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16/05/2017 | LUXEMBOURG | N°34411

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 mai 2017, 34411


Tribunal administratif Numéro 34411 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 avril 2014 4e chambre Audience publique du 16 mai 2017 Recours formé par la société à responsabilité limitée … s.à r.l., … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu des collectivités

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34411 du rôle et déposée le 23 avril 2014 au greffe du tribunal administratif par l

a société à responsabilité limitée … s.à r.l., établie et ayant son siège social à L-…, représe...

Tribunal administratif Numéro 34411 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 avril 2014 4e chambre Audience publique du 16 mai 2017 Recours formé par la société à responsabilité limitée … s.à r.l., … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu des collectivités

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34411 du rôle et déposée le 23 avril 2014 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité limitée … s.à r.l., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son gérant actuellement en fonction, Dr. jur. …, portant recours contentieux dirigé contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 24 février 2014, inscrite sous le numéro C 19187 du rôle, portant rejet d’une réclamation introduite par elle contre le bulletin de fixation des avances pour l’année 2013, émis en date du 7 août 2013 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 septembre 2014 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 20 janvier 2015 par la société à responsabilité limitée … s.à r.l. ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Dr. jur. … en ses explications et Madame le délégué du gouvernement Caroline Peffer en sa plaidoirie.

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En date du 7 août 2013, le bureau d’imposition Sociétés 4 de l’administration des Contributions directes, dénommé ci-après le « bureau d’imposition », émit à l’encontre de la société à responsabilité limitée … s.à r.l., ci-après dénommée la «société …», un bulletin portant fixation des avances trimestrielles de l’impôt sur le revenu « pour l’année 2013 à partir de l’échéance du 10/09/2013 par trimestre » d’un montant de … euros et « à partir du 10/03/2014 par trimestre à » … euros.

Un extrait de compte au 11 octobre 2013 fut envoyé en date du même jour par le service de recette de l’administration des Contributions directes à la société …, afin de rappeler le non-

paiement d’une avance trimestrielle à payer pour l’année 2013 d’un montant de … euros.

Par courrier du 18 octobre 2013 adressé au bureau d’imposition, la société … sollicita notamment la suspension de l’exécution du bulletin précité du 7 août 2013.

Par courrier du 6 novembre 2013, réceptionné par l’administration des Contributions directes le lendemain, la société … introduisit une réclamation contre le bulletin précité du 7 août 2013, ladite réclamation ayant été enregistrée auprès de ladite administration sous le numéro C 19187 du rôle.

Par décision du 8 novembre 2013, le préposé du bureau d’imposition, en application du paragraphe 251 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée «Abgabenordnung», en abrégé « AO », rejeta comme non fondée la demande précitée du 18 octobre 2013, en refusant ainsi d’accorder une suspension à l’exécution du bulletin précité du 7 août 2013, au motif que la réclamation introduite par le courrier précité du 6 novembre 2013 n’avait pas assez de chances de succès.

En date du 12 novembre 2013, la société … introduisit auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé le « directeur », un recours hiérarchique formel contre la décision précitée du préposé du bureau d’imposition du 8 novembre 2013, qui fut inscrit sous le numéro C 19242 du rôle.

Le recours hiérarchique ainsi introduit en date du 12 novembre 2013 fut rejeté par une décision du directeur du 4 décembre 2013, inscrite sous le numéro C 19242 du rôle, au motif que la réclamation introduite en date du 6 novembre 2013 contre bulletin précité du 7 août 2013 n’avait pas assez de chances de succès.

Par décision du 24 février 2014, le directeur rejeta la réclamation précitée du 6 novembre 2013 comme n’étant pas fondée, cette décision portant le numéro C 19187 du rôle.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 avril 2014, la société … a fait introduire un recours contentieux dirigé contre la décision directoriale précitée du 24 février 2014.

A l’audience des plaidoiries, le tribunal a soulevé d’office la question de savoir si le mémoire en réplique déposé par la demanderesse au greffe du tribunal administratif en date du 20 janvier 2015 avait été introduit dans les délais légaux.

Les représentants des parties à l’instance n’ont pas spécifiquement pris position par rapport à la question ainsi soulevée d’office.

En vertu de l’article 5, paragraphe (5) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, dénommée ci-après la « loi du 21 juin 1999 », « le demandeur peut fournir une réplique dans le mois de la communication de la réponse ; (…) », le paragraphe (6) du même article 5 retenant que le délai ainsi fixé est prévu « à peine de forclusion ».

En l’espèce, il échet de constater que le mémoire en réponse de la partie gouvernementale a été déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 septembre 2014, de sorte qu’il échet d’en conclure que le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 20 janvier 2015 a manifestement été déposé en dehors du délai légal tel que fixé par l’article 5 de la loi du 21 juin 1999, de sorte qu’il y a lieu de l’écarter des débats.

Il échet tout abord de constater que dans la requête sous examen, la demanderesse n’a pas indiqué le type de recours qu’elle a entendu introduire contre la décision directoriale précitée du 24 février 2014. Toutefois, l’indication, dans la requête introductive d’instance, qu’il s’agit d’un recours en réformation ou en annulation, n’est pas exigée à peine de nullité par la loi1.

Lorsque la requête introductive d’instance omet d’indiquer si le recours tend à la réformation ou à l’annulation de la décision critiquée, il y a lieu d’admettre que le demandeur a entendu introduire le recours admis par la loi2.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 AO et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation introduite contre un bulletin de la fixation des avances trimestrielles de l’impôt sur le revenu des collectivités. Il y a partant lieu d’admettre que la demanderesse a entendu introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision déférée et le tribunal est partant compétent pour connaître d’un tel recours en réformation.

Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours, en ce qu’il tendrait à l’obtention d’un sursis à exécution. Or, à la lecture de la requête sous examen, il y a lieu de constater qu’une telle demande n’y figure pas, la seule demande pouvant avoir été, à tort, interprétée ainsi par le délégué du gouvernement est celle qui tend à l’effet suspensif du recours pendant le délai et l’instance d’appel, telle qu’évoquée au dernier alinéa de la page 2 du recours sous examen. Or, une telle demande ne saurait, à ce stade de l’examen de la cause, être examinée ni du point de vue de sa recevabilité ni du point de vue surtout de son bien-fondé. Le moyen d’irrecevabilité est partant à rejeter comme non fondé.

Aucun autre moyen d’irrecevabilité n’ayant été soulevé en cause, le recours sous examen est à déclarer recevable pour avoir été introduit, par ailleurs, dans les formes et délai de la loi.

Il échet tout d’abord de constater qu’à l’appui de son recours, la demanderesse critique la décision directoriale sous examen du 24 février 2014, en ce qu’elle n’a pas fait droit à sa réclamation tendant à l’annulation du bulletin de fixation des avances précité du 7 août 2013, et ce, au regard, d’une part, qu’un impôt minimal lui serait imposé, alors même qu’au cours de l’année d’imposition litigieuse 2013, elle n’aurait pas fait de bénéfices et, d’autre part, qu’elle se sentirait discriminée par rapport aux personnes naturelles qui n’auraient pas été soumises à un tel impôt minimal pour l’année d’imposition en question.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours, en soutenant que celui-ci contiendrait des contestations qui seraient prématurées, étant donné que la fixation des avances faite en application de l’article 135 de la loi modifiée de l’impôt sur le revenu du 4 décembre 1967, ci-après dénommée la « LIR », aurait un effet essentiellement provisoire et ne préjugerait en rien de l’impôt à établir ultérieurement par voie d’assiette. Ainsi, une telle fixation des avances contribuerait tout au plus à la préparation de la décision finale. Pour le surplus, le représentant gouvernemental estime que les contestations soulevées par la partie demanderesse 1 trib. adm. 20 décembre 2000, n° 12192 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Recours en réformation, n° 7 et les autres références y citées.

2 trib. adm. 18 janvier 1999, n° 10760 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Recours en réformation, n° 7 et les autres références y citées.

sembleraient viser essentiellement l’impôt minimal tel que prévu par l’article 174, paragraphe (6), n° 2 LIR. Or, il y aurait lieu de constater qu’au jour du dépôt du mémoire en réponse, aucun bulletin d’impôt portant fixation d’un impôt minimal pour l’année 2013 n’aurait été émis à l’égard de la demanderesse et qu’à la même date, celle-ci n’aurait pas encore remis ses déclarations de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal pour la même année 2013, de sorte que le montant des impôts à payer pour cet exercice n’aurait pas encore été fixé ni connu à cette date. Au vu de l’ensemble des éléments repris ci-avant, il y aurait partant lieu de retenir le caractère provisoire des avances telles que se dégageant du bulletin précité du 7 août 2013 entraînant que les contestations soulevées par la demanderesse ne sauraient être tranchées dans le cadre du présent recours, mais seulement à un stade ultérieur, dans le cadre d’une réclamation qui pourrait être introduite contre le bulletin d’impôt définitif.

Les bulletins d’avances, malgré leur caractère préparatoire, sont susceptibles de causer un préjudice au contribuable. Certes, les avances ne sont que des acomptes à faire valoir sur la cote d’impôt fixée plus tard et elles seront le cas échéant remboursées à l’occasion de l’émission du bulletin d’imposition définitif. Toutefois, l’émission du bulletin se fait avec un décalement certain dans le temps. Dès lors, la fixation d’avances trop élevée donne lieu pour le contribuable à un préjudice contre lequel il doit pouvoir se défendre. Ainsi, en matière d’avances, l’administration doit justifier ses prévisions avec les éléments dont elle dispose sans procéder à des vérifications approfondies ni retenir des faits dont le contribuable conteste sérieusement la réalité ou la portée, étant précisé que les recours contre les bulletins fixant des avances présentent un caractère subsidiaire destiné à régler les seuls cas de figure ne posant manifestement pas de difficultés majeures3.

Il suit partant de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter comme non fondées les conclusions gouvernementales tendant à voir constater le caractère prématuré des contestations soulevées par la partie demanderesse.

En droit, la partie demanderesse soutient tout d’abord que la décision directoriale déférée n’indiquerait pas avec suffisamment de précision les motifs sur lesquels le directeur s’est basé pour prendre la décision en question, de sorte qu’elle aurait été mise dans l’impossibilité de prendre position en détail sur cette dernière. Elle estime que ce constat devrait entraîner l’annulation de la décision directoriale en question.

Le délégué du gouvernement n’a pas pris position par rapport à ce premier moyen soulevé par la partie demanderesse.

Il échet tout d’abord de relever qu’à la base de ce premier moyen ayant trait à la légalité externe de la décision sous examen, la partie demanderesse n’a soulevé aucun texte de loi ou de règlement grand-ducal qui aurait été violé en l’espèce. Or, l’AO instaure un régime de procédures en matière d’impôts directs qui est considéré comme « réglementation exhaustive et respectueuse des droits du contribuable », qualification qui a motivé le législateur à exclure la « matière des contributions directes » auxquelles s’applique l’AO du champ d’application de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse et partant 3 Cour adm. 14 juillet 2009, n° 25437C du rôle, Pas. adm. 2016, V° Impôts, n° 364 et l’autre référence y citée.

de celui du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes4.

Il échet encore de constater que l’AO ne contient aucune disposition spécifique quant à la motivation d’un bulletin portant fixation des avances à payer sur l’impôt sur le revenu des collectivités, étant encore relevé que le paragraphe 211 AO exigeant que certaines informations soient contenues dans les bulletins d’impôt, ne s’applique qu’à ces derniers, de sorte qu’à défaut pour un bulletin de fixation des avances de constituer un bulletin d’impôt proprement dit, il ne saurait être fait application dudit paragraphe 211 aux bulletins de fixation des avances, voire aux décisions directoriales prises sur réclamation dirigée contre ces bulletins, aucune obligation spécifique d’indiquer certains motifs dans les décisions directoriales en question ne figurant dans l’AO. Il s’ensuit que ce premier moyen est à rejeter pour ne pas être fondé.

Quant à la légalité interne de la décision directoriale sous examen, la demanderesse soutient que la décision en question violerait l’article 1er du Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, fait à Paris, le 20 mars 1952, tel qu’approuvé par la loi du 29 août 1953, et tel que modifié par le Protocole numéro 11 du 11 mai 1994, tel qu’approuvé par la loi du 5 juillet 1996, dénommé ci-après le « Protocole », en ce que l’application à son égard d’un impôt minimal aurait pour effet de porter atteinte à son droit de propriété, tel que protégé par l’article 1er précité.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce premier moyen tiré de la légalité interne de la décision directoriale sous examen, en soutenant que la fixation des avances au sens de l’article 135 LIR aurait un effet essentiellement provisoire et ne préjugerait en rien de l’impôt à établir ultérieurement par voie d’assiette, de sorte que les critiques formulées actuellement par la partie demanderesse seraient prématurées et sans objet, étant donné que les avances ainsi fixées ne seraient pas de nature à constituer une ingérence dans le droit garanti par l’article 1er , paragraphe 1 du Protocole. Il estime ensuite que toutes les allégations de la demanderesse suivant lesquelles les avances fixées auraient un caractère confiscatoire manqueraient elles aussi « de sens », du fait que l’impôt minimal n’aurait que le caractère d’une avance, et ce, aux termes de l’article 174, alinéa 6 LIR. Ainsi, même à supposer qu’un bulletin d’impôt portant fixation d’un impôt minimal pour l’année 2013 aurait été émis à l’encontre de la demanderesse, cet impôt minimal serait à assimiler à un acompte sur l’impôt des années à venir, imputable partant sur les cotes d’impôt futures. Pour le surplus, la partie gouvernementale soutient que la lecture que la demanderesse ferait de l’article 1er du Protocole serait erronée, et plus particulièrement en ce qui concernerait le sens à attribuer à son paragraphe 2, de sorte que les critiques y relatives seraient à rejeter comme n’étant pas fondées.

En ce qui concerne les critiques que la demanderesse aurait implicitement invoquées contre l’article 174, paragraphe (6), numéro 2 LIR, tel qu’introduit par l’article 2 de la loi du 21 décembre 2012, la partie gouvernementale soutient que cette disposition légale aurait élargi le périmètre de l’impôt minimal en matière d’impôt sur le revenu des collectivités dans le but de réduire ainsi le déséquilibre budgétaire par des adaptations fiscales ponctuelles destinées à générer des recettes additionnelles.

4 Cour adm. 14 juillet 2009, n° 25366C du rôle, Pas. adm. 2016, V° Impôts, n° 579 et les autres références y citées.

Le délégué du gouvernement se réfère par la suite au paragraphe 2 de l’article 1er du Protocole pour soutenir que celui-ci prévoirait expressément le droit aux Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou amendes.

Or, il y aurait lieu de constater que l’article 174, paragraphe (6), numéro 2 LIR s’inscrirait parfaitement dans cet objectif, et ce, d’autant plus que ces principes seraient précisés par une loi qui aurait une finalité d’intérêt général. Le représentant gouvernemental estime encore que le principe de la proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi serait parfaitement respecté en l’espèce du fait que cet impôt minimal ne serait à considérer qu’en tant qu’acompte sur l’impôt des années à venir, de sorte à maintenir ainsi un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général et les impératifs de la sauvegarde des droits de l’homme, dont ferait partie le droit de propriété.

Le délégué du gouvernement se réfère en outre à un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 4 janvier 2008 (n° 25834/05 et 27 815/05, Imbert de Tremiolles) dans lequel la Cour aurait reconnu une marge d’appréciation des Etats afin de mettre en œuvre leur politique fiscale dans un but d’intérêt général, sans violer l’article 1er du Protocole.

Sur base de l’ensemble des considérations qui précèdent, le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen pour manquer de caractère sérieux.

L’article 135 LIR dispose que « 1. Le contribuable est tenu de payer des avances trimestrielles sur l’impôt à établir par voie d’assiette. L’échéance de ces avances est fixée aux 10 mars, 10 juin, 10 septembre et 10 décembre de l’année d’imposition.

2. Le montant de chaque avance est fixé, en principe, au quart de l’impôt qui, après imputation des retenues à la source, résulte de l’imposition établie en dernier lieu. A l’impôt établi en dernier lieu peut être substitué l’impôt qui résultera probablement de l’imposition pour l’année en cours.

3. Le montant des avances doit être modifié sur demande motivée du contribuable et peut être modifié d’office si l’administration dispose d’éléments justifiant une réduction ou une majoration (…). ».

Il découle de ces dispositions que les avances sont à fixer de manière à correspondre à la cote de l’impôt sur le revenu relative à l’année d’imposition la plus récente ou de celle qui résultera probablement de l’imposition pour l’année en cours, sauf si des éléments particuliers commandent la fixation à un montant différent. Ces éléments particuliers peuvent soit être connus du bureau d'imposition au moment de la fixation initiale des avances, soit être portés ultérieurement à sa connaissance par le contribuable ou autrement de manière à justifier une réduction des avances.5 Force est au tribunal de constater qu’aux termes de la décision directoriale déférée, les avances litigieuses ont, en l’espèce, été fixées sur base de l’impôt qui résulterait probablement de l’imposition pour l’année en cours au jour de leur fixation, à savoir l’année d’imposition 2013.

5 trib. adm. 22 août 2007, n° 22346 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Impôts, n° 365 et l’autre référence y citée.

L’article 174, paragraphe (6) LIR est libellé prévoit ce qui suit : « Par dérogation aux alinéas 1, 3 et 4, l’impôt sur le revenu des collectivités est fixé à 1. 3.000 euros au minimum pour les organismes à caractère collectif ayant leur siège social ou leur administration centrale au Luxembourg dans le chef desquels la somme des immobilisations financières, des créances sur des entreprises liées et sur des entreprises avec lesquelles l’organisme à caractère collectif a un lien de participation, des valeurs mobilières et des avoirs en banques, avoirs en comptes de chèques postaux, chèques et encaisse dépasse 90% du total du bilan et 350.000 euros.

Par immobilisations financières, créances sur des entreprises liées et sur des entreprises avec lesquelles l’organisme à caractère collectif a un lien de participation, valeurs mobilières et avoirs en banque, avoirs en comptes de chèques postaux, chèques et encaisse, il y a lieu d’entendre les biens qui sont ou seraient à comptabiliser aux comptes 23, 41, 50 et 51 du plan comptable normalisé. Pour l’application du présent numéro, les parts détenues dans des entreprises communes en général sont supposées être comptabilisées aux comptes 231 et 233 du plan comptable normalisé ;

2. 500 euros au minimum lorsque le total du bilan est inférieur ou égal à 350.000 euros, (…) pour les autres organismes à caractère collectif ayant leur siège social ou leur administration centrale au Luxembourg.

Par total du bilan, on entend le total du dernier bilan de clôture de l’année d’imposition.

Dans le chef des collectivités non soumises aux obligations comptables, le total du bilan correspond au total des biens qui seraient à porter à l’actif d’un bilan.

L’impôt minimum perçu au titre de cet alinéa est à traiter comme une avance sur la cote de l’impôt sur le revenu des collectivités des années à venir dans la mesure où il dépasse le montant de la cote d’impôt normale de l’année d’imposition. Par dérogation à l’article 154, alinéa 7, l’impôt minimum n’est pas remboursé au contribuable.

(…) Ne sont pas imputées sur l’impôt dû au titre d’une année d’imposition, fixé conformément aux dispositions du présent alinéa et majoré de la contribution au fonds pour l’emploi, la bonification d’impôt pour investissement au sens de l’article 152bis, la bonification d’impôt en cas d’embauchage de chômeurs au sens de la loi modifiée du 24 décembre 1996 portant introduction d’une bonification d’impôt sur le revenu en cas d’embauchage de chômeurs, la bonification d’impôt pour frais de formation professionnelle continue au sens de la loi modifiée du 31 juillet 2006 portant introduction d’un Code de Travail et la bonification d’impôt pour investissement en capital-risque au sens de l’Article VI de la loi modifiée du 22 décembre 1993 ayant pour objet la relance de l’investissement dans l’intérêt du développement économique. (…) ».

Cette disposition instaure donc un impôt sur le revenu des collectivités minimum, en distinguant entre les organismes à caractère collectif ayant leur siège social ou leur administration centrale au Luxembourg dans le chef desquels la somme des immobilisations financières, des créances sur des entreprises liées et sur des entreprises avec lesquelles l’organisme à caractère collectif a un lien de participation, des valeurs mobilières et des avoirs en banques, avoirs en comptes de chèques postaux, chèques et encaisse, dépasse 90% du total du bilan et 350.000 euros, d’une part, pour lesquels l’impôt sur le revenu des collectivités minimum s’élève à 3.000 euros, et les autres organismes à caractère collectif ayant leur siège social ou leur administration centrale au Luxembourg, d’autre part, pour lesquels le montant de l’impôt sur le revenu des collectivités minimum dépend du total du bilan, qui pour les collectivités soumises aux obligations comptables, telles que les sociétés commerciales, correspond au dernier bilan de clôture de l’année d’imposition. Pour la deuxième catégorie d’organismes collectifs, le montant le moins élevé de l’impôt sur le revenu des collectivités, dont sont redevables les organismes collectifs dont le total du bilan est inférieur à 350.000 euros, s’élève à 500 euros, cette somme étant majorée de la contribution au fonds pour l’emploi, qui, en application de l’article 7 (1) de la loi modifiée du 30 juin 1976 portant 1. création d´un fonds pour l´emploi; 2. réglementation de l´octroi des indemnités de chômage complet, équivaut à 7% « du montant qui se dégage de l’application des dispositions de l’article 174 [LIR] ». Dès lors, le montant annuel le moins élevé de l’impôt sur le revenu des collectivités minimum est de … euros.

Dans la mesure où il n’est pas soutenu en l’espèce que la demanderesse détient des immobilisations financières, des créances sur des entreprises liées et sur des entreprises avec lesquelles l’organisme à caractère collectif a un lien de participation, des valeurs mobilières et des avoirs en banques, avoirs en comptes de chèques postaux, chèques et encaisse dont la somme dépasse 90% du total du bilan et 350.000 euros, ni que le total de son bilan, au sens de l’article 174, paragraphe (6) LIR, ait dépassé la somme de 350.000 euros, la société en question est passible, au titre de l’année d’imposition 2013, d’un impôt sur le revenu des collectivités minimal à hauteur de … euros.

Au regard de ce qui a été relevé ci-avant, cette conclusion n’est pas énervée par l’affirmation de la partie demanderesse selon laquelle elle n’aurait pas fait de bénéfice imposable au titre de l’année 2013 en question.

En effet, le montant de l’impôt sur le revenu des collectivités minimal se dégageant de l’application de l’article 174, paragraphe (6), point 2 LIR est fixé en fonction du total du bilan de l’organisme collectif concerné, indépendamment de l’existence ou non, dans son chef, d’un revenu imposable pour l’année d’imposition en question.

Par ailleurs, l’article 174, paragraphe (6) LIR, cité in extenso ci-avant, dispose que « (…) L’impôt minimum perçu au titre de cet alinéa est à traiter comme une avance sur la cote de l’impôt sur le revenu des collectivités des années à venir dans la mesure où il dépasse le montant de la cote d’impôt normale de l’année d’imposition. Par dérogation à l’article 154, alinéa 7, l’impôt minimum n’est pas remboursé au contribuable (…) » et l’article 154, alinéa 1er LIR prévoit que « Sont imputés sur la créance d’impôt due au titre d’une année d’imposition (…) les avances versées pour l’année d’imposition précitée. », tandis que l’alinéa 7 du même article dispose que « Lorsque la créance d’impôt sur le revenu est inférieure à la somme des déductions prévues à l’alinéa premier, l’excédent payé est, dès la notification du bulletin, à imputer sur d’autres créances exigibles du même contribuable ou, à défaut, à rembourser d’office à ce dernier. » Il s’ensuit que l’impôt minimal perçu en vertu de l’article 174, paragraphe (6) LIR est à traiter comme une avance sur la cote de l’impôt sur le revenu des collectivités des années à venir dans la mesure où il dépasse le montant de la cote d’impôt normale de l’année d’imposition en question, étant précisé que, contrairement à une avance ordinaire, l’impôt minimal n’est pas remboursable à titre d’excédent payé sur la créance d’impôt sur le revenu pour les années d’imposition en question, par dérogation à l’article 154, alinéa 7 LIR. Par conséquent, l’impôt minimal fixé conformément aux dispositions de l’article 174, alinéa 6 LIR pour une année d’imposition donnée est dû, même dans l’hypothèse où il dépasse la cote normale de l’impôt sur le revenu des collectivités pour l’année en question.

Dès lors, le simple fait allégué que la société demanderesse n’ait pas généré de revenus en 2013 ne la rend pas exempte du paiement de l’impôt minimal prévu à l’article 174, paragraphe (6) LIR pour l’année d’imposition 2013.

Par conséquent, le tribunal est amené à retenir que, pour l’année d’imposition 2013, les avances litigieuses, d’un montant annuel total de … euros, ont été fixées de manière à correspondre à la cote de l’impôt sur le revenu résultant probablement de l’imposition pour l’année en cours au moment de leur fixation, conformément aux dispositions de l’article 135 LIR, de sorte que c’est a priori à bon droit que le directeur a rejeté la réclamation pour autant qu’elle vise la fixation des avances à payer par la société demanderesse au titre de l’année d’imposition 2013.

Cette conclusion n’est pas énervée par l’argumentation développée par la société demanderesse tirée de l’article 1er du Protocole libellé comme suit : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte aux droits que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes ».

En effet, la partie demanderesse n’a pas établi dans quelle mesure et pour quel motif l’impôt minimal ainsi rendu applicable, en tant qu’avance, notamment pour l’année d’imposition 2013 poursuivrait un intérêt contraire à l’intérêt général ou ne servirait pas le paiement des impôts qu’un Etat peut valablement collecter en application du paragraphe 2 de l’article 1er du Protocole. C’est partant à bon droit que le délégué du gouvernement soutient que la partie demanderesse n’a pas établi une violation du principe de proportionnalité, et ce, d’autant plus que l’impôt ainsi collecté par l’Etat ne constitue qu’un acompte sur l’impôt de l’année en cause, respectivement des années à venir, de sorte qu’a priori, et à défaut de preuve contraire, l’objectif d’intérêt général ainsi poursuivi par l’Etat luxembourgeois a valablement été respecté.

Il suit de l’ensemble des développements qui précèdent que ce premier moyen tiré d’une violation de l’article 1er du Protocole est à rejeter comme n’étant pas fondé.

En deuxième lieu, la partie demanderesse soulève une violation de l’article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par la « CEDH », en ce qu’elle s’estime discriminée par rapport aux personnes naturelles qui ne seraient pas soumises à un tel impôt minimal, tel que fixé par l’article 174, paragraphe (6) LIR.

L’article 14 CEDH est libellé comme suit : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques et toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ».

C’est à bon droit que le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen en soutenant tout d’abord qu’il y aurait une disparité objective entre les deux catégories de contribuables, personnes morales et personnes physiques, en affirmant encore que l’impôt minimal tel que fixé par l’article 174, paragraphe (6) LIR ne constituerait qu’une avance à payer sur l’impôt sur le revenu et non pas un impôt définitif. Il suit partant de ces développements que ce deuxième moyen tiré d’une prétendue violation de la légalité interne de la décision directoriale sous examen est également à rejeter pour ne pas être fondé.

Aucun autre moyen n’ayant été soulevé dans le cadre de la requête sous examen, il échet de rejeter le recours dans son intégralité pour ne pas être fondé, sans qu’il n’y ait d’ailleurs lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de Justice de l’Union européenne, telle que suggérée mais non formulée par la demanderesse, aucun lien du présent litige avec le droit de l’Union européenne ne se dégageant des éléments de la cause.

Au vu de l’issue du litige, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure de 2.500 € sollicitée par la partie demanderesse ni à sa demande tendant à obtenir l’effet suspensif du recours pendant le délai et l’instance d’appel.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

écarte le mémoire en réplique des débats ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, déclare le recours non justifié, partant en déboute ;

rejette la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure de 2.500 €, telle que sollicitée par la partie demanderesse ;

rejette la demande tendant à obtenir l’effet suspensif du recours pendant le délai et l’instance d’appel ;

condamne la partie demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Anne Gosset, premier juge, Olivier Poos, premier juge, et lu à l’audience publique du 16 mai 2017 par le premier vice-président, en présence du greffier Marc Warken.

s. Marc Warken s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 16 mai 2017 Le greffier du tribunal administratif 11


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 34411
Date de la décision : 16/05/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2017-05-16;34411 ?

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