou garanties à toute société dans laquelle elle dispose d'un intérêt direct ou indirect; qu'en général, elle peut effectuer toute activité patrimoniale, mobilière ou immobilière, commerciale, industrielle ou financière ainsi que toutes transactions ou opérations de nature à promouvoir et à faciliter directement ou indirectement la réalisation de l'objet social ou son extension;
Considérant que lors de ce contrôle de la société …, les renseignements transmis aux réviseurs ont été fournis par les administrateurs, la dame … et le sieur … ;
Considérant que l'instruction au service de révision que dans le système « Payroll » le consultant informatique accomplit une mission pour le client final ;
qu'au lieu d'être directement payé par le client, le consultant exerçant sa mission au Luxembourg devient « salarié » d'une société appelée « Payroll Company » ;
Considérant qu'en l'occurrence, le consultant informatique exerçant son activité au Luxembourg touche pour l'accomplissement de sa mission d'un salaire officiel payé par …, ainsi que d'une partie non officielle payée par diverses sociétés étrangères gérées par les sociétés dénommées « … Ltd » et « IT Consultancy » ;
Considérant que les administrateurs de la société … ont communiqué les bonus payés pour ses consultants aux réviseurs ;
Considérant que les paiements non déclarés en faveur des consultants informatiques travaillant au Grand-Duché de Luxembourg ont été communiqués aux bureaux d'imposition compétents par le service de révision ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 133-1 du Code du travail, est interdite l'activité exercée, en dehors des règles régissant le travail intérimaire et le prêt temporaire de main d'oeuvre, qui consiste à mettre des travailleurs engagés dans le cadre d'un contrat de travail à la disposition de tiers qui utilisent ces travailleurs et qui exercent sur ceux-ci une part de l'autorité administrative et hiérarchique réservée normalement à l'employeur ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que ladite société « payroll » … a dès lors activement « encouragé » ses conseillers au « split salarial » et que le groupe a mis en place tout un système d'emploi et de facturation dans le seul but de frauder des impôts ;
Considérant finalement que le schéma suivant qui fait partie intégrante du compte-
rendu du réviseur, illustre le système mis en place par le groupe … afin d'éluder des impôts :
*graphique 2* Considérant qu'aux termes du paragraphe 396 alinéa 5 AO, si la fraude porte sur un montant significatif d'impôt soit en montant absolu soit en rapport avec l'impôt annuel dû et a été commise par l'emploi systématique de manœuvres frauduleuses tendant à dissimuler des faits pertinents à l'autorité ou à lui persuader des faits inexacts, elle sera punie comme escroquerie fiscale d'un emprisonnement d'un mois à cinq ans et d'une amende de cinquante mille francs à un montant représentant le décuple des impôts éludés ;
Considérant qu'il ressort du dossier fiscal que le réclamant a travaillé depuis le 1er juillet 2007 pour la société … et que les indemnités non déclarées concernent le deuxième semestre de l'année 2007 ;
Considérant que c'est à bon droit que le bureau d'imposition a majoré le revenu imposable de l'année 2007 des prestations non déclarées et touchées en raison de son activité professionnelle de conseiller ;
Considérant que le bénéfice provenant de l'exercice d'une profession libérale pour l'année 2007 de … euros est dès lors à confirmer ;
Considérant que pour le surplus, l'imposition est conforme à la loi et aux faits de la cause et n'est d'ailleurs pas contestée ; (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 18 mai 2016, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation sinon en annulation contre les bulletins de l’impôt rectificatifs sur le revenu des personnes physiques des années 2008 à 2013, émis à son encontre en date des 9 et 16 mars 2016, ainsi que contre la décision précitée du directeur du 29 février 2016.
Par une deuxième requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 5 octobre 2016, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation sinon en annulation contre le bulletin de l’impôt rectificatif sur le revenu des personnes physiques de l’année 2007, émis à son encontre en date du 9 mars 2016, ainsi que contre la décision précitée du directeur du 10 août 2016.
Les bulletins d’imposition visés dans les deux recours, ainsi que les décisions directoriales afférentes rendues sur réclamations se basant sur le même rapport du Service de révision et procédant des mêmes causes, il est d’une bonne administration de la justice de faire droit à la demande de Monsieur … de joindre les rôles et de toiser les deux recours par un seul et même jugement.
Le délégué du gouvernement se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité des recours en réformation dirigés contre les décisions directoriales déférées, en soulignant que les recours subsidiaires en annulation ne seraient admis que dans les matières où la loi n’organise pas d’autres recours. Il soulève encore l’irrecevabilité des recours en ce qu’ils sont dirigés directement contre les bulletins d’impôts, du fait que de tels recours ne seraient pas admissibles en présence d’une décision directoriale.
En vertu des dispositions de l'article 8 (3) 3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, dénommée ci-après « la loi du 7 novembre 1996 », un bulletin d'impôt peut uniquement être directement déféré au tribunal lorsqu'une réclamation au sens du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », a été introduite et qu'aucune décision directoriale définitive n'est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande.
En ce qui concerne le recours dirigé contre les bulletins de l’impôt rectificatifs sur le revenu des personnes physiques des années 2008 à 2013, émis en date des 9 et 16 mars 2016, force est de relever qu’il a été jugé qu’un recours dirigé contre le bulletin rectificatif dressé par le bureau d'imposition est irrecevable omisso medio si ledit bulletin et les contestations formulées n'ont pas été soumis préalablement pour examen et décision au directeur1.
En ce qui concerne le bulletin d’impôt rectificatif sur le revenu des personnes physiques de l’année 2007, émis en date du 9 mars 2016, force est de retenir qu’en application des dispositions précitées, le recours contre ledit bulletin est également à déclarer irrecevable, étant donné que le directeur a statué sur la réclamation introduite à l’encontre dudit bulletin par sa décision du 10 août 2016 et que dans cette hypothèse, seule la décision directoriale peut être déférée au tribunal.
Il s’ensuit que les recours en ce qu’ils sont dirigés contre les bulletins d’impôt directement, sont irrecevables.
En ce qui concerne les recours dirigés contre les décisions directoriales déférées du 29 février 2016, respectivement du 10 août 2016, force est de rappeler que, conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 AO, et de l’article 8 (3) 1. de la loi du 7 novembre 1996, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation introduite contre un bulletin d’impôt sur le revenu.
1 trib. adm. 6 août 1997, n° 9574 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Impôts, n° 851 et les autres références y citées.
Le tribunal est partant compétent pour connaître des recours respectifs en réformation introduits à titre principal contre les décisions précitées du directeur du 29 février 2016, respectivement du 10 août 2016.
Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur les recours subsidiaires en annulation afférents.
Les recours en réformation respectifs dirigés contre les décisions directoriales précitées du 29 février 2016, respectivement du 10 août 2016 sont encore recevable pour avoir été, chacun, introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de ses recours et en fait, le demandeur explique avoir exercé une activité de consultant informatique pour certains établissements bancaires et financiers luxembourgeois à partir de l'année 2006 et, afin de simplifier la gestion administrative, juridique et fiscale de son activité professionnelle au Luxembourg, avoir décidé de recourir aux services d'une société de « payroll et management » offrant des services administratifs adaptés à sa situation. Il souligne, ainsi, avoir conclu un premier contrat de travail avec une société anonyme de droit luxembourgeois … S.A. pour la période du 1er janvier 2007 au 30 juin 2007 et un deuxième contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er juillet 2007 avec la société …, en exécution duquel il aurait exercé son activité de consultant informatique du 1er juillet 2007 jusqu'au jour de sa mise à la retraite au mois d'octobre 2015.
Il passe ensuite en revue les rétroactes repris ci-avant.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur précise encore que son employeur, la société …, serait une société commerciale établie au Luxembourg proposant à sa clientèle des services commerciaux de type « Contract Management Company » dont la structure, découverte dans le cadre de la révision, avec des sociétés partenaires essentiellement installées à l'étranger, laisserait conclure à l’existence de trois contrats, à savoir une convention d'adhésion conclue entre le client et … afin d'organiser les conditions des services, une convention de prestation de services conclue entre un professionnel luxembourgeois et la société de droit anglais … Ltd, ainsi que le contrat de travail qu’il aurait conclu avec la société …. Or, il estime que les investigations menées par le service de révision sur ce montage de « portage salarial » organisé par la société … et les sociétés de droits étrangers affiliées n’auraient pas permis à l’administration des Contributions directes de retracer tous les flux de rémunérations, à savoir, celles, dans le cadre de la convention d'adhésion, par la société … dans le cadre de l'exécution des prestations de services convenues avec les clients, celles perçues par la société … Ltd précitée, dans le cadre des services liés au travail par les clients pour le compte des professionnels luxembourgeois en exécution du cadre du contrat de prestataire, les salaires perçus par les clients et payés par la société … dans le cadre du contrat de travail, ainsi que les revenus complémentaires versés par l'intermédiaire de sociétés interposées aux clients de la société ….
En droit, le demandeur soulève d’abord un moyen tenant à la légalité externe des décisions déférées, en soutenant que le directeur n'aurait pas répondu à sa demande de se voir communiquer l’intégralité de son dossier fiscal en violation de l’article 11 du règlement grand-
ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l´Etat et des communes, dénommé ci-après « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », prévoyant le droit, pour tout contribuable, à la communication intégrale, sur sa demande, de son dossier administratif personnel.
Le demandeur affirme qu’en l'espèce, il aurait, à de nombreuses reprises, demandé à l'administration fiscale l'autorisation d'accéder à son dossier fiscal afin de pouvoir coopérer à la procédure de rectification engagée par cette dernière, demande réitérée dans le cadre de ses deux réclamations devant le directeur. Or, ni le directeur, ni l'administration fiscale n'auraient respecté ce droit dans le cas de la procédure de rectification de sa situation fiscale personnelle.
Il estime que cette violation de la loi constituerait une atteinte grave à son droit d'information devant conduire à l'annulation des bulletins d'impositions 2007 à 2013 émis à son encontre.
Dans ce même contexte, le demandeur conclut à une violation de son droit d’être entendu découlant des dispositions du paragraphe 204 (1) AO dans le cadre de la révision de sa situation fiscale, respectivement des dispositions du paragraphe 205 (3) AO dans le cadre de la révision de la déclaration fiscale préalablement déposée par lui, alors que le bureau d'imposition ne lui aurait pas communiqué, préalablement à la rectification de sa situation fiscale, les informations justifiant les divergences importantes et défavorables découlant de la procédure de rectification, de sorte qu’il n’aurait pas pu se défendre valablement ni faire part de ses observations, alors que, selon lui, la jurisprudence aurait précisé que les informations communiquées devraient porter sur : « l'ensemble des éléments de la déclaration fiscale par rapport auxquels elle envisage de diverger de sa déclaration » et être précises et pertinentes.
Il rappelle, à ce sujet, que la procédure administrative serait encore soumise au principe général du contradictoire permettant au contribuable et à l'administration fiscale d'échanger sur des faits et des moyens juridiques qui leur seraient opposés. Ainsi, chaque partie à un contentieux administratif devrait être en mesure de préparer sa défense conformément aux dispositions de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
Pourtant, dans le cadre des décisions déférées, il semblerait que le directeur n'aurait retenu que les déclarations des gérants de la société … sans lui assurer un droit de communication préalable.
Dans le cadre de l’examen de la légalité interne de la décision déférée, le demandeur conclut ensuite, eu égard à l'obligation de loyauté et de justification du contribuable dans ses rapports avec l'administration fiscale, découlant des paragraphes 166 et 170 alinéa 8 AO, respectivement du paragraphes 171 alinéa 1 AO, à une violation de l'article 58 « du règlement de procédure devant les juridictions administratives » qui poserait le principe que la charge de la preuve des faits déclenchant ou augmentant la charge du contribuable pèserait sur l'administration fiscale.
Le demandeur soulève qu’en l'espèce, il n’aurait jamais été invité à justifier au préalable les éléments des déclarations fiscales précédemment préparées par ses soins, mais que l’administration fiscale l'aurait simplement invité à déposer de nouvelles déclarations fiscales comprenant des revenus supplémentaires déterminés unilatéralement par elle sur base de la procédure de vérification réalisée sur la situation fiscale de son employeur. Il donne à considérer que cette procédure de vérification n'aurait d’ailleurs été réalisée que sur les années comptables 2010, 2011 et 2012 et non pas sur les années 2007 à 2009.
Il estime, dès lors, que le directeur ne lui aurait présenté aucune preuve tangible, en particulier pour les années 2007 à 2009 qui n'auraient pas fait l'objet d'une procédure de vérification. Le simple fait de se référer aux affirmations des membres de la direction de son employeur, auteur de l'activité illégale de portage salarial et de fraude fiscale, ne pourrait pas suffire à cet égard, d’autant plus qu’il serait difficile de croire à l'exactitude et à la véracité des informations collectées dans ce cadre.
Il rappelle, à ce sujet, qu’en vertu de l’'article 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, toute décision administrative devrait se baser sur des motifs légaux clairement énoncés au contribuable lorsqu'elle refuse de faire droit à une demande du contribuable ou qu'elle modifie une décision antérieure.
Etant donné que le directeur ne se serait pas basé sur des éléments de faits tangibles, le demandeur rappelle la jurisprudence du Conseil d'Etat selon laquelle le caractère irréalisable de la preuve matérielle devrait en toutes circonstances bénéficier au contribuable si aucune preuve suffisante ne permet de couper court à l'incertitude sur la détermination de la base imposable ou sur la cote d'impôt.
Pour le bon ordre, il souligne que les revenus supplémentaires lui imputés resteraient formellement contestés.
Dans son mémoire en réplique le demandeur précise à ce sujet que seules les copies des différents contrats de services et de son contrat de travail auraient été remises à l’administration fiscale sans pour autant justifier de l'existence et du versement des rémunérations supplémentaires litigieuses par des pièces probantes telles que d’autres contrats, documents juridiques, opérations bancaires ou pièces comptables. Ce serait, dès lors, à tort que l’administration fiscale estimerait avoir pu établir tant l'existence que les montants des rémunérations litigieuses versées au cours des années d'imposition 2007 à 2013 sur la base des seules informations transmises, via courriel, par Madame …, administratrice de la société …, au cours de l'année 2015. Or, ces dernières déclarations ne feraient pas l'objet du moindre support concret ayant une quelconque valeur probante. Il rappelle, dans ce contexte, que l'administration fiscale aurait procédé à une rectification des bulletins d'imposition 2007 à 2013, alors que la procédure de révision n’aurait concerné que les années d'imposition 2010 à 2013, de sorte que les années 2007 à 2009 n'auraient pas fait l'objet d'une vérification approfondie, concrète et détaillée en ce qui concerne les montants rectifiés, d’autant plus que le service de révision aurait admis ne pas avoir réussi à établir « le système frauduleux utilisé par … sur base des documents remis aux réviseurs » et s'être uniquement basé sur les témoignages des consultants de la société … et de la société anonyme de droit luxembourgeois …S.A.
Le demandeur fait relever que, par ailleurs, les simples témoignages des autres consultants informatiques ayant eux aussi signé des conventions d'adhésion avec la société … ne pourraient suffire à prouver l'existence d'une rémunération supplémentaire dans son propre chef.
Il fait valoir que le service de révision aurait fait une lecture erronée des comptes de la société …, puisqu'aucune recette n'aurait été réalisée par elle dans le cadre des contrats de services conclus entre la société de droit anglais … Ltd et les professionnels luxembourgeois, ce qui serait confirmé par l’allégation, de la part du directeur, d’un bénéfice provenant de l'exercice d'une profession libérale, alors que, d’après les investigations menées par l'administration fiscale dans le cadre de la procédure de vérification de la comptabilité de la société …, seuls des salaires lui auraient été versés par cette dernière, salaires qui auraient valablement été imposés et déclarés au Luxembourg dans les formes et délais prescrits.
Suite à l’accord donné par la tribunal de céans aux parties de déposer un mémoire supplémentaire après le dépôt, par la partie gouvernementale, d’une version complétée du dossier fiscal, le demandeur relève, dans son mémoire complémentaire, que le dossier fiscal complété par une copie d'un fichier « excel » reprenant les informations relatives à des versements de rémunérations effectués par des sociétés de droit étranger, ne contiendrait aucun élément probant de nature à corroborer les informations y reprises et qui pourrait justifier tant de l'existence que du versement d’une quelconque rémunération à son profit.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours en tous ses moyens.
Il rappelle que le bureau d'imposition aurait majoré le revenu du demandeur en augmentant le revenu imposable des années 2007 à 2013 sur base de données lui soumises par le service de révision en relation avec une enquête menée concernant la société …. Ainsi, lors de ce contrôle, les renseignements transmis aux réviseurs par les administrateurs de cette dernière, Madame … et Monsieur …, auraient révélé que dans le système de « payroll », le consultant informatique accomplirait une mission pour le client final, mais au lieu d'être directement payé par le client, il deviendrait « salarié » d'une société de type « payroll company ». Ainsi, le consultant informatique, exerçant son activité au Luxembourg, toucherait pour l'accomplissement de sa mission un salaire officiel, payé, en l’occurrence, par la société …, ainsi qu'une partie non officielle, payée par diverses sociétés étrangères, gérées par les sociétés de droit étranger dénommées « … Ltd » et « …».
Dans le cadre de cette procédure de révision, les administrateurs de la société … auraient communiqué le montant des bonus payés pour ses consultants, de sorte qu’ils auraient dès lors été en aveu d’avoir activement « encouragé » leurs conseillers au « split salarial » par la mise en place d’un système d'emploi et de facturation dans le seul but de frauder des impôts.
Le délégué du gouvernement souligne que les montants non déclarés s'élèveraient à respectivement …, …, …, …, …, … et … euros.
En ce qui concerne la non application au demandeur de la circulaire n°94/3 du 24 juin 2008 visant les contribuables, personnes physiques, qui exercent à côté de leur activité principale une activité accessoire exercée à titre indépendant qui ne fait l'objet d'aucune autre circulaire du directeur, le délégué du gouvernement explique que le demandeur n'aurait pas exercé d'activité accessoire, mais qu’il aurait touché, d'une part, un salaire de la part de son employeur, la société …, et, d'autre part, des revenus en provenance d'une société de droit étranger, montants d'ailleurs assez élevés par rapport aux revenus provenant de l'exercice d'une occupation salariée, de sorte qu’il ne serait dès lors pas susceptible de figurer parmi les personnes auxquelles s'applique ladite circulaire et bénéficier du forfait de …euros.
En droit, la partie gouvernementale estime que ce serait à tort que le demandeur invoquerait une violation de ses droits de la défense, alors que le droit d'accès au dossier fiscal invoqué par lui sur base du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 n'existerait pas du fait, qu’en vertu de l’article 5 de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse, dénommée ci-après « la loi du 1er décembre 1978 », les contributions directes seraient soustraites du champ d'application de la procédure administrative non contentieuse.
Au vu des courriers de l'administration des Contributions directes datés des 29 avril et 9 juin 2015, il n'y aurait pas non plus eu de violation du droit du contribuable à être entendu, alors qu’il aurait été porté à sa connaissance par lesdits courriers que des majorations allaient être opérées de manière à lui permettre de prendre position quant à ces redressements. Le délégué du gouvernement conteste encore que le demandeur n'aurait jamais été invité à justifier au préalable les éléments de déclarations fiscales précédemment préparées par ses soins.
En ce qui concerne l’argumentation du demandeur selon laquelle le directeur ne se serait pas basé sur des éléments tangibles et probants, le délégué du gouvernement donne à considérer qu’il n’y aurait pas plus tangible que les aveux et informations donnés par les administrateurs eux-mêmes, leurs déclarations ayant, par ailleurs, permis de liquider le montant de l'impôt.
Pour le surplus, les impositions seraient conformes à la loi et aux faits de la cause et ne seraient d'ailleurs pas valablement contestées, de sorte que ce serait à bon droit que le bureau d'imposition aurait majoré le revenu imposable des montants non déclarés au titre des années litigieuses.
Le délégué du gouvernement conteste finalement tant le principe que le quantum de l’indemnité de procédure réclamée et demande le rejet des demandes d’astreintes.
Dans son mémoire supplémentaire, la partie gouvernementale fait plaider que les aveux et les informations transmises par les administrateurs de société auraient permis d’opérer une taxation d'office, et même de liquider le montant de l'impôt par le biais d'une réformation in pejus. Elle rappelle que la taxation, conformément à sa dénomination allemande « Schätzung », consisterait à déterminer et à utiliser une valeur probable et/ou approximative, lorsque la détermination de la valeur réelle et exacte ne serait pas possible. Il se dégagerait encore de l'article 217 AO, que le bureau d'imposition, amené à procéder par voie de taxation d'office, évaluerait les bases d'imposition « Besteuerungsgrundlagen », sans que la cote d'impôt ne puisse être taxée elle-même. Ainsi, en l’occurrence, le procédé de la taxation n’aurait été appliqué qu'aux bases d'imposition, à savoir aux revenus et aux éléments entrant dans leur composition par la prise en compte de tous les indices et de toutes les circonstances de nature à influer sur la détermination de l'élément d'imposition à taxer.
S’il est vrai que le principe d'ordre public de la détermination exacte des bases d'imposition obligerait les autorités fiscales à mettre tout en œuvre pour arriver à une imposition sur des bases qui correspondent le plus exactement possible à la réalité, la partie gouvernementale fait relever que le contribuable, sujet à une taxation d’office, serait censé se contenter de cette approximation, qu'elle opère en sa faveur ou en sa défaveur, et il ne saurait prospérer dans sa réclamation que s'il rapporte la preuve que ses revenus s'écartent de manière significative des bases d'imposition fixées par le bulletin d'impôt. Une telle preuve ne serait pourtant pas rapportée en l’espèce par le demandeur.
Il serait finalement indubitable que cela aurait été à bon droit que le directeur aurait qualifié la partie non déclarée des revenus perçus par le demandeur de revenus de bénéfices provenant de l'exercice d'une profession libérale.
En ce qui concerne d’abord le moyen relatif à une prétendue illégalité externe des décisions déférées du fait d’avoir été prises en violation de l’article 11 du règlement grand-
ducal du 8 juin 1979, force est au tribunal de relever que l’AO instaure un régime de procédures en matière d’impôts directs qui est considéré comme « réglementation exhaustive et respectueuse des droits du contribuable », qualification qui a motivé le législateur à exclure la « matière des contributions directes » auxquelles s’applique l’AO du champ d’application de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse et partant de celui du règlement grand-ducal du 8 juin 19792, de sorte que le moyen relatif à une violation de l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 est d’ores-et-déjà à rejeter.
Par voie de conséquence, le moyen afférent est à examiner par rapport aux seules dispositions pertinentes de l’AO, sans référence aux principes de la réglementation de la procédure administrative non contentieuse.
Ainsi, à défaut d’une disposition expresse permettant de manière générale au contribuable d’avoir un accès à son dossier fiscal, c’est le principe du contradictoire qui est amené à garantir le droits de la défense du contribuable et notamment le paragraphe 205 AO aux termes duquel : « (1) Die Steuerkontrollstelle hat die Steuererklärungen ( §166 ) zu prüfen.
Soweit nötig, hat sie tunlichst durch schriftliche Aufforderung zu veranlassen, dass Lücken ergänzt und Zweifel beseitigt werden.
(2) Trägt die Steuerkontrollstelle Bedenken gegen die Richtigkeit der Erklärung, so hat sie, wenn nötig, Ermittlungen vorzunehmen. Sie kann den Steuerpflichtigen, falls eine Aufforderung zu schriftlicher Erklärung nicht angezeigt ist oder keinen Erfolg hat, vorladen und ihn nach den §170 ff. zu Auskunft und weiteren Nachweisungen anhalten.
(3) Wenn von der Steuererklärung abgewichen werden soll, sind dem Steuerpflichtigen die Punkte, in denen eine wesentliche Abweichung zu seinen Ungunsten in Frage kommt, zur vorherigen Äußerung mitzuteilen. ».
Il découle de ces dispositions que l’administration fiscale est obligée d'informer le contribuable et de lui donner la possibilité de se faire entendre préalablement à l'émission de bulletins rectificatifs, soit si un supplément d’information de sa part est nécessaire, soit si le bureau d’imposition compte lui imposer une obligation patrimoniale significativement plus lourde que celle par lui escomptée à travers sa déclaration.
Force est de constater qu’au vu des courriers précités des 29 avril et 9 juin 2015, l’administration fiscale a valablement permis au demandeur de prendre position quant aux revenus supplémentaires que le bureau d’imposition avait envisagé de prendre en compte dans le cadre du redressement de l’imposition des années litigieuses, de sorte que le droit du contribuable à être entendu, et partant le principe du contradictoire, a été respecté en l’espèce.
En effet, il ressort de la lecture de ces courriers que le demandeur a été informé, chiffres à l’appui, qu’il allait être procédé à un redressement de son imposition pour les années litigieuses respectives en raison du fait que la procédure de révision, dont son employeur avait fait l’objet, avait fait apparaître que des paiements occultes lui auraient été versés parallèlement à son salaire officiel.
Pour autant que de besoin, force est de relever que le dossier fiscal intégral a été mis à disposition du demandeur dans le cadre de la phase contentieuse du présent litige, le tribunal ayant encore autorisé le demandeur à déposer un mémoire supplémentaire quant aux pièces qui, initialement, n’y figuraient pas de manière suffisamment claire - sans que cela n’ait d’ailleurs influé sur sa position et sa stratégie de défense - de sorte que le moyen relatif à un non-respect de son droit de la défense et du principe du contradictoire est à rejeter tant en ce qui concerne la phase précontentieuse que la phase contentieuse.
Il n’y a pas non plus eu de violation du paragraphe 204 alinéa 1er AO qui dispose que « Die Steuerkontrollstelle hat die steuerpflichtigen Fälle zu erforschen und von Amts wegen 2 Cour adm. 14 juillet 2009, n° 25366C du rôle, Pas. adm. 2016, V° Impôts, n° 579 et les autres références y citées.
die tatsächlichen und rechtlichen Verhältnisse zu ermitteln, die für die Steuerpflicht und die Bemessung der Steuer wesentlich sind. Sie hat Angaben der Steuerpflichtigen auch zugunsten der Steuerpflichtigen zu prüfen. », alors que les rémunérations supplémentaires litigieuses ne résultent pas d’une déclaration de la part du demandeur, de sorte que ce moyen manque de pertinence dans ce contexte.
Force est finalement de relever que la procédure prévue aux paragraphes 222 AO et suivants, appliquée en l’espèce pour permettre à l’administration fiscale d’émettre un bulletin rectificatif, alors que sont apparus des faits nouveaux, respectivement des éléments de preuve nouveaux permettant une imposition plus lourde, ne prévoit pas de dispositions spécifiques au titre du principe de la collaboration entre parties en matière fiscale.
Pour être complet, il est encore à noter que l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentale ne saurait jouer en l’espèce, alors qu’il ne s'applique qu'aux contestations portant sur des droits et obligations à caractère civil ainsi qu'aux accusations en matière pénale3, matières non concernées par le présent litige.
Au fond et quant à la réalité des rémunérations supplémentaires touchées pour les années litigieuses, force est de relever que le demandeur, s’il ne met pas en cause l’existence du mécanisme du split salarial, se limite à contester en bloc lesdits paiements en sa faveur, au motif qu’il appartiendrait à l’administration fiscale de supporter la charge de la preuve des faits déclenchant ou augmentant la charge du contribuable.
S’il est vrai que, quant à la question de la charge de la preuve, le principe d’ordre public de la détermination exacte des bases d’imposition oblige les autorités fiscales à mettre tout en œuvre pour arriver à une imposition sur des bases qui correspondent le plus exactement possible à la réalité, il a été retenu qu’au cas cependant où le contribuable, malgré rappels et moyens de contrainte infructueux, se soustrait à son obligation de collaboration en omettant de remettre une déclaration d'impôt, en l’espèce rectificative, mettant ainsi le bureau d'imposition dans l’impossibilité de déterminer de manière exacte le revenu imposable sur base de ses déclarations, le contribuable est censé se contenter de l’approximation, que l’administration opère en sa faveur ou en sa défaveur, et il ne saurait utilement réclamer devant le directeur contre un bulletin d'impôt établi par voie de taxation au seul motif que la cote d'impôt fixée ne correspond pas exactement à sa situation réelle. Il ne saurait dans une telle hypothèse prospérer dans sa réclamation que s’il rapporte la preuve que ses revenus réels s’écartent de manière significative des bases d'imposition retenues dans le bulletin d’impôt4. Il s’ensuit que, contrairement à ce qui est soutenu par le demandeur, la charge de la preuve de l’inexactitude de la taxation lui incombe.
En effet, les aveux des représentants de son employeur même, administrateurs de la société …, ainsi que leurs explications circonstanciées quant au fonctionnement de la structure mise en place par eux pour éluder le fisc, ont valablement permis à l’administration fiscale de récolter un faisceau d’indices concordants quant à l’existence de rémunérations supplémentaires occultes versées à côté du salaire officiel au demandeur, ensemble le listing chiffré relatif aux rémunérations occultes versées au demandeur au cours des années litigieuses, tel que fourni de la part de l’employeur, de sorte qu’elle était en droit, face au refus de 3 trib. adm. 10 janvier 2002, n° 12869 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Impôts, n° 40.
4 trib. adm 19 avril 2010, n° 26049 du rôle, conf. par Cour adm. 18 janvier 2011, n° 26959C du rôle, Pas. adm.
2016, V° Impôts, n° 644 et autres références y citées.
déclarations afférentes de la part du demandeur, de procéder à une taxation d’office, étant relevé qu’il a été jugé que la seule hypothèse d'une impossibilité de présenter les documents comptables est une condition suffisante pour procéder à la taxation d'office5, alors que la taxation constitue le moyen qui doit permettre aux instances d'imposition, qui ont épuisé toutes les possibilités d'investigation sans pouvoir élucider convenablement tous les éléments matériels du cas d'imposition, d'arriver néanmoins à la fixation de l'impôt, à laquelle elles ne peuvent guère se soustraire6.
Ainsi, l'administration des Contributions peut procéder à une taxation, même en présence d'une déclaration d'impôts, et plus précisément au cas où le contribuable n'a pas élucidé convenablement tous les éléments matériels du cas d'imposition mis en cause par l'administration dans le cadre de son pouvoir de vérification de la déclaration d'impôt7.
Si le contribuable est admis à contester le résultat d’une taxation dans le cadre des voies de recours légalement prévues, il ne saurait cependant se limiter à le contester en bloc, mais il doit faire valoir des objections précises permettant d’établir que ledit résultat ne correspond pas à l’ensemble des circonstances de l’espèce8, de sorte que la charge de la preuve s’en trouve renversée, en l’espèce, et la simple contestation non autrement circonstanciée du demandeur ne saurait prospérer.
Il s’ensuit que c’est à bon droit que l’administration fiscale a retenu, au vu du faisceau d’indices concordants relevé plus haut, l’existence dans le chef du demandeur de rémunérations supplémentaires occultes et élusives de l’impôt au cours des années d’imposition litigieuses aux montants repris dans les décisions directoriales déférées, et ce, même si elle n’est pas en mesure de rapporter la preuve de la réception concrète des fonds litigieux par le demandeur. Il s’ensuit que le moyen afférent du demandeur est à rejeter.
Il est encore à noter, dans ce contexte, qu’il ressort d’un courrier électronique adressé par le demandeur à Madame …, administrateur de la société …, en date du 11 mai 2015, que ce dernier fait lui-même référence à des paiements en supplément de son salaire en demandant :
« Est-ce le cumul total, Salaire + autre », ce qui constitue un aveu extrajudiciaire du demandeur de l’existence, dans son chef, d’une rémunération additionnelle à son salaire.
En ce qui concerne la qualification de ce revenu, force est néanmoins de relever que c’est cependant à tort que l’administration fiscale a qualifié ce revenu en tant que revenu provenant d’une profession libérale.
En effet, il n’est tout d’abord pas contesté par la partie gouvernementale que pendant les années litigieuses, le demandeur a travaillé, à temps plein, dans le cadre d’un contrat de travail pour le compte de son employeur, la société ….
De même, force est de constater que tous les éléments en cause plaident, de façon concordante, pour une qualification des sommes litigieuses en tant que revenu résultant d’une activité salariale.
5 trib. adm 31 mai 2006, n° 20705 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Impôts, n° 634.
6 trib. adm 26 avril 1999, n° 10156 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Impôts, n° 638 et autres références y citées.
7 trib, adm.,12 janvier 2009, n° 24135 du rôle, conf. par Cour adm. 14 juillet 2009, n° 25436C du rôle, Pas. adm.
V° Impôts, n° 642 et autres références y citées.
8 trib. adm. 6 juillet 2015 (34663), Pas. adm. 2016, V° Impôts, n° 646 Ainsi, le rapport de révision versé en cause, en soulignant que « le consultant informatique exerçant son activité au Luxembourg touche pour l'accomplissement de sa mission d'un salaire officiel payé par …, ainsi que d'une partie non officielle payée par diverses sociétés étrangères » met clairement en lumière l’aveu des administrateurs de la société … de la mise en place d’une structure spécifique pour éluder le fisc, permettant un « split salarial », caractérisé par un paiement officiel d’une partie du salaire directement par l’employeur, ainsi que le règlement d’une deuxième partie, de manière officieuse et indirecte, par le biais d’une société offshore du groupe. Il s’ensuit que les deux paiements trouvent leur seule et unique source et par conséquent leur cause dans l’exécution du contrat de travail versé en cause, à savoir l’exercice de la mission auprès du client final, et ce, même si les rémunérations supplémentaires n’y figurent pas expressément.
Il ne ressort, par ailleurs d’aucun élément de la cause que le demandeur aurait exercé une activité indépendante à côté de l’exécution de sa mission auprès du client final faisant l’objet de son contrat de travail à temps plein, alors qu’au regard de tous les autres éléments de la cause, tels que repris ci-avant, le seul fait que le paiement supplémentaire n’était pas prévu de manière officielle dans le contrat de travail ni réglé directement par l’employeur ne suffit pas à qualifier ledit paiement comme résultant de l’exercice d’une activité indépendante dans le chef du demandeur.
Il s’ensuit que les deux décisions directoriales sont à réformer en ce qu’elles n’ont pas qualifié de revenu brut provenant de l’exercice d’une activité salariale, les rémunérations supplémentaires versées au demandeur pour les années d’imposition litigieuses et qui font l’objet du présent litige.
En ce qui concerne les demandes d’astreintes formulées par le demandeur dans le cadre de ses recours, nonobstant la question du maintien de leur caractère pertinent au vu de l’issue du litige, force est de retenir que le tribunal n’est pas compétent pour prononcer une astreinte à l’égard d’une administration, la diligence de cette dernière dans l’exécution des jugements étant encadrée par la procédure prévue à l’article 84 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, qui prévoit la possibilité de demander la nomination d’un commissaire spécial, si l’administration ne donne pas de suite, dans un certain délai, à un jugement d’annulation ou de réformation, coulé en force de chose jugée.
Il s’ensuit que les demandes d’astreintes sont à rejeter.
Le demandeur n’ayant pas établi en quelle manière il serait inéquitable qu'il supporte seul les sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens, il est à débouter de ses demandes en allocation d'une indemnité de procédure d’un montant de 2.500,- euros présentées dans les deux rôles.
Eu égard à l’issue du litige, il est fait masse des frais des deux rôles pour être imposés pour moitié à chacune des parties.
Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
joint les deux rôles n° 37931 et 38551 ;
déclare le recours, introduit sous le n° 37931 du rôle, irrecevable en ce qu’il est dirigé contre les bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu des années 2008 à 2013, émis en date des 9 et 16 mars 2016 ;
déclare le recours, introduit sous le n° 38551 du rôle, irrecevable en ce qu’il est dirigé contre le bulletin rectificatif de l’impôt sur le revenu de l’année 2007, émis en date du 9 mars 2016 ;
reçoit en la forme le recours principal en réformation, introduit sous le n° 37931 du rôle, en ce qu’il est dirigé contre la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 29 février 2016, inscrite sous les numéros C20186 et C21346 du rôle ;
au fond, le déclare partiellement justifié, partant, par réformation de la décision déférée du 29 février 2016, dit que les rémunérations supplémentaires versées au demandeur au cours des années 2008 à 2013 sont à considérer comme revenu brut provenant de l’exercice d’une activité salariale pour le compte de la société … SA et renvoie le dossier en prosécution de cause devant le directeur de l’administration des Contributions directes ;
le dit non fondé pour le surplus ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation de la décision déférée du 29 février 2016 ;
reçoit en la forme le recours principal en réformation, introduit sous le n° 38551 du rôle, en ce qu’il est dirigé contre la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 10 août 2016, inscrite sous le numéro C22322 du rôle ;
au fond, le déclare partiellement justifié, partant, par réformation de la décision déférée du 10 août 2016, dit que les rémunérations supplémentaires versées au demandeur au cours de l’année 2007 sont à considérer comme revenu brut provenant de l’exercice d’une activité salariale pour le compte de la société … SA et renvoie le dossier en prosécution de cause devant le directeur de l’administration des Contributions directes ;
ledit non fondé pour le surplus ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation de la décision déférée du 10 août 2016 ;
rejette les deux demandes de Monsieur … en allocation d’une indemnité de procédure ;
rejette les demandes de Monsieur … visant la condamnation de l’Etat à des astreintes en vue de la rectification des bulletins, respectivement de la restitution des impôts trop payés ;
fait masse des frais et les impose pour moitié à chacune des parties.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Anne Gosset, premier juge, Olivier Poos, premier juge, et lu à l’audience publique du 30 juin 2017 par le premier vice-président, en présence du greffier Marc Warken.
s. Marc Warken s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 30 juin 2017 Le greffier du tribunal administratif 22