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10/05/2017 | LUXEMBOURG | N°37870

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 mai 2017, 37870


Numéro 37870 du rôle Tribunal administratif Inscrit le 4 mai 2016 du Grand-Duché de Luxembourg 1re chambre Audience publique du 10 mai 2017 Recours formé par Madame …, …, contre des bulletins et une décision du directeur de l’administration des contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37870 du rôle et déposée le 4 mai 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Charles Duro, avocat à la Cour, inscrit au

tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant...

Numéro 37870 du rôle Tribunal administratif Inscrit le 4 mai 2016 du Grand-Duché de Luxembourg 1re chambre Audience publique du 10 mai 2017 Recours formé par Madame …, …, contre des bulletins et une décision du directeur de l’administration des contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 37870 du rôle et déposée le 4 mai 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Charles Duro, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision sur réclamation du directeur de l’administration des Contributions directes du 21 mars 2016 et à la réformation sinon à l’annulation du bulletin d’établissement des revenues d’entreprises collectives 2014 émis en date du 10 juin 2015, ainsi que de « l’ensemble des bulletins subordonnés émis sur base de ce premier Bulletin dont notamment le bulletin de l’impôt sur le revenu 2014 ainsi que le calcul de la contribution dépendance émis le 31 mars 2016 » ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 septembre 2016 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 19 octobre 2016 par Maître Charles Duro pour le compte de Madame …, préqualifiée ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les actes critiqués ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Emmanuel Glock, en remplacement de Maître Charles Duro, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Lou Thill en leurs plaidoiries à l’audience publique du 3 avril 2017.

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Il résulte des explications concordantes des parties à l’instance que Madame …, épouse …, est propriétaire de 11/16ièmes en pleine propriété d’un immeuble sis au …à L-…, ses deux fils étant chacun propriétaire de 5/32ièmes dudit immeuble et que ledit immeuble fut cédé en date du 18 décembre 2014 pour un montant de …€.

En date du 10 juin 2015, le bureau d’imposition Luxembourg 4, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », fit parvenir à Madame … le bulletin de l’établissement en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés pour l’année 2014, ci-après désigné par « le bulletin d’établissement », ledit bulletin précisant plus particulièrement par rapport à la quote-part revenant à Madame … ce qui suit : « plus-value non exempte pour Mme … …, vu que les conditions de l’article 102bis LIR ne sont pas remplies : Elle s’est enregistrée à cette adresse en 2012 seulement, la condition d’y avoir habité pendant les 5 ans avant la réalisation n’est donc pas remplie.» 1 Par un courrier du 17 juillet 2015, Madame … s’adressa au préposé du bureau d’imposition et demanda de revoir son dossier s’agissant de l’exonération du bénéfice de cession résultant de la cession de l’immeuble susvisé.

Par un courrier du 22 juillet 2015, le préposé du bureau d’imposition prit position comme suit :

« Me référant à votre courrier en question par lequel vous invoquez l’exemption de la plus-value sur la vente de l’immeuble sis à …, conformément à l’article 102bis LIR, je dois vous informer que je ne partage pas votre avis.

Voilà pourquoi, je vous prie de bien vouloir introduire un recours, auprès de notre directeur, contre le bulletin de la copropriété. » Par un courrier du 7 septembre 2015, Madame … introduisit une réclamation contre le bulletin d’établissement du 10 juin 2015 auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur ».

Par un courrier du 29 janvier 2016, le directeur demanda à Madame … de fournir des éléments de preuve corroborant ses assertions quant à sa résidence à l’adresse de l’immeuble cédé.

Il résulte des explications de Madame … que celle-ci a remis en date du 7 mars 2016 une farde de pièces en original en mains propres à la division contentieux de l’administration des Contributions directes.

Par une décision du 21 mars 2016, inscrite sous le numéro C21385 du rôle, le directeur refusa de faire droit à la réclamation introduite par Madame ….

La décision est libellée comme suit :

« Vu la requête introduite le 9 septembre 2015 par Maître Charles Duro, au nom de la dame … …, pour réclamer contre le bulletin de l'établissement en commun des revenus d'entreprises collectives et de copropriétés de l'année 2014 de la copropriété «… », émis le 10 juin 2015 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu la mise en état, en vertu des §§ 243, 244 et 171 de la loi générale des impôts (AO), du 29 janvier 2016, ainsi que la réponse y relative de la réclamante entrée le 8 mars 2016 ;

Vu les §§ 228 et 301 AO ;

Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu'elle est partant recevable ;

Vu la mise en intervention d'office, en date du 4 novembre 2015, de toutes les parties (§ 219 alinéa 1er, première phrase AO) et notamment du sieur … … et du sieur … … qui, aux 2termes du paragraphe 239 alinéa 1er numéros 1 et 3 AO, avaient qualité pour entreprendre le bulletin litigieux commun, mais ne l'ont pas fait ;

Considérant que la réclamante fait grief au bureau d'imposition d'avoir imposé dans son chef une plus-value réalisée lors de la vente de l'immeuble sis à …, alors qu'il s'agirait de sa résidence principale au sens de l'article 102bis de la loi concernant l'impôt sur le revenu (L.I.R.) ;

Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens de la requérante, la loi d'impôt étant d'ordre public ; qu'à cet égard le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-fondé ;

qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique ;

Considérant qu'en date du 18 décembre 2014, les consorts … - … ont procédé à la vente d'une maison sise …à L-… au prix de …euros ; que la requérante a acquis par voie de succession trois huitièmes de l'immeuble litigieux en 1972, suite au décès de son père adoptif ; que suite au décès de la mère adoptive de la réclamante en 2003, le prédit immeuble appartenait pour 22/32ièmes à la réclamante, pour 5/32ièmes au sieur … … et pour 5/32ièmes au sieur … … ;

Considérant qu'en vertu de l'article 99ter, alinéa 2 L.I.R. le revenu provenant de l'aliénation à titre onéreux d'immeubles est égal à la différence entre, d'une part, le prix de réalisation et, d'autre part, le prix d'acquisition ou de revient augmenté des frais d'obtention;

que le prix d'acquisition ou de revient est réévalué en vertu de l'article 102, alinéa 6 L.I.R. ;

Considérant que la disposition de l'alinéa 1er mentionnée ci-avant n'est cependant pas applicable, en vertu de l'article 99ter, alinéa 6 L.I.R., dans la mesure où l'aliénation porte sur un immeuble bâti qui constitue, au sens de l'article 102bis L.I.R., la résidence principale du contribuable ;

Considérant qu'il y a dès lors lieu de vérifier si la réclamante a occupé la maison litigieuse en tant que résidence principale et si les conditions de l'article 102bis L.I.R. sont remplies en l'espèce ;

Considérant qu'en vertu du « Registre National des Personnes Physiques », la réclamante a été inscrite aux adresses suivantes :

du 12/12/1996 au 17/10/2004 du 3/11/2004 au 1/9/2005 du 8/9/2005 au 23/2/2009 du 23/2/2009 au 13/12/2012 du 14/12/2012 au 1/6/2015 3Considérant que la réclamante prétend que suite au décès de sa mère adoptive elle aurait transféré tous ses meubles dans la maison sis à …afin d'y établir sa résidence principale ; que toutefois un conflit successoral l'aurait l'empêchée de déclarer officiellement sa résidence à la prédite adresse, de sorte qu'elle s'est vue dans l'obligation d'élire domicile auprès d'un tiers afin que des courriers officiels puissent lui parvenir ; qu'en outre la réclamante affirme que cette élection de domicile serait également motivée au regard des séjours hospitaliers en Espagne et en Suisse qu'elle aurait dû effectuer en raison de ses problèmes de santé ;

Considérant d'abord qu'aux termes de l'alinéa 1er de l'article 102bis L.I.R., une habitation appartenant au contribuable est à considérer comme sa résidence principale, lorsqu'elle constitue sa résidence habituelle depuis l'acquisition ou l'achèvement de l'habitation ou au moins pendant les cinq années précédant la réalisation ;

Considérant que suivant les données du registre de la population, la réclamante a été déclarée à l'adresse litigieuse du 14 décembre 2012 au 1er juin 2015, donc ni depuis l'acquisition de la maison (en 1972) et ni au cours des cinq années précédant la réalisation, de sorte qu'aucune des conditions prévues par l'article 102bis, alinéa 1er n'est remplie en l'espèce ;

Considérant qu'en outre la réclamante prend en location depuis 1987 une maison en Espagne ; qu'elle prétend s'y être déclarée à cause d'une assurance complémentaire santé, que la seule compagnie d'assurances …aurait accepté, que cette assurance n'a cependant été souscrite qu'en 2001 ; que la réclamante avoue qu'elle séjourne un certain temps de l'année en Espagne, mais prétendument à cause de ses hospitalisations ;

Considérant qu'en plus, le courrier de la part de la …et de la … est envoyé depuis des années en Espagne, à l'adresse du domicile de la réclamante ; qu'il peut dès lors être valablement admis que la réclamante vit depuis des années en Espagne [et] ne séjourne que passagèrement au Luxembourg ;

Considérant que les §§ 171 et 205 AO confèrent au bureau d'imposition, ainsi qu'au directeur, statuant au contentieux, le pouvoir d'exiger de la part du contribuable la preuve de la réalité d'une situation et par conséquent le droit de demander les pièces y afférentes ou de solliciter des informations complémentaires, du moins lorsque, comme en l'espèce, une telle preuve peut être raisonnablement exigée de la part du contribuable alors surtout que ce dernier est soumis, en vertu des §§ 170 et 171 AO, à une obligation de collaboration avec le bureau d'imposition ;

Considérant qu'en l'espèce, la réclamante avait été invité par le directeur de l'administration des contributions à fournir des éléments de preuve objectifs (tels factures de consommation d'eau et d'électricité des années 2004 à 2014, demande de réexpédition du courrier après avoir fait la déclaration de changement de domicile (en 2009) etc.) corroborant ses assertions quant à sa résidence à …, …; que les réponses de la réclamante ne contiennent pas tous les pièces et documents demandés et ni d'autres éléments de preuve, de sorte que la réclamante n'a pas valablement pu établir qu'elle a occupé l'immeuble litigieux en tant que résidence principale ; qu'il s'ensuit que l'article 102bis L.I.R. ne trouve pas application en l'espèce ;

4Considérant que pour le surplus, l'établissement en commun est conforme à la loi et aux faits de la cause et n'est d'ailleurs pas autrement contesté ;

PAR CES MOTIFS reçoit la réclamation en la forme, la rejette comme non fondée. » Par une requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 4 mai 2016, Madame … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision du directeur du 21 mars 2016, et demande encore au tribunal de réformer sinon d’annuler le bulletin d’établissement, ainsi que « l’ensemble des bulletins subordonnés émis sur base de ce premier bulletin dont notamment le Bulletin de l’impôt sur le revenu 2014 ainsi que le calcul de la contribution dépendance émis le 31 mars 2016 ».

A l’audience des plaidoiries, le tribunal a soulevé d’office la question de la recevabilité du recours pour autant qu’il est dirigé contre le bulletin d’établissement et contre les bulletins subordonnés, ainsi qualifiés.

Le mandataire de Madame … a exposé maintenir ce volet du recours, tandis que le délégué du gouvernement a conclu à l’irrecevabilité du recours pour autant qu’il est dirigé contre ces bulletins.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre un bulletin de l’impôt.

Le tribunal est dès lors compétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre la décision du directeur du 21 mars 2016, recours qui est encore à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation dirigé contre la décision du directeur.

S’agissant du recours pour autant qu’il est dirigé contre le bulletin d’établissement, force est de constater qu’en vertu de l’article 8, paragraphe (3) 3. de la loi du 7 novembre 1996, un bulletin de l’impôt peut uniquement être directement déféré au tribunal administratif lorsqu’une réclamation au sens du paragraphe 228 AO ou une demande en application du paragraphe 131 AO a été introduite et qu’aucune décision directoriale définitive n’est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande. Par contre, lorsque le directeur a statué sur la réclamation par une décision définitive, le recours est irrecevable pour autant qu’introduit directement contre ledit bulletin1.

1 trib. adm. 6 janvier 1999, n° 10357 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Impôts, n° 864.

5 Dans la mesure où, en l’espèce, le directeur a pris position suite à la réclamation introduite en date du 7 septembre 2015, les recours principal en réformation et subsidiaire en annulation sont à déclarer irrecevables pour autant qu’ils sont dirigés contre le bulletin d’établissement.

S’agissant des recours pour autant qu’ils sont dirigés contre les bulletins subordonnés, ainsi qualifiés, et plus particulièrement contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2014 et du bulletin de calcul de la contribution dépendance, les deux émis le 21 mars 2016, force est de constater que ceux-ci n’ont nécessairement pas fait l’objet de la réclamation du 7 septembre 2015 ayant donné lieu à la décision du directeur du 31 mars 2016, car ils ont été émis postérieurement à cette réclamation et d’ailleurs même postérieurement à la décision du directeur prise sur réclamation. S’il se dégage des explications du mandataire de Madame … à l’audience des plaidoiries que ces bulletins auraient fait l’objet d’une réclamation, forcément au jour de l’introduction du présent recours un peu plus d’un mois après l’émission des bulletins, le délai de six mois prévu par l’article 8 paragraphe (3) 3., précité, de la loi du 7 novembre 1996 après l’expiration duquel le contribuable ayant introduit une réclamation n’ayant pas reçu de réponse du directeur, peut introduire un recours directement contre le bulletin, n’a pas encore expiré, de sorte qu’en toute hypothèse, Madame … ne se trouve pas dans une situation dans laquelle elle aurait pu, à ce stade, introduire un recours directement contre les bulletins en question.

Il s’ensuit que les recours pour autant qu’ils sont dirigés contre les bulletins subordonnés ainsi qualifiés, et plus particulièrement le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2014 et du bulletin de calcul de la contribution dépendance sont à déclarer irrecevables.

A l’appui de son recours, la demanderesse, après avoir exposé les faits et rétroactes de l’affaire et après avoir souligné ne pas avoir reçu en retour des pièces en original soumises au directeur dans le cadre de sa réclamation, sans toutefois en tirer une conclusion en droit, fait en ordre principal valoir qu’elle aurait établi sa résidence principale depuis au moins cinq années avant la cession de l’immeuble litigieux à l’adresse du …à …, conformément aux exigences de l’article 102 bis, alinéa 1er de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après désignée par « LIR ».

A cet égard, elle expose avoir déménagé tous ses meubles à l’adresse en question à la suite du décès de sa mère adoptive en 2003 pour y établir sa résidence principale, de sorte que la vente de l’immeuble serait intervenue plus de dix ans après son installation à cette adresse.

La partie étatique n’aurait dès lors pas établi que la condition de durée de résidence imposée par l’article 102 bis LIR ne serait pas remplie dans son chef.

Tout en admettant que le certificat de résidence produit par elle mentionnerait son arrivée à l’adresse en question en date du 14 décembre 2012 seulement, la demanderesse se prévaut d’une jurisprudence du tribunal administratif suivant laquelle les indications d’un certificat de résidence ne constitueraient qu’un indice, insuffisant à lui seul comme moyen de preuve.

Elle explique avoir élu domicile à partir de l’année 2009 à une adresse …à … et cela sur le conseil de son avocat pour que celui-ci puisse réceptionner rapidement les courriers 6officiels nécessaires au procès en cours à cette époque en cas de ses déplacements à l’étranger pour des raisons médicales. Ceci pourrait être établi par divers comptes rendus médicaux relatant les maladies graves consécutives dont elle aurait été atteinte, et notamment une attaque vasculaire cérébrale en 2004, des hypertensions artérielles depuis 2006, une thrombose oculaire en 2009, ainsi qu’une fracture de l’aile du sacrum en 2011, et qui auraient été soignées en Espagne puisqu’elle se serait vu refuser l’octroi d’une assurance complémentaire par la ….

Ce serait dès lors à tort que le directeur aurait exclusivement pris en considération les données inscrites au registre de la population, sans tenir compte de sa situation réelle.

La demanderesse fait valoir que la résidence habituelle s’entendrait du lieu où le contribuable réside pendant la majeure partie de l’année, de sorte que les multiples séjours à l’étranger effectués à des fins médicales par elle ne pourraient justifier le refus d’application de l’exonération prévue à l’article 102 bis LIR.

Ce serait encore à tort que le directeur a déduit du fait qu’elle a pris en location un immeuble en Espagne qu’elle ne pourrait établir sa résidence habituelle à Luxembourg, dans la mesure où cette prise en location aurait eu seulement pour but de lui assurer un peu de confort lorsque sa présence est requise en Espagne pour des raisons médicales.

Par ailleurs, elle précise qu’elle disposerait seulement d’une boîte à lettres à l’adresse sise …et n’aurait pas résidé dans le studio lié à cette adresse, cela conformément au témoignage de Madame …, de sorte que le directeur ne pourrait considérer que sa résidence principale serait fixée à cette adresse.

L’établissement de sa résidence dans l’immeuble cédé serait encore établi par le fait qu’elle aurait inscrit son adresse au …seulement à partir de l’année 2009. A partir du décès de sa mère adoptive en 2003 jusqu’à cette date, elle n’aurait pu légitimement indiquer que son adresse figurait au …en raison du litige successoral l’opposant à ses fils, et elle aurait été obligée d’élire domicile auprès d’un tiers afin que les courriers officiels puissent lui parvenir sans qu’elle ne réside réellement à l’adresse indiquée pour la réception des courriers, cette élection de domicile étant également motivée au regard de ses séjours hospitaliers en Espagne et en Suisse en raison de ses problèmes de santé, son avocat lui ayant d’ailleurs conseillé d’élire domicile à une autre adresse afin de réceptionner des courriers officiels et importants en cas d’absence pour des raisons médicales.

Puisque elle n’aurait jamais pris en location le logement sis au …, cette adresse constituerait seulement une adresse de convenance pour recevoir des courriers officiels en cas de ses absences. La demanderesse souligne que durant la majeure partie de la période allant de l’année 2003 à 2014, elle aurait bien résidé dans l’immeuble sis ….

Subsidiairement, la demanderesse argumente que la vente de l’immeuble litigieux serait à qualifier de vente pour des motifs d’ordre familial au sens de l’article 102 bis LIR. A cet égard, elle fait valoir qu’elle aurait toujours occupé l’immeuble sis …après le décès de sa mère adoptive. L’abandon de l’immeuble aurait en l’espèce était motivé par des raisons d’ordre familial, en l’occurrence par un conflit successoral l’ayant obligée à quitter les lieux et à vendre la maison en 2014 pour partager le produit de la vente avec ses deux fils qui lui auraient réclamé leur dû depuis le décès de sa mère adoptive qui leur aurait légué la quote-

part disponible, soit la moitié indivise en pleine propriété de l’immeuble litigieux. Elle se 7serait en effet vue contrainte d’accepter la vente de l’immeuble pour en partager avec ses fils le produit puisqu’elle n’aurait pas été en mesure de leur faire une offre de rachat à hauteur de leurs espérances.

En se référant aux commentaires des articles du projet de loi relatif à la loi du 27 juillet 1978 complétant le régime d’imposition des plus-values réalisées lors de la cession d’un bien du patrimoine privé, la demanderesse fait valoir que l’intention du législateur quant à la fixation d’une durée minimale d’occupation aurait été d’éviter des abus et non pas d’empêcher le contribuable de bénéficier des avantages fiscaux permis par la loi dans le cadre d’une vente d’un bien immobilier constituant la résidence principale occupée en dernier lieu par lui.

En l’espèce, le vente ne constituerait en aucun cas un tel abus puisqu’il s’agirait de résoudre un conflit successoral ayant perduré depuis plus de 10 ans, la demanderesse soulignant que le fait de l’empêcher de bénéficier de l’exonération prévue par l’article 102 bis LIR ne correspondrait pas à l’esprit de la loi.

Par ailleurs, la circonstance qu’elle n’aurait disposé d’aucune autre propriété immobilière au moment de la vente de cette résidence justifierait encore qu’il n’était pas dans ses intentions d’abuser des dispositions de l’article 102 bis LIR, puisqu’elle n’aurait pas pu reporter le bénéfice de cette exonération sur un autre immeuble qu’elle aurait détenu.

Elle conclut dès lors à la reconnaissance d’une exonération totale de l’impôt relatif à la plus-value de cession de l’immeuble sis ou …dans son chef.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours en se prévalant des inscriptions du registre national des personnes physiques suivant lequel la demanderesse était domiciliée au …à … du 14 décembre 2012 jusqu’au 1er juin 2015, de sorte qu’aucune des conditions de l’article 102 bis, alinéa 1er LIR ne serait remplie, la demanderesse n’y ayant eu son adresse ni depuis l’acquisition de la maison en 1972, ni au cours des cinq années ayant précédé la réalisation.

Le délégué du gouvernement affirme encore que les allégations de la demanderesse ne seraient pas pertinentes et que, pour le surplus, elle resterait en défaut de rapporter la preuve qu’elle aurait effectivement établi sa résidence habituelle au …à …, la circonstance d’y avoir déménagé des meubles n’étant pas suffisante pour démontrer qu’elle y logeait réellement.

S’agissant de l’argumentation de la demanderesse suivant laquelle elle n’aurait pas pu indiquer son adresse au …pour des raisons tenant à un litige successoral, la partie étatique fait valoir que cette argumentation ne serait aucunement étayée, et souligne, pour le surplus, qu’il serait contradictoire de pouvoir établir sa résidence habituelle et de loger dans un immeuble faisant l’objet d’un litige successoral mais de ne pas pouvoir se déclarer à cette adresse en prenant comme argument ce même litige.

Tout en admettant qu’un certificat de résidence ne constituerait qu’un indice du domicile d’une personne, le délégué du gouvernement fait valoir qu’au vu des éléments du dossier fiscal, et plus particulièrement de la circonstance que la demanderesse aurait été officiellement déclarée à d’autres adresses et qu’elle disposerait d’une maison en Espagne prise en location depuis 1987 et y passerait une grande partie de son temps, le directeur aurait à juste titre retenu que l’article 102 bis LIR ne trouverait pas application.

8 Dans sa réplique, la demanderesse insiste, d’une part, sur son argumentation suivant laquelle elle aurait emménagé à l’adresse litigieuse après le décès de sa mère adoptive, soit en 2003, et non pas en 2012 comme l’a déclaré le délégué du gouvernement, et, d’autre part, sur celle que la vente de l’immeuble en 2014 aurait été liée au litige successoral l’opposant à ses fils.

Elle rappelle encore que l’administration des Contributions directes aurait égaré l’ensemble de la documentation originale qu’elle avait laissée à la disposition de celle-ci et reproche, par ailleurs, au délégué du gouvernement de ne pas avoir pris en considération les séjours hospitaliers à l’étranger qu’elle aurait dû effectuer, tout en faisant valoir que la prise en location d’un immeuble en Espagne ne pourrait justifier qu’elle ait sa résidence principale dans ce pays.

En droit, elle donne à considérer que le transfert de tous les meubles dans un autre bâtiment attesterait de sa volonté d’y établir sa résidence principale. Elle précise que si elle n’avait pas voulu établir sa résidence dans l’immeuble litigieux, se poserait la question de savoir pour quelle raison elle n’avait pas mis les lieux en location.

La preuve de la réalité de sa résidence au …pourrait encore être établie par le fait qu’elle avait fait une demande d’extension de cette résidence, respectivement par le fait qu’elle a procédé à un changement de fenêtres, toutes ces démarches ne pouvant s’expliquer que par la circonstance qu’elle avait fixé sa résidence dans l’immeuble litigieux, la demanderesse soulignant qu’elle aurait été la seule personne à avoir accès à ce bâtiment.

Elle clarifie en outre ses explications en ce sens que le litige successoral concernerait la vente de l’immeuble mais ne l’aurait pas empêchée de déclarer sa résidence à l’adresse litigieuse. Ce serait en effet le fait que son avocat lui aurait conseillé d’élire domicile à une autre adresse afin que quelqu’un puisse réceptionner les courriers officiels et importants en cas d’absence pour des raisons médicales qui l’aurait amené à ne pas déclarer sa résidence à l’adresse litigieuse.

Elle reproche encore au délégué du gouvernement de ne pas avoir pris position par rapport aux problèmes médicaux auxquels elle aurait été confrontée depuis 2004 imposant sa présence occasionnelle à l’étranger et plus particulièrement en Espagne, en Suisse et aux Etats-Unis, la demanderesse renvoyant aux différentes pièces produites par elle relativement à ces incidents médicaux.

Elle expose en outre que la plupart des soins qu’elle aurait reçus auraient été réalisés en Espagne puisqu’elle disposerait d’une assurance complémentaire dont le montant s’élèverait actuellement à la somme annuelle de … €, alors que la … … aurait refusé de lui prodiguer une telle assurance complémentaire. Le fait qu’elle disposerait d’une telle assurance à l’étranger permettrait encore de justifier qu’elle doive s’y soigner pour des problèmes de santé récurrents nécessitant sa présence en Espagne.

Dès lors, le logement pris en location en Espagne ne lui permettrait que de suivre les soins dans des établissements médicaux espagnols et de rester à proximité de ceux-ci le temps que son état de sa santé s’améliore, mais ne saurait s’apparenter à une résidence habituelle.

9D’autre part, la demanderesse insiste sur la considération que l’abandon de l’immeuble litigieux aurait été motivé par des raisons d’ordre familial, en l’occurrence le conflit successoral l’ayant obligée à quitter les lieux et à vendre la maison en 2014 pour partager le produit de la vente avec ses deux fils. Elle donne à considérer que le délégué du gouvernement ne contesterait pas le fait qu’un tel litige puisse entrer dans les prévisions de l’article 102 bis, alinéa 1er LIR. Après le décès de sa mère adoptive, elle aurait toujours vécu dans l’immeuble sis …, et elle aurait pensé y rester encore durant des années, alors que, selon elle, le testament de sa mère léguant à ses fils la plus grande part de sa succession dont elle ne pourrait disposer, n’aurait pas été rédigé en toute lucidité et connaissance de cause. Dans la mesure où les juridictions en auraient toutefois décidé autrement à travers un arrêt du 22 mai 2013, ses fils auraient bien été reconnus comme propriétaires de 5/32èmes, chacun, de l’immeuble en question, de sorte qu’elle aurait été obligée de mettre l’immeuble en vente afin que le produit de la vente puisse être partagé entre les héritiers.

Pour le surplus, elle reprend en substance ses explications fournies dans la requête introductive d’instance.

Par ailleurs, la demanderesse fait, pour la première fois dans le cadre de son mémoire en réplique, état d’une contestation relativement à un refus de prise en considération de charges extraordinaires sur le fondement de l’article 127 LIR, en faisant état d’honoraires d’avocat en relation avec le litige successoral et d’intérêts débiteurs relativement à un prêt qu’elle aurait conclu dans ce contexte.

A l’audience des plaidoiries, le tribunal a soulevé d’office la question de la recevabilité de l’argumentation ainsi présentée dans le mémoire en réplique relativement à une problématique de la prise en compte de charges extraordinaires.

Le mandataire de Madame … a déclaré renoncer à cette argumentation, de sorte qu’il y a lieu de lui en donner acte.

S’agissant du bien-fondé de la décision du directeur de refuser à la demanderesse le bénéfice de l’exonération prévue à l’article 102 bis, alinéa 1er LIR, il convient de relever qu’aux termes de l’article 99 ter LIR :

« (1) Est imposable aux termes du présent article le revenu provenant de l’aliénation à titre onéreux, plus de deux ans après leur acquisition ou leur constitution, d’immeubles qui ne dépendent ni de l’actif net investi d’une entreprise ni de l’actif net servant à l’exercice d’une profession libérale. Sont également exclus les immeubles dépendant d’une exploitation agricole ou forestière, sauf en ce qui concerne le sol.

[…] (6) Le présent article n’est pas applicable dans la mesure où l’aliénation porte sur un immeuble bâti qui constitue, au sens de l’article 102bis, la résidence principale du contribuable. » L’article 102 bis, alinéa 1er LIR énonce ce qui suit :

« (1) Aux fins de l’application des articles 99bis et 99ter, une habitation appartenant au contribuable est à considérer comme sa résidence principale, lorsqu’elle constitue sa résidence habituelle depuis l’acquisition ou l’achèvement de l’habitation ou au moins 10pendant les cinq années précédant la réalisation. Cette condition de durée ne doit cependant pas être remplie, lorsque l’habitation est réalisée pour des motifs d’ordre familial ou en vue d’un changement de résidence en rapport avec la profession du contribuable ou de son conjoint.

[…] ».

Ainsi, par l’effet combiné des articles 99 ter et 102 bis LIR, le bénéfice résultant de l’aliénation d’un immeuble constituant la résidence principale du contribuable échappe à l’imposition sous certaines conditions, l’article 102 bis, alinéa 1er LIR exigeant en l’occurrence que l’immeuble soit occupé pendant un certain temps par le contribuable propriétaire à titre de résidence principale.

Le tribunal relève de prime abord qu’il n’est pas contesté par la partie étatique que l’immeuble litigieux constituait la résidence habituelle de la demanderesse au moment de l’aliénation de l’immeuble, la partie étatique contestant uniquement que la condition de durée de cinq ans soit remplie en l’espèce.

Dans la mesure où la demanderesse plaide qu’elle aurait utilisé l’immeuble litigieux depuis 2003/2004 à titre de résidence principale jusqu’à sa réalisation, il appartient au tribunal de vérifier si les conditions posées à l’article 102 bis LIR sont remplies en l’espèce et de déterminer si l’alinéa 1er, seul litigieux au vu des développements de la demanderesse, a, le cas échéant, vocation à s’appliquer à la quotepart de la plus-value dégagée revenant à la demanderesse.

En l’occurrence, il convient de déterminer si la demanderesse occupait la maison sise au numéro …, à … à titre de résidence habituelle durant la période de cinq ans ayant précédé la réalisation, une occupation depuis l’acquisition n’étant pas alléguée.

Il convient de prime abord de relever que conformément à l’article 59 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », « La preuve des faits déclenchant l’obligation fiscale appartient à l’administration, la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt appartient au contribuable. », de sorte qu’il appartient en l’occurrence à la demanderesse, qui entend se prévaloir de l’exonération prévue à l’article 102 bis, alinéa 1er LIR, qui constitue l’exception par rapport au principe de l’imposition du revenu provenant de l’aliénation à titre onéreux plus de deux ans après leur acquisition ou leur constitution d’un immeuble, d’établir qu’elle a occupé l’immeuble dans les conditions requises par l’article 102 bis, alinéa 1er LIR.

Force est de constater qu’il se dégage d’un certificat de résidence établi par le bourgmestre de la Ville de … en date du 14 avril 2015, que la demanderesse n’était inscrite à l’adresse sise au numéro …à … qu’à partir du 14 décembre 2012 et qu’elle était, depuis le 12 décembre 1996, inscrite à une adresse située au …, à … et cela jusqu’au 18 octobre 2004, date à laquelle elle serait partie pour le village de …. Il se dégage encore du même certificat qu’arrivée le 23 février 2009 de …, elle s’est inscrite à l’adresse située au numéro …à … jusqu’au 13 décembre 2012, pour ensuite s’inscrire à partir du 14 décembre 2012, au …à ….

11Si dès lors la demanderesse affirme que depuis l’année 2003/2004 elle aurait déménagé à l’adresse située au numéro …à …, cette affirmation est contredite par le certificat de résidence précité.

Certes, les inscriptions d’un certificat de résidence ne constituent qu’un indice, insuffisant à lui seul comme moyen de preuve2. Il appartient toutefois à la demanderesse, qui déclare avoir établi sa résidence habituelle à l’adresse litigieuse depuis une période antérieure à son inscription intervenue le 14 décembre 2012, de fournir des indices suffisants permettant de conclure qu’elle y a établi sa résidence principale depuis une période d’au moins cinq ans ayant précédé la réalisation de l’immeuble, et cela nonobstant les termes du certificat de résidence, précité.

Le tribunal est toutefois amené à retenir que les éléments de preuve rapportés par la demanderesse respectivement les explications fournies par celle-ci sont insuffisants pour emporter sa conviction.

A titre liminaire, le tribunal relève que si la demanderesse argumente qu’elle aurait soumis à l’administration des Contributions directes un certain nombre de pièces en original qui ne lui auraient pas été retournées, elle n’en tire aucune conclusion en droit, ni dans ses écrits, ni d’ailleurs à l’audience des plaidoiries sur question afférente du tribunal, de sorte que le tribunal limitera son analyse aux pièces lui soumises dans le cadre du présent recours.

S’agissant de prime abord d’une facture d’une société de déménagement du 15 novembre 2004, invoquée par la demanderesse, le tribunal relève qu’outre la circonstance que cette facture a été adressée à la « copropriété … et consorts » et non pas à la demanderesse personnellement, bien que, d’après celle-ci, il s’agirait d’une facture relative au déménagement de meubles lui étant propres, suivant le libellé de la facture celle-ci vise le transport de mobiliers à partir d’une adresse de chargement située au …à … vers le numéro …, alors que suivant les indications du certificat de résidence, précité, la demanderesse était inscrite à cette époque à une adresse située au numéro … à …, dont elle serait partie le 18 octobre pour le village de ….

S’agissant ensuite du courrier de Maître Kerger du 15 juillet 2015, dans lequel celui-ci déclare avoir rendu attentive la demanderesse au fait que tous les actes d’huissier de justice officiels et tous les courriers juridiques seraient signifiés respectivement notifiés à son adresse située au …à …, de sorte qu’en raison de ses nombreux séjours hospitaliers à l’étranger, il aurait été impératif qu’une tierce personne s’occupe de son courrier au cours des procédures tenant à la succession des époux ……, il ne se dégage pas dudit courrier à quelle période exactement cette mise en garde se réfère.

Quant à l’attestation testimoniale de Madame … …, force est de constater que celle-ci se limite à confirmer que de facto la demanderesse n’habitait pas au …, adresse à laquelle la demanderesse était, suivant les indications du certificat de résidence précité, inscrite entre le 23 février 2009 le 13 décembre 2012, mais il n’est pas permis d’en déduire que, nécessairement, celle-ci avait sa résidence habituelle à l’époque litigieuse au numéro …à …, cela au regard des contestations de la partie étatique, qui fait état d’une prise en location d’un immeuble en Espagne, non contestée en tant que telle par la demanderesse, pour en déduire 2 trib. adm. 23 mai 2003, n° 15871 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Impôts, n° 212.

12que la demanderesse n’aurait pas eu sa résidence habituelle à l’adresse litigieuse au …, mais en Espagne.

Ensuite, quant à la facture de l’entreprise … du 3 septembre 2010 produite parmi les pièces de la demanderesse, adressée à une agence immobilière, s’il s’en dégage qu’elle concerne l’immeuble sis …à …, le tribunal est amené à retenir que le seul fait du remplacement de volets des fenêtres ne permet pas de conclure ipso facto qu’à cette époque, l’immeuble en question était habité de manière habituelle par la demanderesse.

Dans le même contexte, une réponse du bourgmestre de la Ville de … datée du 23 juillet 2013 à une demande de transformation de la maison litigieuse, n’est pas pertinente par rapport à la question de savoir si, durant la période antérieure à 2012, la demanderesse avait sa résidence habituelle à l’adresse litigieuse.

De même, le fait que l’immeuble n’a pas été donné en location peut tout aussi bien s’expliquer par le litige successoral dont fait état la demanderesse que par la circonstance que la demanderesse ait occupé personnellement ledit immeuble.

Le tribunal relève encore que les factures d’électricité et de consommation d’eau figurant au dossier fiscal, renseignant une faible consommation d’eau et d’électricité, ne plaident pas non plus en faveur de l’affirmation de la demanderesse suivant laquelle elle aurait eu sa résidence habituelle depuis 2004 à l’adresse litigieuse.

S’agissant enfin des explications fournies par la demanderesse suivant lesquelles durant les années litigieuses elle aurait été obligée de se soumettre à des examens médicaux et à des passages hospitaliers en Espagne, force est au tribunal de constater que si la réalité de ces interventions médicales se dégage des pièces à la disposition du tribunal, les pièces afférentes sont davantage de nature à confirmer la thèse de la partie étatique suivant laquelle la demanderesse n’avait pas sa résidence habituelle à l’adresse située au …, mais résidait en réalité en Espagne. Si, en effet, la demanderesse argumente qu’elle aurait été traitée essentiellement dans des hôpitaux en Espagne pour des considérations tenant à une assurance complémentaire auprès de la …, il convient de relever qu’il se dégage plus particulièrement d’un compte-rendu médical du 11 octobre 2016 établi par le docteur …de l’hôpital …, outre que depuis l’année 2004, la demanderesse se serait trouvée de manière régulière sous contrôle neurologique au sein de cet établissement situé à … en Espagne, que celle-ci aurait fréquemment eu des passages dans les services d’urgence dudit hôpital, ce qui amène le tribunal à la conclusion que les visites de cet hôpital s’expliquent davantage par le fait que la demanderesse résidait de manière habituelle dans cette région que par la circonstance que celle-ci, bien qu’ayant prétendument eu sa résidence habituelle au …, aurait, pour des considérations tenant à une assurance complémentaire, préféré les services d’un hôpital en Espagne à ceux des établissements hospitaliers situés au ….

Le tribunal note encore que la demanderesse n’a par ailleurs pas fait état d’autres éléments de preuve de l’occupation alléguée de l’immeuble litigieux à titre de résidence principale. Si elle a produit, en effet, des attestations testimoniales visant à établir son état de santé déficient et des séjours consécutifs dans des établissements de soins ou médicaux à l’étranger, elle n’a fourni aucun témoignage, par exemple de voisins ou de connaissances lui ayant rendu visite, susceptible d’établir qu’elle a effectivement occupé l’immeuble à titre de résidence principale.

13Il suit de l’ensemble des considérations que la demanderesse est restée en défaut de prouver à suffisance qu’elle a occupé l’immeuble litigieux à titre de résidence principale durant les cinq années ayant précédé l’aliénation, de sorte que le moyen tenant à une violation de l’article 102 bis LIR, en ce que la quote-part de la plus-value dégagée par la réalisation de la maison litigieuse et revenant à la demanderesse devrait être exonérée en raison du fait qu’elle aurait résidé de manière habituelle à l’adresse en question, est à déclarer non fondé.

Il convient ensuite d’examiner le bien-fondé du moyen subsidiaire présenté par la demanderesse suivant lequel l’aliénation de l’immeuble litigieux s’expliquerait par des motifs d’ordre familial.

En effet, conformément à l’article 102 bis LIR, premier alinéa, dernière phrase, la condition tenant à la durée de la résidence ne doit pas être remplie, notamment lorsque l’habitation est réalisée pour des motifs d’ordre familial.

Le tribunal est amené à retenir que par motif d’ordre familial au sens de cette disposition, il y a lieu d’entendre des motifs tenant à un changement de la composition de la famille, soit vers un accroissement des membres de la famille ou vers une diminution ou encore tenant à une séparation, et nécessitant un changement de résidence. Tel est le cas, outre de l’hypothèse envisagée par les auteurs du projet de loi de la naissance d’un enfant3, celle d’un divorce.

Or, en l’espèce, le motif de l’aliénation avancé par la demanderesse ne tient pas à un changement de composition de la famille occupant la maison, mais à un litige d’ordre financier, certes entre membres d’une famille, qui ne se confond pas avec la qualification de motif d’ordre familial au sens de l’article 102 bis LIR.

Cette conclusion n’est pas énervée par la référence faite par la demanderesse aux travaux parlementaires, dans la mesure où la loi conditionne en principe l’exonération par le respect de la condition tenant à la durée de l’utilisation de l’immeuble en tant que résidence principale, sans que cette durée ne puisse être raccourcie en fonction de la bonne ou de la mauvaise foi du contribuable, les deux seules dérogations prévues par l’alinéa 1er de l’article 102 bis LIR à cette condition étant l’hypothèse où l’aliénation est motivée par des raisons d’ordre familial ou si elle est faite en vue d’un changement de résidence en rapport avec la profession du contribuable ou de son conjoint ou partenaire, l’appréciation de ces exceptions ne dépendant pas non plus de la bonne ou de la mauvaise foi de l’intéressé, respectivement de sa volonté d’abuser de l’exonération.

Il s’ensuit que le cas de l’espèce ne rentre pas non plus dans les prévisions de la dernière phrase de l’article 102 bis, alinéa 1er LIR, de sorte que le moyen afférent, invoqué à titre subsidiaire, est à rejeter.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours n’est fondé dans aucun de ses moyens de sorte que la demanderesse en est à débouter.

Par ces motifs, 3 Doc. parl. n° 2078, projet de loi, commentaire des articles page 18.

14le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare compétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre la décision du directeur du 21 mars 2016 ;

déclare ledit recours encore recevable ;

au fond le déclare non fondé et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation dirigé contre la décision du directeur du 21 mars 2016 ;

déclare irrecevables les recours principal en réformation et subsidiaire en annulation pour autant qu’ils sont dirigés contre le bulletin d’établissement et contre les bulletins subordonnés, ainsi qualifiés, et plus particulièrement contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2014 et du bulletin de calcul de la contribution dépendance ;

donne acte à la demanderesse qu’elle renonce à sa demande présentée dans le mémoire en réplique relativement à une problématique de la prise en compte de charges extraordinaires ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

Annick Braun, vice-président, Alexandra Castegnaro, premier juge, Emina Softic, attaché de justice, et lu à l’audience publique du 10 mai 2017 par le vice-président, en présence du greffier Michèle Hoffmann.

s. Michèle Hoffmann s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original …, le 11/5/2017 Le Greffier du Tribunal administratif 15


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 37870
Date de la décision : 10/05/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2017-05-10;37870 ?

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