Tribunal administratif N° 38269 et 38282 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits les 1er et 2 août 2016 4e chambre Audience publique du 23 mai 2017 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat et un arrêté grand-ducal en matière de discipline
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JUGEMENT
I) Vu la requête inscrite sous le numéro 38269 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er août 2016 par Maître Fränk Rollinger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, instituteur du régime préparatoire au Lycée technique …, demeurant à L-…, tendant à la réformation d’une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat du 24 mai 2016 ayant prononcé à son égard la sanction de la mise à la retraite d’office pour non-respect de la dignité des fonctions ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 décembre 2016 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 5 janvier 2017 par Maître Fränk Rollinger pour compte de son mandant ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 30 janvier 2017 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;
II) Vu la requête inscrite sous le numéro 38282 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 août 2016 par Maître Fränk Rollinger, préqualifié, au nom de Monsieur …, préqualifié, tendant à l’annulation d’un arrêté grand-ducal du 1er juillet 2016 ayant décidé de le mettre d’office à la retraite pour non-respect de la dignité des fonctions, et ce, avec effet à partir du 1er juillet 2016 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 décembre 2016 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 5 janvier 2017 par Maître Fränk Rollinger pour compte de son mandant ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 30 janvier 2017 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté attaqué ;
I) et II) Vu l’ordonnance présidentielle du 9 août 2016, inscrite sous les numéros du rôle 38270 et 38283, ayant déclaré justifiées deux requêtes en institution d’une mesure provisoire introduites par rapport à la décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat du 24 mai 2016 ayant prononcé à l’encontre de Monsieur … la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office et à l’arrêté grand-ducal du 1er juillet 2016 prononçant sa mise à la retraite d’office avec effet à partir du même jour ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Fränk Rollinger et Madame le délégué du gouvernement Elisabeth Pesch en leurs plaidoiries respectives.
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Par un courrier du 5 novembre 2015, le ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, ci-après dénommé le « ministre », saisit le commissaire du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire pour procéder à une instruction disciplinaire à l’encontre de Monsieur …, en sa qualité d’instituteur du régime préparatoire au Lycée technique …, classé au grade 5, échelon 15, au motif qu’il aurait manqué à ses obligations statutaires et notamment aux articles 9, paragraphe 1, et 10, paragraphe 1, de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, dénommé ci-après le « statut général », et à l’article 7 de la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie.
Par lettre du 9 novembre 2015, Monsieur … fut informé par le commissaire du gouvernement adjoint chargé de l’instruction disciplinaire, dénommé ci-après le « commissaire du gouvernement adjoint », de l’ouverture d’une procédure disciplinaire à son encontre et des faits lui reprochés. Par le même courrier, Monsieur … fut encore invité à se présenter devant le commissaire du gouvernement adjoint afin d’être entendu en personne et de présenter ses observations.
En date du 23 novembre 2015, Monsieur … fut entendu par le commissaire du gouvernement adjoint sur les faits lui reprochés.
Par arrêté du 18 décembre 2015, le ministre suspendit Monsieur … de l’exercice de ses fonctions à partir de la date de l’arrêté en question et pendant tout le cours de la procédure disciplinaire ordonnée à son encontre jusqu’à la décision définitive.
Le 26 janvier 2016, le commissaire du gouvernement adjoint rédigea un rapport d’instruction dans l’affaire disciplinaire menée à l’encontre de Monsieur … et proposa qu’il y aurait lieu de sanctionner les faits établis par l’instruction disciplinaire par une sanction plus sévère que celle de l’avertissement, la réprimande ou l’amende ne dépassant pas le cinquième d’une mensualité brute du traitement de base, de sorte à suggérer la transmission du dossier au Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat, ci-après dénommé le « Conseil de discipline ».
Le Conseil de discipline se déclara régulièrement saisi du dossier disciplinaire et prononça le 24 mai 2016 à l’égard de Monsieur … la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office pour non-respect de la dignité des fonctions définie à l’article 10 du statut général.
Ladite décision a la teneur suivante :
« Vu le dossier constitué à charge d'’ … par le commissaire du Gouvernement adjoint chargé de l'instruction disciplinaire, ci-après le commissaire du Gouvernement, saisi en application de l'article 56.2 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat, ci-après le statut général, par lettre du Ministre de l'Éducation nationale, de l'Enfance et de la Jeunesse du 9 novembre 2015 d'une instruction disciplinaire à charge d' … et transmis pour attribution au Conseil de discipline, ci-après le Conseil, par courrier du 12 février 2016.
Vu le rapport d'instruction dressé en date du 26 janvier 2016.
A l'audience publique du Conseil du mardi, 22 mars 2016, après rapport oral du président du Conseil conformément à l'article 65, alinéa 2 du statut général, … fut entendu en ses explications et moyens de défense et le délégué du Gouvernement, Marc LEMAL, en ses conclusions. Celui-ci a conclu à la révocation d' …, sauf par celui-ci de rapporter la preuve qu'il avait entre-temps abandonné toute consommation de stupéfiants.
L'affaire fut alors contradictoirement remise au 12 avril 2016 pour permettre à … de compléter le dossier par des pièces documentant qu'il aurait définitivement arrêté, comme il l'avait soutenu, sa consommation de stupéfiants et notamment par une analyse capillaire permettant de retracer son abstinence de stupéfiants au cours des derniers mois.
A l'audience publique du 12 avril 2016, Maître Laurent LENERT, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg s'est présenté avec … à l'audience et a demandé la refixation de l'affaire.
L'affaire a été refixée au 26 avril 2016. A cette audience, Maître Laurent LENERT a développé les moyens de défense d' …. Le délégué du Gouvernement, Marc LEMAL a maintenu ses conclusions, les pièces versées en cause n'étant pas probantes. … a eu la parole en dernier.
Le Conseil est régulièrement saisi de l'affaire par lettre du commissaire du Gouvernement du 12 février 2016, conformément aux dispositions de l'article 56, paragraphe 5, du statut général.
Il est reproché à … qui est instituteur du régime préparatoire au Lycée technique … d'avoir consommé des stupéfiants à l'intérieur du Lycée.
Lors de débats devant le Conseil, le fonctionnaire a admis la matérialité des faits lui reprochés et est en aveu d'avoir consommé de la cocaïne dans les toilettes du Lycée, pendant les heures de cours, en date des 5, 6 et 7 octobre 2015.
En consommant des stupéfiants à l'intérieur du lycée, … a manqué à ses obligations définies à l'article 10, paragraphe 1., alinéa 1 du statut général qui impose à tout fonctionnaire d'éviter, dans l'exercice comme en dehors de l'exercice de ses fonctions, tout ce qui peut porter atteinte à la dignité de ces fonctions, donner lieu à scandale et compromettre les intérêts du service public. Il a encore violé l'article 9, paragraphe 1., du statut général qui dispose que tout fonctionnaire doit se conformer consciencieusement aux lois et règlements qui déterminent les devoirs que l'exercice de ses fonctions lui impose.
Aux termes de l'article 53 dudit statut, l'application des sanctions se règle notamment d'après la gravité de la faute commise, la nature et le grade des fonctions et les antécédents du fonctionnaire inculpé. Elles peuvent être appliquées cumulativement.
… est instituteur du régime préparatoire au Lycée technique …. Il est entré en service le 1er septembre 2005. Aucun antécédent disciplinaire n'est consigné dans son dossier jusqu'à l'heure actuelle. Suivant arrêté ministériel du 18 décembre 2015, il a été suspendu de l'exercice de ses fonctions dans le cadre de la présente affaire disciplinaire.
Les manquements retenus à charge d' … sont gravissimes et ont porté préjudice à l'image du service public, un fonctionnaire auquel sont confiés des étudiants et qui est chargé de véhiculer les valeurs de l'enseignement, ayant consommé des stupéfiants dans l'école pendant les heures des cours et ayant ainsi commis dans cette enceinte des faits pénalement répréhensibles.
Les pièces produites par … pour documenter qu'il aurait définitivement arrêté à l'heure actuelle sa consommation de stupéfiants, n'emportent pas la conviction du Conseil étant donné que les analyses d'urine versées en cause mentionnent expressément que « le laboratoire ne peut pas garantir l'identité, ni l'intégralité de l'échantillon urinaire remis par le patient ».
Le Conseil prend en considération les certificats médicaux versés par … et attestant qu'il est en traitement psychiatrique depuis plusieurs mois ainsi que les attestations testimoniales établies par plusieurs enseignants pour décrire et louer l'engagement et les aptitudes professionnelles de leur collègue de travail.
Le Conseil retient néanmoins que les manquements d' …, contraires à la loi pénale et à la dignité attachée aux fonctions d'instituteur, sont incompatibles avec l'exercice des fonctions d'enseignant qui est en contact journalier avec des étudiants mineurs auxquels il doit donner l'exemple et apprendre le sens des responsabilités.
De surcroît, l'autorité d'un enseignant dont il est incertain qu'il a définitivement arrêté la consommation de stupéfiants, risque d'être mise en cause à tout moment et sa mission éducative paraît définitivement vouée à l'échec au vu des actes qu'il a commis, de même que la réputation, voire la crédibilité de tout l'enseignement public se trouvent gravement menacées du moment que des enfants mineurs continuent à être confiés à un enseignant qui a consommé de la cocaïne pendant les heures de cours dans l'enceinte du lycée où il est censé enseigner des étudiants.
Dans ces conditions, la relation de confiance que l'Etat doit pouvoir avoir dans son personnel enseignant est définitivement rompue à l'égard d' … et le Conseil décide en conséquence de prononcer la sanction disciplinaire prévue à l'article 47.9. du statut général, à savoir la mise à la retraite d'office pour non-respect de la dignité des fonctions définie à l'article 10 du statut général.
PAR CES MOTIFS :
le Conseil de discipline, siégeant en audience publique, statuant contradictoirement, le fonctionnaire et son conseil entendus en leurs explications et moyens de défense et le délégué du Gouvernement en ses conclusions, prononce à l'égard d' … la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d'office pour non-respect de la dignité des fonctions définie à l'article 10 du statut général des fonctionnaires de l'Etat ; ».
Par arrêté grand-ducal du 1er juillet 2016, Monsieur … fut mis à la retraite d’office pour non-respect de la dignité des fonctions, avec effet à partir du 1er juillet 2016, en considération de la décision précitée du Conseil de discipline du 24 mai 2016.
Par une première requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 1er août 2016, inscrite sous le numéro 38269 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du Conseil de discipline du 24 mai 2016.
Par une deuxième requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 2 août 2016, inscrite sous le numéro 38282 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de l’arrêté grand-ducal précité du 1er juillet 2016.
Par deux autres requêtes également déposées respectivement en dates des 1er et 2 août 2016, inscrites sous les numéros 38270 et 38283 du rôle, Monsieur … a fait introduire deux requêtes en sursis à exécution relatives à la décision précitée du Conseil de discipline du 24 mai 2016, respectivement à l’arrêté grand-ducal précité du 1er juillet 2016. Ces demandes furent déclarées justifiées par une ordonnance présidentielle du 9 août 2016, inscrite sous les numéros 38270 et 38283 du rôle, de sorte qu’il a été sursis à l’exécution de la décision du Conseil de discipline du 24 mai 2016 et à l’arrêté grand-ducal du 1er juillet 2016, en attendant que le tribunal administratif se soit prononcé sur le mérite des recours au fond, inscrits sous les numéros 38269 et 38282 du rôle.
Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il convient de joindre les deux recours au fond précités, inscrits sous les numéros 38269 et 38282 du rôle, pour les toiser par un seul et même jugement.
I.
Recours contre la décision du Conseil de discipline L’article 54, paragraphe 2 du statut général prévoyant un recours au fond contre les décisions du Conseil de discipline prononçant une sanction disciplinaire à l’encontre d’un fonctionnaire, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation.
Le recours en réformation est encore à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours, et en fait, Monsieur … admet avoir consommé de la cocaïne pendant les heures de cours dans les toilettes de l’établissement scolaire dans lequel il enseignait, et ce, en dates des 5, 6 et 7 octobre 2015. Tout en reconnaissant que les faits en question sont « d’une gravité élevée » et en déclarant ne pas avoir l’intention de « minimiser la gravité des faits commis par [lui] », Monsieur … relève que sa consommation de produits illicites n’aurait été découverte que par d’autres membres du personnel éducatif, en insistant sur le fait que les élèves n’auraient à aucun moment été directement confrontés auxdits faits.
Par ailleurs, Monsieur … précise que la direction de l’établissement scolaire, au sein duquel il enseignait, n’aurait pas communiqué aux élèves la raison réelle de son absence.
Au vu de ces éléments, et tout en acceptant que les faits en question mériteraient « une sanction certaine », le demandeur estime néanmoins que la sanction finalement retenue par le Conseil de discipline et par le Grand-Duc serait trop sévère, de sorte qu’il estime devoir bénéficier d’une sanction « moins sévère » et ce, en raison, d’une part, de son aveu quant aux faits en question et du « redressement de sa situation personnelle », en ce qu’il aurait entamé une thérapie psychiatrique, de deuxième part, de ses compétences professionnelles et humaines qui auraient été reconnues de manière « extrêmement élogieuse » par toute personne l’ayant côtoyé, et, de troisième part, de son « engagement exemplaire pour ses étudiants » qui aurait également été souligné, à de nombreuses reprises, par ses collègues enseignants. Il se réfère, à cet égard, à plusieurs attestations testimoniales produites par lui à l’appui du présent recours.
Monsieur … se réfère encore à son courrier du 16 novembre 2015 dans lequel il aurait, à nouveau, exposé son attachement particulier à la profession d’enseignant et, s’il admet que son comportement pourrait être de nature à ternir l’image du service public, il conteste néanmoins qu’en l’espèce, un quelconque préjudice ait été réellement porté à ladite image du fait que les faits litigieux seraient restés inconnus, à l’exception de la circonstance que certains fonctionnaires, d’ailleurs soumis à un devoir de réserve, auraient pu en prendre connaissance dans le cadre de leur activité professionnelle. Le demandeur ajoute qu’à l’heure actuelle, il ne s’adonnerait plus à la consommation de stupéfiants, tel que cela ressortirait d’un rapport d’expertise toxicologique du Laboratoire national de santé du 28 juin 2016. Enfin, il fait état de ses compétences professionnelles qui seraient unanimement reconnues, ainsi que de l’absence totale d’antécédents disciplinaires.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement conclut à la confirmation de la sanction retenue par le Conseil de discipline dans sa décision du 24 mai 2016, en soutenant que l’exercice de la fonction d’enseignant à titre de professeur, fonctionnaire de l’Etat, ne se concevrait qu’en cas d’amendement total de l’intéressé par rapport à la consommation de substances dont l’usage est pénalement répréhensible, de sorte qu’afin de satisfaire à l’article 10, paragraphe 1er du statut général, ledit fonctionnaire devrait éviter tout fait, tant au cours de l’exercice de ses fonctions qu’en-dehors de celles-ci susceptible d’être qualifié d’infraction pénale, telle la consommation de cocaïne. Tout en reconnaissant que le demandeur aurait fait des efforts considérables afin de retrouver un équilibre, le délégué du gouvernement estime que le Conseil de discipline ne serait pas autorisé à prendre en considération l’adéquation de la peine disciplinaire par rapport à des éléments d’ordre purement humain « à titre de considérations d’équité » et ce, à partir du moment où les faits litigieux seraient qualifiés d’infractions pénales. En outre, il est d’avis que la sanction retenue par le Conseil de discipline serait appropriée par rapport aux faits de l’espèce, et ce, d’autant plus que malgré l’offre lui faite par le Conseil de discipline de rapporter la preuve qu’il aurait durablement renoncé aux drogues, il n’aurait versé qu’une analyse d’urine, au lieu de l’analyse de cheveux sollicitée par le Conseil de discipline, analyse d’urine à partir de laquelle il n’aurait pas été possible de savoir si c’était la sienne. Il devrait donc en être conclu qu’au jour de la décision du Conseil de discipline, il n’aurait pas été établi avec certitude que le demandeur avait définitivement renoncé à la consommation de drogues, de sorte que le Conseil de discipline n’aurait eu d’autre choix que de prononcer soit la mise à la retraite d’office, soit la révocation. Au vu des faits ainsi retracés par le représentant gouvernemental, celui-ci estime que le demandeur serait malvenu de contester actuellement la décision du Conseil de discipline, alors qu’il aurait eu la possibilité de fournir la preuve requise par celui-ci pour établir qu’il n’était plus un consommateur de drogues. Enfin, en ce qui concerne le rapport d’expertise toxicologique du 28 juin 2016, versé comme pièce numéro 8 de la farde de pièces annexée au recours sous examen, le délégué du gouvernement relève que cette expertise devrait être relativisée, du fait qu’elle ne porterait que sur la durée d’un mois, c’est-à -dire sur une longueur d’un centimètre de cheveux analysés, de sorte qu’elle ne serait pas de nature à démontrer que le demandeur aurait définitivement renoncé à la consommation de drogues.
Dans son mémoire en réplique, Monsieur … rappelle avoir reconnu « son erreur » dès le début de l’instruction disciplinaire menée à son encontre et n’avoir jamais tenté de minimiser la gravité des faits lui reprochés. Ainsi, il aurait été parfaitement conscient du fait qu’un enseignant devrait faire preuve d’un comportement exemplaire vis-à -vis de ses élèves et qu’il devrait éviter toute attitude de nature à nuire à l’image de sa profession. Etant passionné par sa profession, il regretterait profondément les faits lui reprochés dans le cadre de la présente instance disciplinaire, qui se seraient déroulés au début du mois d’octobre 2015. Il entend justifier les faits litigieux par le fait qu’au cours de la période litigieuse, il aurait traversé une période très difficile de sa vie, proche du « burn-out ». Tout en étant conscient du fait que cette circonstance ne saurait être de nature à excuser entièrement ses actes, il déclare s’être laissé convaincre par une personne proche que la prise de cocaïne lui permettrait de maintenir l’efficacité de son travail tout en luttant contre l’épuisement dont il aurait souffert « depuis un certain temps ». Il déclare ainsi que ce n’aurait pas été « par plaisir » qu’il aurait consommé ces substances illicites, mais dans un état de « profond désespoir » afin de faire face à de « multiples défis dans le cadre de sa vie professionnelle et privée ». Il rappelle, encore une fois, que les faits litigieux auraient été découverts par certains membres du personnel de l’établissement et non par des élèves, de sorte que ces derniers n’auraient à aucun moment appris l’existence des faits en question qui se seraient déroulés « en parfaite discrétion ».
Le demandeur fait encore état de ce que par jugement de la chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 6 octobre 2016, il a été condamné à des travaux d’intérêt général de 120 heures, cette peine ayant été prononcée en raison de la prise en considération de son repentir certain, des efforts entrepris par lui depuis les faits, ainsi que de l’absence de préjudice pour la réputation de la profession qu’il exerçait.
Au vu de l’ensemble des éléments relevés ci-avant, le demandeur estime qu’il y aurait lieu d’en conclure à une absence d’atteinte à l’image de la profession exercée par lui du fait de son comportement.
En ce qui concerne la mise en doute par le délégué du gouvernement dans son mémoire en réponse de son amendement total par rapport à la consommation de stupéfiants, le demandeur soutient que celui-ci serait établi en cause, tel que cela ressortirait des rapports d’expertise des 28 juin, 23 septembre et 15 décembre 2016 dont il y aurait lieu de tirer la conclusion qu’il n’aurait consommé une quelconque substance prohibée depuis le mois de mai 2016. Il y aurait partant lieu d’en conclure qu’il n’existerait plus aucune dépendance aux drogues dans son chef.
Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement insiste sur la gravité et la répétition des faits établis à charge du demandeur qui seraient manifestement indignes d’un enseignant et dont il y aurait lieu de conclure que le demandeur aurait causé un préjudice à la dignité de sa fonction d’instituteur du régime préparatoire, étant donné que son comportement l’aurait disqualifié à pouvoir enseigner à des adolescents et à leur communiquer les valeurs inhérentes à l’enseignement public.
Il estime encore que le fait que les agissements du demandeur aient été découverts non pas par les élèves eux-mêmes, mais par des membres du personnel éducatif ne saurait minimiser la gravité de ses actes, étant donné que le demandeur se serait adonné, à plusieurs reprises, à la consommation de produits psychotropes dans des lieux accessibles aux élèves et exposant ces derniers au risque de découvrir son comportement illégal.
Enfin, en ce qui concerne la preuve que le demandeur ne consommerait plus de drogues à l’heure actuelle, le délégué du gouvernement soutient que celui-ci aurait refusé d’apporter au Conseil de discipline une preuve fiable afin d’établir l’absence de consommation d’une quelconque substance prohibée au jour de la prise de la décision litigieuse du Conseil de discipline, de sorte que ce dernier se serait trouvé dans l’impossibilité de vérifier l’existence d’un amendement total. En outre, et même à supposer que les rapports d’expertise toxicologique supplémentaires versés par le demandeur à l’appui du recours sous examen soient de nature à établir l’absence de la consommation de substances prohibées par le demandeur, une telle situation de fait ne saurait établir avec certitude que de tels faits ne se répèteraient pas à l’avenir.
Force est tout d’abord au tribunal de constater que les parties sont en accord quant à la matérialité des faits reprochés au demandeur, à savoir que ce dernier a consommé de la cocaïne dans les toilettes du Lycée technique …, pendant les heures de cours, en date des 5, 6 et 7 octobre 2015.
L’article 9 du statut général dispose dans son paragraphe 1, premier alinéa que « le fonctionnaire est tenu de se conformer consciencieusement aux lois et règlements qui déterminent les devoirs que l’exercice de ses fonctions lui imposent » et l’article 10 du même statut général dispose dans son paragraphe 1, premier alinéa, que « le fonctionnaire doit, dans l’exercice comme en dehors de l’exercice de ses fonctions, éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à la dignité de ces fonctions ou à sa capacité de les exercer, donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service public. ».
Les parties sont également en accord pour retenir que les faits dont la matérialité a été retenue ci-avant constituent des violations des prescriptions énoncées à l’article 9, paragraphe 1, et 10, paragraphe 1, alinéa 1er du statut général.
Le seul désaccord existant entre les parties à l’instance a trait à la proportionnalité de la sanction infligée au demandeur qui estime qu’une sanction moins grave aurait pu être prise à son égard. A ce titre, force est au tribunal de constater qu’aux termes de l’article 53, alinéa 1er du statut général « l’application des sanctions se règle notamment d’après la gravité de la faute commise, la nature et le grade des fonctions et les antécédents du fonctionnaire inculpé ».
En l’espèce, il échet tout d’abord de constater qu’au jour de la commission des faits litigieux, le demandeur n’avait aucun antécédent disciplinaire. Il échet encore de relever que le demandeur est en aveu d’avoir commis les faits lui reprochés, et ce, au plus tard lors de l’instruction disciplinaire menée par le commissaire du gouvernement adjoint. Par ailleurs, le demandeur, parfaitement conscient de la gravité des faits commis par lui, a non seulement fait preuve d’un repentir sincère mais a également entamé avec succès une thérapie dans le but d’arrêter sa consommation de stupéfiants, qui, tel que cela ressort d’un rapport d’expertise toxicologique du 16 mars 2017 versé par lui et discuté contradictoirement lors des plaidoiries, a abouti au résultat qu’il ne présentait, à la date dudit rapport, pas d’indication d’une consommation régulière de différents types de stupéfiants, dont la cocaïne, et ce, durant une période d’environ 3,5 mois « avant la coupe des cheveux », ce rapport confirmant (1) un rapport d’expertise toxicologique du 6 juillet 2016 suivant lequel il n’existait pas dans le chef du demandeur une indication d’une consommation régulière de cocaïne pendant une période d’environ un mois « avant la coupe de cheveux », (2) un rapport d’expertise toxicologique du 23 septembre 2016 suivant lequel il n’existait pas dans le chef du demandeur la preuve d’une consommation régulière notamment de cocaïne pendant une période d’environ deux mois « avant la coupe de cheveux », ainsi que (3) un rapport d’expertise toxicologique du 15 décembre 2016, suivant lequel il n’existait pas dans le chef du demandeur une indication d’une consommation régulière notamment de cocaïne pendant une période d’environ trois mois « avant la coupe des cheveux ». Sur base des éléments ainsi relevés, il échet partant de conclure que la thérapie entamée par le demandeur en vue d’abandonner toute consommation de stupéfiants a été menée avec succès par lui, de sorte qu’a priori il n’existe pas de risque, à l’heure actuelle, qu’il s’adonne à nouveau à la consommation de stupéfiants laquelle fût, par ailleurs, limitativement circonscrite dans le temps pour avoir présenté un élément de conjoncture lié à une période de la vie du demandeur durant laquelle il fut en proie à « un profond désespoir » en raison de « multiples défis dans le cadre de sa vie professionnelle et privée ».
A cela s’ajoute que non seulement le directeur adjoint responsable de la gestion de l’annexe « … » du Lycée technique …, mais également le directeur dudit lycée, celui-ci s’étant rallié à l’appréciation des qualités professionnelles du demandeur effectuée par son directeur adjoint, sont d’accord pour reconnaître de hautes compétences professionnelles dans le chef du demandeur, ce qui est d’ailleurs confirmé par des attestations testimoniales des 27 novembre 2015, 29 novembre 2015 et 1er décembre 2015, établies par d’autres membres du personnel enseignant du Lycée technique ….
Enfin, il échet de relever qu’il ne ressort d’aucun élément du dossier administratif ni de l’instruction disciplinaire menée à l’encontre du demandeur que l’un quelconque des faits commis par lui au cours de la période litigieuse n’a été porté à la connaissance ni du public ni des élèves de l’établissement scolaire où il a enseigné. Une atteinte à l’image de l’établissement scolaire en question, voire à l’éducation publique en général ne saurait partant être retenue.
En ce qui concerne la proportionnalité de la décision déférée du Conseil de discipline et partant l’adéquation de la sanction à appliquer par rapport aux faits retenus, force est de retenir, au regard des circonstances de l’affaire, que les faits reprochés au demandeur sont d’une gravité certaine, ce qui est d’ailleurs reconnu comme tel par ce dernier, mais qu’au vu des considérations qui précèdent, il n’y a pas lieu de faire application à l’égard du demandeur de la sanction de la mise à la retraite d’office, mais de celle de l’exclusion temporaire des fonctions avec privation totale de la rémunération pour une période de trois mois, sanction plus adéquate et appropriée aux faits de l’espèce.
Il suit partant des considérations qui précèdent et de la gravité de la faute commise par le demandeur, ainsi que des éléments relevés ci-avant, qu’il y a lieu de réformer la décision du Conseil de discipline du 24 mai 2016 en infligeant au demandeur la sanction disciplinaire de l’exclusion temporaire des fonctions avec privation totale de rémunération pour une période de trois mois.
II.
Recours contre l’arrêté grand-ducal du 1er juillet 2016 Conformément à l’article 52 du statut général, « l’autorité de nomination est tenue d’appliquer la sanction disciplinaire conformément à la décision du Conseil de discipline visée à l’article 70 [du statut général] (…). ».
L’arrêté grand-ducal déféré du 1er juillet 2016 s’analyse ainsi en une décision d’application de la sanction disciplinaire prise conformément à la décision du Conseil de discipline du 24 mai 2016.
Aucun recours en réformation n’étant prévu contre l’arrêté d’application de la sanction disciplinaire pris par le Grand-Duc, seul un recours en annulation a pu être introduit contre l’arrêté litigieux du 1er juillet 2016.
Le recours en annulation ainsi introduit par le demandeur est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours dirigé contre l’arrêté grand-ducal du 1er juillet 2016, et dans l’espoir que la décision précitée du Conseil de discipline du 24 mai 2016 soit réformée par le tribunal et remplacée par une sanction disciplinaire moins sévère que celle retenue par celui-ci, le demandeur conclut à l’annulation de l’arrêté grand-ducal litigieux.
Au vu des conclusions tirées par le tribunal ci-avant quant à la décision précitée du Conseil de discipline du 24 mai 2016, il y a lieu de procéder à l’annulation de l’arrêté grand-ducal du 1er juillet 2016 en ce que celui-ci a prononcé à tort la sanction disciplinaire de la mise à la retraite office à l’égard du demandeur.
Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
prononce la jonction des deux recours introduits sous les numéros 38269 et 38282 du rôle ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision du Conseil de discipline du 24 mai 2016 ;
au fond, le dit justifié, partant, par réformation de la décision du Conseil de discipline du 24 mai 2016, prononce à l’égard de Monsieur … la sanction disciplinaire de l’exclusion temporaire des fonctions avec privation totale de rémunération pour une période de 3 mois et renvoie le dossier en prosécution de cause au ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse ;
reçoit en la forme le recours en annulation dirigé contre l’arrêté grand-ducal du 1er juillet 2016 ;
au fond, le dit justifié, partant annule l’arrêté grand-ducal du 1er juillet 2016 ayant prononcé à l’égard de Monsieur … la mise à la retraite d’office ;
condamne l’Etat aux frais, y compris ceux se dégageant de la procédure de référé administratif.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Anne Gosset, premier juge, Olivier Poos, premier juge, et lu à l’audience publique du 23 mai 2017 par le premier vice-président, en présence du greffier Marc Warken.
s. Marc Warken s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 24 mai 2017 Le greffier du tribunal administratif 11