Tribunal administratif N° 37980 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 mai 2016 1re chambre Audience publique du 28 juin 2017 Recours formé par la société civile immobilière …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes et un bulletin de la valeur unitaire et de la base d’assiette de l’impôt foncier en matière d’impôt foncier
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 37980 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 mai 2016 par Maître Georges Krieger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société civile immobilière …, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro E 3903, tendant à la réformation sinon à l’annulation du bulletin de la valeur unitaire et de la base d’assiette de l’impôt foncier au 1er janvier 2013, émis le 6 novembre 2014 par le service des évaluations immobilières de l’administration des Contributions directes, et d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 1er mars 2016, prise sur réclamation ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 27 octobre 2016 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 novembre 2016 par Maître Georges Krieger au nom de la société civile immobilière … ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 27 décembre 2016 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision directoriale et le bulletin critiqués ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Sébastien Couvreur, en remplacement de Maître Georges Krieger, et Madame le délégué du gouvernement Caroline Peffer en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 juin 2017.
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En date du 6 novembre 2014, le service des évaluations immobilières de l’administration des Contributions directes émit à l’égard de la société civile immobilière …, ci-après désignée par « la société …», un bulletin de la valeur unitaire et de la base d’assiette de l’impôt foncier, ci-après désigné par « le bulletin », en classant un immeuble lui appartenant et situé à…, inscrit au cadastre sous le numéro …, de la commune de Pétange, section C de …, sous la catégorie des « constructions industrielles ou commerciales ».
Par un courrier du 17 novembre 2014, la société … introduisit une réclamation contre ce bulletin.
En date du 1er mars 2016, le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », rejeta la réclamation dans les termes suivants :
« Vu la requête introduite le 20 novembre 2014 par le sieur …, au nom de la société civile immobilière …, avec siège social à L-…pour réclamer contre le bulletin de la valeur unitaire et de la base d'assiette de l'impôt foncier au 1er janvier 2013, émis en date du 6 novembre 2014 ;
Vu le dossier fiscal ;
Vu les §§ 102, 107, 228, 238, 254, alinéa 2 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;
Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu'elle est partant recevable ;
Considérant que le réclamant fait grief au bureau d'imposition d'avoir qualifié l'immeuble appartenant à la société civile immobilière … Invest, moyennant bulletin de la valeur unitaire et de la base d'assiette de l'impôt foncier au 1er janvier 2013, bulletin portant notamment fixation nouvelle pour changement de valeur et de genre au sens du § 225a, alinéa 1er AO, de « construction industrielle ou commerciale », conformément à la définition qu'en procure le point 2 de l’aliéna 1er du § 32 de l'ordonnance d'exécution de la loi sur l'évaluation des biens et valeurs (BewDV) ad § 52 de la loi concernant l'évaluation des biens et valeurs (BewG) ; que le point 2 de l'alinéa 1er du § 32 BewDV se lit comme suit : « Geschäftsgrundstücke — Als Geschäftsgrundstücke gelten solche bebauten Grundstücke, die zu mehr als 80 von Hundert unmittelbar eigenen oder fremden gewerblichen oder öffentlichen Zwecken dienen. » ;
Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens du réclamant, la loi d'impôt étant d'ordre public ;
qu'à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-fondé ;
qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique ;
Considérant que le réclamant s'exprime, par extraits, comme suit à l'endroit de son placet :
« Vous avez fixé la nature de notre immeuble en : « construction industrielle ou commerciale ».
Notre immeuble est une résidence à appartements pour personnes âgées (logements encadrés ou centre intégré pour personnes âgées) les personnes habitant l'immeuble sont toutes déclarées à la commune de Pétange et sont sous-locataires de notre locataire …qui leur offre différents services, nettoyage, restauration, entretien, concierge etc.., un autre prestataire de services leur propose des soins médicaux.
2La surface du restaurant, de la cuisine, du salon, de la réception et des locaux communs ne dépasse pas la proportion de 25% de l’immeuble.
Nous sommes une société civile immobilière sans but commercial et sans No de TVA:
Notre immeuble est classé par l'administration des contributions comme immeubles (sic) à appartements avec services.
Nous vous prions donc de rectifier la nature de l'immeuble. » ;
Considérant tout d'abord que la classification d'une construction ou d'un bâtiment, au vœu de la loi concernant l'évaluation des biens et valeurs, ne dépend, contrairement aux affirmations du requérant, pas uniquement de la forme juridique choisie (p. ex. : SCI) ou de la constellation des différents acteurs intervenant lors de son usage (p. ex. : location, sous-location, etc.), mais de sa nature, de sa conception, et, surtout, de son affectation effective, celles-ci reposant sur des critères clairs, objectifs, et aisément vérifiables ; qu'il s'impose dans ce contexte de consulter le site web de la société civile … Invest, apportant de plus amples détails quant au concept, à la stratégie et aux idées à la base d'une telle habitation, davantage connue sous les termes de « logements intégrés » ou « centre intégré pour personnes âgées » ;
Considérant que le site web se prononce comme suit en ce qui concerne les innombrables modalités et possibilités offertes par la résidence …, non sans faire état, sûrement de manière intentionnelle, d'autopublicité :
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Considérant qu'il est donc sans le moindre conteste que la conception fondamentale tout comme la nature et la finalité, en l'espèce comme en général, d'un centre intégré pour personnes âgées ressemble davantage à un établissement hôtelier qu'à un logement en copropriété, non seulement de par la multitude des prestations et services offerts, parfaitement adaptés et taillés sur mesure pour les besoins de personnes à l'âge avancé, mais également de par la subdivision des unités, justement inexistante car formant du point de vue cadastral un ensemble, a contrario du tableau descriptif de division d'un immeuble collectif, communément appelé cadastre vertical, que de par le mode et la forme du contrat de bail à signer par les locataires potentiels (cf. « Inclus dans nos prix, Pension complète, etc. »), ainsi que, finalement, de par sa raison d'être et son essence même, étant donné qu'admettre le contraire équivaudrait justement à priver et à remettre en question les idées fondamentales à la base de tout logement assisté ou de toute résidence avec services, alors que leur succès et leur pénétration ahurissante sur un marché immobilier actuellement des plus délicats et confus démontrent clairement le contraire ;
Considérant qu'il est, dans cette optique, hors de doute et de question qu'une quelconque qualification, sous l'angle de l'impôt sur le revenu, des revenus réalisés par la mise en location1 de tout le complexe immobilier …, indépendamment de la forme juridique choisie et adoptée, s'avère largement de moindre importance, étant donné qu'il n'existe qu'un seul et unique critère qui est prépondérant et déterminant en matière d'évaluation des biens et valeurs (BewG), tout comme, par conséquence, en matière de l'impôt foncier (GrStG), à savoir l'affectation effective de l'immeuble en question ; qu'il en découle que c'est donc à bon 1 En l’occurrence à une société à responsabilité limitée (en l’espèce « …»), dont, incidemment noté, les associés de-ci de-là de la même famille.
4droit que le Service des évaluations immobilières a procédé à la qualification du complexe immobilier en cause en tant que « construction industrielle ou commerciale », conformément à la définition qu'en procure le point 2 de l'alinéa 1er du § 32 de l'ordonnance d'exécution de la loi sur l'évaluation des biens et valeurs (BewDV) ad § 52 de la loi concernant l'évaluation des biens et valeurs (BewG) ; que pour le surplus, les fixations retenues à travers le bulletin litigieux sont également conformes à la loi et aux faits de la cause et ne sont d'ailleurs pas autrement contestées ;
PAR CES MOTIFS reçoit la réclamation en la forme, la rejette comme non fondée ».
Par une requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 mai 2016, la société … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation du bulletin et de la décision du directeur du 1er mars 2016.
Il résulte d’une lecture combinée des dispositions du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8, paragraphe (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », que le tribunal statue comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre un bulletin d’impôt.
Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal pour autant qu’il est dirigé contre la décision déférée du directeur, recours qui est encore à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours pour autant qu’il est dirigé contre le bulletin, dans la mesure où le directeur a pris une décision en date du 1er mars 2016.
En vertu des dispositions de l’article 8, paragraphe (3) 3. de la loi du 7 novembre 1996, un bulletin d’impôt peut uniquement être directement déféré au tribunal lorsqu’une réclamation au sens du paragraphe 228 AO a été introduite et qu’aucune décision directoriale définitive n’est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande.
Dans la mesure où en l’espèce, le directeur a statué sur la réclamation par la décision du 1er mars 2016, précitée, le recours en ce qu’il est dirigé contre le bulletin est à déclarer irrecevable.
Il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours, la demanderesse expose qu’elle aurait construit sur la parcelle précitée sise à … une résidence à appartements pour personnes âgées, respectivement un centre intégré pour personnes âgées, en abrégé …, et que, depuis le 1er février 2010, elle louerait ledit immeuble à la société à responsabilité limitée … s.à r.l., ci-après désignée par « la société … », y gérant le ….
En droit, elle donne à considérer que l’immeuble en question constituerait une résidence à appartements pour personnes âgées, qui y auraient d’ailleurs déclaré leur résidence principale. Le locataire gestionnaire du …, la société …, offrirait aux habitants différents services, tel que le nettoyage, la restauration et des services de concierge comme n’importe quel … ou logement encadré. Les locaux communs, tel que le restaurant, la cuisine, le salon et la réception ne dépasseraient d’ailleurs pas la proportion de 25 % de l’immeuble.
Elle ajoute que des soins médicaux seraient également proposés par un autre prestataire de services.
L’immeuble constituerait dès lors un immeuble à usage d’habitation et non pas un immeuble commercial, en l’occurrence un hôtel, comme cela avait été retenu par l’administration.
A cet égard, la demanderesse donne à considérer qu’il serait en effet peu concevable de déclarer sa résidence principale dans un hôtel.
S’y ajouterait qu’elle aurait obtenu un taux de TVA réduit auprès de l’administration de l’Enregistrement et des Domaines, qui aurait qualifié l’immeuble comme un immeuble à usage d’habitation.
Par ailleurs, d’autres structures similaires proches et ayant le même usage, telles que par exemple le …, sis dans la même commune, bénéficieraient d’un autre classement plus favorable par l’administration des Contributions directes, en l’occurrence d’un classement dans la catégorie « autre destination B3 » à un taux plus favorable. A cet égard, la demanderesse propose l’audition de témoins en la personne de Madame …du service des finances et de la facturation de la commune de Pétange, respectivement de Monsieur …, receveur communal de la même commune. Le classement de l’espèce aurait partant été opéré en violation du principe d’égalité de traitement.
La demanderesse donne encore à considérer qu’elle serait constituée sous forme d’une société civile immobilière n’ayant pas d’objet commercial et ne disposerait d’ailleurs pas d’un numéro de TVA.
S’y ajouterait que l’administration des Contributions directes elle-même estimerait que les revenus tirés de l’immeuble seraient à qualifier de revenus de location et non pas comme des revenus commerciaux.
Il s’ensuivrait que l’affectation respectivement l’usage commercial ou industriel de l’immeuble ne seraient pas donnés.
Enfin, la demanderesse demande la condamnation de l’Etat au paiement d’une indemnité de procédure de 5.000 € sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 ».
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.
Quant aux faits, il renvoie aux informations contenues sur le site internet du …suivant lesquelles l’établissement offrirait les prestations suivantes : « location d’un appartement individuel », « pension complète », « personnel soignant 24h/24 h et 7j/7 », « réception occupée 5j/7 », « nettoyage régulier des appartements » et « animations et activités ».
Le même site préciserait encore que « … » proposerait des centres intégrés pour personnes âgées ou logements encadrés à travers le pays.
En droit, le délégué du gouvernement estime que l’immeuble litigieux aurait été qualifié à juste titre de construction industrielle ou commerciale au sens du point 2 de l’alinéa 1er du paragraphe 32 de l’ordonnance d’exécution de la loi sur l’évaluation des biens et valeurs, ci-après désignée « BewDV », concernant le paragraphe 52 de la loi modifiée concernant l’évaluation des biens et valeurs, ci-après désignée « BewG », aux termes duquel « Geschäftsgrundstücke – Als Geschäftsgrundstücke gelten solche bebauten Grundstücke, die zu mehr als 80 von Hundert unmittelbar eigenen oder fremden gewerblichen oder öffentlichen Zwecken dienen ».
Il souligne que la classification d’une construction ou d’un bâtiment au vœu du BewG ne dépendrait pas uniquement de la forme juridique choisie ou de la constellation des différents acteurs intervenant lors de son usage, mais de sa nature, de sa conception et surtout de son affectation et de sa finalité effective.
Or, l’examen des informations fournies sur le site internet de la demanderesse permettrait d’établir que la nature et la finalité d’un …présenterait plus de similitudes avec un établissement hôtelier qu’avec un logement en copropriété. En effet, l’établissement offrirait tout un ensemble de prestations et de services adaptés et taillés pour les besoins de personnes d’un âge avancé. L’immeuble ne serait pas subdivisé en unités et formerait, d’un point de vue cadastral, un ensemble unique, à défaut de cadastre vertical. Le délégué du gouvernement renvoie encore aux prestations incluses et prévues dans le contrat à signer par les locataires potentiels, incluant plus particulièrement la pension complète.
Il souligne qu’un seul et unique critère déterminant existerait en matière d’évaluation des biens et valeurs, tout comme en matière d’impôts fonciers, à savoir celui de l’affectation effective de l’immeuble.
Par ailleurs, les fixations retenues à travers le bulletin litigieux seraient conformes à la loi et aux faits de la cause, et n’auraient d’ailleurs pas été contestées.
Enfin, le délégué du gouvernement conclut au rejet de l’indemnité de procédure réclamée.
Dans sa réplique, la demanderesse fait valoir que l’immeuble ne serait pas à qualifier comme hôtel, qui pourrait être défini comme un « établissement commercial qui met à la disposition d’une clientèle itinérante des chambres meublées pour un prix journalier » ou encore comme un « établissement où l’on reçoit les voyageurs, où l’on loue des chambres à un prix journalier », en faisant valoir que l’immeuble litigieux ne rentrerait pas dans cette définition puisque les habitants ne seraient pas itinérants ou voyageurs mais y auraient établi leur résidence principale et n’auraient d’ailleurs pas pris en location le logement à un prix journalier.
La demanderesse renvoie encore aux autorisations délivrées par l’Inspection du travail et des mines (ITM) et par le ministère du Développement Durable et des Infrastructures qui confirmeraient qu’il s’agirait d’un immeuble à usage d’habitation destiné plus précisément au logement encadré de personnes âgées.
La demanderesse renvoie encore à l’appréciation de l’affectation et de la nature de l’immeuble telle qu’opérée par l’administration de l’Enregistrement et des Domaines ayant considéré qu’il s’agirait d’un immeuble à usage d’habitation en octroyant un taux de TVA réduit. De même, elle rappelle que l’administration des Contributions directes aurait qualifié les revenus provenant de la location de l’immeuble de revenus de location et non pas de revenus commerciaux, la demanderesse réitérant à cet égard son argumentation développée à l’appui de sa requête introductive d’instance.
Dans sa duplique, le délégué du gouvernement donne à considérer que l’Etat n’entendrait pas qualifier l’immeuble comme un établissement hôtelier, mais comme une construction industrielle ou commerciale. Une telle qualification ne serait pas incompatible avec les autorisations de l’ITM et du ministère du Développement Durable et des Infrastructures qui confirmeraient uniquement qu’il s’agirait d’un immeuble à usage d’habitation destiné au logement encadré de personnes âgées. Les attestations mentionneraient d’ailleurs l’encadrement comme caractéristique du logement.
A cet égard, le délégué du gouvernement rappelle que les prestations incluses et prévues dans le contrat à signer par les locataires potentiels prévoiraient notamment la pension complète et que, par ailleurs, des prestataires assureraient différents services de nettoyage, de restauration, d’entretien et de conciergerie, ainsi que de soins médicaux.
Le paragraphe 32 BewDV relatif au paragraphe 52 du BevG distingue entre cinq groupes d’immeubles bâtis (Grundstückshauptgruppen), à savoir les maisons de rapport (Mietwohngrundstücke), définies comme étant des « Grundstücke die zu mehr als 80 von 100 zu Wohnzwecken dienen, mit Ausnahme der Einfamilienhäuser (Ziffer 4). », les constructions commerciales (Geschäftsgrundstücke) définies comme étant les immeubles bâtis « die zu mehr als 80 von 100 unmittelbar eigenen oder fremden gewerblichen oder öffentlichen Zwecken dienen », les constructions à usage mixte (gemischt genutzte Grundstücke) qui sont définies comme étant des « Grundstücke, die teils Wohnzwecken, teils unmittelbar eigenen oder fremden gewerblichen oder öffentlichen Zwecken dienen und weder nach Ziffer 1 als Mietwohngrundstücke noch nach Ziffer 2 als Geschäftsgrundstücke, noch nach Ziffer 4 als Einfamilienhäuser anzusehen sind. », les maisons unifamiliales (Einfamilienhäuser) définies comme étant des « Wohngrundstücke, die nach ihrer baulichen Gestaltung nicht mehr als eine Wohnung enthalten […] », et, enfin, les immeubles bâtis à autres usages définis comme étant « die nicht unter die Ziffern 1 bis 4 fallenden bebauten Grunstücke ».
La classification des immeubles bâtis dans l’un ou l’autre de ces cinq groupes dépend de leur destination à la date clé de la fixation2 ; c’est dès lors l’utilisation faite de l’immeuble bâti à la date clé d’évaluation qui est déterminante3, le point 2 du paragraphe 32 BewDV, précité employant le terme de « dienen ».
En l’espèce, l’immeuble litigieux a été considéré comme faisant partie de la catégorie des « Geschäftsgrundstücke » au sens du point 2 du paragraphe 32 BewDV, alors que la demanderesse est d’avis qu’il s’agit d’un immeuble à usage d’habitation.
2 Etudes fiscales n° 55 « L’évaluation des biens et droits II », commentaire des paragraphes 27 à 56 BewG 3 Gürsching/Stenger « BewG ErbStG», sub paragraphe 181, Anmerkung 10 D’emblée, le tribunal retient que l’immeuble litigieux ne saurait être considéré comme une maison unifamiliale au sens du point 4 du paragraphe 32 BewDV, la demanderesse n’alléguant d’ailleurs pas que l’immeuble litigieux dispose uniquement d’un logement. La demanderesse semble au contraire plutôt viser la qualification de l’immeuble litigieux comme rentrant dans le point 1er du même paragraphe, à savoir les maisons de rapport, la demanderesse faisant état d’une occupation à des fins d’habitation.
Il se dégage des explications non contestées fournies par la partie étatique, d’une part, et des explications fournies par la demanderesse, d’autre part, que l’immeuble litigieux, qui héberge un centre intégré pour personnes âgées, comprend, non seulement des unités destinées à l’habitation, mais qui ne se trouvent toutefois pas en copropriété divise, mais encore certains aménagements communs tels qu’une cuisine et des zones communes, une salle pour soins de kinésithérapie, ergométrie et d’infirmerie, une cuisine centrale, tel que cela se dégage des autorisations afférentes du ministre de l’Environnement et l’autorisation de l’ITM, et qu’il est donné en location dans son ensemble par la demanderesse à la société …, gestionnaire du …. Il n’est pas non plus contesté que le gestionnaire du … offre aux habitants, à côté de la mise à disposition d’un logement d’habitation, des services tels que le nettoyage, la restauration et des services de concierge, les logements étant mis à disposition des personnes âgées dans le cadre d’un contrat incluant, tel que cela se dégage du constat non contesté du directeur, entre autre la pension complète. Suivant la citation par le directeur d’un extrait du site internet visant le …litigieux, et dont le contenu n’a pas autrement été contesté par la demanderesse, le gestionnaire de l’immeuble offre à ses clients, au-delà de la mise à disposition d’un logement, divers services d’encadrement tels que la mise en place d’un personnel de soins qualifié 24 heures sur 24, la pension complète, le nettoyage journalier des logements, le changement des draps et des serviettes de bain, de l’animation par le personnel du … Le tribunal est amené à retenir qu’au regard de la nature du produit ainsi offert par le gestionnaire du …, allant au-delà de la simple mise à disposition d’un logement à des fins d’habitation, mais comprenant un certain nombre de prestations de services incluses dans le prix facturé aux habitants du …, l’affectation respectivement l’usage fait du bâtiment ne peut être qualifié d’utilisation à des fins d’habitation pure et simple.
Même à admettre qu’une grande partie des personnes logeant au … y ont établi leur résidence principale, il n’en reste pas moins qu’aux fins de la qualification de l’immeuble en vue de la fixation de la valeur unitaire, il convient de prendre en considération l’affectation de l’immeuble en sa globalité par son exploitant, à savoir la société …, qui doit être considérée comme étant de nature commerciale.
La circonstance que l’immeuble n’est pas divisé en lots distincts et ne dispose ainsi pas de cadastre vertical, confirme la conclusion que son affectation doit être considérée dans son ensemble et qu’il ne saurait être subdivisé en des parties utilisées à l’habitation et en des parties affectées à un autre usage.
Dans ce contexte, l’affirmation de la demanderesse suivant laquelle les locaux communs tels que le restaurant, la cuisine, le salon ou la réception ne dépasseraient pas la proportion de 25 % de l’immeuble ne sont pas pertinents, dans la mesure où tel que cela a été retenu ci-avant, l’activité du gestionnaire du … doit être appréciée dans son ensemble et ne saurait être scindée en une activité de mise à disposition de logements, d’une part, et en une activité de services, d’autre part, dans la mesure où il n’est pas contesté qu’il offre un produit global à ses clients comprenant non seulement les logements, mais également d’autres services, étant précisé qu’il n’est pas allégué qu’une partie des occupants du … se sont uniquement vus mettre à disposition un logement sans autre prestation de services, de manière à permettre, le cas échéant, une distinction de l’affectation en fonction de l’usage de différentes parties de l’immeuble.
Si encore, le cas échéant, les soins médicaux sont proposés par un autre prestataire de services, il se dégage pourtant des éléments non contestés de la décision directoriale qu’un produit plus étendu que la simple mise à disposition d’un logement est offert aux clients.
S’agissant de la qualification par l’administration des Contributions directes des revenus de la société demanderesse, que celle-ci invoque pour soutenir que l’immeuble litigieux serait utilisé à des fins d’habitation, il convient de relever qu’il se dégage des éléments à la disposition du tribunal que l’immeuble est loué dans son ensemble à la société …. La circonstance que la société propriétaire de l’immeuble est une société civile immobilière et non pas une société commerciale et que les revenus provenant de la mise à disposition de l’immeuble dans son ensemble au gestionnaire du … sont qualifiés par l’administration des Contributions directes de revenus provenant de la location de biens n’est dès lors pas non plus de nature à impliquer que l’immeuble doive être qualifié de maison de rapport au sens du paragraphe 32 BewDV, dans la mesure où la qualification de l’immeuble dans l’optique de la fixation de la valeur unitaire est à faire, tel que cela a été retenu ci-avant, en fonction de l’affectation de l’immeuble et de l’usage qui en est fait soit directement par le propriétaire sinon par un tiers, le paragraphe 32 BewDV visant tant une utilisation commerciale à des fins propres que par un tiers (« unmittelbar eigenen oder fremden gewerblichen oder öffentlichen Zwecken dienen »), alors que la qualification des revenus d’une société civile immobilière se fait sur base de critères différents en fonction des définitions contenues à l’article 14 LIR., en tenant compte de la nature des revenus de la société demanderesse elle-même.
De même, la circonstance qu’au regard de l’application d’un taux réduit de TVA par l’administration de l’Enregistrement, l’immeuble a été considéré comme étant affecté à des fins d’habitation principale n’implique pas que ipso facto l’immeuble bâti doit, aux fins de son évaluation au sens du BewG, être considéré comme une maison de rapport, respectivement n’est pas de nature à exclure la qualification d’immeuble commercial, puisque les critères d’appréciation ne sont pas les mêmes, l’application du taux de TVA réduit étant fait en fonction des critères posés par la loi du 12 juillet 1979 concernant la TVA et le règlement grand-ducal modifié du 30 juillet 2002 concernant l’application de la taxe sur la valeur ajoutée à l’affectation d’un logement à des fins d’habitation principale et aux travaux de création et de rénovation effectués dans l’intérêt de logements affectés à des fins d’habitation principale et fixant les conditions et modalités d’exécution y relatives.
La référence faite par le ministre du Travail, de l’emploi et de l’Immigration, respectivement par le ministre du Développement durable et des Infrastructures dans leurs autorisations respectives à un « centre intégré pour personnes âgées avec 32 logements » ne saurait non plus avoir une quelconque conséquence en matière de l’évaluation de l’immeuble, étant donné que les ministres compétents se sont nécessairement référés aux installations déterminantes pour les autorisations en question suivant qu’elles tombent dans le champ d’application de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés et son règlement d’application. La demanderesse n’est toutefois pas fondée à en déduire des conséquences quant à la qualification à opérer dans le cadre d’une autre législation.
Le tribunal relève encore que la qualification de l’immeuble comme un immeuble à usage commercial n’implique pas ipso facto que l’immeuble soit à assimiler à un hôtel, même si le directeur a tiré des parallèles avec un tel établissement. Dans ces conditions, l’argumentation de la demanderesse tendant à contester la qualification d’hôtel sont à rejeter comme étant sans pertinence, dans la mesure où il ne s’agit pas de déterminer si l’immeuble est à qualifier d’hôtel, mais, au contraire, d’examiner l’affectation de l’immeuble au regard des critères fixés par le paragraphe 32 BewDV.
S’agissant, enfin, de l’argumentation de la demanderesse fondée sur une violation du principe d’égalité de traitement en ce qu’un autre … se serait vu accorder une classification plus favorable, en l’occurrence dans le groupe numéro 5 visant les immeubles bâtis à d’autres usages, il convient de rappeler que le principe d’égalité devant la loi, consacré par l’article 10bis de la Constitution, interdit de traiter de manière différente des situations similaires, à moins que la différenciation ne soit objectivement justifiée. Il appartient, par conséquent, aux pouvoirs publics de traiter de la même façon tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit. Par ailleurs, lesdits pouvoirs publics peuvent, sans violer le principe de l’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents, à condition que les différences instituées procèdent de disparités objectives, qu’elles soient rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but.
Or, en l’espèce, il n’est pas établi que le … dont se prévaut la demanderesse se trouve exactement dans la même situation dans la mesure où s’il n’est pas contesté qu’il s’agit également d’un centre intégré pour personnes âgées, le tribunal n’a pas à sa disposition les éléments concrets de sa gestion et plus particulièrement des services offerts à ses clients. A cet égard, l’offre de preuve formulée par la demanderesse est insuffisante en ce qu’elle tend exclusivement à prouver la classification dudit …par l’administration, mais ne tend pas à prouver les modalités concrètes de son fonctionnement.
Le moyen fondé sur une violation du principe d’égalité de traitement est à rejeter.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à rejeter comme étant non fondé.
Au vu de l’issue du litige, la demande en paiement d’une indemnité de procédure de 5.000 € formuée par la demanderesse est rejetée.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit en la forme le recours principal en réformation pour autant qu’il est dirigé contre la décision du directeur de l’administration des Contributions directes n° C 20361 du 1er mars 2016 ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
déclare irrecevable le recours principal en réformation dans la mesure où il est dirigé contre le bulletin de la valeur unitaire et de la base d’assiette de l’impôt foncier établi par le service des évaluations immobilières de l’administration des Contributions directes en date du 6 novembre 2014 ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire ;
rejette la demande en paiement d’une indemnité de procédure formulée par la demanderesse ;
condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé par :
Annick Braun, vice-président, Alexandra Castegnaro, premier juge, Emina Softic, attaché de justice, et lu à l’audience publique du 28 juin 2017 par le vice-président, en présence du greffier Michèle Hoffmann.
s. Michèle Hoffmann s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 28/6/2017 Le Greffier du Tribunal administratif 12