Tribunal administratif N° 38432 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 septembre 2016 1re chambre Audience publique du 14 juin 2017 Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 38432 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 septembre 2016 par Maître Olivier Lang, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo), et de son épouse, Madame …, née le … (Kosovo), ainsi que de leur enfant, …, née le …, tous de nationalité kosovare, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 28 juillet 2016 refusant de faire droit à leur demande en obtention d’une protection internationale, ainsi qu’à la réformation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 novembre 2016 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Olivier Lang et Madame le délégué du gouvernement Jeannine Dennewald en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 avril 2017.
Le 5 janvier 2015, Monsieur … et Madame …, ci-après désignés par « les consorts … », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, entretemps abrogée par la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Les déclarations des consorts … sur leurs identités et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées le même jour par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux.
Les 19 mars, 18 mai, 10 juin 2016, Monsieur … et les 20 mai, 18 juin, 7 juillet, 13 juillet, 14 juillet, 21 octobre, 4 novembre 2015, 27 janvier et 29 janvier 2016, Madame … furent entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, sur leur situation et sur les motifs se trouvant à la base de leur demande de protection internationale.
Par décision du 28 juillet 2016, notifiée aux intéressés par courrier recommandé expédié le 1er août 2016, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », résuma les déclarations des consorts … comme suit : « […] En mains les rapports d'entretien Dublin Ill du 13 janvier 2015 et les rapports d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 19 mars, des 18 et 20 mai, des 10 et 18 juin, des 7, 13 et 14 juillet, du 21 octobre, du 4 novembre 2015, ainsi que des 27 et 29 janvier 2016 sur les motifs sous-
tendant vos demandes de protection internationale, ainsi que les documents versés à l'appui de vos demandes de protection internationale.
Monsieur, il résulte de vos déclarations que votre épouse a fait deux fausses-couches au cours des dernières années et que votre enfant né en 2014 est décédé quelques semaines après sa naissance en raison d'une malformation cardiaque. Vous indiquez que des Albanais seraient à l'origine de ces fausses-couches en précisant «ils nous ont détruit trois grossesses» (page 2/12 du rapport d'entretien).
Suite à des saignements lors de la première grossesse, votre épouse aurait consulté un médecin qui lui aurait prescrit des piq[û]res qui au lieu d'atténuer les saignements les auraient intensifiés. Selon vous, votre épouse aurait perdu le bébé suite à cette intervention. Un autre médecin vous aurait informé « qu'il s'agit des piq[û]res qui provoquent une fausse-couche » (page 2/12 du rapport d'entretien).
Lors d'une deuxième grossesse votre épouse aurait à nouveau eu des complications et «on lui a fait la même chose comme la fois précédente » (page 3/12 du rapport d'entretien).
Vous déclarez ensuite que votre épouse se serait rendue à Belgrade pour les contrôles médicaux lors de sa troisième grossesse alors qu'elle aurait accouché à Prizren où la malformation cardiaque de l'enfant aurait été détectée. Vous auriez tout de suite été transférés à Pristina, or votre nouveau-né est décédé après quelques semaines alors qu'il n'aurait, d'après vos dires, pas été transféré à l’étranger pour une opération. […]». Le ministre informa les consorts … que leur demande de protection internationale avait été refusée comme étant non fondée sur base de l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.
Le ministre estima que les faits invoqués par les demandeurs à l’appui de leur demande de protection internationale ne seraient pas motivés par un des critères de fond définis par la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par le règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-
après désignées par « la Convention de Genève », ni par la loi du 18 décembre 2015. En effet, il considéra que les faits reprochés au corps médical albanais, et notamment le fait que les membres de celui-ci soient responsables des fausses-couches et du décès de leur premier enfant, ne seraient pas à qualifier de persécutions au sens de la Convention de Genève, alors qu’il ne saurait être conclu à des actions délibérées de la part des médecins albanais. Il estima, en effet, que les faits relatés par les consorts … seraient a priori à qualifier d’erreurs médicales, en faisant encore valoir à cet égard que les demandeurs auraient eu la possibilité de s’adresser à l’institution « Kosovo Health Inspectorate »1, responsable du contrôle du secteur médical kosovar, ainsi qu’à l’Ombudsman2 pour dénoncer ces faits reprochés aux médecins albanais.
Le ministre considéra ensuite que, quand bien même les faits relatés par les demandeurs trouveraient leur origine dans des actes délibérés de la part des médecins albanais, il conviendrait de retenir qu’il s’agirait d’infractions de droit commun, commises par des personnes privées et punissables selon la loi kosovare. En l’espèce, il ne ressortirait pas du rapport d’entretien des consorts … que les autorités étatiques kosovares ne pourraient ou ne voudraient pas leur accorder une protection à l’encontre des médecins qui les auraient maltraités. A cela s’ajouterait le fait que les consorts … n’auraient jamais dénoncé aux autorités kosovares les agissements qu’ils imputent au corps médical. En se basant sur différents rapports internationaux34, le ministre souligna, à cet égard, que la police kosovare serait à considérer comme fiable au vu de son caractère multiethnique et de ses formations aux standards internationaux. Par ailleurs, il serait possible en cas de problèmes avec un policier de s’adresser à l’Inspectorat de la police, chargée de veiller au bon fonctionnement de la police5. Il mentionna dans ce contexte la possibilité de déposer une plainte pénale soit directement au commissariat de police, soit par courrier postal ou électronique ou encore par le biais d’un formulaire accessible en ligne.
Le ministre estima ensuite que les consorts … auraient eu la possibilité de s’adresser à d’autres hôpitaux s’ils n’avaient pas eu confiance dans le personnel de l’hôpital de Prizren. Il releva également qu’outre les nombreuses infrastructures publiques accessibles à tous les citoyens kosovars à Prizren6, il existerait trois centres médicaux s’adressant spécifiquement aux minorités ethniques dans la région de Prizren7. En se basant encore sur différents rapports internationaux, il souligna que la situation de la population bosniaque dans le lieu de résidence des consorts … serait généralement bonne8, voire même excellente9.
1Law on Health Ispectorate, http://www.kuvendikosoves.org/common/docs/ligjet/2006_02-L38_en.pdf, consulté en juillet 2016.
2European Commission, Kosovo 2014 Progress Report, octobre 2014, http://ec.europa.eu/enlargement/pdf/key_documents/2014/20141008-kosovo-progress-report_en.pdf, consulté en juillet 2016.
3 cf. : European Commission, Kosovo 2015 Report, 10 novembre 2015, http://www.ecoinet/file_upload/1226_1447156524_20151110-report-kosovo.pdf, consulte en juillet 2016.
4 cf. : Mission organisée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) avec la participation de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) et du Bundesamt für Migration and Flüchtlinge (BAMF), Rapport de mission en République du Kosovo, 10 - 20 juin 2015, https://www.ofpra.gouv.fr/sites/default/files/atoms/files/18022016_rapport_kosovo.pdf, consulté en juillet 2016.
5 cf.: Republic of Kosovo: Ministry of Internal Affairs, Police inspectorate of Kosovo, 2015, http://www.mpb-
ks.org/?page=2,12, consulté en juillet 2016.
6 Organization for Security and Co-operation in Europe, Profile of Prizren, Mars 2014, http://www.osce.org/kosovo/13128?download=true, consulté en juillet 2016.
7 BAMF, Country fact sheet - Kosovo, Juin 2014, http://www.bamf.de/SharedDocs/MILoBD/EN/Rueckkehrfoerderung/Laenderinformationen/Informationsblaetter/cf s_kosovo-dl_en.pdf?_blob=publicationFile, consulté en juillet 2016.
8 Organization for Security and Co-operation in Europe, Kosovo Communities Profiles, 2010, http://www.ecoi.net/file_upload/1788_1297431512_75450.pdf, consulté en juillet 2016.
Après avoir évoqué la possibilité d’une fuite interne, en précisant que les consorts … auraient eu la possibilité de s’installer à Pristina, la capitale du pays qui disposerait d’une meilleure infrastructure médicale, le ministre conclut que les faits allégués par les demandeurs ne pourraient pas, à eux-seuls, établir dans leur chef une crainte fondée d’être persécutés dans leur pays d’origine du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social ou de leurs convictions politiques et que, par conséquent, ils ne rempliraient pas les conditions permettant de se voir octroyer le statut de réfugié.
Finalement, le ministre estima que le récit des consorts … ne contiendrait pas non plus de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’ils courraient un risque réel et sérieux de subir les atteintes graves définies à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.
En conséquence, il constata que le séjour des consorts … sur le territoire luxembourgeois était illégal et leur enjoignit de quitter ledit territoire dans un délai de trente jours.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 2 septembre 2016, les consorts … ont fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 28 juillet 2016 portant rejet de leur demande de protection internationale, ainsi qu’un recours tendant à la réformation de l’ordre de quitter le territoire, contenu dans le même acte.
A l’audience des plaidoiries, le mandataire des demandeurs a demandé à ce que le mémoire en réponse du délégué du gouvernement, déposé au greffe du tribunal administratif le 4 novembre 2016, soit écarté au motif qu’il aurait été déposé plus de deux mois après le dépôt de la requête introductive, tout en soutenant que dans la présente matière les délais d’instruction ne seraient pas suspendus entre le 16 juillet et le 15 septembre.
Le délégué du gouvernement n’a pas pris position par rapport à ce moyen au cours de l’audience des plaidoiries.
Aux termes de l’article 5, paragraphe (1) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives « […] le défendeur et le tiers intéressé sont tenus de constituer avocat et de fournir leur réponse dans le délai de trois mois à dater de la signification de la requête introductive » et aux termes de l’article 5, paragraphe (6) de ladite loi « les délais prévus aux paragraphes 1er et 5 sont prévus à peine de forclusion. […] Ils sont suspendus entre le 16 juillet et le 15 septembre ».
L’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « Contre les décisions de refus ou de retrait de la demande de protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif. Les 9Organization for Security and Co-operation in Europe, Prizren, Septembre 2009, http://www.ecoi.net/file_upload/1226_1256288768_1200-en.pdf, consulté en juillet 2016; Organization for Security and Co-operation in Europe - Mission in Kosovo, Municipal Responses to Security Incidents Affecting Communities in Kosovo and the role of Municipal Community Safety Councils, Décembre 2011, http://www.ecoi.net/file_upload/2016_1325583425_86766.pdf, consulté en juillet 2016.
deux recours doivent faire l’objet d’une seule requête introductive, sous peine d’irrecevabilité du recours séparé. Le recours doit être introduit dans le délai d’un mois à partir de la notification.
Le délai de recours et le recours introduit dans le délai ont un effet suspensif. Par dérogation à la législation en matière de procédure devant les juridictions administratives, il ne peut y avoir plus d’un mémoire de la part de chaque partie, y compris la requête introductive. Le mémoire en réponse doit être fourni dans un délai de deux mois à dater de la signification de la requête introductive ».
Etant donné que l’article 5, paragraphe (6) de la loi du 21 juin 1999, précitée, prévoyant une suspension du délai pour fournir la réponse entre le 16 juillet et le 15 septembre, constitue le droit commun en matière de procédure administrative et dans la mesure où l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, s’il a certes limité le nombre des mémoires à un seul par partie, y compris la requête introductive, et s’il a dérogé au délai ordinaire pour fournir le mémoire en réponse, ramenant le délai de droit commun de trois mois à celui de deux mois à partir de la requête introductive, n’a pas dérogé à la disposition suspendant les délais d’instruction entre le 16 juillet et le 15 septembre10, le délai pour fournir la réponse a été suspendu en l’espèce entre le 16 juillet et le 15 septembre conformément à l’article 5, paragraphe (6) de la loi du 21 juin 1999, précitée.
Il s’ensuit que le mémoire en réponse, déposé au greffe du tribunal administratif le 11 octobre 2012, a été déposé dans le délai légal de deux mois à dater de la signification de la requête introductive d’instance. Il s’ensuit que le moyen des demandeurs tendant à voir écarter le mémoire en réponse de l’Etat est à rejeter.
1) Quant au recours visant la décision portant rejet de la demande de protection internationale Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 28 juillet 2016, telle que déférée.
Ledit recours ayant encore été introduit dans les formes et délai de la loi, il est à déclarer recevable.
A l’appui de leur recours et en fait, les demandeurs renvoient tout d’abord, en substance, aux faits et rétroactes de leur demande en obtention d’une protection internationale, tels que retranscrits dans les rapports d’entretien auprès de l’agent compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes. Ensuite, ils reprochent au ministre de ne pas avoir examiné la demande de protection internationale dans le chef de leur enfant …, née le 27 mai 2016 à Luxembourg, alors même qu’elle serait directement visée par la décision entreprise. Ils 10 cf. par rapport à la loi du5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection dont les dispositions pertinentes ont été reprises par la loi du 18 décembre 2015 ; trib. adm. 21 novembre 2007, n° 23234 du rôle ; trib. adm. 7 novembre 2012, n° 30702 du rôle, confirmé par un arrêt de la Cour administrative du 19 mars 2013, n° 31794C du rôle.
expliquent plus particulièrement que l’enfant … semble présenter un souci cardiaque qui nécessiterait éventuellement un traitement médical.
En droit, les demandeurs font valoir que les atteintes répétées à leur droit de fonder une famille au Kosovo, droit qui serait protégé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), devraient être considérées comme des actes de persécutions, sinon des atteintes graves au sens de la loi. Ils font valoir que s’ils devaient retourner dans leur pays d’origine, l’état psychologique de Madame … s’aggraverait, de sorte qu’elle ne pourrait plus remplir son rôle de mère. A cet égard, ils se réfèrent à un arrêt de la Cour administrative du 3 février 2011, numéro 27461C du rôle, en expliquant que les juges administratifs auraient déjà octroyé le statut de réfugié à une personne psychologiquement marquée dans une mesure comparable à celle de Madame …. Ils donnent encore à considérer qu’eu égard aux circonstances dans lesquelles ils auraient perdu deux fœtus, ainsi que leur premier enfant, ils pourraient raisonnablement craindre le pire pour leur fille … dans le cas où celle-ci nécessiterait une prise en charge cardio-chirurgicale.
Les demandeurs critiquent ensuite la décision ministérielle déférée pour avoir retenu « qu’aucun élément du dossier administratif ne permettrait de conclure à des actions délibérées de la part du corps médical albanais ». Ils font, à cet égard, valoir que, suivant la jurisprudence11, ils devraient bénéficier en toute hypothèse du doute si les éléments de preuve manquent pour étayer leurs déclarations. En effet, le principe du bénéfice du doute serait, en droit des réfugiés, d’une très grande importance, alors qu’il est souvent impossible pour les réfugiés d’apporter des preuves formelles à l’appui de leur demande de protection internationale.
Le ministre aurait dès lors, en l’espèce, dû retenir le bénéfice du doute, et ce, eu égard aux nombreux éléments troublants ayant entouré les fausses-couches et le décès de leur premier enfant, à savoir que, malgré les évidences formelles que la demanderesse était enceinte, un médecin albanais aurait affirmé le contraire et lui aurait prescrit des injections contre-indiquées.
Les demandeurs expliquent encore que les médecins « albanais » les auraient obligés à payer pour des examens médicaux à la base gratuits et qu’ils auraient complétement délaissé Madame … pendant et après l’accouchement de leur premier enfant.
Les consorts … font encore valoir que l’hôpital de Pristina dans lequel leur premier enfant aurait été transféré après qu’une malformation cardiaque aurait été détectée, aurait refusé de mettre à leur disposition un incubateur pour le transport du nouveau-né vers la Serbie où il aurait dû être opéré. Ils considèrent que ce refus de leur prêter un incubateur aurait été motivé par leur appartenance à la minorité « bochniaque » du Kosovo. Ils invoquent encore l’existence de dysfonctionnements manifestes au sein du ministère de la Santé kosovar, auprès duquel ils auraient présenté en parallèle une demande de transfert du nouveau-né en Italie pour y subir une opération, en faisant valoir que les agents ministériels n’auraient pas réagi à leur demande urgente de transfert, et ce, même après un mois d’attente.
Si le tribunal ne devait pas suivre le raisonnement suivant lequel les motivations ethniques auraient poussé les personnes concernées du secteur médical à agir, respectivement à ne pas agir, les demandeurs soutiennent qu’ils rempliraient toutes les conditions pour se voir 11 Trib. adm. 15 juin 2011, n° 27564 du rôle ; trib.adm. 12 juillet 2012, n° 29253 du rôle.
octroyer le statut conféré par la protection subsidiaire. Ils invoquent à cet égard un risque réel de subir des atteintes graves, à savoir des actes de torture ou des traitements inhumains ou dégradants et ce qu’ils qualifient d’« une exécution extrajudiciaire » de leur enfant …, En effet, ils estiment que le ministre aurait totalement fait abstraction du fait que leur premier enfant aurait pu être sauvé si l’hôpital public kosovar n’avait pas refusé de les assister pour un transport en ambulance et si les agents du ministère de la Santé avaient donné suite à leur demande de transfert en Italie. Ils considèrent plus précisément que les autorités étatiques kosovares ne sauraient les protéger contre ce type de défaillances qu’ils redoutent légitiment en cas de retour dans leur pays d’origine. Ils critiquent dans ce contexte la décision ministérielle pour avoir considéré qu’ils auraient pu s’adresser au « Kosovo Health Inspectorate », alors que cet inspectorat dépendrait directement du ministère de la Santé et qu’il ne saurait être raisonnablement considéré, au vu de l’ensemble des discriminations mentionnées, que ledit inspectorat aurait pu, respectivement aurait voulu leur apporter une aide. Ils invoquent encore un rapport de la Commission européenne intitulé « Kosovo Progress Report », d’octobre 2014, pour conclure à l’impuissance de l’institution de l’Ombudsman au Kosovo. En outre, ils critiquent la décision ministérielle pour avoir estimé qu’ils auraient pu s’adresser à l’un des trois centres médicaux accueillant spécifiquement les minorités ethniques dans la région de Prizren, alors que ce serait précisément dans l’un de ces trois centres que Madame … aurait connu de graves problèmes.
Les demandeurs donnent encore à considérer que si le tribunal devait estimer que les actes de persécution dont ils se prétendent victimes auraient été perpétrés par des personnes privées, il y aurait lieu de retenir qu’aucune protection contre ces persécutions ne pourrait leur être accordée par les autorités kosovares. Ils estiment, dans ce contexte, qu’au vu des circonstances de l’espèce, ils auraient légitiment pu se résigner à ne pas rechercher une protection de la part des autorités étatiques. Ils se référent, à cet égard, à un extrait d’une étude12 sur la jurisprudence du tribunal administratif ayant conclu que « la disponibilité d’une protection requiert un examen de l’effectivité, de l’accessibilité et de l’adéquation d’une protection disponible dans le pays d’origine », et à une jurisprudence13 administrative qui a retenu que « l’obligation pour un demandeur de rechercher activement la protection des autorités de son pays d’origine ne saurait être imposée sans réserve à tout demandeur de protection internationale, et notamment pas à celui qui se résigne du fait de l’inactivité avérée des autorités étatiques ». A toutes fins utiles, les demandeurs se réfèrent à différents rapports internationaux desquels il se dégagerait que le système policier et judiciaire serait globalement déficitaire au Kosovo, de sorte que les autorités étatiques ne pourraient leur offrir une protection effective.
Les demandeurs réfutent finalement l’alternative d’une fuite interne dans leur chef, en soulignant que le ministre n’aurait pas positivement prouvé l’absence de tout risque dans une autre région du Kosovo. Ils critiquent plus précisément la décision ministérielle pour avoir considéré qu’ils auraient pu s’installer à Pristina, la capitale du pays, alors que ce serait précisément à Pristina où leur premier enfant est décédé.
12 In « Droit d’asile au Grand-Duché de Luxembourg et en Europe » sous la coordination de Jörg GERKRATH, LACIER, Collection de la Faculté de Droit, d’Economie et de Finance de l’Université du Luxembourg, 2009.
13 Trib.adm. 24 janvier 2011, numéro 26837 du rôle.
Le délégué du gouvernement soutient, quant à lui, que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et conclut au rejet du recours.
En ce qui concerne tout d’abord le reproche formulé par les consorts … en ce que le ministre n’aurait pas examiné la demande de protection internationale dans le chef de leur enfant …, née le 27 mai 2016 à Luxembourg, bien que l’enfant serait directement visée par la décision litigieuse, force est au tribunal de retenir que les demandeurs se contentent d’invoquer l’existence d’« un nouveau fait » pour critiquer la décision ministérielle litigieuse prise en date du 28 juillet 2016, sans toutefois en tirer un quelconque moyen en droit. Or, il n’appartient pas au tribunal administratif de suppléer à la carence des parties demanderesses et de rechercher lui-
même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base des conclusions de celles-ci14.
Au-delà de ce constat, le tribunal relève que la décision litigieuse a été prise deux mois et un jour après la naissance de l’enfant …, à l’encontre de « Monsieur … […] et Madame … […], accompagnés de leur enfant mineur … […]», de sorte que le ministre a nécessairement pris en considération aussi la situation de l’enfant ….
Il y a ensuite lieu de relever que la notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] ».
Il y a lieu de constater que la notion de « réfugié » implique nécessairement des persécutions ou à tout le moins un risque de persécutions dans le pays d’origine.
Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que : « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent :
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l'homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d'une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). ».
Finalement, les faits dénoncés doivent être perpétrés par un acteur de persécutions au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, lesquels peuvent être :
« a) l’Etat ;
14 Trib.adm. 5 juillet 2000, n°11527 du rôle, Pas. adm. 2016, V° procédure contentieuse, n°409 et les autres références y citées.
b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. », et aux termes de l’article 40 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:
a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] ».
Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié.
Force est encore de relever que la définition de réfugié contenue à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.
La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d’un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l’opportunité de la décision litigieuse à la lumière de la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance du demandeur. Cet examen ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.
En l’espèce, l’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs auditions respectives, ainsi que des moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle fondée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leurs opinions politiques ou de leur appartenance à un certain groupe social tel que le prévoit l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015.
En effet, force est de constater que, lors de leurs auditions par l’agent compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, les consorts … ont déclaré avoir quitté le Kosovo parce que le corps médical albanais les aurait discriminés en raison de leur origine bochniaque, de sorte qu’ils auraient été empêchés d’y fonder une famille, Madame … déclarant plus particulièrement avoir subi deux fausses-couches dans les années 2012 et 2013, dont l’origine serait, d’après elle, due à des injections contre-indiquées qu’elle aurait reçues de la part d’un médecin albanais.
Le tribunal relève de prime abord qu’il ne se dégage pas des éléments soumis à son appréciation que, de manière générale, la situation de la population d’origine bochniaque au Kosovo soit telle qu’ils auraient plus particulièrement des difficultés d’accès aux soins médicaux en raison de leur origine ethnique. Au contraire, il ressort des explications du délégué du gouvernement, se basant sur des rapports internationaux, que la communauté bochniaque du Kosovo bénéfice d’un libre accès aux services sociaux et aux soins médicaux.
S’agissant de la situation particulière des demandeurs, le tribunal est tout d’abord amené à constater qu’il ressort du récit de Madame … qu’elle avait consulté un médecin albanais exerçant à l’hôpital de Prizren suite à l’apparition de saignements et de douleurs au cours de sa première grossesse et il s’avère encore qu’elle a consulté le même médecin pour les mêmes problèmes lors de sa deuxième grossesse. Il ressort plus particulièrement d’une pièce versée par les consorts …, intitulée « bulletin de sortie » de l’hôpital de Prizren, portant la mention « date d’admission le 20 septembre 2013 - date de sortie le 22 septembre 2013 », correspondant à sa deuxième grossesse, que Madame …, en deuxième mois de grossesse, « est admise dans notre département suite aux saignements au niveau des organes génitaux. Les examens cliniques-
gynécologiques sont effectués sur place. (…) et il est constaté, sur la base d’un examen échographique, qu’il y a eu un avortement complet (…). Durant son séjour dans notre département elle est traitée aux antibiotiques, gestagènes et vitamines. (…) Elle rentre chez elle dans un état de santé stable, avec des conseils et une thérapie. ».
Si Madame … déclare avoir perdu les fœtus après avoir à chaque fois reçu des piqûres d’un médecin albanais en particulier, le tribunal est amené à constater que ces déclarations sont non seulement, en ce qui concerne du moins la deuxième grossesse, contredites par le bulletin de sortie de l’hôpital de Prizren, précité, mais, même à supposer l’administration d’un traitement médicalement contre-indiqué au cours de l’une de ses deux premières grossesses, le tribunal n’est encore pas en mesure de retenir, du seul fait de l’administration d’un tel traitement, et même à le supposer inadapté d’un point de vue médical, une quelconque action délibérée de la part du médecin traitant fondée sur une discrimination en raison de sa race, sa religion, sa nationalité, ses opinions politiques ou son appartenance à un certain groupe social.
Dès lors, à défaut d’autres éléments invoqués à ce titre, les faits reprochés par les demandeurs à un médecin albanais particulier exerçant à l’hôpital de Prizren ne sauraient s’analyser en des actes de persécution au sens de la Convention de Genève et de la loi du 18 décembre 2015, mais pourraient tout au plus constituer une erreur de diagnostic ou médicale qui peut toucher toute patiente indépendamment de ses origines ethniques.
Il s’ensuit que les faits ne rentrent pas dans le champ d’application de la Convention de Genève.
En ce qui concerne ensuite l’affirmation faite par les demandeurs qu’ils auraient été contraints par le corps médical albanais de payer certains examens médicaux qui seraient gratuits pour la population albanaise du Kosovo, force est de relever qu’il ne se dégage pas des éléments soumis à l’appréciation du tribunal que les demandeurs se seraient vu refuser la prise en charge de coûts en raison de leur origine ethnique, cette affirmation étant encore contredite par les informations d’ordre général sur la situation au Kosovo fournies par la partie étatique, dont il se dégage plus particulièrement que les personnes d’origine bochniaque au Kosovo ont accès aux services des organismes de sécurité sociale15. De plus, il est tout à fait possible qu’un certain nombre de traitements et d’examens médicaux au Kosovo ne soient pas couverts par les organismes de sécurité sociale kosovares, de sorte que les patients sont obligés de supporter in fine le coût de tels actes, tel que c’est d’ailleurs le cas dans beaucoup d’autres pays. Par ailleurs, le tribunal est amené à relever qu’il ressort de diverses pièces versées par les demandeurs à l’appui de leur demande de protection internationale que Madame … a subi un grand nombre d’examens médicaux, de sorte que l’on ne saurait raisonnablement exclure, en l’espèce, que pour certains examens et analyses effectués, les organismes de sécurité sociale kosovares se soient opposés à un éventuel remboursement, sans que l’origine d’un tel refus ne puisse être recherchée dans son origine ethnique.
15 Organization for Security and Co-operation in Europe, Kosovo Communities Profiles, 2010, http://www.ecoi.net/file_upload/1788_1297431512_75450.pdf Il s’ensuit que les difficultés invoquées quant à l’accès aux soins ne rentrent pas non plus dans le champ d’application de la Convention de Genève.
Quant aux autres reproches formulés à l’encontre du corps médical « albanais » et listés par les demandeurs comme suit :
- les examens usuels quotidiens (CTG) lors de la troisième grossesse auraient été refusés ;
- Madame … aurait été délaissée dans la douleur pendant l’accouchement et n’aurait pu accoucher que parce que son beau-père aurait réussi à soudoyer un médecin ;
- pendant les 24 heures précédant l’accouchement, toute visite familiale aurait été refusée ;
- après l’accouchement, Madame … n’aurait pas reçu la visite d’un médecin alors qu’il aurait fallu d’urgence diagnostiquer la pathologie du nouveau-né ;
- à l’hôpital de Pristina, une infirmière aurait refusé de donner le matériel nécessaire pour que Madame … puisse nourrir son enfant, force est au tribunal de relever, à cet égard, qu’il s’agit, en l’espèce, de décisions d’ordre médical, qui, de manière subjective ont peut-être été mal ressenties par les demandeurs, mais qui peuvent tout aussi bien s’expliquer objectivement par des raisons médicales, sinon organisationnelles, sans qu’elles ne s’expliquent nécessairement par une attitude discriminatoire ou une volonté de nuire aux demandeurs. Ainsi, abstraction faite des circonstances exactes dans lesquelles s’inscrivent les faits ainsi décrits, il y a lieu de relever qu’en ce qui concerne plus particulièrement le reproche fait à l’infirmière exerçant à l’hôpital de Pristina de ne pas avoir donné à Madame … le « matériel nécessaire » pour qu’elle puisse nourrir son enfant, ce fait, à le supposer établi, peut davantage s’expliquer par l’état de santé du nouveau-né, alors que le « matériel » demandé se trouve être, selon les explications mêmes de la demanderesse, «une seringue avec laquelle je devais injecter le lait dans la sonde de l’estomac», c’est-à-dire un matériel médical, de sorte que le refus opposé par l’infirmière en question peut parfaitement s’expliquer par des considérations d’ordre médical et notamment par mesure de précaution.
Les consorts … font également valoir que le corps médical de l’hôpital de Pristina, hôpital dans lequel leur nouveau-né souffrant d’une malformation cardiaque, avait été transporté après son diagnostic, n’aurait pas entrepris les mesures adéquates pour le sauver, et plus particulièrement aurait refusé de leur prêter un incubateur pour le transfert de l’enfant vers un hôpital de la République serbe pour y subir une opération qui n’aurait pas été possible au Kosovo. Force est tout d’abord au tribunal de relever, à cet égard, qu’il se dégage des pièces versées au dossier que le nouveau-né avait été transféré le lendemain de sa naissance de l’hôpital de Prizren à celui de Pristina (Centre clinique universitaire de Pristina), en ambulance, sous la surveillance d’une infirmière et dans un incubateur de transport. Il ressort encore des pièces soumises à l’appréciation du tribunal que le nouveau-né avait fait l’objet de différents examens médicaux à l’hôpital de Pristina ayant conclu à une pathologie cardiaque sévère.
L’affirmation des consorts … que les médecins kosovars auraient refusé de mettre à leur disposition un incubateur en vue du transfert du nouveau-né vers la Serbie est dès lors contredite par les éléments du dossier, étant relevé qu’il se dégage encore des déclarations telles qu’actées par les services du ministère compétent, que le transfert du nouveau-né avait été organisé, certes non pas par l’hôpital de Pristina mais par «une équipe à Garcanica, au Kosovo», et que la date du transfert vers la Serbie avait été fixée au 11 septembre 2014, mais que le nouveau-né est décédé des suites de sa maladie avant que le transfert ne puisse avoir lieu.
Il échet encore de relever qu’il ne ressort pas des éléments du dossier que le corps médical kosovar aurait, d’une quelconque manière, délaissé le nouveau-né des demandeurs après lui avoir diagnostiqué une maladie cardio-vasculaire, mais, au contraire, le nouveau-né avait bénéficié des soins intensifs au Centre clinique universitaire de Pristina, et également, selon les déclarations de Madame …, telles qu’actées au procès-verbal de ses auditions, d’une première opération à Pristina en attendant son transfert vers un établissement cardio-chirurgical spécialisé en Serbie. Si Madame … déclare plus particulièrement au cours de ses auditions qu’une infirmière de l’hôpital de Prizren aurait volontairement contribué au décès de son enfant, il y a lieu de relever qu’il s’agit en l’espèce d’une simple allégation qui n’est corroborée par aucun autre élément du dossier soumis à l’appréciation du tribunal. Le même constat s’impose en ce qui concerne l’affirmation de la demanderesse selon laquelle un organe aurait été « volé » à son enfant décédé, étant encore relevé, à cet égard, que les demandeurs auraient eu la possibilité de faire appel à un médecin légiste pour faire pratiquer le cas échéant une autopsie.
Au vu des éléments exposés ci-avant, les demandeurs ne sont pas fondés de reprocher au corps médical de leur pays d’origine une quelconque inaction volontaire, basée sur leur origine ethnique, pour sauver la vie de leur enfant.
Les demandeurs indiquent encore avoir entamé en parallèle des démarches auprès du ministère de la Santé pour un transfert du nouveau-né vers un établissement spécialisé en Italie pour y subir une opération et reprochent à cet égard aux agents ministériels de ne pas avoir réagi au vu de l’urgence de leur demande. Or, la seule circonstance que les demandeurs aient dû faire face à une certaine lenteur dans le cadre du traitement de leur demande de transfert de leur nouveau-né vers un hôpital en Italie ne saurait s’analyser en un traitement discriminatoire, alors qu’il ne ressort d’aucun élément de leur récit que cette lenteur soit motivée par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015. Ce constat est conforté par la circonstance que les demandeurs ont encore déclaré à cet égard que les services compétents du ministère de la Santé kosovar les auraient informés que leur dossier était en cours de traitement, de sorte que le tribunal est amené à constater que leur demande de transfert du nouveau-né vers l’Italie avait été prise en compte et traitée par les agents du ministère de la Santé kosovar. Par ailleurs, il n’est pas exclu que « la lenteur » avec laquelle le ministère de Santé kosovar aurait réagi à leur demande de transfert du nouveau-né vers l’Italie soit due à un manque de moyens financiers nécessaires au bon fonctionnent des administrations kosovares, tel que cela ressort de l’extrait d’un rapport international16 soumis aux débats par les demandeurs eux-mêmes, plutôt qu’à leur appartenance à la minorité des « bochniaques » du Kosovo.
Finalement, le tribunal relève qu’il ressort plus particulièrement du récit de Madame … et des pièces versées en cause par les demandeurs et soumis à l’appréciation du tribunal que la demanderesse a bien eu accès aux soins médicaux au Kosovo puisqu’elle a non seulement consulté le médecin à l’hôpital de Prizren, auquel elle reproche de lui avoir prescrit un traitement contre-indiqué, mais également tout au long de ses trois grossesses divers médecins exerçant dans différents établissements, - dont notamment des médecins d’origine albanaise, pour des 16 https://www.osar.ch/assets/herkunftslaender/europa/kosovo/kosovo-etat-des-soins-de-sante-2010.pdf, page 22 contrôles réguliers, à savoir toutes les trois à quatre semaines un neuropsychiatre, tel que cela ressort des auditions de la demanderesse auprès de l’agent ministériel, ou le docteur Yzxhhan Shala, gynécologue Obstétricien, tel que cela ressort des pièces du dossier administratif -.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a rejeté les demandes en obtention du statut de réfugié présentées par les demandeurs comme étant non fondées, alors qu’il ne se dégage pas des éléments du dossier que les difficultés dont font état les demandeurs s’expliquent par l’un des critères de fond de la Convention de Genève.
Le recours des demandeurs est par conséquent à déclarer comme non fondé pour autant qu’il est dirigé contre le refus du ministre de leur accorder le statut de réfugié.
Quant au volet de la décision litigieuse portant refus dans le chef des demandeurs d’un statut de protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une «personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», «tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir des atteintes graves et que cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays».
L’article 48 de la même loi, énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses point a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Il échet au tribunal de relever que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par les demandeurs, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), de l’article 48, précité, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire, et qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les atteintes graves et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
Par ailleurs, l’article 2 g), précité, de la loi du 18 décembre 2015 définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance «des motifs sérieux et avérés de croire que», si elle est renvoyée dans son pays d’origine, elle «courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48», cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que de telles atteintes graves se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.
Le tribunal constate qu’à l’appui du volet du recours visant le refus de leur octroyer le statut conféré par la protection subsidiaire, les demandeurs invoquent en substance les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de leur demande de reconnaissance du statut de réfugié.
Comme il n’y a actuellement pas de conflit armé au Kosovo et que les demandeurs n’allèguent pas risquer la peine de mort dans leur pays d’origine, il y a seulement lieu de vérifier si les agissements dont ils font état peuvent être qualifiés de torture ou de traitements, respectivement sanctions inhumains ou dégradants.
En ce qui concerne la question de savoir si les faits invoqués sont, de par leur nature, susceptibles d’être qualifiés d’atteintes graves, force est tout d’abord au tribunal de constater qu’en l’espèce, les consorts … allèguent que leur enfant … risquerait de subir « une exécution extrajudiciare », ainsi qualifiée, au sens de l’article 48 a) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’eux-mêmes risqueraient d’être soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants au sens du point b) du même article.
Il y a tout d’abord lieu de relever que l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 se réfère à des traitements ou des sanctions « infligés », tandis que l’article 39 de la même loi énumère les acteurs des persécutions et des atteintes graves, de sorte à nécessiter une intervention, une responsabilité humaine et à exclure de son champ d’application l’éventualité d’« atteintes graves » lorsqu’aucun acteur ne peut en être tenu responsable. Le simple fait qu’une atteinte soit liée d’une façon ou d’une autre à l’activité humaine n’est pas suffisant à cet égard. Pour pouvoir être considérée comme étant « infligée », elle doit, en effet, être le résultat voulu d’une intervention humaine. Il en résulte que l’état de santé à lui seul, sinon la situation sanitaire et sociale du pays d’origine, en l’absence de toute circonstance permettant de déduire qu’il aurait été infligé ou qu’il résulterait d’une intervention directe ou indirecte humaine, ne constitue pas un motif valable d’obtention de la protection subsidiaire au sens de la loi du 18 décembre 2015.
En l’espèce, si Madame … se plaint certes de ce que les médecins kosovars, respectivement des membres du personnel de soins, ne lui auraient pas prodigué des soins adéquats suite aux complications apparues au cours de ses grossesses, et plus particulièrement qu’un médecin albanais exerçant à l’hôpital de Prizren lui aurait prescrit des injections ayant conduit à la perte des fœtus, tel que relevé ci-avant dans le cadre de l’analyse du volet du recours visant le refus du statut de réfugié, il ne ressort pas des éléments à la disposition du tribunal que l’inaction alléguée des médecins kosovars ou les « mauvais » soins prodigués par le médecin albanais dont question, - même à supposer ces faits établis -, auraient été volontaires ou intentionnels. Force est dans ce contexte au tribunal de constater qu’il ressort des pièces versées au dossier administratif par les demandeurs, et plus particulièrement d’une attestation datée d’août 2014, établie par le docteur …, neuropsychiatre, - médecin ayant mené « de longues interviews détaillées (…) à plusieurs reprises avec elle [la requérante] », - que Madame … ne fait aucunement allusion au cours de ses déclarations que son état de santé lui aurait été infligé par le corps médical l’ayant prise en charge au cours de ses trois grossesses. Au contraire, elle déclare plus particulièrement ce qui suit : « (…) j’ai connu de nombreuses situations stressantes qui ont mis ma vie en danger (j’ai eu deux fausses couches, causées par ces situations stressantes) », en résumant son état mental de la façon suivante : « Mon plus grand problème, c’est une peur, plus ou moins intense, qui m’envahit en permanence. (…) Je ne suis pas sûre de moi, j’ai constamment l’impression que quelque chose de mauvais peut se produire, je suis obsédée par des idées noires (…) ». Il résulte également d’un certificat médical du Centre de santé mentale du Luxembourg daté du 24 août 2016 versé aux débats que Madame … souffrirait de symptômes de dépression postnatale et d’un trouble d’angoisse. Or, tel que cela a été relevé ci-avant, l’état de santé d’une personne, en l’absence de toute circonstance permettant de déduire qu’il aurait été infligé ou qu’il résulterait d’une intervention directe ou indirecte humaine, ne constitue pas un motif valable d’obtention de la protection subsidiaire au sens de la loi du 18 décembre 2015.
Afin d’être tout à fait complet, le tribunal relève encore que les demandeurs auraient eu la possibilité de s’adresser au directeur de l’hôpital en question pour dénoncer les agissements qu’ils reprochent à un médecin albanais en particulier, ce qu’ils n’ont toutefois pas fait, les demandeurs n’ayant à aucun moment porté, sinon tenté de porter leurs doléances devant cet organe. D’autre part, suivant les explications de la partie étatique, il existe un certain nombre d’institutions publiques médicales accessibles à tous les citoyens du Kosovo et il ne se dégage pas des éléments à la disposition du tribunal que les structures mises en place soient inefficaces à un tel point que les demandeurs soient fondés à ne pas rechercher de l’aide auprès de ces institutions publiques.
En ce qui concerne ensuite l’argumentaire des consorts … suivant lequel leur enfant … risquerait de subir « une exécution extrajudiciare », ainsi qualifiée, si elle devait nécessiter une prise en charge cardio-chirurgicale au Kosovo, le tribunal est, d’une part, amené à relever qu’il ne résulte pas du certificat médical établi en date du 23 novembre 2016 et versé par les demandeurs aux débats, que l’enfant … souffre d’une maladie cardio-vasculaire nécessitant un traitement médical, et, d’autre part, le tribunal n’aperçoit aucun élément susceptible d’établir, sur la base des événements et arguments exposés par les demandeurs, qu’il existerait dans le chef de leur enfant … un risque réel de ne pas recevoir les traitements adéquats à un tel point que le pronostic vital de leur enfant soit remis en cause, telle qu’allégué par les demandeurs. En effet, la crainte mise en avant par les demandeurs ne repose sur aucun élément circonstancié et constitue une simple crainte hypothétique, qui ne se base sur aucun fait réel, et qui ne saurait constituer un motif sérieux et avéré de croire en l’existence d’un risque réel de subir des atteintes graves au sens de la loi du 18 décembre 2015.
C’est dès lors à bon droit que le ministre a rejeté la demande en obtention du statut conféré par la protection subsidiaire présentée par les demandeurs comme étant non fondée.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et en l’absence d’autres éléments, que le recours est à rejeter pour ne pas être fondé.
2. Quant au recours tendant à la réformation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre l’ordre de quitter le territoire, un recours sollicitant la réformation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en réformation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, est recevable.
Les demandeurs exposent que l’ordre de quitter le territoire devrait être réformé comme conséquence de la réformation du refus ministériel de leur octroyer le statut conféré par la protection internationale.
Aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visé à l’article 34, paragraphe (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.
Il se dégage des conclusions ci-avant retenues par le tribunal que le ministre a refusé à bon droit d’accorder aux demandeurs un statut de protection internationale, le tribunal ayant retenu l’absence de risque de persécutions, respectivement d’atteintes graves en cas de retour au Kosovo, de sorte qu’il a également valablement pu émettre l’ordre de quitter le territoire à leur égard.
Il s’ensuit que le recours en réformation est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 28 juillet 2016 portant rejet d’un statut de protection internationale ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 28 juillet 2016 portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé par :
Annick Braun, vice-président, Alexandra Castegnaro, premier juge, Emina Softic, attaché de justice, et lu à l’audience publique du 14 juin 2017 par le vice-président en présence du greffier en Michèle Hoffmann.
Michèle Hoffmann Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 14.6.2017 Le greffier du tribunal administratif 18