Tribunal administratif N° 37572 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 février 2016 3e chambre Audience publique du 10 mai 2017 Recours formé par Madame … (Slovénie), contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile, en matière de police des étrangers
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 37572 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 février 2016 par Maître Alain LORANG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à SVN-… (Slovénie), de nationalité …, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 12 janvier 2016 portant rejet de la demande tendant à l’obtention d’une autorisation de séjour en vue d’une activité salariée introduite par Madame … en date du 23 novembre 2015;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 mai 2016 ;
Vu le mémoire en réplique déposé le 11 juillet 2016 au greffe du tribunal administratif par Maître Alain LORANG pour le compte de Madame … ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Angélique GUERREIRO, en remplacement de Maître Alain LORANG, et Madame le délégué du gouvernement Christiane MARTIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 26 avril 2017.
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Le 23 novembre 2015, Madame …, de nationalité …, fit introduire auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande tendant à l’obtention d’une autorisation de séjour en vue d’une activité salariée en produisant la copie d’un contrat de travail pour un poste «d’assistante de direction» auprès de la société à responsabilité limitée … s.à r.l., ci-après désignée par « la société … ».
Suite à un avis négatif de la commission consultative pour travailleurs salariés du 16 décembre 2015, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », refusa de faire droit à la demande susvisée de Madame … par décision du 12 janvier 2016, libellée comme suit :
« Je reviens à votre demande en obtention d'une autorisation de séjour temporaire en qualité de travailleur salarié conformément à l'article 42 de la loi modifiée du 29 août 2008 1sur la libre circulation des personnes et de l'immigration, qui m'est parvenue en date du 23/11/2015.
Il y a lieu de noter que l'octroi de l'autorisation de séjour est subordonné à la condition prévue par l'article 42 paragraphe (1) point 2 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et de l'immigration. L'autorisation de séjour ne peut être accordée que si l'exercice de l'activité visée sert les intérêts économiques du pays.
Alors que cette condition s'apprécie en fonction des besoins économiques du pays et plus précisément des besoins spécifiques du marché du travail, force est de constater que votre dossier ne renseigne pas davantage sur une future intégration durable dans le marché de l'emploi luxembourgeois et votre profil, plus précisément l'activité à main-d'œuvre peu qualifiée en tant qu’assistante de direction, ne ramène pas de savoir-faire apportant un avantage compétitif pour le secteur d'activité visé par l'employeur « … S.à r.l. », de sorte que la condition énoncée à l'article 42 paragraphe (1) point 2 de la loi précitée n'est pas remplie.
A titre subsidiaire, il n'est pas prouvé que vous remplissez les conditions afin de pouvoir bénéficier d'une autorisation de séjour dont les différentes catégories sont fixées à l'article 38 de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée.
Par conséquent, la commission consultative pour travailleurs salariés a, en date du 16/12/2015, émis un avis négatif quant à la délivrance d'une autorisation de séjour en qualité de travailleur salarié, avis auquel je me rallie.
Au vu de ce qui précède, l’autorisation de séjour en qualité de travailleur salarié vous est refusée sur base de l’article 101, paragraphe (1), point 1 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 février 2016, Madame … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle, précitée, du 12 janvier 2016.
Avant d’examiner la recevabilité et le bien-fondé du recours, il y a de prime abord lieu d’analyser la question de la recevabilité du mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 11 juillet 2016, telle qu’elle a été soulevée par le délégué du gouvernement à l’audience publique du 26 avril 2017.
Aux termes de l’article 5, paragraphe (5) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée « la loi du 21 juin 1999 », « le demandeur peut fournir une réplique dans le mois de la communication de la réponse », et aux termes de l’article 5, paragraphe (6) de la même loi « les délais prévus aux paragraphes 1 et 5 sont prévus à peine de forclusion. Ils ne sont pas susceptibles d’augmentation en raison de la distance. Ils sont suspendus entre le 16 juillet et le 15 septembre. (…) ».
L’article 4 paragraphe (3) de la loi du 21 juin 1999 dispose que : « Le dépôt de la requête vaut signification à l’Etat. Il en est de même pour le dépôt des mémoires subséquents. ».
2En l’espèce, le mémoire en réponse du délégué du gouvernement a été déposé au greffe du tribunal administratif en date du 23 mai 2016, de sorte que le délai d’un mois endéans lequel le mémoire en réplique devait être déposé au greffe du tribunal administratif a commencé à courir à compter de ce même jour et a expiré le 23 juin 2016.
Il s’ensuit que le mémoire en réplique déposé le 11 juillet 2016, soit plus d’un mois après le dépôt du mémoire en réponse de l’Etat, est à écarter pour cause de tardivité. La farde de pièces déposée en date du 11 juillet 2016, ensemble avec le mémoire en réplique, n’est cependant pas à écarter dans la mesure où le délai de forclusion prévisé n’est prévu que pour les mémoires et non pas pour les pièces, qui peuvent, au regard des dispositions de l’article 8, paragraphe (6), de la loi du 21 juin 1999, être déposées jusqu’avant le rapport à l’audience.
Etant donné que l’article 113 la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée « la loi du 29 août 2008 », par renvoi à l’article 109 de la même loi, prévoit un recours en annulation en la présente matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation, lequel est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours et en fait, la demanderesse fait plaider que la société … se serait adressée à l’Agence pour le développement de l’emploi, ci-après désigné par « l’ADEM », afin de recruter une personne de son choix avec un niveau d’études « BAC à BAC + 2 », disposant d’une expérience de 6 à 10 ans dans le marketing du domaine de l’immobilier et/ou de la construction et sachant parler l’anglais, le serbe, le slovène, ainsi que le français. Elle précise ensuite que faute de demandeurs d’emploi qualifiés, l’ADEM aurait émis en date du 11 novembre 2015, un certificat autorisant la société … de recruter la personne de son choix, remplissant le profil requis pour le poste déclaré.
Après avoir postulé pour le poste en question, elle aurait signé un contrat de travail à durée indéterminée avec la société … en date du 23 novembre 2015.
En droit, la demanderesse se prévaut dans un premier temps d’une violation de l’article 42, paragraphe (1) point 2 de la loi du 29 août 2008 en donnant à considérer qu’elle remplirait toutes les conditions y visées et en précisant que, contrairement à l’appréciation ministérielle, l’exercice de son activité servirait les intérêts économiques du pays. A cet égard, la demanderesse soutient que l’affirmation du ministre selon laquelle son dossier ne renseignerait pas sur une future intégration durable sur le marché de l’emploi serait sans rapport avec le critère relatif aux intérêts économiques du pays et elle ajoute qu’à l’appui de sa demande, elle aurait produit un contrat de travail à durée indéterminé, lequel établirait à suffisance une activité à long terme et partant une intégration durable au marché de l’emploi dans son chef.
Quant à la conclusion du ministre selon laquelle l’activité de main d’œuvre peu qualifiée ne ramènerait pas de savoir-faire apportant un avantage compétitif pour le secteur d’activité visé par la société …, la demanderesse donne à considérer que ladite société aurait recherché une personne présentant un profil précis avec des qualifications particulières, profil non disponible parmi les demandeurs d’emploi inscrits à l’ADEM, et non pas une personne peu qualifiée qui aurait d’ailleurs pu y être trouvée.
La demanderesse en conclut qu’elle servirait les intérêts économiques du pays et que partant la décision ministérielle sous analyse devrait encourir l’annulation.
3 Le délégué du gouvernement de son côté conclut au rejet du recours sous analyse en affirmant, d’une part, que la demanderesse ne disposerait pas des qualifications requises pour le poste litigieux - la partie étatique contestant plus particulièrement le fait que la demanderesse dispose d’une formation de type BAC reconnue au niveau de l’Union européenne, sache parler les quatre langues exigées et dispose de l’expérience professionnelle sollicitée - et, d’autre part, que l’activité visée par l’annonce de la société …, à savoir celle d’assistante de direction, ne servirait pas les intérêts économiques du pays.
Force est de constater que les contestations soulevées par les parties à l’instance, pertinentes pour la solution du présent litige, tournent d’une part, autour de la question de l’interprétation à donner à l’article 42 paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 et plus particulièrement de la condition relative au fait que l’exercice de l’activité visée doit servir les intérêts économiques du pays, et, d’autre part, autour de la question de savoir si la demanderesse remplissait les qualifications requises pour occuper le poste litigieux.
Aux termes de l’article 42 de la loi du 29 août 2008, « (1) L’autorisation de séjour et l’autorisation de travail dans les cas où elle est requise, sont accordées par le ministre au ressortissant de pays tiers pour exercer une activité salariée telle que définie à l’article 3, après avoir vérifié si, outre les conditions prévues à l’article 34, les conditions suivantes sont remplies:
1. il n’est pas porté préjudice à la priorité d’embauche dont bénéficient certains travailleurs en vertu de l’article L. 622-4, paragraphe (4) du Code du travail ;
2. l’exercice de l’activité visée sert les intérêts économiques du pays;
3. il dispose des qualifications professionnelles requises pour l’exercice de l’activité visée;
4. il est en possession d’un contrat de travail conclu pour un poste déclaré vacant auprès de l’Agence pour le développement de l’emploi dans les formes et conditions prévues par la législation afférente en vigueur. (…) ».
Il résulte de la disposition légale qui précède, que l’octroi, à un ressortissant d’un Etat tiers, d’une autorisation de séjour en vue de l’exercice d’une activité salariée est partant, en sus des conditions prévues par l’article 34 de la loi du 29 août 2008, soumis aux conditions cumulatives que, premièrement, il ne soit pas porté préjudice à la priorité d’embauche dont bénéficient certains travailleurs, deuxièmement, l’exercice de l’activité visée serve les intérêts économiques du pays, troisièmement, la personne concernée dispose des qualifications professionnelles requises pour l’exercice de l’activité visée et, quatrièmement, l’intéressé soit en possession d’un contrat de travail conclu pour un poste déclaré vacant auprès de l’ADEM dans les formes et conditions prévues par la législation afférente en vigueur, la deuxième et la troisième condition étant litigieuses en l’espèce.
En ce qui concerne la deuxième condition, à savoir que l’activité visée serve les intérêts économiques du pays, le tribunal est tout d’abord amené à relever que dans un arrêt du 28 juin 2016, inscrit sous le numéro 37493C du rôle, la Cour administrative a retenu qu’il conviendrait de donner à la condition posée au point 2 du paragraphe 1er de l’article 42 de la loi du 29 août 2008 un sens adéquat dans le contexte donné, en ayant égard à la fois à la ratio 4legis et au but que le législateur entendait atteindre en exprimant cette condition, pour conclure que les intérêts économiques du pays visés par la condition litigieuse ne sauraient être appréciés en termes d’utilité économique, c’est-à-dire de réponse à un besoin économique, avec comme conséquence qu’une activité répondant à un besoin économique exprimé par un acteur de l’économie luxembourgeoise serait, sous réserve, notamment, du respect de la législation en vigueur, de nature à servir les intérêts économiques du pays, mais qu’ils seraient à lire, eu donc égard à la ratio legis et au but de la législation mise en place, comme recouvrant également la nécessité d’un contrôle certain par le ministre compétent en matière d’immigration à l’entrée sur le territoire d’un ressortissant d’un pays tiers au biais d’une autorisation de travail, la Cour ayant ensuite vérifié, dans le cadre du recours en annulation ouvert en la présente matière, si le ministre avait, le cas échéant, dépassé sa marge d’appréciation.
Dans cette affaire, la Cour administrative a retenu, plus particulièrement par rapport à un restaurant, qu’eu égard au nombre important de salariés s’étant vu attribuer dans un passé récent une autorisation de séjour en vue d’un emploi salarié dans un contexte analogue de poste de cuisinier, tous provenant de pays tiers de la même région du continent asiatique, que le ministre a pu estimer que l’exercice de l’activité visée ne servirait pas les intérêts économiques du pays sans pour autant dépasser sa marge d’appréciation.
Le tribunal est encore amené à retenir que le critère tenant à ce que l’exercice de l’activité doit servir les intérêts économiques du pays, est à interpréter en ce sens qu’une activité salariée revêt un intérêt économique pour le pays lorsqu’il existe sur le marché du travail un besoin avéré de main-d’œuvre dans le secteur d'activité correspondant à la formation du demandeur d’un titre de séjour en qualité de travailleur salarié. Ce n’est, en effet, que s’il existe effectivement une pénurie de travailleurs dans un certain domaine de spécialité sur le marché de l’emploi que l’engagement d’un ressortissant de pays tiers répondant à ces qualifications est susceptible de servir les intérêts économiques du pays.
Il convient dès lors d’examiner, dans le cadre du recours en annulation dont est saisi le tribunal, la légalité du motif de refus avancé par le ministre, fondé sur le constat que la fonction que Madame … entend occuper ne servirait pas les intérêts économiques du pays, appréciés plus spécifiquement par rapport aux besoins spécifiques du marché du travail, tels que mis en avant par le ministre, celui-ci ayant retenu, par ailleurs, qu’une intégration durable dans le marché de l’emploi luxembourgeois ne se dégagerait pas du dossier et que le profil de Madame …, correspondant à une main-d’œuvre peu qualifiée, ne ramènerait pas un avantage compétitif pour le secteur d’activité de la société …, par rapport à l’article 42, paragraphe (1), point 2 précité, tel qu’interprété suivant la jurisprudence de la Cour administrative issue de l’arrêt précité du 28 juin 2016.
Il y a lieu de relever que dans le cadre d'un recours en annulation, le juge n'est pas, comme en matière de réformation, appelé à refaire l’acte en substituant son appréciation à celle de l’auteur de la décision administrative entreprise en ayant égard à des éléments d’opportunité autant que de légalité, son pouvoir se confinant à contrôler si, eu égard à la situation en fait et en droit ayant existé au moment où il a statué, l’auteur de la décision n’a pas commis une erreur en droit et, dans la mesure où il dispose d'un pouvoir discrétionnaire, il n’est pas sorti de sa marge d'appréciation.
La situation à prendre en compte est celle existant objectivement au moment où l’auteur de la décision administrative a statué. Le juge de l’annulation ne saurait prendre en 5considération ni des éléments de fait, ni des changements législatifs ou réglementaires s’étant produits postérieurement à la prise de la décision1.
Force est de constater qu’en l’espèce, l’autorisation de l’ADEM vise un poste d’assistant de direction, avec comme conditions d’être titulaire d’un diplôme de niveau BAC à BAC + 2, d’avoir une expérience de 6 à 10 ans dans le marketing du domaine immobilier et, en ce qui concerne les langues, l’exigence d’avoir un niveau excellent en anglais et en serbe, ainsi qu’un très bon niveau en slovène et en français.
Il y a encore lieu de relever qu’il résulte des pièces versées en cause, et plus particulièrement des extraits du registre de commerce et des sociétés figurant au dossier administratif, que la société … a comme objet social « l’activité d’agence immobilière, promotion immobilière et marchand de bien. Elle pourra également réaliser toutes les opérations se rapportant directement ou indirectement à son objet social. Dans le cadre de son activité, la société pourra accorder hypothèque, emprunter avec ou sans garantie ou se porter caution pour d’autres personnes morales ou physiques, sous réserve des dispositions légales afférentes. Elle pourra effectuer toutes opérations commerciales, financières, mobilières et immobilières se rapportant directement ou indirectement à l’objet ci-dessus et susceptibles d’en faciliter l’extension ou le développement ».
Si eu égard à un tel objet social, visant la promotion immobilière en général, les exigences posées par la société …, notamment en ce qui concerne la maîtrise des langues anglaise, serbe, slovène et française ne se conçoivent pas dans un premier temps, de sorte que c’est a priori à juste titre que la partie étatique a retenu que le poste en question pourrait être occupé par une main d’œuvre peu qualifiée, il échet cependant également de constater que le besoin d’engager une assistante de direction maîtrisant les langues en question et disposant d’un certain niveau d’études et d’une expérience solide dans le domaine immobilier, respectivement la construction, se justifie en l’espèce par la spécificité du domaine d’activité de ladite société. En effet, il résulte à cet égard des pièces versées en cause, et plus particulièrement d’un document intitulé « Certification » établi par le gérant technique de la société …, document dont le contenu n’a pas été contesté par la partie étatique, que la société en question travaille en étroite collaboration avec des sociétés venant de Slovénie et étant autorisées à effectuer des travaux au Grand-Duché de Luxembourg, sociétés employant principalement des ouvriers des pays Balkans parlant le serbe et le slovène. A l’appui de ses affirmations, le gérant technique a dressé une liste d’ouvriers présentant ces mêmes caractéristiques et avec lesquels la demanderesse serait amenée d’avoir un contact journalier.
Dans le même document, le gérant technique a, par ailleurs, souligné que la société … aurait l’intention d’importer des matériaux de construction et de finition en provenance de la Slovénie, tout en précisant que la demanderesse disposerait déjà des contacts nécessaires en Slovénie au niveau des fournisseurs.
Au vu des considérations qui précèdent, le tribunal est amené à retenir que contrairement aux conclusions de la partie étatique, la demanderesse, eu égard au secteur d’activité spécifique de la société …, à savoir la promotion immobilière au Grand-Duché, en étroite collaboration avec des sociétés slovènes, et la pénurie de travailleurs remplissant les qualifications requises, est a priori susceptible de ramener un savoir-faire apportant un avantage compétitif dans le secteur d’activité de la société en question, de sorte qu’au vu des 1 Cf. Cour adm. 11 février 2014, n° 33597C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.
6circonstances particulières de l’espèce, c’est à tort que le ministre a retenu que la fonction que Madame … entend occuper n’est pas susceptible de servir aux intérêts économiques du pays.
Toutefois, afin de ramener un tel savoir-faire, encore faut-il que la demanderesse corresponde au profil sollicité, la partie étatique contestant en effet que Madame … remplisse la troisième condition visée à l’article 42 de la loi du 29 août 2008 précité, à savoir qu’elle dispose des qualifications requises pour le poste litigieux. Le délégué du gouvernement met plus particulièrement en doute que la demanderesse dispose d’un niveau d’études BAC, respectivement BAC+2, qu’elle maîtrise les quatre langues exigées et plus particulièrement l’anglais et le français et qu’elle dispose de l’expérience professionnelle requise.
A cet égard, il y a lieu de rappeler que le régime administratif de la preuve fait en premier lieu peser le fardeau de la preuve sur le demandeur, lequel doit effectivement combattre et démentir le contenu et la légalité de l’acte administratif critiqué.
En l’espèce, il y a lieu de relever, en ce qui concerne plus particulièrement le niveau d’études de Madame …, que celle-ci verse une traduction d’un diplôme intitulé « Diplôme d’acquisition de la formation secondaire » portant la date du 16 juin 2004 et sanctionnant quatre années d’études secondaires. S’il ressort dès lors certes des pièces versées en cause que la demanderesse a effectué avec succès quatre années d’études secondaires, et a, à la fin de ces mêmes années d’études, passé un examen intitulé « examen de maturité dans la période du mois de juin de l’année scolaire 2003/2004 », force est cependant au tribunal de constater, à l’instar des conclusions de la partie étatique, qu’il ne ressort pas de ces mêmes pièces que l’examen en question correspond à un examen de fin d’études secondaires et que partant le diplôme y relatif sanctionne des études de type BAC reconnues au niveau de l’Union européenne. Dans la mesure où la demanderesse reste en défaut de produire une quelconque pièce susceptible de laisser conclure à une telle équivalence de diplôme, il n’est pas établi à l’exclusion de tout doute qu’elle dispose de la formation requise en vue de pouvoir occuper l’emploi litigieux.
Force est ensuite au tribunal de constater qu’en ce qui concerne l’expérience professionnelle dont se prévaut la demanderesse, et compte tenu des contestations formulées à cet égard par la partie étatique, que si Madame … verse certes la traduction d’un contrat de travail duquel il résulte qu’elle a été engagée pour une durée déterminée, à savoir à partir du 11 mai 2009 jusqu’au 17 février 2013, en tant que « directrice » par une société dénommée « … », ainsi qu’une traduction d’un deuxième contrat de travail certifiant qu’elle a été engagée, également pour une durée déterminée, à savoir du 4 janvier 2015 au 3 janvier 2016, en tant que « responsable marketing » par une société dénommée « … », ces contrats restent toutefois muets sur le domaine d’activité des sociétés en question. De même, le curriculum vitae de Madame …, tel que soumis à l’appréciation du tribunal, s’il contient certes des renseignements quant aux fonctions que la demanderesse a exercé au sein de ces mêmes sociétés, ne donne aucun renseignement sur le domaine d’activité de ces sociétés, de sorte qu’il n’est pas établi en l’espèce que la demanderesse dispose effectivement d’une expérience dans le marketing du domaine de l’immobilier et/ou de la construction, telle que sollicitée par la société ….
Au vu des conclusions qui précèdent, il y a lieu de retenir que Madame … est restée ne défaut de démontrer qu’elle dispose « des qualifications professionnelles requises pour l’exercice de l’activité visée » et qu’elle remplit l’ensemble des conditions visées à l’article 42 de la loi du 29 août 2008 précité, de sorte que c’est à bon droit que le ministre a refusé de 7faire droit à sa demande en obtention d’une autorisation de séjour en vue d’une activité salariée et que partant le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
écarte des débats le mémoire en réplique tardivement fourni ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 12 janvier 2016 portant rejet de la demande tendant à l’obtention d’une autorisation de séjour en vue d’une activité salariée de Madame … ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 mai 2017 par :
Thessy Kuborn, vice-président, Paul Nourissier, premier juge, Géraldine Anelli, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 12 mai 2017 Le greffier du tribunal administratif 8